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Produire et mettre en marché des produits animaux issus de l’agriculture biologique : un moteur pour la transition vers l’agroécologie ?

Si l’interdiction des intrants de synthèse est au cœur du cahier des charges de l’agriculture biologique, ce dernier, plus large, vise à porter la reconception de systèmes agricoles et à soutenir leur transition agroécologique. Mais dans des environnements sociotechniques assez verrouillés et des marchés concurrentiels où la standardisation des produits est la norme, cette visée peut être interrogée.

Introduction

Que ce soit dans la sphère politique ou scientifique et technique, l’agriculture biologique (AB) est généralement vue comme une forme intéressante d’agroécologie à l’échelle des systèmes de production. Ainsi, en France, dans la suite du lancement du « projet agroécologique pour la France », la Loi d'avenir de 2014 mentionnait que les politiques publiques devaient promouvoir et pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode de production biologique. Dans le même temps, du côté de la recherche, les similitudes et différences entre les principes de l’AB et ceux de la transition agroécologique (TAE) ont fait l’objet de nombreux travaux pour mieux les expliciter (Mena et al., 2012 ; Migliorini & Wezel, 2017 ; par exemple). Pourtant, Darnhofer et al. (2010) montrent une conventionnalisation de l’AB où les principes et valeurs de départ s’affaiblissent, processus renforcé par le développement, jusqu’en 2021, de la consommation de produits issus de l’AB (Chatellier, 2024 ; dans ce numéro). L’objectif de cette synthèse est donc d’interroger comment la production en AB et surtout la mise en marché des produits qui en sont issus peuvent être un vecteur pour la transition agroécologique des systèmes d’élevage et des systèmes alimentaires associés.

L’agroécologie reste une notion qui recouvre plusieurs acceptions (Wezel et al., 2009 ; Gliessman, 2018). Plusieurs travaux [Altieri (1989), Wezel et al. (2009), Gliessman (2014), ou Barrios et al. (2020)] conduisent ainsi à la définir comme « une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes » (Délégation Française auprès de l’ONU, 2021). L’ensemble de ces travaux s’appuie sur l’analyse, la conception et l’évaluation de pratiques mais aussi de systèmes de production, dits agroécologiques, fondés sur la gestion des interactions entre les différentes dimensions des agroécosystèmes (Altieri, 2002), à l’image du fonctionnement écologique des écosystèmes (Altieri et al., 2015). Au cœur de ces approches, la définition de principes vise à outiller ces interactions pour les piloter (p. ex. Altieri, 2000 ; Altieri, 2013). Pour l’élevage, Dumont et al. (2013), ont proposé cinq principes que sont i) une gestion intégrée pour améliorer la santé des animaux, ii) l’adaptation des pratiques pour réduire les pollutions, iii) la préservation de la biodiversité et l’assurance des services écosystémiques associés, iv) l’utilisation des ressources naturelles pour diminuer les intrants, et v) la gestion de la diversité pour renforcer la résilience des systèmes.

En parallèle, le sens de la notion d’agroécologie évolue pour embrasser l’analyse du fonctionnement des systèmes alimentaires en le fondant également sur l’usage de principes écologiques (Wezel et al., 2009 ; Gliessman, 2016). Ainsi, Gliessman (2014), propose trois niveaux de changement vers l’agroécologie, que les agriculteurs peuvent adopter pour sortir du système intensif et industriel. Il y ajoute, en 2016, deux niveaux supplémentaires qui s’adressent plutôt à l’échelle du système alimentaire, en suggérant de « rétablir un lien plus direct entre ceux qui cultivent nos aliments et ceux qui les consomment » et de « construire un nouveau système alimentaire mondial, basé sur l'équité, la participation, la démocratie et la justice, qui n'est pas seulement durable, mais aide à restaurer et à protéger les systèmes de survie sur Terre dont nous dépendons tous » (Gliessman, 2016). Le Velly et al. (2023) précisent que ceci ne peut se faire qu’avec une réflexion sur les organisations de marché qui pèsent actuellement sur la capacité des acteurs à entrer réellement dans la transition agroécologique.

Si la notion d’agroécologie reste, nous l’avons vu, l’objet de plusieurs déclinaisons, l’AB, pour sa part, est organisée autour d’un cahier des charges (règlement européen 2018/848, applicable dans l’ensemble des États membres de l’UE), associé à une certification par un tiers. Y sont définies les caractéristiques des processus de production, et ce sont eux qui participent à la TAE des élevages (cf. partie 1 de cet article). Toutefois, les caractéristiques intrinsèques (organoleptiques, nutritionnelles…) des produits qui en sont issus et qui sont certifiés, n’y sont pas définies, ce qui associe l’AB à une obligation de moyens et non de résultats (Anzalone, 2012). Quelques rares travaux visent à évaluer la qualité des produits alimentaires issus de l’AB (Prache et al., 2024 ; dans ce numéro). La variabilité de leur qualité y est soulignée. Pour Bertrand et al. (2018), ce seraient davantage les pratiques de transformation ainsi que les pratiques culinaires des consommateurs qui amélioreraient de manière significative la qualité nutritionnelle des régimes alimentaires.

Cette « déstandardisation » des produits AB, liée au processus de production sans intrants chimiques, constitue un aspect essentiel pour leur mise en marché, puisqu’elle complexifie les processus de transformation, d’une part, et d’assortiment, d’autre part. Les opérateurs d’aval doivent en effet composer avec cette variabilité, y associant un coût d’autant plus important que les volumes à traiter sont faibles. La valorisation des produits AB sur les marchés dominants s’en trouve pénalisée (cf. partie 2). De plus, il arrive qu’une partie, parfois importante, de ces produits passe dans les circuits conventionnels, soit parce que le débouché n’existe pas [cas des broutards, par exemple (Veysset & Delaby, 2018)], soit parce que le marché dominant ne permet pas de gérer la variabilité des produits et l’irrégularité de leur approvisionnement. Les circuits plus courts peuvent alors offrir une alternative, la proximité favorisant la confiance, nécessaire à la mise en marché de produits moins standards (Chiffoleau, 2008 ; Chevallier et al., 2014). Pour interroger quelles sont les conditions, et en particulier celles liées à la mise en marché des produits, qui permettent à l’AB de renforcer son rôle dans la TAE des élevages, et ce, dans les conditions actuelles des marchés, assez ouverts (Nozières-Petit et al., 2018), deux situations sont ici analysées : celle du lait de brebis dans le sud du Massif central (partie 3) et celle des viandes bovines et ovines dans quatre départements du Massif des Pyrénées (partie 4).

1. Un cahier des charges qui favorise la transition agroécologique des élevages de ruminants

Le cœur du cahier des charges de l’AB demeure l’impossibilité d’utiliser des intrants de synthèse, herbicides, pesticides, engrais chimiques, et, pour les petits ruminants, les hormones de synthèse pour la synchronisation des chaleurs (voir encadré 1 pour une brève histoire de l’AB). L’emploi des antibiotiques, interdits en préventif, reste possible « lorsque le recours à des produits phytothérapeutiques, homéopathiques ou autres est inapproprié » dans le traitement de maladies et ce, dans des conditions strictes : moins de trois traitements dans une période de 12 mois ou pas plus d’un traitement si le cycle productif de l’animal est inférieur à un an. Plusieurs auteurs montrent le bénéfice des pratiques adoptées en AB sur la fertilité du sol, et plus globalement sur l’environnement (biodiversité, paysages…) ou encore sur le bien-être animal (Langmeier et al., 2002 ; Letourneau & Bothwell, 2008 ; Müller-Lindenlauf et al., 2010 ; Wagner et al., 2021 ; Lori et al., 2017 ; par exemple,). Cependant, tous notent que ces effets sont plus ou moins bénéfiques selon les situations et tous mentionnent des pistes d’amélioration de la réglementation.

Encadré 1. Brève histoire de l’agriculture biologique et de son cadre réglementaire.

C’est au début du XXe siècle que les pères de l’agrobiologie (Steiner, Müller, Howard, Rusch ou Fukuoka) s’interrogent sur l’idée d’un progrès systématique lié à l’adoption de nouvelles techniques (Besson, 2009). Tous remettent en cause la nécessité d’une fertilisation chimique, et proposent d’autres approches, en particulier l’observation de la nature et la mise en valeur des savoir-faire paysans. Leur pensée, technique autant que philosophique, pose le fondement de l’agriculture biologique.

En France, cette dernière s’organise dans les années 1950, avec en particulier la création du GABO (Groupes des agriculteurs biologiques de l’ouest), suivie par celle de Nature et Progrès en 1964. Cette association défend tout à la fois un certain nombre de techniques, une agriculture paysanne et un système social anticapitaliste (Leroux, 2015). Le premier volet est encadré en 1972 par un premier cahier des charges des techniques, associé très vite à une volonté de certification par des tiers pour donner plus de légitimité aux processus de production et de contrôle, mais aussi au développement de tout un appareil de conseil technique. Les lois d’orientation agricole de 1980 et 1988 reconnaissent officiellement l’existence d’une agriculture sans intrants chimiques dite « agriculture biologique ». Quant à la Communauté économique européenne, elle donne un cadre réglementaire à la production biologique et à l’étiquetage de ses produits en 1991.

En constante évolution depuis sa création, le cahier des charges (ou Règlement européen) vise à encadrer une agriculture liée au sol, sans intrants de synthèse, respectant l’environnement et la santé humaine, animale et végétale. La version de 2009 du Règlement européen a assoupli certains des principes de l’AB [p. ex. Lacocquerie & Nézet (2009)]. Ceci a conduit au développement d’un florilège de marques associées à des chartes ou des cahiers des charges [p. ex. Janssen & Hamm (2014)], destinées à promouvoir des pratiques plus exigeantes (Anzalone, 2012). Le nouveau règlement européen 2018/848, entré en vigueur au 1er janvier 2022, vise, entre autres, à harmoniser les pratiques entre États Membres et à affermir les principes de la bio.

Les évaluations environnementales montrent que globalement les systèmes d’élevage en AB ont un certain potentiel d’atténuation des émissions polluantes de l’agriculture, notamment des nitrates et des gaz à effet de serre (GES). Ce potentiel est lié à cette caractéristique majeure de ces systèmes – la non-utilisation de fertilisants de synthèse – à laquelle vient s’ajouter un second aspect, le stockage de carbone dans les sols, lié à la gestion des cultures (Scialabba & Müller-Lindenlauf, 2010). L’empreinte carbone des productions bovines (lait ou viande) dépend cependant de la productivité animale et de la part de prairies dans la surface agricole utilisée. Du fait de la plus faible production de lait par vache ou de viande par unité gros bétail (UGB), l’empreinte carbone du lait AB (Pirlo & Lolli, 2019) ou de la viande AB, bovine et ovine (Benoit et al., 2023 ; Veysset et al., 2014), est égale ou légèrement supérieure à celle des produits conventionnels. Le calcul par hectare de surface agricole utilisée est en revanche favorable aux systèmes en AB. La non-utilisation d’intrants de synthèse entraîne une moindre consommation d’énergie fossile indirecte sur les exploitations d’élevage AB et la consommation d’énergie fossile totale par hectare de surface agricole y est donc moindre (Veysset et al., 2014 ; Civam, 2022).

Par ailleurs, la non-utilisation de fertilisants de synthèse oblige les exploitations en AB à boucler les cycles de nutriments et à rechercher l’autonomie en ressources végétales pour nourrir les animaux (Bell et al., 2018 ; Perrin et al., 2020 ; Faux et al., 2022a ; Veysset et al., 2023), et ce d’autant que les prix d’achat des aliments (Escribano, 2018) et des fertilisants organiques sont relativement élevés (par rapport aux mêmes types d’intrants en conventionnel). Grâce à cette autonomie, les systèmes de polyculture-élevage d’herbivores en AB affichent une très bonne efficience technique et économique avec un ratio production/consommations intermédiaires (biens et services achetés à un tiers) supérieur aux systèmes conventionnels, que ce soit en systèmes bovins laitiers (Civam, 2022) ou bovins allaitants (Veysset et al., 2014). Ceci est à l’origine de performances économiques meilleures ou équivalentes, du moins jusqu’en 2021 [revenu par travailleur, p. ex. Woiltock et al. (2023)] et de meilleures performances environnementales, notamment le bilan azoté (Flaten et al., 2019).

Si le passage à l’AB induit ainsi une réflexion sur les alternatives existantes à ces intrants de synthèse, il invite également à la reconception du système de culture pour allonger les rotations en introduisant des légumineuses ou pour amender les cultures avec des effluents d’élevage [FNAB, 2019 cité par Jacquet & Jouan (2022)]. Réintroduire un atelier d’élevage dans une exploitation dédiée aux productions végétales devient alors pertinent. Ceci participe à trois des cinq principes de l’agroécologie appliquée aux systèmes d’élevage tels que définis par Dumont et al. (2013) : « développer des pratiques intégrées de gestion pour améliorer la santé animale », « réduire les intrants nécessaires à la production » et « diminuer les pollutions en optimisant le fonctionnement métabolique du système ».

Plus globalement, le cahier des charges de l’AB cadre les modes de production dans une pluralité de dimensions qui, combinées, favorisent la reconception de l’ensemble du système de production, en cohérence avec les principes de l’agroécologie. Ainsi, à titre d’exemple, il préconise que : « lorsqu’ils choisissent les races ou les souches, les opérateurs privilégient les races ou souches présentant une grande diversité génétique et tiennent compte de la capacité des animaux à s’adapter aux conditions locales, de leur valeur génétique, de leur longévité, de leur vitalité et de leur résistance aux maladies ou aux problèmes de santé, sans que leur bien-être s’en trouve compromis », ce qui contribue à « améliorer la diversité au sein des systèmes de production animale pour renforcer leur résilience » (Dumont et al., 2013). D’autres dimensions de ce cahier des charges sont notables, telles que la contribution à des normes élevées en matière de bien-être animal, et la participation au développement de circuits courts.

Néanmoins, l’absence de valeurs cibles pour certaines pratiques autorise une grande diversité de façons de faire dans l’application de ce règlement. Anzalone (2012) souligne donc l’intérêt de cette réglementation dans l’obligation de moyens qu’elle assure, mais aussi sa fragilité vis-à-vis des performances attendues. Ceci interroge cet outil dans sa capacité à être un véritable support de la TAE des systèmes d’élevage.

2. Mettre en marché des produits AB interroge le fonctionnement des systèmes d’élevage : le cas de la viande bovine.

En 2021, alors que le marché de l’alimentation biologique des ménages marquait le pas pour la première fois (–1,3 % en valeur après des croissances annuelles supérieures à 10 % les années précédentes), la production de viande bovine AB continuait sa progression (Interbev, 2023 ; figure 1). Cette dynamique positive est associée au doublement du nombre de vaches (allaitantes et laitières) certifiées AB entre 2014 et 2021, avec une croissance de 5,5 % entre 2020 et 2021. En revanche, l’année 2022 voit un recul de 6 % des volumes annuels d’abattage (par rapport à 2021) avec une part croissante de matière ne trouvant pas de débouché sur le marché des produits biologiques, et ce, malgré les efforts de la filière (Interbev, 2023). Si la consommation de viande bovine bio a été tirée par les achats en grandes et moyennes surfaces (GMS) jusqu’en 2021 (figure 2), ces derniers régressent fortement entre 2021 et 2022 (–21 %). En revanche, ils continuent ou maintiennent leur progression dans les autres circuits de distribution, principalement la vente directe (+1 % entre 2021 et 2022) et la restauration hors domicile (RHD) (+24 % entre ces deux mêmes années) (Interbev, 2023).

Figure 1. Volumes annuels d’abattage de viande bovine bio en France de 2014 à 2021, en tonnes équivalent-carcasse (Source des données : Interbev, 2023 ; mises en forme par les auteurs).

Figure 2. Volumes commercialisés et circuits de distribution de la viande bovine bio en France de 2014 à 2021, en tonnes équivalent-carcasse (Source des données : Agence Bio, 2022 ; mises en forme par les auteurs).

Entre 2020 et 2021, la commercialisation de veaux en vente directe augmente fortement, de 471 tonnes équivalent-carcasse (tec) à 1 024 tec, soit +553 tec (+117 %) alors que le volume total de veaux AB commercialisés n’a augmenté que de 225 tec (+7 %).

Ce développement de la vente directe de veaux AB, et plus généralement de la viande bovine AB, peut être une réponse à deux verrous majeurs à la commercialisation : la valorisation des mâles issus des troupeaux bovins certifiés AB, et la commercialisation d’animaux ne répondant pas au standard de poids et de conformation carcasse des filières longues. En effet, en France, l’abattage et la consommation de viande bovine AB (tout comme la viande bovine conventionnelle) concerne essentiellement les femelles (vaches de réformes laitières et allaitantes et génisses allaitantes). En 2019, les vaches représentaient 56,7 % du nombre de gros bovins abattus, les génisses 18,6 %, les bœufs 16,7 % et les taurillons/taureaux 8,0 %, ce qui représente un total de 75 % pour les femelles (Interbev bio, 2020).

La valorisation des mâles est un verrou connu de longue date pour la profitabilité des élevages bovins allaitants et leur développement principalement en zone herbagère (Veysset et al., 2009). L’engraissement des mâles de races allaitantes lourdes et tardives françaises nécessite, soit des rations très énergétiques (maïs ensilage et/ou céréales et complément protéique) pour des mâles jeunes (moins de 18 mois), soit une immobilisation risquée (trésorerie, sanitaire) pour produire des mâles âgés d’au moins trois ans engraissés à l’herbe. Or, produire des mâles jeunes en AB se heurte aux limites du cahier des charges (part d’aliments concentrés dans la ration des animaux, durée de vie en bâtiment) et au prix des aliments concentrés bio. Ces derniers sont environ deux fois plus chers que les aliments conventionnels alors que la plus-value AB sur le kilogramme de carcasse payé au producteur est de 10 à 25 % selon la catégorie d’animaux – cette plus-value n’étant plus que de 3 % en 2022 (FranceAgriMer, 2023). Une filière de production de jeunes mâles AB, le « Baron Bio » a tenté de se mettre en place (Belliot et al., 2012), mais la réalité économique pour les producteurs ne lui a pas permis de se développer. Il en résulte que près de 60 % des mâles nés du troupeau allaitant AB et plus de 80 % des mâles nés du troupeau laitier AB quittent la filière AB pour être vendus à des engraisseurs conventionnels en France ou à l’exportation (Idele, 2020).

Un certain nombre d’initiatives privées ou collectives se mettent en place pour valoriser ces mâles avec l’objectif de produire de jeunes animaux, pour ne pas avoir à capitaliser sur des animaux âgés et très lourds, difficiles à valoriser sur un marché, porté par le steak haché et la GMS, qui cherche des carcasses de poids standard. La production de veaux de moins de huit mois, issus du troupeau allaitant AB, se développe surtout en vente directe (en 2021, 29 % des veaux AB ont été vendus en vente directe contre 8 % des gros bovins). La vente directe permet de bien valoriser certains animaux pouvant dépasser les huit mois et n’étant plus considérés comme veaux par la filière longue, avec des poids de carcasse très hétérogènes (de 75 à 280 kg) selon les modes de production et une couleur rosée marquée, alors que la filière s’approvisionne en veaux âgés de quatre à six mois, de 140-170 kg de carcasse, de couleur rosé clair (Unebio, 2022).

En outre, le croisement entre races allaitantes se développe plutôt mieux dans les élevages biologiques. Ainsi, en 2018, en AB, 21,6 % des mères de type viande ont été fécondées par un mâle de type viande d’une autre race contre seulement 13,5 % en conventionnel (Idele, 2020). Ces croisements se font principalement avec des mâles de races herbagères anglo-saxonnes (type Angus) et ont pour but d’apporter de la précocité pour un engraissement d’animaux jeunes, à l’herbe, avec moins de concentré (Prache et al., 2023). Mais le différentiel élevé, pour l’éleveur, entre le prix d’achat de l’aliment concentré et le prix de vente du kilogramme de carcasse fait que beaucoup d’animaux conduits en AB, sont nourris principalement (voire uniquement) à base de fourrages. De ce fait, ils sont plus souvent jugés mal conformés et pas suffisamment gras par les abatteurs (en 2018, 10 % des bovins bio abattus ont été classés « P » sur la grille EUROP et « 1 » en état d’engraissement sur une grille allant de 1 à 5 contre 4 % des bovins conventionnels abattus). Ce déclassement des carcasses ainsi que l’hétérogénéité des poids et des conformations entraînent une moindre valorisation économique des animaux dans la filière longue et une incitation à la vente directe (Benoit et al., 2023), les clients étant généralement satisfaits de la qualité de cette viande. En 2018, 11,5 % des gros bovins allaitants AB abattus ont été valorisés en vente directe contre à peine 3 % pour les gros bovins conventionnels (Idele, 2019 ; Agence Bio, 2022).

Face à ces incertitudes et contraintes de marché, les éleveurs ont eu globalement tendance à jouer la carte de l’agrandissement de leurs surfaces et cheptels pour maintenir, voire améliorer la profitabilité de leur élevage. Mais cette tendance s’est accompagnée d’une augmentation des besoins et des frais de mécanisation. De plus, le chargement animal par hectare de surface fourragère restant stable, les éleveurs achètent plus de fourrages et d’aliments pour pallier les sécheresses. La conséquence de ces stratégies est que, comme pour les systèmes d’élevage conventionnels, l’efficience technique, la productivité globale des facteurs et la profitabilité de ces élevages ont baissé sur les cinq dernières années (Veysset et al., 2023). Le poids de l’AB comme support de la TAE des élevages dépend donc aussi de l’organisation de la filière et du marché associé. Les deux parties suivantes interrogent cette interaction entre organisation de filière et fonctionnement des systèmes d’élevage dans deux situations différentes.

3. L’AB, complément ou concurrent d’une identification géographique pour favoriser la transition agroécologique en élevage ? Le cas des Causses du Sud

La première situation est celle de la production et de la mise en marché de lait de brebis sur le territoire des Causses du Sud, dans le sud de la France. Historiquement lieu de la production de l’AOP Roquefort, ce territoire a vu plus récemment se développer la collecte et la transformation de lait biologique destiné, entre autres, à d’autres formes de valorisation, et en particulier des produits ultrafrais. L’analyse de cette situation est construite à partir des nombreux travaux existants sur ce territoire, tant sur le fonctionnement de la filière et son histoire (p. ex. Rieutort, 1995 ; Frayssignes, 2001 ; Peris, 2019) que sur l’évolution des systèmes d’élevage (p. ex. Quetier et al., 2005 ; Thénard et al., 2013 ; Latrille, 2018 ; Magne et al., 2019 ; Étudiants M2 Systel, 2020 ; Perrin & Martin, 2021 ; Vidal et al., 2022).

3.1. Les Causses, un territoire fortement structuré par une AOP emblématique

Très ancienne production fromagère, à la renommée multiséculaire, le Roquefort est emblématique des produits de qualité. Organisée depuis la loi de 1925 qui établit l’AOC Roquefort, la filière bénéficie d’une structuration collective depuis 1930 et la création de la Confédération Générale des producteurs de lait de brebis et des industriels de Roquefort. Véritable interprofession, cette dernière est chargée de défendre les intérêts communs des producteurs et industriels (le label « Brebis Rouge ») (Rieutort, 1995). Jusqu’en 2015, elle assurait le calcul du prix du lait. Cette organisation est, sur l’ensemble du XXe siècle, le pivot d’un fonctionnement complexe, associant règles formelles (cf. infra) et informelles et assurant un ancrage territorial fort porté par les acteurs eux-mêmes. Ainsi, la surproduction du lait dès les années 1970 nécessite très tôt des mesures adéquates. Après avoir restreint l’aire de production, la Confédération Générale met en place au début des années 1980 : i) la diversification des produits (en particulier avec la production de fromage à salade) ; ii) la mise en place des volumes individuels de référence ; et iii) la répartition du lait en trois classes payées différemment. Puis, une incitation à l’étalement de la production s’ajoute à ces mesures avec, dans les années 1990, la mise en place d’une prime à l’étalement (Quetier et al., 2005), et dans les années 2000, l’agrandissement et le décalage des périodes de collecte des laiteries. La production de lait dans le cadre de l'interprofession, représente ainsi 170 millions de litres en 2022-2023, soit près de 60 % de la collecte nationale de lait de brebis (Idele, 2023). En interaction avec cette dynamique d’aval et tout au long du XXe siècle, le processus d’intensification et de spécialisation des exploitations, entamé très précocement et soutenu par un puissant système sociotechnique (Flamant & Labouesse, 1989 ; Lagriffoul et al., 2016) se poursuit. Il va de pair avec l’agrandissement des exploitations et la diminution constante de leur nombre.

Ces processus s’opèrent dans les limites du cahier des charges de l’AOP Roquefort (Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, 2017) dont quatre mesures cadrent explicitement l’accès à des ressources du territoire : i) « le lait utilisé provient de troupeaux laitiers composés de brebis appartenant à la race lacaune », race locale ; ii) « les brebis sont élevées traditionnellement avec une alimentation à base d'herbe, de fourrages et de céréales provenant au moins aux trois quarts, évalué en matière sèche et par an, de l'aire géographique de production » ; iii) « les achats extérieurs à l'exploitation, […] de fourrages, céréales et aliments complémentaires, destinés au [troupeau de reproductrices] ne dépassent pas en moyenne, par troupeau et par an, 200 kg de matière sèche par brebis laitière présente sur l'exploitation » ; iv) « en période de disponibilité d'herbe, dès que les conditions climatiques le permettent, le pâturage est obligatoire et quotidien. Un quart au moins de la surface fourragère principale (SFP) est alloué au pâturage du troupeau laitier et est accessible par celui-ci ». Ces aspects sont essentiels pour la qualité – en particulier la typicité – du lait produit (et donc du fromage) (Rubino et al., 1999), et assurent un ancrage au territoire (Frayssignes, 2001).

Quetier et al. (2005) montrent, de plus, que l'introduction des volumes individuels de référence et la réforme de la PAC de 1992 ont conduit à un renforcement de la place du pâturage dans les stratégies d'alimentation de certaines exploitations, afin de réduire les coûts de production et de saisir l'opportunité offerte par les premières mesures agro-environnementales liées à l'utilisation des terres pour le pâturage. Pour ces élevages, l'augmentation de la part du pâturage dans la ration alimentaire s'accompagne d'un raccourcissement de la période de lactation afin qu’elle coïncide le plus possible avec la période de croissance de l'herbe. Thénard et al. (2013) précisent que les prairies semi-naturelles ou parcours sont plus facilement mobilisés en fin de lactation ou comme « surface tampon » dans les périodes pluvieuses pour maintenir un accès au pâturage. Cet usage se fait donc en combinaison avec d’autres surfaces de prairies semées, et c’est bien cette diversité de types de surface dans l’alimentation des animaux qui constitue un atout. Ces auteurs considèrent que tout ceci représente des premiers pas dans la TAE.

3.2. Le développement de la collecte de lait biologique

En parallèle, depuis les années 1990, le territoire fait l’objet d’un développement d’autres laiteries qui ne transforment pas le lait en Roquefort AOP et ne siègent pas à la Confédération Générale. Elles participent à l’élargissement de la gamme de produits à base de lait de brebis émanant du territoire, avec la production d’autres types de fromages, frais et affinés et la fabrication de produits ultrafrais, pour lesquels la part en AB ne cesse de croître (Idele, 2023). Ces productions, en particulier d’ultrafrais, viennent répondre aux besoins de consommateurs sensibles à une alimentation santé – cherchant des alternatives aux protéines de lait de vache réputées allergènes ou des produits ne présentant aucun résidu d’intrants – et aux questions environnementales (pollution par les intrants de synthèse). Les laiteries hors interprofession n'ont cessé de se développer, collectant un volume de lait toujours plus important, pour un nombre croissant de producteurs. Mais leur taille, plus petite que celle des industriels de Roquefort, parfois associée à un statut coopératif – deux aspects les rendant plus « accessibles » – et leur stratégie résolument tournée vers la production biologique, sont des facteurs qui séduisent un certain nombre de producteurs (Vidal et al., 2022). Ce développement d’une collecte en dehors de l’interprofession, passant en partie par une sortie des producteurs de ce système, a été renforcé par la mise en place du « Paquet Lait » en 2015.

Le développement de l’AB sur ce territoire laitier du sud de la France s’est aussi appuyé sur le « système Roquefort ». Pionnière, la société Papillon a commencé à collecter et à transformer du lait issu de l’AB dès le milieu des années 1970. La Société des Caves (groupe Lactalis) a emboîté le pas en 1995, dans un premier temps pour produire du Roquefort AOP AB puis, plus récemment (depuis 2014-2015), pour introduire des produits AB dans sa gamme de produits (fromages et lait liquide). Ainsi, pour tous ces opérateurs, membres ou non de la Confédération Générale de Roquefort, la collecte de lait AB s'est progressivement développée (Peris, 2019), marquée par la mise en place et l'extension de tournées de collecte, offrant à un nombre croissant d'agriculteurs la possibilité de vendre leur lait en AB, à un prix plus élevé. À titre de repère, la collecte nationale de lait biologique de brebis représente 35 millions de litres de lait et 12 % de la collecte nationale en 2022-2023, alors qu’elle ne représentait que 16 millions de litres et 5 % en 2015-2016 (Idele, 2023). Sur la zone du Rayon de Roquefort, cette dynamique semble marquer le pas en 2023.

3.3. Quelles transformations des systèmes d’élevage en AB ?

a. Des transformations qui vont dans le sens de la transition agroécologique

Les diagnostics agraires de Latrille (2018) et des Étudiants M2 Systel (2020), menés l’un sur les Causses du Sud et l’autre sur le Causse de Sauveterre s’accordent à dire que les troupeaux conduits en AB dans ces territoires sont de plus petite taille que les troupeaux conduits en conventionnel : environ 150 à 170 brebis contre 250 à 270 en système conventionnel. Latrille (2018) identifie également un type de système de production avec moins de 90 brebis mères, mais 100 % du lait est transformé à la ferme et vendu en circuit court.

Comme dans les autres productions d’élevage (cf. partie 1), la conversion en AB génère l’adoption de pratiques d’élevage qui vont dans le sens d’une TAE (au sens de Dumont et al., 2013). Vidal et al. (2022) soulignent l’adoption, en particulier, de deux pratiques plus spécifiques de ces systèmes qui favorisent le bouclage des cycles de nutriments : l’épandage du fumier produit par leur troupeau de brebis après compostage et/ou stockage en bout de champ, et l’introduction de plus de légumineuses dans les rotations culturales. La diversification des cultures et des mélanges prairiaux est également une des pratiques les plus fréquemment adoptées dans ces systèmes ovins laitiers en AB (Magne et al., 2019 ; Vidal et al., 2022). Cette diversification renforce la résilience des cultures face aux sécheresses et aux maladies tout en contribuant à améliorer l'autonomie protéique des élevages, dans des systèmes où le coût du concentré protéique est très onéreux. Le passage en AB induit également une reproduction sans hormones de synthèse. La synchronisation des chaleurs, dans les cas où elle se fait, utilise des moyens alternatifs comme « l’effet mâle ». Elle peut être associée à l’insémination artificielle, autorisée en AB, mais la plupart du temps, c’est la monte naturelle qui est privilégiée. Des travaux de recherches participatives, utilisant une méthode de conception assistée par modèle, permettent de montrer que la mise en place d’alternatives aux hormones de synthèse induit des changements profonds dans l’organisation des systèmes nécessitant un réajustement des stratégies d’alimentation (Laclef et al., 2023).

b. Une diminution du recours au pâturage de végétations spontanées qui interroge

Néanmoins, ces études pointent du doigt que l’adoption de l’AB peut initier une reconception du système d’élevage, mais pour une TAE en demi-teinte. Vidal et al. (2022) montrent qu’une partie des éleveurs concernés par l’étude (9 sur 17) ont fait le choix d’augmenter la productivité laitière par brebis pour répondre à la demande des laiteries. Parmi eux, sept modifient la période d’agnelage de leur troupeau pour traire au printemps et allonger la période de traite jusqu’à l’automne. L’ensemble de ces choix modifient l’usage des parcours par les animaux qui diminue de 36 % en moyenne dans ces exploitations (figure 3).

Figure 3. Évolution, depuis leur conversion, de l’utilisation des parcours pour des élevages en AB des Causses du Sud, en lien avec l’évolution de la productivité laitière des brebis (d’après Vidal et al., 2022).
Dans la partie grisée, éleveurs ayant augmenté la productivité laitière par brebis ;
Ronds évidés : éleveurs n’ayant pas modifié la période d’agnelage du troupeau
Ronds pleins : éleveurs ayant modifié la période d’agnelage du troupeau pour traire au printemps et allongement vers l’automne ;
Étoile : éleveur ayant modifié la période d’agnelage du printemps à l’hiver.

Ces observations rejoignent celles de Latrille (2018). Dans son travail de diagnostic agraire, quatre systèmes de production ovine laitière biologique sont représentés, parmi les neuf systèmes construits pour représenter la dynamique agraire actuelle de ce territoire. Si ces quatre systèmes ovins laitiers en AB ont tous moins de brebis par actifs que les systèmes conventionnels, ils présentent pour deux d’entre eux un niveau de productivité laitière, par animal et par an, équivalent à ceux des systèmes conventionnels, aux alentours de 230 l/brebis/lactation. Ces niveaux de productivité expliquent un recours au pâturage identique, voire dans certains cas, moindre que dans les systèmes conventionnels. Ainsi, Perrin & Martin (2021) ont enquêté 36 éleveurs ovins laitiers en AB sur l’ensemble du Rayon de Roquefort – c.-⁠à-⁠d. un territoire plus large, englobant ces zones de Causses, et des zones à plus fort potentiel agronomique – avec une taille de troupeau en moyenne de 67 ± 27 UGB et variant de 19 à 204 UGB. Parmi ces 36 éleveurs, 21 ont fait le choix d’agrandir la surface exploitée et 19 ont également agrandi leur troupeau à un rythme moyen de 20,2 ± 23,1 brebis/an, depuis leur conversion et sur une période s’étendant au maximum entre 1997-1998 et 2017-2018. Ces auteurs montrent également que les éleveurs ovins en AB de ce territoire choisissent d’avoir de hauts niveaux de productivité laitière par brebis, y associant, de leurs points de vue, un bon niveau de résilience dans un contexte de prix élevé du lait. Enfin, Magne et al. (2019) soulignent la dépendance forte de ces systèmes aux intrants (non chimiques) et l’enjeu qu’ils ont, de fait, à réduire leur empreinte carbone.

Quoi qu’il en soit, c’est bien le marché du lait de brebis biologique qui induit ces tendances (Vidal et al., 2022). En effet, l’entrée sur le territoire d’opérateurs extérieurs à l’interprofession, a incité certains éleveurs à sortir du système sociotechnique associé à l’AOP Roquefort, afin de pouvoir contractualiser pour la livraison d’un volume important de lait produit. Ce choix est d’ailleurs aujourd’hui devenu possible au sein de l’interprofession de Roquefort, induisant à nouveau des hausses de productivité à la brebis. De plus, ce lait biologique de brebis est essentiellement transformé en produits ultrafrais, par essence peu saisonnés et à durée de conservation relativement courte. Ceci incite les éleveurs à étaler ou saisonner autrement leur production et à restreindre encore le recours aux végétations spontanées dans l’alimentation des brebis. Le prix du lait relativement élevé permet de couvrir les surcoûts liés à une alimentation conservée en AB (prix du complément azoté en particulier).

Cet exemple illustre le processus de conventionnalisation de l’AB déjà largement décrit dans la littérature (p. ex. Darnhofer et al., 2010), qui, de fait, peine à être un outil complet pour favoriser la TAE des élevages. Il illustre également le fait qu’une indication géographique peut constituer un autre socle de l’agroécologie. Nous retrouvons ici les deux grandes voies de contribution des indications géographiques au développement durable, évoquées par Vandecandelaere et al. (2021). En premier lieu, ces démarches renforcent le développement durable par les choix de spécification des modes de production et des produits associés. En second lieu, elles constituent des outils de gouvernance qui favorisent l’accès au marché ainsi qu’une répartition de la valeur entre opérateurs (dont les producteurs), qui contribuent à de forts échanges horizontaux (et verticaux) entre acteurs. Ainsi, dans le cas de l’AOP Roquefort, la nécessité de construire et de valoriser la typicité de ce produit implique des critères ad hoc dans le cahier des charges (cf. supra) pour élaborer l’autonomie fourragère. De plus, les choix négociés au sein de l’interprofession ont pu, à certains moments, favoriser un recours au pâturage structurant de la ration des animaux, favorisant un maintien de milieux ouverts à grands enjeux environnementaux, les Causses (et les Cévennes) ayant été classés « patrimoine immatériel de l’humanité » par l’UNESCO comme paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen. Les situations propices à ces orientations apparaissent dans la combinaison entre une organisation forte entre producteurs et opérateurs de l’aval et l’orientation des politiques publiques agricoles. Si les indications géographiques et l’AB peuvent être complémentaires dans la transition vers l’agroécologie, elles peuvent l’être également dans l’obtention d’un prix plus élevé payé aux producteurs. Dans ce cas, l’effet AB est d’autant plus fort que l’effet AOP est faible (Corre et al., 2022).

Nous illustrons donc ici le fait que le poids de l’AB dans la TAE dépend de la structuration des filières associées. Nous mettons également en lumière l’intérêt de l'organisation de filières avec des organes de concertation ayant fait leur preuve, où tous les opérateurs, y compris les producteurs, sont concernés par cette TAE. L’exemple pris ici, d’une AOP, invite à s’interroger plus avant, en particulier sur la place du territoire pour renforcer ce poids de l’AB dans le processus de TAE des élevages.

4. L’AB au service de la transition agroécologique des élevages : une nécessaire reterritorialisation ? un exemple en viande ovine et bovine en Occitanie

Plusieurs travaux mentionnent comme essentiels pour la structuration de filières durables, d’une part, l’implication réelle d’une diversité d’opérateurs et d’acteurs fonctionnant en réseaux, [p. ex. Fiore et al. (2020), Alary et al. (2021), voir la synthèse de Fobbe & Hilletofth (2021)] et, d’autre part, leur ancrage territorial. En ce sens, ils pointent l’enjeu d’une reterritorialisation de l’alimentation. Celle-ci se différencie d’une simple relocalisation dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de rétablir la proximité géographique entre producteurs et consommateurs, mais de réancrer l’alimentation socialement et territorialement (Le Bel & Houdart, 2022). Pour cela, des filières territorialisées appuyées sur des démarches collectives associant les acteurs du territoire et valorisant les ressources locales (Chiffoleau & Brit, 2021) sont nécessaires.

Les résultats présentés dans les parties précédentes de cet article conduisent à avancer l’idée qu’un développement de l’AB au service de la TAE serait favorisé par de telles filières territorialisées. L’étude exposée dans cette dernière section propose un diagnostic des façons de valoriser les viandes biologiques bovines et ovines de quatre départements du massif des Pyrénées en interrogeant la place des ressources locales au sens large (biotechniques, mais également organisationnelles) (Mauger, 2021 ; Mauger & Cassagnes, 2022). Ce diagnostic sert de préalable à la mise en œuvre d’actions de développement de filières de viandes biologiques territorialisées ou reterritorialisées.

4.1. Présentation du cas d’étude et de la méthodologie utilisée

a. L’Occitanie, première région française productrice en AB, où les filières de produits animaux sont motrices

En 2022, avec 13 658 exploitations et 608 285 ha, la région Occitanie demeure la première région française engagée en AB (InterBio Occitanie, 2023). Les exploitations d’élevage représentent un peu moins de 30 % des exploitations en AB de cette région, mais elles font valoir plus de la moitié des surfaces certifiées, constituant donc un socle essentiel pour le maintien et le développement de l’AB régionale. En 2021, la certification AB concernait 8,3 % des vaches (allaitantes et laitières) de la région, 12,8 % des brebis, 36,1 % des poules pondeuses, 20,7 % des poulets de chair, 7,4 % des porcs charcutiers et 14,2 % des chèvres (InterBio Occitanie, 2022). En 2022, cette région détient ainsi 1 197 exploitations de bovins viande en AB ou en conversion, pour près de 38 000 vaches, 665 exploitations avec des brebis allaitantes pour près de 77 000 brebis. Le massif des Pyrénées comprenait, pour l’année 2021, plus de 15 000 bovins allaitants et 25 600 ovins allaitants conduits en bio.

Toutefois, comme dans d’autres régions françaises, la valorisation de la viande biologique présente des fragilités, liées à des difficultés de structuration de filières. Si nous l’avons vu dans le cas de la viande bovine AB (cf. partie 2), la viande ovine biologique présente une problématique similaire à laquelle s’ajoute une spécificité, celle d’une saisonnalité marquée (Experton et al., 2018). Cette production ne couvre pas la consommation au moment de Pâques, alors qu’elle est supérieure à la consommation estivale souvent faible.

b. Mise en œuvre de la méthode « Reloc’ », pour accompagner la reterritorialisation des filières de viandes AB

L’étude a mis en œuvre la méthode « Reloc’ » (encadré 2). Des enquêtes semi-directives ont été réalisées auprès de 80 structures des filières allaitantes de ruminants du massif des Pyrénées. Le panel des structures enquêtées devait comprendre des opérateurs des filières (éleveurs transformateurs, distributeurs), des acteurs potentiellement impliqués dans la gouvernance de ces filières (structures d’accompagnement et institutions publiques) et des acteurs extérieurs (chercheurs, journalistes agricoles…). Les structures enquêtées ont été choisies pour saisir la diversité des façons de produire, transformer ou distribuer de la viande AB et non pas dresser un panorama exhaustif des initiatives et actions valorisant ces produits. Elles ont été identifiées par la technique dite de la « boule de neige » (Parker et al., 2019), avec une interrogation à l’issue de chaque entretien pour identifier des structures ayant des pratiques similaires ou au contraire différentes concernant la valorisation des viandes bovines et ovines biologiques. Elles conduisaient leur activité soit à l’échelle régionale, soit au sein d’un des quatre départements, voire éventuellement sur un rayon d’action plus restreint.

Encadré 2. Les cinq étapes de la méthode « Reloc’ » appliquée à l’analyse des filières viande biologique du massif des Pyrénées (d’après Chiffoleau & Brit, 2021).

La méthode « Reloc’ » permet de construire et de donner à voir un état des lieux du fonctionnement d’une filière, orienté pour en accompagner la reterritorialisation. Cette dernière est vue comme une « innovation collective s’appuyant sur les stratégies et les réseaux d’acteurs locaux » (Chiffoleau & Brit, 2021). Elle repose sur l’hypothèse que les transitions peuvent s’opérer en renforçant ou en créant des synergies entre acteurs d’un même territoire qui partagent des visions similaires ou complémentaires vis-à-vis de l’agriculture et des opérations d’aval associées.

Le déploiement de cette méthode, au travers de cinq étapes, a été réalisé en 2021, pour les filières allaitantes de ruminants du massif des Pyrénées par Bio Occitanie, le Bio Civam de l’Aude, Bio Ariège-Garonne, le GAB 65, avec l’appui d’INRAE. Chacune d’elles a fait l’objet de discussions avec les commanditaires du projet afin d’asseoir le diagnostic par la confrontation et l’expertise.

Les entretiens, recueillant les pratiques des opérateurs, ont fait l’objet d’une analyse thématique (Miles & Huberman, 1994). Six domaines de pratiques, communs à l’ensemble des opérateurs et acteurs, ont été jugés structurant de leurs stratégies vis-à-vis des viandes biologiques : i) la place du local dans les circuits d’approvisionnement, ii) l’importance relative des circuits courts et longs pour la commercialisation des produits, iii) la place du local dans les circuits de commercialisation, iv) le mode de valorisation et en particulier le choix de la démarcation et d’une certification associée, v) les arguments dans la stratégie de communication et plus spécifiquement la place du local, et vi) l’importance accordée au classement de la carcasse comme attribut de la qualité du produit. Y ont été ajoutés deux domaines de pratiques supplémentaires, spécifiques des activités d’élevage et favorisant, selon certaines modalités, un ancrage territorial : i) le choix de la race et ii) l’autonomie alimentaire.

4.2. Cinq positions stratégiques forment un réseau d’acteurs

À l’issue de ce processus, cinq positions stratégiques ont été identifiées. Chaque position regroupe des opérateurs de différents maillons de la filière et des acteurs impliqués dans l’accompagnement de ces dispositifs. Tous mettent en œuvre ou soutiennent des pratiques similaires vis-à-vis des viandes biologiques, mais se différencient selon la place du local et de l’AB dans leurs pratiques (tableau 1). Certains acteurs ont été placés dans plusieurs positions dans la mesure où ils combinent plusieurs pratiques différentes. De plus, le positionnement des acteurs n’est pas figé et peut évoluer au cours du temps.

Trois positions sont structurées par des pratiques plaçant l’AB au cœur de la stratégie. Dans les deux autres, les acteurs axent leurs pratiques autour de la dimension locale. Ainsi, par exemple, dans la position « proposer un produit viande biologique d’excellence », les éleveurs, magasins de producteurs, boucheries et coopératives ont les mêmes pratiques autour de la viande biologique, appuyées sur une même vision : mettre en avant une viande biologique et locale, de qualité bouchère supérieure. De ce fait, pour eux, le classement de la carcasse est un élément essentiel de la qualité du produit. La commercialisation locale est recherchée, mais non systématique, en utilisant à la fois l’argument « AB », mais aussi « local » dans la segmentation. Les éleveurs qui adoptent cette position stratégique travaillent avec des races bouchères, et donc non locales, leurs exploitations agricoles ont une autonomie alimentaire complète.

Tableau 1. Cinq positions stratégiques mises en œuvre au regard de la viande biologique et locale (adapté de Mauger, 2021).

Position stratégique

Défendre les valeurs de l’AB locale

Proposer un produit viande biologique d’excellence

Standardiser la viande biologique pour répondre aux attentes du marché

Soutenir le local en priorité et l’AB si opportunité

Valoriser le territoire par ses produits locaux de qualité

Description :

Structures travaillant avec des viandes bovines et ovines…

…100 % AB.

Elles prônent le développement des filières viandes biologiques locales.

…100 % AB.

Elles mettent en avant la viande biologique de qualité bouchère supérieure et locale.

…AB et conventionnelles.

Elles mettent en avant d’autres signes de qualité en plus de l’AB et recherchent des produits standardisés locaux afin de répondre aux attentes du marché.

…AB et conventionnelles.

Elles sont impliquées dans le développement de l’agriculture locale et sa mise en valeur.

…Elles valorisent l’image locale de produits de qualité par des cahiers des charges autres que la bio.

Pratiques principales

Mode de valorisation et argument de communication

AB ;

local

AB ;

local

AB et conventionnel ;

autres signes de qualité

AB et conventionnel ;

local

Local

Place du classement de la carcasse dans les attributs de la qualité

Engraissement moyen

Engraissement optimum ; qualité bouchère supérieure

Qualité bouchère supérieure : production homogène

Pratiques d’élevage favorisant un ancrage territorial

Races rustiques ; recherche de l’autonomie alimentaire

Races bouchères ; autonomie alimentaire atteinte

Soutien de l’agriculture locale et de ses pratiques multiples

Mise en avant des pratiques spécifiques du territoire

Approvisionnement local/commercialisation locale ; importance circuits courts vs longs

Circuits courts exclusifs : consommation locale

Consommation locale si possible

Approvisionnement local/commercialisation en circuit long non local

Approvisionnement et consommation locale favorisée

Approvisionnement local/consommation locale si possible

Acteurs concernés

6 éleveurs en AB

11 initiatives locales

4 magasins spécialisés

1 magasin aliment

8 structures accompagnantes

1 éleveur en AB

1 initiative locale

2 magasins spécialisés

2 boucheries bio

1 coopérative

1 structure accompagnante

1 boucherie bio

1 coopérative

3 structures accompagnantes

1 initiative locale

1 coopérative

8 structures accompagnantes

2 outils de transformation

1 éleveur

3 initiatives

4 structures accompagnantes

1 GMS

3 marques territoriales

Les relations (ou les non-relations) entre positions stratégiques ont ensuite été identifiées (figure 4). En effet, la connaissance des interactions entre les différentes positions stratégiques est un outil utile à l’élaboration de pistes d’actions pour la structuration de filières biologiques territorialisées.

Figure 4. Relations entre les cinq positions stratégiques pour valoriser la viande bio et locale (d’après Mauger, 2021).

Les trois positions structurées par des pratiques plaçant l’AB au cœur de la stratégie que sont « défendre les valeurs de l’AB locale », « proposer un produit viande biologique d’excellence » et « standardiser la viande biologique pour répondre aux attentes du marché » entretiennent par exemple d’étroites relations entre elles, à la fois marchandes et de conseil. Inversement, il existe finalement peu de relations entre les positions « proposer un produit viande biologique d’excellence » et « défendre les valeurs de l’AB locale » qui défendent pourtant toutes les deux les valeurs de l’AB locale. La position stratégique « soutenir le local en priorité et l’AB si opportunité » constitue quant à elle une position intermédiaire entre celles fortement liées à la bio et celles liées au local. La position « valorise le territoire par ses produits locaux de qualité » n’entretient que des relations ténues avec les quatre autres positions.

4.3. Des pistes d’actions identifiées

Le diagnostic complet a été mobilisé dans trois ateliers participatifs, conduits à l’échelle départementale et regroupant les acteurs enquêtés. Au cours de ces ateliers, trois pistes d’actions ont été identifiées et discutées, dans un objectif de structurer des filières viande biologique territorialisées. Le massif des Pyrénées peut être la première échelle pour leur développement avant de les décliner (et non pas de les élargir) dans les départements. La première est une action transversale, associant toutes les positions stratégiques mais valorisant en particulier l’expérience de la position « défendre l’AB locale ». Cette action est axée sur la communication et la sensibilisation tout public avec deux messages clés : i) l’intérêt des modes de production et de transformation en AB pour préserver l’environnement, respecter le bien-être animal et favoriser l’autonomie des élevages et ii) la nécessaire saisonnalité de ces viandes AB.

Les deux autres embarquent spécifiquement des opérateurs de filières, liés aux positions « soutenir le local en priorité et l’AB si opportunité » et « valoriser le territoire par ses produits locaux » en particulier, en visant à développer les circuits courts avec un intermédiaire voire certaines formes de circuits longs. Ces pistes d’actions prennent un sens nouveau en proposant aux acteurs de ces positions de s’appuyer sur la certification AB pour étendre la valorisation d’un produit au-delà de la vente directe d’un produit local (Higgins et al., 2008). Ainsi, dans la seconde piste d’action, il s’agit de s’appuyer sur l’expérience de la position « proposer un produit viande biologique d’excellence » pour développer l’offre de viande biologique en boucherie, en priorité artisanale, mais aussi au « rayon traditionnel » des GMS, en sensibilisant les bouchers à la certification AB (quelle réglementation, quels attributs de la qualité) tout en travaillant avec des éleveurs sur l’engraissement et la finition des animaux en AB. Ce dernier point peut s’appuyer sur les connaissances déjà produites en Occitanie (Pagès & Boisseleau, 2013) ou ailleurs, sur la production de veaux rosés par exemple (Faux et al., 2022b) ou de bovins mâles (Idele, 2017). La troisième et dernière piste d’action discutée lors des ateliers porte sur le développement de la commercialisation de viande AB en restauration collective, avec trois axes de travail : i) la coordination des éleveurs pour l’approvisionnement, ii) l’accompagnement des structures de restauration à l’intégration de la viande bio dans les menus et iii) leur accompagnement à la valorisation de toute la carcasse. Si cette piste d’action peut aussi s’appuyer sur l’expérience de la position « proposer un produit viande biologique d’excellence », l’enjeu est d’y associer la position « standardiser la viande biologique pour répondre aux attentes du marché » pour encourager la transition de leurs pratiques.

Ces trois pistes d’actions, ont en commun de mettre en valeur, au-delà des caractéristiques habituelles de la certification AB, la diversité des produits issue à la fois de la variabilité biologique, mais aussi de la saisonnalité, plus fortes en AB. Cette diversité devient donc un atout pour la structuration de filières viandes territorialisées en AB. En outre, elles valorisent l’expérience de certaines positions tout en cherchant à en impliquer d’autres. Elles s’appuient ainsi sur les liens existants, en visant la création de dispositifs d’action collective, pour encourager le changement d’échelle des filières territorialisées de viande biologique, et de ce fait, l’accélération de la transition agroécologique.

5. Discussion et conclusion

L’AB contribue à certains aspects de la transition agroécologique des élevages qui l’adoptent. Structurée par l’interdiction des intrants de synthèse, elle favorise la reconception des systèmes avec l’usage de pratiques alternatives, fondées sur le bouclage des cycles de nutriments, un des principes phares de l’agroécologie (Altieri, 2000). Le cahier des charges associé incite ainsi à la reconception de l’ensemble du système de production, mais, dans certains cas, sans y parvenir complètement (Darnhofer et al., 2010). Cette fragilité se trouve renforcée par l’organisation des marchés des produits issus de l’AB. Quels que soient les types de produits, l’exigence de régularité en quantité et/ou en qualité de ces marchés s’accorde mal avec la variabilité des produits AB, leur saisonnalité ou encore certaines de leurs caractéristiques (animaux moins finis ou moins conformés). Nous l’avons montré pour la viande bovine, mais c’est aussi le cas de la viande ovine (Experton et al., 2018) ou pour le secteur du lait de brebis (cf. partie 3). Les tendances à l’agrandissement et/ou à l’intensification de la production, marquées dans l’ensemble des secteurs de l’élevage français, se retrouvent donc également pour les exploitations en AB, quoiqu’avec certaines nuances. Ce phénomène interroge la possibilité des structures en AB à entrer pleinement dans la transition agroécologique. Pourtant, l’existence d’un cahier des charges pour l’AB pourrait être une force pour cette transition vers l’agroécologie qui nécessite d’être opérationnalisée. En effet, malgré une présence effective dans les sphères autres que scientifiques, cette notion n’est que peu ou pas « outillée » pour générer un changement réel et nécessaire au vu de l’importance des enjeux à prendre en charge (Gershoni, 2023 ; par exemple).

À travers l’exemple de l’AOP Roquefort, nous montrons que d’autres signes officiels de qualité, en particulier sous indication géographique, peuvent être aussi un lieu de mise en mouvement vers la transition agroécologique. Cette question, finalement assez peu étudiée pour l’élevage comme pour d’autres productions – citons néanmoins les travaux de Owen et al. (2020) – doit faire l’objet de travaux de recherche à venir. L’intérêt de ces démarches repose sur l’articulation entre un cahier des charges codifiant des pratiques engagées dans un lien au terroir, un plan de contrôle et une gouvernance organisée (Vandecandelaere et al., 2021). La définition de terroir, rassemblant un milieu et les hommes engagés pour sa valorisation et son maintien (Casabianca et al., 2006), résonne avec les enjeux de développement durable voire avec les principes de l’agroécologie s.l. (Gliessman, 2016). Ainsi, sur un même territoire, ces démarches viennent opérationnaliser d’autres dimensions de l’agroécologie, et en particulier le pâturage de végétations spontanées, en complément ou renforcement des aspects engagés par le cahier des charges de l’agriculture biologique. Mais là encore, les contraintes de marché sont fortes et peuvent fragiliser la dynamique, en mettant à mal, en particulier la gouvernance de ces dispositifs et la cohérence des systèmes associés. Se pose alors la question, entre autres, de l’accompagnement de cette gouvernance, pour la renforcer et la finaliser pour la transition agroécologique de tout un secteur.

En mobilisant la méthode « Reloc’ », l’analyse des formes de reterritorialisation des dispositifs de production et de mise en marché des viandes ovines et bovines de quatre départements du massif Pyrénéen permet d’identifier, chez des opérateurs d’une filière comme pour les acteurs assurant l’appui à sa structuration, des pratiques similaires autour de la valorisation d’un produit. La notion de « pratiques » devient transversale et permet d’identifier des « positions stratégiques », les relations (ou les non-relations) entre elles. Nous mettons en évidence que ces pratiques portent un dialogue fort entre le mode de production biologique et la valorisation de produits à l’image locale forte. Un des enjeux est donc de travailler à structurer ces relations pour renforcer la gouvernance de dispositifs de production et de mise en marché. Ce type d’approche favorise la réflexivité relationnelle suggérée par Lamine & Dawson (2018), nécessaire à une transition agroécologique plus complète à travers l’AB en élevage. Ces travaux posent globalement la question de l’échelle de gouvernance adaptée.

Les années récentes montrant un décrochage de la consommation de ces produits AB, ces questions s’en trouvent renforcées. Le maintien de cette consommation, nécessaire pour soutenir les élevages biologiques, pose avec plus d’acuité la question de la qualité des produits qui en sont issus, à la fois dans sa dimension « supérieure » et en particulier organoleptique, mais aussi dans d’autres dimensions et en particulier celle, très englobante, de l’image (Prache et al., 2022). Cette dernière peut inclure, outre des aspects environnementaux, d’autres aspects, comme la diversité ou la saisonnalité, non plus comme freins à la mise en marché des produits mais comme outil intéressant pour le développement de formes de mises en marché originales et génératrices de plus-value.

Remerciements

Les auteurs remercient A. Mauger et A. Cassagnes qui ont mis en œuvre avec eux la méthode « Reloc’ » pour conduire l’analyse de la « reterritorialisation » de la viande biologique du massif des Pyrénées.

Références

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Résumé

L’agriculture biologique (AB) est un mode de production, certifié par un tiers et associé à une segmentation des marchés des produits d’élevage sous signe officiel de qualité. Avec une montée en puissance dans la fin du XXe siècle, cette démarche, structurée avant tout par l’interdiction des intrants de synthèse, est vue comme un outil majeur de la transition agroécologique des élevages. Cet article vise à interroger cette position. Il présente tout d’abord en quoi le cahier des charges de l’AB contribue, par certains côtés, à la transition agroécologique. À travers le cas de la viande bovine, il montre aussi comment le marché pèse sur les systèmes de production et freine cette transition en n’évitant pas l’agrandissement des élevages et l’adoption de pratiques visant à améliorer la productivité des animaux. Il s’appuie ensuite sur deux situations que sont i) la production de lait de brebis dans les Causses du Sud, en partie destinée à l’AOP Roquefort, et ii) les viandes bovines et ovines de l’Est pyrénéen pour interroger la nécessité d’avoir des outils de gouvernance territoriale opérants, qui peuvent s’appuyer, le cas échéant sur ceux de démarches existantes, de type indication géographique. Il invite ainsi à la réflexion sur la reterritorialisation de tout ou partie des filières en AB.

Auteurs


Marie-Odile NOZIÈRES-PETIT

marie-odile.nozieres-petit@inrae.fr

Affiliation : UMR SELMET, INRAE, 2 place Viala, 34000, Montpellier

Pays : France


Yuna CHIFFOLEAU

Affiliation : UMR INNOVATION, INRAE, 2 place Viala, 34000, Montpellier

Pays : France


Patrick VEYSSET

Affiliation : Université Clermont Auvergne, INRAE, VetAgro Sup, UMR Herbivores, 63122, Saint-Genès-Champanelle

Pays : France

Pièces jointes

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