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Quelle science pour les élevages de demain ? Une réflexion prospective conduite à l’INRA

Chapeau

Pour clore ce numéro spécial sur « De grand défis et des solutions pour l’élevage », cet article synthétise une large réflexion prospective conduite à l’INRA au cours des derniers mois sur le statut et le rôle de l’élevage au sein de systèmes agri-alimentaires circulaires et durables, et sur les nouveaux fronts de science et priorités de recherche pour les années à venir qui en découlent.

Introduction

Dans un contexte où l’élevage est au cœur de nombreuses controverses, le président de l’INRA, Philippe Mauguin, a souhaité que soit conduite une réflexion scientifique prospective pour explorer les futurs possibles en explorant de réelles ruptures. L’objectif était d’éclairer l’INRA sur les actions à mettre en œuvre pour développer une recherche ambitieuse sur et pour l’élevage de demain afin de favoriser et accompagner les changements. Cette réflexion devait intégrer les différentes filières animales, les évolutions de la consommation de produits animaux et les différents piliers de la durabilité. Elle devait aussi permettre d’identifier les nouveaux fronts de science et les défis technologiques, analyser le positionnement à l’international de l’institut, définir les collaborations à construire, en particulier à l’international et analyser les conséquences en terme d’évolution du dispositif de recherche. Cet article fait l’état des lieux du résultat de ces réflexions, en particulier sur l’analyse des enjeux, le cadre conceptuel pour penser les élevages demain et donne un résumé des thématiques principales retenues.

1. Ambitions et périmètre de la réflexion scientifique prospective

1.1. Impulser une nouvelle dynamique aux recherches sur et pour l’élevage

L’ambition du chantier a été double. Premièrement, il s’agissait de repenser la place, les rôles et contributions de l’élevage et en quoi il doit se transformer pour contribuer pleinement au développement de systèmes agri-alimentaires plus durables : réductions des impacts environnementaux, amélioration de la sécurité nutritionnelle, production des services utiles à la société et contribution au développement économique des territoires. On parle ici de systèmes agri-alimentaires au sens où l’objectif est de produire des aliments pour l’Homme, ce qui est le premier objectif de l’agriculture, mais aussi des biens non alimentaires (énergie, produits biosourcés) et des biens non marchands comme la santé des écosystèmes. La seconde ambition était d’identifier et promouvoir des thématiques de recherches interdisciplinaires permettant d’explorer les nouveaux fronts de science et les défis technologiques, porteurs d’avenir et donnant de nouvelles perspectives aux travaux sur l’élevage afin de renforcer l’excellence scientifique de l’INRA, d’affirmer une position de leader et de lever des verrous de connaissances et méthodologiques (voire réglementaires) pour développer les innovations permettant de faire progresser l’élevage. La production de connaissances doit aussi permettre d’éclairer les porteurs d’enjeux et le débat public à partir d’une argumentation basée sur des faits scientifiques.

La posture adoptée a considéré que les fronts de science actuels et futurs se situent à l’interface entre les disciplines et que seule l’approche interdisciplinaire permettra de penser la complexité des systèmes biologiques, agronomiques et alimentaires en renouvelant les questions scientifiques, et d’aborder les grands enjeux de l’élevage. L’objectif a donc été de réfléchir les fronts de science nécessitant de renforcer les interactions entre communautés scientifiques travaillant sur des disciplines, thématiques et fenêtres de temps différentes. Les questions relevant principalement d’une seule discipline ou de collaborations déjà bien établies n’ont pas été incluses (où à la marge) dans la réflexion qui de ce fait n’a pas vocation à représenter toutes les activités de l’INRA dans le secteur de l’élevage. Pour autant, ces recherches contribuent à alimenter les approches mises en avant dans la réflexion prospective. Il s’agit par exemple, et sans vouloir être exhaustif, des travaux sur la caractérisation, l'étude de la dynamique évolutive et l'annotation fonctionnelle des génomes animaux, l'étude fine de l'architecture génétique des caractères, l’étude approfondie des cellules souches, les travaux sur la biologie des vecteurs de parasites et des interactions entre hôtes et agents pathogènes pour identifier de possibles solutions thérapeutiques ou vaccinales, les travaux sur la surveillance des maladies et les agents pathogènes émergents et l’identification des agents pathogènes et des toxiques. Il s’agit aussi de travaux sur des développements méthodologiques comme par exemple les ontologies, la combinaison de la génétique quantitative et de la génétique des populations, l’intégration des données génétiques, épigénétiques, métagénomiques, le développement de modèles pour la sélection génomique intégrative ou encore l’utilisation de l’intelligence artificielle pour découvrir de nouveaux biomarqueurs.

1.2. Périmètre de la réflexion

La réflexion a été centrée sur l’élevage français et européen mais en considérant un emboitement d’échelles vers le niveau mondial. En effet, les systèmes européens partagent les mêmes enjeux, certains spécifiques, voire en décalage avec le reste du monde. De ce point de vue, l’élevage européen peut dans une certaine mesure avoir un rôle précurseur annonciateur d’évolutions qui pourraient avoir lieu aussi à terme dans d’autres régions du monde et éclairer des voies de progrès pouvant bénéficier aux pays tiers. Les systèmes agri-alimentaires européens se distinguent par une consommation de produits animaux élevée par habitant mais qui diminue. À l’inverse, la consommation augmente dans d’autres parties du monde, en lien avec l’accroissement démographique, l’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie (Chine, Sud Est Asiatique) ou devrait s’accroître dans d’autres régions (Afrique de l’Ouest et de l’Est) pour améliorer l’état de santé des populations et réduire les retards de croissance (voire les cas d’anémie) des enfants. Les attentes sociétales en Europe vis-à-vis de l’élevage sont plus fortes et évoluent plus rapidement que dans de nombreux pays qui pourtant sont confrontés aux mêmes enjeux de pollution locale, de gestion des territoires et de bien-être animal que les pays européens. Enfin, les conditions de l’élevage européen restent différentes de celles d’autres régions du monde telles que les méga-fermes chinoises ou les grands troupeaux bovins du continent américain ou d’Océanie et, à l’autre extrémité, les petites exploitations familiales de pays en développement qui ne posent pas les mêmes questions.

Pour autant, il n’est pas possible d’examiner la situation en Europe sans considérer le niveau mondial. À cette échelle globale, l’élevage joue un rôle essentiel pour éradiquer la faim, la pauvreté, la malnutrition et les déficiences en micronutriments (HLPE, 2016) et apporte une contribution à tous les objectifs du développement durable tels que définis par les Nations Unies (FAO, 2018). Sur les plans environnementaux et des marchés, il y a nécessité d’inclure les effets environnementaux délocalisés de l’élevage européen au premier rang desquels on peut citer la contribution au réchauffement climatique et les effets induits par les importations de soja. Par ailleurs, l’élevage européen étant dans un marché ouvert, une bonne vision des évolutions de la demande en produits animaux et en aliments du bétail, ainsi qu’une connaissance des dynamiques de production dans d’autres parties du monde sont nécessaires pour éviter une déstabilisation des marchés intérieurs par des importations massives de produits animaux fabriqués de manière non durable et loin des standards de qualité européens et, à l’inverse, pour analyser les marchés porteurs pour des productions européennes.

Enfin, l’opportunité d’élargir les recherches de l’INRA au niveau mondial, sur des thématiques où nous sommes reconnus (agroécologie, génomique…) aura plusieurs intérêts : i) l’élevage est souvent le parent pauvre des approches globales en particulier parce que les systèmes d’élevage sont complexes, difficiles à représenter de façon réaliste en modélisation, en tout cas beaucoup plus que les systèmes de culture ; ii) renforcer (au-delà du métaprogramme GLOFOOD et de l’étude Agrimonde Terra) la présence de l’INRA dans les rapports internationaux concernant l’élevage, développer des modèles d’élevage en interaction avec les systèmes de culture et apporter de la généricité en complémentarité des travaux du CIRAD qui sont plus centrés sur l’étude de cas et par là, contribuer à améliorer les systèmes locaux. L’accès à ces terrains d’étude plus diversifiés permettrait en retour de mettre à l’épreuve nos idées, concepts et modèles.

1.3. Une réflexion dédiée à l’élevage d’animaux terrestres et de poissons

Le chantier (cf. encadré 1) a concerné toutes les filières animales dont l’aquaculture, l’élevage dans les territoires ruraux et les différentes formes d’élevage périurbain et urbain (espaces verts animalisés…). En revanche, concernant les substituts à la viande nous avons considéré que la viande in vitro (ou les produits obtenus par impression 3D tels que le surimi) n’entrait pas dans le périmètre de la réflexion concernant les volets techniques. Il est en effet illusoire de vouloir concurrencer par la recherche publique des travaux disposant de financements privés considérables et cette production souffre par ailleurs de nombreuses limites qui font douter de sa pertinence (Hocquette et al., 2013). La production d’insectes (ou d’autres sources de protéines comme la lombriculture) est considérée dans le cadre des possibilités offertes pour la production de protéines pour l’alimentation animale à partir du recyclage de déchets. En revanche, la production d’insectes pour l’alimentation humaine n’est pas considérée d’un point de vue zootechnique, mais l’évaluation globale de ces filières reste un enjeu pour nos recherches. Il faut pouvoir évaluer leurs impacts environnementaux et économiques par rapport à la production de viande blanche et l’acceptabilité des produits par le consommateur (Sommes-nous prêts à manger des insectes en Europe ? Quelle saveur des produits ?). La question du cortège microbien/parasite accompagnant la production d’insectes reste une question majeure.

Encadré 1. Organisation de la réflexion prospective scientifique

La réflexion a été animée par un groupe de pilotage de 15 chercheurs appartenant à plusieurs départements de recherche et couvrant les principales filières animales et domaines de compétences. Le groupe animé par Jean-Louis Peyraud était constitué de Joel Aubin (Phase), Marc Barbier (SAD), René Baumont (Phase), Cécile Berri (Phase), Jean Pierre Bidanel (GA), Christine Citti (SA), Corinne Cotinot (Phase), Christian Ducrot (SA), Pierre Dupraz (SAE2), Nicolas Friggens (Phase), Philippe Faverdin (Phase), Sabine Houot (EA), Marie-Odile Nozières-Petit (SAD), Claire Rogel-Gaillard (GA), Véronique Santé-Lhoutellier (CEPIA). Un comité de pilotage composé des chefs de départements les plus concernés (GA, Phase, SA, SAD, SAE2 et EA) et directeurs de métaprogrammes (Glofoods, Ecoserv, Gisa, Selgen), du Directeur Scientifique Agriculture et de Philippe Chemineau (DARESE) s’est réuni à deux reprises durant la première moitié du chantier pour aider à cadrer le dispositif.

Le groupe d’animation a identifié dix thèmes de travail en réponse à des enjeux cognitifs et finalisés stratégiques pour l’INRA et ayant vocation à promouvoir des approches systémiques et interdisciplinaires et, pour certains d’entre eux au moins, à affirmer un leadership de l’INRA au plan international. Les 10 groupes de travail (GT) ont mobilisé 104 chercheurs de l’INRA et de l’IRSTEA. Ces groupes, animés par un chercheur (ou un tandem) issu du groupe de pilotage ont analysé les gaps de connaissance, les enjeux de recherche, les questions scientifiques émergentes, les verrous méthodologiques, et réalisé une analyse critique de notre dispositif.

GT1 : Compréhension des enjeux sociétaux et économiques autour de l’élevage (P. Dupraz, SAE2)

GT2 : Elaboration précoce des phénotypes des animaux et des caractères de production (C Cotinot, PHASE et C. Rogel-Gaillard, GA)

GT3 : Compréhension des régulations chez l’animal en production (N Friggens, Phase)

GT4 : Gestion intégrée de la santé et du Bien-être animal (C. Ducrot et C. Citti, SA)

GT5 : L’élevage pour valoriser des ressources alimentaires variées dans un contexte de changement climatique (R. Baumont, Phase, et Jean-Louis Peyraud, DSA-Agriculture)

GT6 : Gestion des effluents de l’élevage (S. Houot, EA)

GT 7 : Qualité des produits et des coproduits animaux (C. Berri, Phase)

GT 8 : Les bouquets de services de l’élevage (J. Aubin, Phase et P. Dupraz, SAE2)

GT 9 : Valorisation de la diversité à différents niveaux d’organisation (M.O. Nozières-Petit, SAD)

GT 10 : L’élevage à l’ère du numérique (P. Faverdin et L. Brossard, Phase)

En complément, les groupes filières animales (https://www6.inra.fr/groupes-filieres/Filieres-Animales) ont été mobilisés pour faire remonter les besoins et questions de recherches avec une entrée par les grands challenges socio-économiques à relever.

Deux séminaires ouverts aux Instituts techniques ont été programmés courant 2018 pour éclairer le contexte socio-économique de l’élevage et faire émerger des questions de recherche. Le séminaire « Où va l’élevage ? Contexte sociétal » a permis d’échanger sur les controverses concernant l’élevage. Le séminaire « Où va l’élevage ? Contexte économique », co-organisé avec le chantier sur la PAC (H. Guyomard), a concerné la dichotomie entre une demande quantitative pour les produits animaux qui s’accroit hors Europe alors qu’elle stagne/baisse sur le marché intérieur européen qui semble s’orienter vers une demande de montée en gamme de la qualité. Les échanges ont aidé à construire une vision partagée, analyser les drivers sociétaux et économiques, à dessiner un avenir pour les filières d’élevage et mettre en avant les questions de recherche à aborder, afin de fournir des éléments permettant d’argumenter les choix à effectuer.

2. L’élevage au cœur de multiples enjeux environnementaux, sociétaux et économiques

L’élevage est une composante clé de la vitalité de nombreux territoires et il est présent dans presque toutes les régions avec une grande diversité de systèmes de production ; le secteur contribue de manière substantielle à l’économie. Le chiffre d’affaire est de 165 milliards d'euros par an en 2015, ce qui représente 45 % de celui du secteur agricole en Europe (37 % en France). L'UE-28 est généralement autosuffisante en produits d'origine animale et exporte sur les marchés mondiaux pour 19,5 milliards d'euros (Dumont et al., 2016). L’essentiel de la biomasse végétale produite en France et en Europe (et au plan mondial aussi) n’est pas consommable par l’Homme et l’élevage en est le principal consommateur (Dronne, 2018). L’alimentation animale joue aussi un rôle économique et de tampon majeur pour les grandes filières végétales (céréales, colza) en valorisant les écarts entre l’offre de grains et la demande des marchés pour la consommation humaine interne et l’export de manière structurelle, mais aussi lorsque des déséquilibres de marchés apparaissent. Pour autant l’élevage est confronté à une crise de légitimité, environnementale, sociale et économique sans précédent et il doit évoluer en profondeur.

2.1. Enjeux et moteurs des évolutions

Des déséquilibres écologiques liés à l’intensification des systèmes, à leur spécialisation et à leur concentration sur certains territoires sont apparus dès les années 1980 avec la question du nitrate en Bretagne et la qualité de l’eau (Hénin, 1980 ; Peyraud et al., 2014). Par la suite, il y a eu une prise de conscience des effets plus globaux de l’élevage sur le changement climatique avec les émissions de gaz à effet de serre, et sur la perte de biodiversité liée à la disparition de la forêt primaire permettant la culture du soja (rapport « Livestock Long Shadow », FAO, 2006). Plus récemment les questions des émissions d’ammoniac et de particules fines affectant la qualité de l’air, les risques de pollution chimique et biologique des écosystèmes par dissémination de pathogènes, de résidus médicamenteux et de gènes de résistance aux antibiotiques par les effluents sont apparus comme autant de nouveaux défis. L’élevage est aussi questionné pour son utilisation importante des ressources naturelles (Godfray et al., 2010 ; Foley et al., 2011) dont la terre, l’eau, l’énergie fossile qui pourraient être valorisées directement en alimentation humaine, en particulier via des productions végétales dont une partie est directement consommables par l’Homme.

Au-delà des impacts sur la qualité de l’environnement et l’utilisation des ressources, d’autres sujets sont venus plus récemment alimenter les controverses sur l’élevage, notamment la question du bien-être animal et des conditions d’élevage dans le cadre des modèles « intensifs » (Delanoue et Roguet, 2015). Ces controverses et leur intensité varient selon les filières et les pays, avec une attention particulière sur la résistance aux antibiotiques au Danemark, des controverses très fortes autour du bien-être animal en Allemagne, aux Pays Bas, au Royaume Uni, dans les Pays Scandinaves et plus récemment en France alors que les pays du Sud et la Pologne sont moins sensibles à ces questions (pour le moment du moins). Enfin, il est aussi établi qu’une forte consommation de viande rouge et de viandes transformées est associée à un risque accru de cancer colorectal (Bouvard et al., 2015) et les politiques nutritionnelles encouragent une réduction de la consommation de viande dans les pays de l’OCDE. L'OMS recommande un équilibre 50/50 entre protéines animales et végétales pour une alimentation saine alors que les pays d’Europe de l’Ouest sont plutôt proches d’un ratio 65/35 et avec un apport protéique globalement excédentaire. Une diminution modérée de la consommation sera un moteur majeur pour le futur de l’élevage. Au final et pris dans leur ensemble, ces impacts de l’élevage sur l’environnement, sur l’utilisation des ressources, sur le bien-être des animaux et sur la santé humaine ont conduit certains auteurs à préconiser une réduction importante (50 % ou plus) de la consommation de produits animaux en Europe (Meier et Christen, 2012 ; Heller et al., 2013 ; Westhoek et al., 2014 ; Poore et Nemecek, 2018).

Une autre série d’enjeux est interne aux filières animales. Le modèle de développement historique fondé sur la substitution du travail par du capital et des consommations intermédiaires - encore ancré dans les esprits, les économies d’échelle incitant toujours à l’agrandissement des structures -, la demande de l’aval pour des produits plus homogènes, des volumes toujours plus importants et disponibles toute l’année et les relations complexes et parfois difficiles entre les producteurs, l’amont et l’aval des filières, rendent difficile l’instauration de nouveaux équilibres. Les filières doivent faire face à une instabilité croissante des prix, des marchés et des revenus, pénalisant in fine l’attractivité des métiers (Nozières-Petit et al., 2018) à un moment où la pyramide des âges est défavorable et la question du renouvellement des générations est posée. L’abandon du métier d’éleveur et la non reprise d’exploitations risquent d’être des moteurs déterminants dans la baisse des effectifs d’animaux, avant même l’impact des réglementations. Les exploitations s’agrandissent pour des raisons d’économie d’échelle, mais les structures de plus grande taille sont plus difficiles à transmettre, rendent plus difficile l’optimisation des pratiques agro-écologiques et vont à l’encontre des souhaits de la société. Dans ce contexte déjà difficile, les filières françaises ont perdu en compétitivité face à la concurrence européenne et mondiale (Turolla et al., 2018 ; SENAT, 2019). La reconquête pour l’élevage français des parts de marchés intérieurs doit être instruite face à des concurrents très compétitifs - comme c’est le cas en volaille où 70 % de la consommation hors foyer provient de l’importation - et dans un contexte où la consommation baisse (viande rouge) où au mieux stagne (volaille) et où la production ne correspond pas toujours à la demande nationale.

2.2. Mais aussi des opportunités sont à saisir

Au niveau économique, l’Europe peut bénéficier de la forte demande mondiale en visant des marchés rémunérateurs faisant valoir la compétitivité hors coût de ses produits : empreintes environnementales relativement plus faibles, sécurité sanitaire des produits et exigences de bien-être des animaux plus élevées que pour les autres pays exportateurs sur les marchés de masse (cf. Dumont et al., 2017) et, notamment les produits français, dont les produits sous signe officiel de qualité, avec l’image de gastronomie qui les caractérise. Sur le marché interne, les ambitions de la grande distribution et des transformateurs, leur souhait de diversifier les produits dès l’amont de la filière et l’évolution des demandes d’une partie des consommateurs de plus en plus soucieux de leur alimentation vers des qualités premium (Obsoco, 2016), relayées en France par les États généraux de l'alimentation (EGA, atelier 11) vont forcer les évolutions vers des productions plus durables et un accroissement (sans doute modéré) des productions de niche.

Concernant l’environnement et l’utilisation des ressources, le rôle de l’élevage est reconnu comme essentiel pour boucler les cycles de nutriments dans le cadre d’approches agro-écologiques reposant sur les ressources naturelles, les services écosystémiques, les processus écologiques et le recyclage des éléments nutritifs en privilégiant les engrais organiques plutôt que synthétiques (HLPE, 2016 et 2019 ; Mottet et al., 2017 ; de Boer et van Ittersum, 2018) et en exploitant la capacité des animaux à valoriser les biomasses non directement utilisables en alimentation humaine (Wilkinson, 2011 ; Laisse et al., 2018). Il y a donc aussi, à côté des démarches visant la réduction des impacts, des opportunités à saisir pour développer un élevage plus durable et dont les rôles et services sont reconnus et appréciés par la société. La figure 1 récapitule les principaux challenges que l’élevage doit relever et en quoi il doit se transformer pour contribuer positivement aux objectifs du développement durable (ODD) tels qu’ils ont été définis par les nations unies (voir aussi FAO, 2018). Les ODD ont été rassemblés en quatre grands domaines pour une lecture simplifiée. L’élevage contribue aux autres ODD (FAO, 2018), mais de manière beaucoup plus marginale en Europe.

Figure 1. Challenges à relever pour une contribution renforcée de l’élevage aux objectifs du développement durable.

3. Une vision pour l’élevage demain et les recherches à mener

3.1. Un nouveau paradigme pour construire le futur de l’élevage

Des progrès significatifs ont été accomplis depuis le début des années 1980 sur la réduction des émissions par unité de produit, grâce à la recherche d’une efficience accrue des facteurs de production. Mais les travaux conduits ont principalement cherché à optimiser le fonctionnement des systèmes dans une logique de progrès incrémentiel, d’approche linéaire supposant les ressources non limitées et en pensant l’optimisation de la production d’un seul produit sans considérer les effets secondaires et les autres maillons des systèmes agri-alimentaires. Les modes de consommation sont aussi analysés sous l’angle des empreintes des différents produits pris indépendamment les uns des autres. Ces analyses linéaires ne prennent pas correctement en compte les nombreuses et complexes interactions existant au sein des systèmes alimentaires entre différents produits. Dans un monde aux ressources finies et avec des écosystèmes parfois fortement dégradés (sol, aquifères, atmosphère), les adaptations à accomplir sont majeures et interrogent sur la place et le rôle que doit tenir l’élevage au sein des systèmes agri-alimentaires circulaires et durables. Si la recherche d’efficience accrue d’utilisation des ressources reste une priorité car elle permet d’assurer un volume de production pour l’industrie et l’export et que des progrès sont encore possibles. Cette recherche d’efficience n’est pas suffisante car elle ne garantit pas la résilience des systèmes de production face aux aléas climatiques, sanitaires et elle ne traduit pas l’aptitude des systèmes de production à restaurer la qualité des écosystèmes et à sécuriser les ressources ou au contraire à continuer à les dégrader même si c’est plus lentement que par le passé. C’est pourquoi au-delà de la recherche d’une efficience accrue, qui est une approche portée par le concept « d’intensification durable », il faut aussi capter l’aptitude des pratiques à maintenir, voire « régénérer » la qualité des écosystèmes et des ressources (HLPE, 2019) par le développement d’une agriculture et d’un élevage agro-écologique (INRA, 2012).

Les systèmes agri-alimentaires circulaires et durables doivent intégrer une production végétale et un élevage économes en ressources non (ou peu) renouvelables, qui non seulement produisent une alimentation saine à un prix abordable, mais éliminent aussi les pertes en recyclant les biomasses entre secteurs, contribuent à entretenir la qualité des écosystèmes et assurent la sécurité des ressources, et produisent d’autres biens et services reconnus par la société, à commencer par le stockage de carbone dans les sols, la préservation de la biodiversité ou la production d’énergie renouvelable (figure 2). La circularité vise à rétablir des boucles entre différents éléments du système global à différents niveaux ce qui a de nombreuses implications. L’élevage y joue un rôle essentiel (Mottet et al., 2017 ; Van Zanten et al., 2018) et doit être considéré comme une des clés au sein des territoires pour apporter des solutions. La circularité peut se définir à différentes échelles, de l’exploitation agricole au monde, mais la dimension territoriale (à différentes échelles : inter-exploitations, bassin de production, bassin de vie…) est déterminante pour la connaissance, la mobilisation et l’entretien des ressources disponibles. Elle pose les questions de la diversité des territoires, de la valorisation de la diversité des systèmes d’élevage et de la gouvernance pour la mise en œuvre de tels systèmes.

Par ailleurs, la santé et le bien-être des animaux (hors cadre des maladies infectieuses zoonotiques où beaucoup de travaux ont été et sont réalisés) ont jusqu’ici été étudiés pour corriger les effets délétères apparus avec l’accroissement de la productivité, mais sans considérer les liens avec la santé humaine et celle des écosystèmes. Dans un contexte de forte contestation de l’élevage et d’enjeux sanitaires majeurs (antibiorésistance), il convient de changer d’approche et de concevoir des systèmes visant en priorité à respecter les animaux et les Hommes et améliorant la qualité de vie des éleveurs. Ces systèmes doivent réduire le risque de développement de résistance aux antibiotiques (O’Neill, 2016) dans un monde où santé animale et santé humaine sont liées et où l’Homme et l’animal partagent une même pharmacopée. L’OMS a adopté en 2015 un plan pour combattre la résistance aux antibiotiques sous le concept de « One World, One Health » reconnaissant que la santé de l’Homme était liée à celle des animaux et des écosystèmes. L’amélioration des conditions de vie des animaux et la prévention des maladies, plutôt que leur traitement, deviennent ainsi la priorité. Le concept de « One Welfare » a été proposé (Fraser, 2016) pour souligner les liens entre bien-être animal et bien-être humain et reconnaître que tous deux dépendent d'un bon état écologique de l’environnement.

Figure 2. Représentation des rôles de l’élevage au sein de systèmes agri-alimentaires circulaires et durables

3.2. Repenser les voies de progrès des systèmes d’élevage

La prise en compte d’un périmètre plus large considérant l’élevage comme un des éléments d’une bioéconomie circulaire ouvre de nouvelles perspectives de progrès en complément des pistes déjà explorées et qui doivent continuer de l’être.

Le développement de systèmes agri-alimentaires circulaires et durables ne peut s’envisager sans un élevage lui-même multiperformant, dont l’empreinte carbone soit neutre, résilient au changement climatique et assurant la santé de l’animal, de l’Homme et des écosystèmes. La recherche doit permettre de lever les verrous en travaillant sur les émissions de GES (CH4, N2O, CO2), le stockage de C et l’adaptation aux changements climatiques au niveau de l’animal, des effluents, de la conduite des systèmes, des filières et des outils de politiques publiques incitant aux changements tout en contribuant à fortement réduire voire annuler les émissions vers les agroécosystèmes des autres formes d’N réactif (ammoniac, nitrate) et du phosphore. Dans le même temps, et d’ailleurs les deux sont liés, il faut mettre le bien-être et la santé des animaux et des Hommes au cœur des préoccupations pour la conception de nouveaux systèmes d’élevage. Ces objectifs peuvent être source de tensions et des compromis seront à trouver. Par exemple, l’accès des animaux à des parcours extérieurs pour le bien-être peut conduire à une maîtrise plus difficile des émissions vers l’air et l’eau, et de la santé (exposition à la faune sauvage).

La question de la diversité et de la diversification à tous les niveaux (notamment de l’animal, des troupeaux et des systèmes) devient centrale dans une approche agroécologique. Ceci conduit à une évolution du paradigme de la recherche dans toutes les disciplines pour comprendre ses intérêts et limites et aider à son pilotage. En outre, les prix souvent bas et variables des produits animaux et les crises sanitaires invitent à revenir sur la question de la diversité des modèles de production et du lien avec celle de l’organisation des filières et des marchés. Il est nécessaire d’éclairer la question des économies de taille, de gamme et des effets d’agglomération et d’analyser comment se saisir des préférences des consommateurs pour mieux orienter la construction de la qualité des produits de l’élevage au sein des filières et en ciblant au mieux leurs débouchés.

3.3. Repenser les liens entre élevage, productions végétales et dynamique des territoires

Le (re)couplage animal-végétal est essentiel pour l’amplification des approches agroécologiques. Il doit contribuer à une agriculture assurant le recyclage des éléments nutritifs, plus efficiente globalement et moins consommatrice d’énergie fossile et de produits chimiques, plus autonome en protéines, assurant la fertilité des sols, entretenant la biodiversité, valorisant les paysages et offrant des opportunités de développement de circuits alimentaires locaux. Ce (re)couplage concerne la valorisation optimisée des effluents pour réduire le recours aux engrais minéraux de synthèse et entretenir le stock de matière organique du sol (initiative 4p1000). Il concerne aussi la diversification des rotations et des assolements, l’alimentation animale offrant des degrés de liberté bien plus importants que l’alimentation humaine pour utiliser et remobiliser dans la chaine alimentaire une très grande diversité de biomasses végétales non directement utilisables en alimentation humaine. L’échelle et les modalités du (re)couplage peuvent être très variables depuis le niveau de l’exploitation, d’échanges entre exploitations voisines jusqu’aux échanges entre territoires. De manière plus disruptive, la réintroduction de l’élevage dans des territoires où il a disparu, voire l’utilisation de l’élevage comme outil du biocontrôle (désherbage, lutte contre les parasites) dans les zones spécialisées en grandes cultures, vignes et vergers sont à considérer. Le (re)couplage présente un intérêt tout particulier dans le cadre du développement de l’agriculture biologique où l’élevage fournit des engrais bon marché et où il peut bénéficier en retour d’aliments locaux certifiés bio à prix intéressant.

Toutes ces évolutions interpellent la recherche dans trois dimensions. Il faut considérer les flux de matières et d’énergie dans les territoires (métabolisme territorial) avec des approches quantitatives dynamiques et spatialisées et transformer ces informations sous formes d’indicateurs (au sens large) permettant de comprendre et piloter ces flux. L’élevage doit aussi s’entendre de façon très large en considérant les synergies, antagonismes et hybridations qui peuvent apparaitre entre les types d’élevage (intensif vs extensif, monogastrique vs ruminant…). Il faut considérer les différents rôles de l’élevage, et non uniquement la production d’aliments et de produits biosourcés, comme une clé d’entrée pour imaginer des solutions, ce qui n’exclut pas de confronter les deux approches dans un second temps. Le (re)couplage pose enfin des questions autour de nouveaux modèles économiques et de la gestion de la sécurité sanitaire.

3.4. Repenser la filière, les liens entre élevage, transformation et consommation des produits animaux

La reconnexion entre élevage, transformation et consommation nécessite un changement de paradigme pour les recherches sur la qualité des produits animaux, afin de créer de la valeur en réponse aux attentes sociétales qui sont multiples ; ce qui concerne non seulement la qualité intrinsèque des produits (sanitaire, nutrition, saveur, aptitudes pour la transformation), mais aussi leur qualité extrinsèque (liées aux modes de production et de distribution) auxquelles les consommateurs sont de plus en plus sensibles.

Ce volet amène de nouvelles questions. La première concerne l’évaluation de la place des produits animaux au sein de régimes alimentaires durables c’est à dire nutritionnellement adéquats, socialement acceptables et moins négativement impactant sur l’environnement dans un contexte de transition alimentaire. De nombreuses études concluent à la nécessité de réduire, parfois drastiquement, la consommation de produits animaux, mais les conséquences restent mal renseignées notamment sur l’environnement et le développement économique et social des territoires selon les scénarios d’usage des terres ainsi libérées par l’élevage. Des questions nouvelles apparaissent aussi sur la construction de la qualité des produits animaux tout au long de la chaine. Un domaine majeur de connaissance et d’innovations concerne ici la compréhension et la maitrise des microbiomes (et aussi des micronutriments et des polluants) tout au long de la chaine alimentaire. Un autre domaine concerne l’étude des conséquences de l’adoption de systèmes de productions plus agroécologiques sur la qualité des produits et sa variabilité, les conséquences pour la transformation, les conditions d’adoption des innovations par l’ensemble des acteurs des filières de l’amont à l’aval et le développement d’outils d’authentification et de contrôle des conditions d’élevage.

4. Un cadre conceptuel pour développer les innovations

4.1. Les leviers de l’agroécologie et de l’économie circulaire

La mise en œuvre de l’agroécologie s’appuie sur la recherche et le renforcement des synergies entre les composantes du système de production ainsi que sur la diversification des systèmes, l’organisation spatiotemporelle des cycles biologiques pour boucler les cycles de nutriments, réduire les émissions et l’usage des intrants (eau, énergie, engrais, biocides), améliorer la santé des écosystèmes, accroitre la biodiversité, la production des services écosystémiques et la résilience des systèmes de production face aux aléas (climatiques, sanitaires, économiques). Il s’agit de maximiser le recours aux processus biologiques, leurs interactions et la biodiversité domestique à tous les niveaux d'organisation en substitution des intrants chimiques (INRA, 2012). L’économie circulaire explore quant à elle les possibilités de bouclage des cycles de matière et d’énergie dans une démarche souvent trans-sectorielle et trans-systèmes. Elle repose sur le recyclage des biomasses entre les différentes étapes de production en priorité pour réduire la consommation de ressources et les émissions vers l’environnement. L’agroécologie et l’économie circulaire sont complémentaires pour produire avec moins d’intrants (Dumont et al., 2013 ; Thomas et al., 2014), l’intensité du lien au sol déterminant le niveau d’articulation entre les leviers de l’agroécologie et ceux de l’économie circulaire.

Ces démarches permettent de renouveler en profondeur les questions de recherche. Le développement de pratiques agroécologiques en élevage amène à considérer le temps long en privilégiant les capacités d’adaptation des animaux et des systèmes dans le temps, et non plus la production maximale à court terme ce qui était souvent l’objectif des recherches par le passé. Les pratiques agroécologiques nécessitent de modifier la relation au risque et de considérer la diversification des productions (potentielle économie de gamme) et des systèmes au sein des territoires comme un levier pour faire face à l’accroissement de la dépendance aux conditions du milieu et à la sensibilité aux aléas par rapport aux systèmes conventionnels dans lesquels il s’agissait de contrôler les fluctuations environnementales. Elles amènent aussi à piloter par des actions à différentes échelles (de l’animal à la mosaïque paysagère), le métabolisme des agroécosystèmes associant l’élevage au sein des territoires. Ceci recouvre notamment la gestion plus préventive et moins curative de la santé et du bien-être des troupeaux, le bouclage des cycles de nutriments et la gestion de la matière organique des sols, la recherche d’une plus grande autonomie alimentaire des troupeaux, la limitation des intrants. Elles amènent également à repenser la préservation, la caractérisation et l’utilisation de la biodiversité : l’utilisation et la gestion des ressources génétiques animales ; la valorisation de plantes présentant des caractères d'intérêt comme notamment des légumineuses (autonomie en protéines et azote, intérêts de métabolites secondaires pour la santé des troupeaux) ; la gestion spatiotemporelle de la diversité des ressources ; la gestion de la matière organique et de la biomasse de (micro)organismes du sol ; la préservation de la biodiversité végétale et des habitats par des pratiques d’élevage adaptées notamment afin de maintenir des services de régulation (pollinisation…) ou culturels et sociaux.

Le développement de l’économie circulaire permet pour sa part de réexaminer la capacité des animaux à recycler, dans la chaine alimentaire, les biomasses non directement comestibles par l'Homme et dont la ressource pourrait augmenter à l’avenir (diversification des rotations, ressources aquatiques, valorisation des résidus alimentaires, insectes produits par recyclage de résidus…). Il renouvelle les questions sur l’efficience digestive et l’alimentation des troupeaux, la disponibilité des ressources, et pose la question de l’évaluation environnementale et sanitaire de ces nouvelles filières et de leur gouvernance. Il conduit aussi à s’interroger sur de nouvelles valorisations des coproduits de l’élevage avec, en premier lieu, les effluents par la production d’énergie ou l’extraction et la valorisation de nutriments (N et P) ou de molécules d’intérêt et les possibilités de transfert entre territoires et, en second lieu, la valorisation des carcasses, voire de lait et d’œufs grâce à de nouveaux développements technologiques pour la production de molécules bioactives et/ou d’ingrédients fonctionnels d’intérêt pour d’autres industries (pharmaceutiques notamment).

4.2. Le levier de l’innovation technologique

Les innovations technologiques dans les domaines des biotechnologies, du numérique et des procédés industriels peuvent et doivent contribuer aux approche agroécologiques et d’économie circulaire. Ceci recouvre i) les connaissances sur le génome et le phénotypage à haut débit qui doivent permettre une sélection plus précise sur des caractères d’intérêt socioéconomique et de disposer d’animaux plus robustes, plus adaptables et efficients et des produits animaux aux qualités améliorées (Phocas et al., 2017) ; ii) la maîtrise du microbiome et de l’épigénome animal via la mise en œuvre d'une programmation précoce des individus (in utero, in ovo, pendant la période périnatale) pour pouvoir moduler l’expression du génome de manière ciblée et orienter les phénotypes ; et iii) la maîtrise et la gestion des communautés microbiennes pour améliorer la santé par des approches préventives, basées sur l’écologie microbienne. La prédiction des capacités d’adaptation et des performances des animaux nécessite le développement de nouveaux biomarqueurs, source importante d’innovations technologiques.

Les nouvelles technologies du numérique (capteurs, robotique, internet des objets, « block-chain »…) fournissent des outils et des concepts innovants pour la gestion de l’élevage, et le phénotypage sur de grands effectifs pour une sélection génomique efficace. Le traitement en continu et automatisé d'une énorme quantité de données offre aussi de nouvelles possibilités pour la certification et une transparence accrue des relations entre entreprises et avec les consommateurs en ce qui concerne les modes de production. L’innovation dans les procédés technologiques doit permettre d’améliorer la valeur nutritionnelle des coproduits végétaux pour l’alimentation animale, les traitements des effluents et les coproduits issus des carcasses.

4.3. Le levier de l’innovation organisationnelle

La coopération entre les différentes parties prenantes concernées, l’évolution des politiques publiques et des marchés sont des éléments essentiels pour la transition de l’élevage qui nécessite de nouvelles perspectives partagées, de nouveaux partenariats, de nouvelles chaines de valeur. Ces évolutions doivent aussi reposer sur une connaissance précise des différentes trajectoires d’évolution de consommation de produits animaux en France, en Europe et dans le monde et des motivations qui les sous-tendent pour mieux orienter la production.

Les principaux leviers d’action concernent la définition de dispositifs et instruments de régulation (motivations pour la production de services, taxation pour des dis-services, alignement des politiques publiques avec des objectifs de santé…), la recherche de nouvelles solidarités entre les acteurs du monde de l’élevage, de l’amont vers l’aval, et les autres acteurs des territoires pour développer de nouveaux systèmes bien acceptés socialement et réalistes d’un point de vue économique. Ils concernent aussi la gestion de la coexistence et de l’hybridation entre systèmes dominants et systèmes alternatifs pour répondre à différentes demandes des consommateurs, l’innovation dans les collectifs de travail et la répartition de la valeur ajoutée pour une attractivité accrue des métiers et le maintien de l’emploi rural. Enfin les effets environnementaux, sociétaux et économiques de l’élevage étant fortement imbriqués, le développement de scénarios prospectifs permettant une vision globale des performances (notion de bouquets de services/dis-services) de l’élevage afin de pourvoir les articuler, de pointer des synergies et des antagonismes et au final de gérer les compromis en rendant visibles les arbitrages sont nécessaires (Ryschawy et al., 2017 ; Ryschawy et al., 2019) et doivent aussi contribuer à programmer les recherches.

5. Priorités scientifiques et nouveaux fronts de science

Pour répondre aux enjeux de l’élevage, quatre priorités scientifiques ont été définies (tableau 1). Elles mettent en avant les ruptures thématiques et méthodologiques à envisager et les nouveaux fronts de science à développer pour contribuer à inscrire l’élevage comme contributeur au développement de systèmes agri-alimentaires durables On peut noter que bon nombre de travaux conduits dans les départements de sciences animales de l’INRA, trouvent naturellement leur place dans cette vision, notamment au sein de la priorité 3.

Tableau 1. Liste des priorités scientifiques, des enjeux de recherche associées et des thématiques des groupes de travail les plus impliqués.


Priorité scientifique

Enjeu des recherches

GT

1. Développer des élevages
créateurs de valeurs et
répondant aux attentes
sociétales

Comprendre les enjeux qui se nouent autour de l’élevage et dans
quelle mesure les différents modes d’élevage peuvent contribuer
à rendre une diversité de services pour la société (économique,
environnementaux, alimentaires, culturels, patrimoniaux)
en fonction des territoires et de leur spécificité

1, 7, 8, 9

2. Utiliser l’aptitude des animaux
à valoriser des biomasses
diverses pour développer une
agriculture agro-écologique
bouclant les cycles de nutriments

Accroitre l’efficience d’utilisation des biomasses végétales,
particulièrement celles non consommées par l’Homme, tout en
limitant les pertes, en améliorant la qualité des sols et en réduisant
les intrants et l’usage des ressources non renouvelables

5, 6

3. Améliorer les aptitudes
des animaux et proposer des
systèmes d’élevage durables

Disposer de systèmes d’élevage conçus autour du bien-être
et de la santé des animaux, climato intelligents et réduisant
au minimum (quasi suppression) l’usage des intrants
médicamenteux, et disposer d’une diversité d’animaux plus
efficients et robustes, adaptés à des conditions d’élevage variées
et pas forcément optimales, et produisant des produits adaptés
à la demande

2, 3, 4, 5, 7

4. Faire entrer l’élevage
dans l’ère du numérique

Étudier comment des évolutions (techniques, organisationnelles)
permises par l’émergence du numérique et de la massification
des données permettent de mieux répondre aux attentes
des éleveurs, des consommateurs et des citoyens vis-à-vis
des trois premières priorités

10

5.1. Priorité 1 : Développer des élevages créateurs de valeurs et répondant aux attentes sociétales

Les divergences fortes entre les attentes sociétales et les déterminants de la rentabilité des élevages d’une part, et entre le soutien public à l’élevage et ses effets environnementaux et sociaux d’autre part, posent des questions de recherche nouvelles. Quatre domaines de recherche ont été identifiés.

a. Comprendre les enjeux sociétaux et économiques qui se nouent autour de l’élevage

La première question concerne l’analyse des conséquences d’un alignement des politiques publiques avec les objectifs de santé publique car l’application des principes d’économie publique à l’élevage et aux produits animaux conduirait à des politiques très éloignées de celles qui sont actuellement en place telles que la taxation des émissions de GES (donc de la viande rouge et des engrais) plutôt que des aides publiques aux ruminants, le soutien aux prairies permanentes plutôt qu’aux terres arables, etc. qui peuvent avoir des effets majeurs sur la reconfiguration de l’élevage. La deuxième question concerne la place de l’élevage dans la chaine de valeur, le maintien de l’emploi en élevage, l’attractivité des métiers dans les zones rurales et les modes de coopération et de contractualisation entre les différents acteurs concernés pouvant créer de la valeur et des carrières attrayantes et contribuer à la transition vers des modèles d’élevage innovants. La troisième question concerne les déterminants des évolutions structurelles des entreprises (exploitations, industries) et leurs conséquences sur les performances de l’élevage pour éclairer les possibilités d’évolution des systèmes, leur répartition territoriale, notamment en revisitant les questions d’économie de taille, de gamme et les effets d’agglomération, l’analyse du rôle de la qualité des produits, de la traçabilité et comprendre l’influence des normes privées et publiques sur la capacité à conquérir de nouveaux marchés. En lien avec les priorités suivantes concernant l’amélioration génétique et la re-conception des systèmes d’élevage, il est nécessaire de progresser sur l’analyse des causalités de long terme. Il s’agit de quantifier dans quelle mesure les politiques, la PAC en particulier, ont orienté, et peuvent orienter dans le futur, les systèmes d’élevages au travers des conditions d’installations et du progrès technique induit par les prix et leurs anticipations par les différents acteurs des systèmes agri-alimentaires.

b. Évaluer les rôles de l’élevage et des produits de l’élevage au sein des systèmes agri-alimentaires

La disponibilité alimentaire comme condition nécessaire à la sécurité alimentaire globale et la place des produits animaux dans la diète est une question centrale. Les modèles d’équilibre globaux qui explorent par grandes régions différents scénarios démographiques et climatiques doivent être améliorés par une prise en compte plus explicite de l’élevage qui n’est approché que par des coefficients d’efficience moyens et par une meilleure connaissance et utilisation des trajectoires de consommation de produits animaux dans les différentes parties du monde. Les modèles localisés de métabolisme territorial visent à évaluer ex-ante des scenarios d’évolution de l’agriculture en intégrant les effets des pratiques. Cette approche, trop peu développée, doit permettre la recherche d’optimum entre les différentes productions pour maximiser la valorisation des biomasses produites avec réduction des impacts locaux et globaux. Ceci concerne par exemple l’organisation repensée entre cultures et élevage qui permet de mieux répondre à ces objectifs que l’organisation par filières, la recherche de valeur ajoutée par passage d’un territoire en agriculture bio, la recherche d’une efficience maximale en visant des marchés à l’export ou les apports de l’élevage pour contribuer à la diversification des cultures et réduire les pesticides, la place de la gouvernance des territoires face à celle des filières qui domine aujourd’hui, etc. Ces études doivent prendre en compte la place respective des ruminants et des monogastriques car leurs performances environnementales sont contrastées - et ils peuvent être complémentaires ou en compétition selon les territoires et les objectifs -, ainsi que la diversité des territoires en distinguant a minima le Grand Ouest fourrager, le Centre spécialisé en céréaliculture, les zones de montagnes humides et les territoires de polyculture élevage.

c. Évaluer les systèmes d’élevage pour les faire progresser et alimenter le débat public

L’approche par les bouquets de services vise à décrire les performances économiques, sociales et environnementales de l’élevage, à comprendre leurs déterminants biologiques, techniques, culturels et économiques, à analyser les synergies et les antagonismes entre les performances et in fine à expliciter les choix. Elle permettra d’aborder des questions concernant l’évolution des compromis entre les services et dis-services, les relations entre services et résilience des systèmes, l’évaluation de l’élevage dans les approches circulaires territorialisées, l’évaluation des interactions entre élevage et biodiversité à différentes échelles et la question de la valorisation de services marchands et non marchands. Toutefois, cette notion, encore nouvelle, nécessite des apports méthodologiques concernant l’extension de la notion de services écosystémiques à des notions de dynamisme économique et de bien-être des populations ; la délimitation du système étudié et des services (diversité des bénéficiaires, réalité des processus, centres de décision économiques et politiques…) afin d’appréhender correctement les interactions entre éléments du système et celles du système avec son environnement et la construction d’indicateurs et de systèmes d’indicateurs. En complément, l’évaluation des systèmes par la méthode d’Analyse de Cycle de Vie (ACV), largement utilisée, doit encore progresser pour prendre en compte les fortes interactions entre produits et activités lorsque l’on veut l’appliquer à des systèmes, des territoires et à nos régimes alimentaires. Les progrès concernent la prise en compte des dynamiques temporelles et la spatialisation des effets, la mobilisation de modèles plus précis pour les phénomènes se déroulant sur un pas de temps long (stockage de C), le développement d’indicateurs pour prendre en compte les services (biodiversité, emplois, culturels…), la qualité nutritionnelle des produits et l’économie. Les approches par ACV « conséquentielle » incluant les effets indirects sur les filières connexes des changements de pratiques sont riches de perspectives mais encore insuffisamment développées.

d. Accroitre et valoriser la diversité pour développer un élevage multiperformant

Dans une logique de développement de systèmes agro-écologiques la diversité devient un objet central de recherches. À l’échelle des systèmes, la prise en compte explicite de la diversité et de la diversification ouvre de nouveaux fronts de recherche. Ils concernent sa caractérisation et la mise en évidence de ses intérêts en regard des fonctions attendues, et la définition des conditions d’expression de cet intérêt en tant que source d’adaptabilité/de résilience, d’efficience et de constance de la production. Ils concernent aussi les modalités de son pilotage en comprenant mieux l’organisation de l’action collective pour ce pilotage, les objectifs et outils de gouvernance, d’action publique pour appuyer et gérer cette diversité. La question de la réintroduction de l’élevage au sein de territoires où il a disparu est une question à fort enjeu. Aux échelles infra les questions concernent l’intérêt de la diversité animale pour mieux gérer les systèmes et notamment l’évolution des schémas de sélection animale pour répondre à la diversité de la demande, les complémentarités entre types d’animaux en regard de la diversité croissante des ressources. Elles concernent aussi les modalités d’une diversification amont des produits sachant que les verrous financiers, technologiques, logistiques, etc. semblent très importants et empêchent les opérateurs de réadapter leurs stratégies pour mieux répondre à l’attente.

5.2. Priorité 2 : Utiliser l’aptitude des animaux à valoriser des biomasses variées pour une agriculture bouclant les cycles de nutriments

La question de l’alimentation des animaux et de la gestion des effluents sont des éléments clés i) pour la recherche d’une éco-efficience accrue des systèmes agri-alimentaires, ii) pour une moindre dépendance aux engrais minéraux et aux protéines importées, iii) pour le développement d’une alimentation locale et aujourd’hui souhaitée sans OGM et iv) contribuant à la transition énergétique. Les nouveaux fronts de science concernent trois domaines :

a. Remobiliser dans la chaine alimentaire des gisements de biomasse et de protéines non comestibles par l’Homme, grâce à l’élevage

L’élevage peut permettre de valoriser des biomasses produites par la diversification des rotations rendue nécessaire pour limiter l’usage des pesticides et de nouveaux gisements de coproduits peuvent aussi être identifiés (Halmemies-Beauchet-Filleau et al., 2018). Ces nouvelles ressources alimentaires seront souvent très variables dans l’espace, le temps et en qualité ce qui pose des questions spécifiques. Leur utilisation raisonnée nécessite le développement de systèmes d’information basés sur des simulateurs permettant d’évaluer la disponibilité et les prix, en tenant compte des compétitions d’usage, des contextes locaux (agronomique, économique, moyens de transports, organisations entre acteurs…) et de la gestion de la sécurité sanitaire. Une deuxième question concerne l’efficience d’utilisation par l’animal. Il s’agit notamment de comprendre l’origine des variations interindividuelles (comportement alimentaire, digestion, microbiote) qui seront exacerbées avec ces ressources souvent de moindre qualité, de prédire les performances des troupeaux en réponse aux variations de l’offre alimentaire et développer de procédés technologiques pour améliorer leur valeur nutritionnelle et sanitaire ou diversifier les utilisations comme par exemple le fractionnement des légumineuses fourragères pour leur utilisation en alimentation des porcs. La troisième question concerne l’évaluation de l’intérêt agronomique et environnemental de la valorisation par l’animal de ces ressources plutôt qu’une utilisation par retour direct au sol ou après traitement et/ou valorisation énergétique (méthanisation, compostage). Enfin, la valorisation de protéines d’invertébrés (insectes mais aussi vers de terre) produits par recyclage de biomasses de déchets alimentaires humains ou d’effluents ou de protéines d’origine aquatique (algues) pose la question de l’efficience globale du recyclage, de la valorisation par l’animal de ces protéines en substitution du soja, de la qualité nutritionnelle et sanitaire des produits animaux et de l’acceptabilité par la société de ces nouveaux modes d’alimentation des animaux. L’utilisation en tant que produits de biocontrôle pour la santé animale de certains composés des légumineuses ou des algues est un champ qui mérite d’être exploré.

b. Gérer les effluents d’élevage pour boucler les cycles de nutriments et contribuer à la fertilité des sols

Les voies de progrès pour accroitre l’efficience de la valorisation agronomique des effluents et limiter les émissions vers l’eau et l’air concernent la prise en compte de manière intégrée de l’ensemble des maillons (de l’alimentation animale qui affecte la composition des effluents à l’épandage au champ), de l’ensemble des processus liés au cycles biogéochimiques du C, de l’N et du P, et de la connaissance des dynamiques de minéralisation des formes organiques de l’N avec leurs effets sur les composantes de la fertilité des sols selon les types d’effluents et les procédés technologiques appliqués (séparation de phase, compostage…). Si la maitrise des émissions gazeuses (volatilisation d’ammoniac, émission de gaz à effet de serre) tout au long des filières de gestion des effluents d’élevage reste un enjeu fort, il importe aussi de mieux connaitre l’impact des épandages sur la dissémination de contaminants (antibiotiques, pathogènes) et leur transfert dans la chaine alimentaire. À l’échelle des territoires, des démarches participatives doivent permettre de développer des dynamiques d’innovation pour reconquérir la qualité des eaux, substituer des engrais organiques aux minéraux, réaliser des transferts vers des territoires aux sols pauvres en matière organique. La diversification des débouchés des effluents est un autre enjeu. La méthanisation qui contribue au développement des énergies renouvelables génère des questions sur l’efficience du procédé, les équilibres à trouver entre production de biogaz, qualité des digestats et évolution du stock de carbone des sols, et les effets sur le métabolisme territorial (évolution des cultures, interactions entre exploitations, compétitions éventuelles entre élevage et méthanisation pour l’accès aux ressources, flux accrus d’éléments). L’utilisation des effluents comme substrats pour l’extraction de molécules d’intérêt (acides organiques pour l’industrie chimique, composés ligno-cellulosiques pour la production de fibres, nutriments pour la production d’insectes, d’algues, de bio-engrais) sont des pistes à explorer.

c. Réduire les émissions de méthane des ruminants

Plusieurs voies sont à explorer simultanément pour réduire les émissions de méthane des ruminants. Au plan global, la réduction des effectifs de ruminants, souvent évoquée pour réduire les émissions, peut avoir des contre-effets non analysés à ce jour. Les ruminants consomment de grandes quantités de biomasse sur la planète et la question du devenir de ces ressources fibreuses face à des scénarios de réduction de l’élevage doit être évaluée car leur récolte mécanique ou leur décomposition pourraient être une source majeure de GES comme d’ailleurs le retournement des prairies lié à la réduction du nombre de ruminants. L’étude de scénarios alternatifs permettant de réduire les effectifs bovins nationaux tout en maintenant les niveaux de production (engraissement d’animaux issus du troupeau laitier, baisse des effectifs allaitants et recherche de précocité) sont à explorer. Au niveau de l’animal, il faut comprendre les relations entre efficience digestive et rejets de méthane, pour développer des programmes de sélection efficace car les deux performances apparaissent antagonistes, et étudier les possibilités de modifications de l’écosystème microbien du rumen lors de son implantation dans les premiers stades de la vie. Au niveau de l’alimentation, l’utilisation d’additifs peut être efficace, mais il reste à préciser les conséquences sur la qualité des produits animaux (présence de résidus), la santé animale, l’acceptabilité par les consommateurs et les conditions de rentabilité de leur utilisation. L’utilisation de fourrages riches en composés secondaires (saponine, tannins) est une voie prometteuse à explorer.

5.3. Priorité 3 : Améliorer les aptitudes des animaux et proposer des systèmes et filières d’élevage durables

Cette priorité, très vaste, recouvre le cœur des compétences des départements des sciences animales de l’INRA.

a. Développer les capacités d’adaptation des animaux

Le développement de systèmes d’élevages agroécologiques renouvelle les priorités scientifiques de la recherche sur les animaux. Il faut développer leurs capacités d’adaptation face à un environnement plus changeant, qu’elles soient de nature comportementale ou physiologique, répondre à la question de la qualité de vie et développer une gestion préventive plutôt que curative de la santé. La réponse à ces enjeux nécessite de passer d’une vision statique de l’animal telle qu’elle a été développée jusqu’à maintenant à une vision dynamique prenant en compte de manière beaucoup plus intégrée que par le passé les différentes fenêtres temporelles au cours de la vie et entre générations ainsi que l’ensemble des performances (reproduction, production, robustesse, longévité, capacité d’adaptation à la chaleur, caractéristique des produits…) ce qui doit permettre l’étude des effets à long terme des évènements se déroulant dans des phases précoces et de caractériser l'aptitude des animaux à faire des compromis et à s'adapter à des environnements variables au cours de leur vie. Cela implique de décloisonner les compétences sur les différentes périodes de la vie et les différentes fonctions étudiées, et de renforcer les collaborations entre biologistes, biostatisticiens et bio-informaticiens pour l’intégration de données hétérogènes et complexes.

Figure 3. Élaboration précoce et étude des phénotypes : couplage santé, bien être, reproduction, production, longévité, adaptation au chaud, réduction des émissions de méthane, qualité des produits

Les principaux fronts de science concernent la compréhension de l’élaboration précoce des phénotypes (phase périconceptionnelle, vie embryo-larvaire/fœtale, période néonatale jusqu’au sevrage) (figure 3). L’holobionte est une échelle nouvelle à prendre en compte. Il s’agit d’analyser les interactions [Génome x Epigénome x Microbiome] et Environnement ce qui recouvre notamment la compréhension des rôles multiacteurs des écosystèmes microbiens pour l’hôte et sa santé, la mise en évidence et la compréhension de la transmission non génétique de certains caractères dans la variabilité des phénotypes ; l’analyse des mécanismes physiologiques et comportementaux du développement des capacités sensorielles, cognitives et émotionnelles des animaux, et de leur état de conscience ; la compréhension du développement des tissus et organes. Au cours de la vie de l’animal il s’agit d’étudier ses capacités d’adaptation et notamment de savoir si et comment des animaux sélectionnés dans un environnement favorable s’adaptent à un milieu plus changeant ; d’être capable de prédire les conséquences de la sélection d'un caractère sur les autres fonctions de l'animal ; de caractériser les états mentaux des animaux et leur robustesse comportementale ; de comprendre les relations entre le bien-être animal, la santé et la conscience qu’un animal a de son état. Enfin un troisième champ concerne l’étude des relations entre communautés microbiennes et santé des animaux et des Hommes. Il s’agit de comprendre les fonctions des communautés microbiennes (liens entre les différents microbiomes, assemblages microbiens les plus résilients/bénéfiques aux différentes étapes de la vie), d’analyser les modes de transmission des agents pathogènes et d’évaluer les risques de transmission au regard des pratiques, de développer des méthodes de pilotage des écosystèmes microbiens au bénéfice de la santé et du bien-être. L’ensemble de ces recherches doit dépasser le seul cadre de la compréhension des phénomènes pour développer des méthodes d’intervention permettant de les maîtriser (levier des innovations technologiques dans la figure 2) et de prédire les effets sur l’animal.

b. Développer des systèmes d’élevage climato-intelligents conçus pour le bien-être et de la santé des animaux et des Hommes

Les recherches doivent concerner différents niveaux d’échelle en interaction et intégrer le changement climatique qui va challenger les animaux et les systèmes fourragers. A l’échelle de l’animal il s’agit de mettre en place un environnement adapté au fonctionnement écologique et évolutif des espèces et de favoriser les processus naturels de régulation du métabolisme. Il s’agit aussi de favoriser les processus de régulation des agents pathogènes en étudiant les interactions antagonistes avec des espèces pathogènes, l’immunité naturelle et induite des animaux, les communautés d’espèces animales limitant la diffusion des agents pathogènes, l’automédication, les apprentissages des jeunes. À l’échelle des troupeaux et de l’exploitation, il faut concevoir des systèmes multiperformants en s’appuyant sur une meilleure prise en compte, voire l’arrêt, des pratiques traumatisantes (castration, caudectomie, débecquage, dégriffage, écornage…), la recherche de l’expression naturelle des comportements, la nécessité de limiter les périodes à risque pour la santé, la pression infectieuse et les pratiques réduisant les émissions. Un point particulier concerne l’analyse des synergies et antagonismes entre un bien-être animal amélioré et les émissions de GES et des différentes formes d’azote réactif et de phosphore. À l’échelle des filières et territoires, il s’agit de développer des systèmes de surveillance de nouvelle génération pour la circulation/transmission des agents pathogènes, de réfléchir à de nouvelles organisations au sein des filières/territoires pour encourager la réduction des usages d’antibiotiques et plus généralement d’engager des démarches collectives vertueuses.

c. Améliorer la qualité des produits animaux et innover dans la valorisation des coproduits animaux

Au-delà des travaux sur l’élaboration de la qualité des produits animaux, de nouveaux fronts de science sont à considérer. Ils concernent le développement d’outils prédictifs peu ou pas invasifs de la qualité intrinsèque (sanitaire, nutritionnelle, sensorielle, technologique) afin d’évaluer sa variabilité qui peut être augmentée dans le cas de pratiques d’élevage plus agro-écologiques et plus diversifiées et la gérer par exemple en orientant les produits vers différents segments de marchés, notamment dans le cas des filières viande. Un deuxième front concerne la découverte, à partir de produits animaux, de biomolécules pouvant se substituer avantageusement à certaines molécules chimiques de synthèse utilisées en santé publique. Les recherches de peptides à activité biologique ont démarré sur le lait (par exemple les complexes immuno-allergènes) et les œufs, et l’identification de telles molécules dans les viandes pourrait être un débouché pour certains bas morceaux non commercialisés ou à faible valeur marchande ou en fin de date limite de consommation. Un troisième front concerne l’étude de l’origine du microbiote des aliments afin d’en déduire les pratiques d’élevage qui permettraient d’assurer la qualité sanitaire des produits et, dans le cas des produits laitiers au lait cru, une diversité microbienne élevée favorable au développement des qualités gustatives des fromages. Enfin, un dernier front de science concerne l’étude exhaustive des fonctionnalités et bioactivités ainsi que des procédés d’extraction des protéines fibreuses des carcasses (collagène, élastine, kératine, cf. Ferraro et al., 2016) ou des produits animaux eux-mêmes (lait et œuf) pour des applications avancées dans le domaine de la biomédecine, des biomatériaux et de l’agro-alimentaire. La bioactivité des résidus peptidiques issus de ces protéines ouvre aussi à la possibilité de remplacer des composants synthétiques largement utilisés par l’industrie alimentaire d’aujourd’hui ainsi que la récupération du phosphore pour limiter notre dépendance en ce type d’intrants.

5.4. Priorité 4 : faire entre l’élevage dans l’ère du numérique

Les perspectives offertes par les technologies du numérique sont extrêmement attractives dans de très nombreux domaines : gestion du bien-être (objectivation de l’état de l’animal dans le cadre d’une obligation de résultat), de la santé (meilleure détection des maladies à la fois plus précoce et plus exhaustive, meilleure caractérisation des symptômes), de l’alimentation (ajustement en fonction des réponses animales à l’échelle du groupe ou de l’individu), de la reproduction (des informations en continu sur les comportements et certains paramètres biologiques des individus). Enfin, la sélection génétique a beaucoup à gagner de ces informations à haut débit, le génotypage étant aujourd’hui bien moins limitant que le phénotypage à grande échelle des caractères d’intérêt zootechnique.

a. Utiliser les technologies du numérique en élevage

Il faut déterminer en quoi ces technologies permettent de mieux répondre aux nouveaux enjeux de l’élevage. L’enjeu des recherches réside bien plus dans l’étude de la plus-value permise par l’information que dans les développements des techniques en elles-mêmes, ce qui n’interdit pas de les qualifier pour mieux en cerner les usages et de participer à leur développement en partenariat. Les questions concernent ici quatre points. En premier lieu, il s’agit de déterminer les gains rendus possibles par la gestion de la diversité individuelle en élevage à partir des informations disponibles en dynamique et en combinant la connaissance de la diversité génétique (possibilités du génotypage) et la diversité phénotypique. Il devient en effet possible aujourd’hui de passer d’une gestion basée sur la production et les besoins associés à une gestion en dynamique sur des critères beaucoup plus variés et des actions ciblées. En deuxième lieu, la recherche doit préciser comment il est possible de valoriser au mieux toute la masse d’informations qui va débarquer dans les élevages demain. La structuration des systèmes d’information est décisive et doit permettre de restituer à l’éleveur les données de façon claire pour les décisions, voire de déléguer l’application de celles-ci à des robots. Il faut analyser les conséquences sur le métier d’éleveur de ces technologies qui suppriment des tâches d’astreinte mais en créent de nouvelles (entretien/surveillance des équipements), qui peuvent être source de stress (alarmes trop nombreuses) et conduire à un moindre investissement dans les savoirs faire. Le déploiement de ces nouvelles technologies va également modifier l’organisation des acteurs du conseil et de la sélection et permettre de développer la traçabilité des modes de production pour le consommateur. Enfin, développer des outils permettant d’évaluer le retour sur investissement de ces technologies est une véritable question de recherche.

b. Utiliser les technologies du numérique pour acquérir de la connaissance

Pour la recherche, ces outils sont une formidable opportunité de vision large « macroscopique » de systèmes biologiques en complément de la vision « microscopique » permise par les révolutions technologiques des « omics ». La possibilité d’intégrer les données issues des capteurs utilisés dans les élevages commerciaux permet de changer de dimension dans nos objets d’étude et d’observer de grands effectifs dans des environnements et avec des conduites très différentes pour un phénotypage à grande échelle. Dans ce contexte, l’INRA n’est plus le principal fournisseur de données, mais il a un rôle important pour relier ces informations à haut débit avec des données difficiles à acquérir en élevage mais accessibles par l’expérimentation (émissions gazeuses, aptitudes digestives…). Ce travail est indispensable pour interpréter et utiliser ces données en élevage, mais les liens entre ces données n’étant pas nécessairement mécanistes, il faudra associer des techniques de fouilles de données et d’apprentissage automatique pour réaliser des sauts technologiques et faire avancer les fronts de science. Ces nouvelles technologies doivent aussi nous permettre de développer des biomarqueurs peu ou pas invasifs et des systèmes d’aide à la décision.

Conclusion

Cette réflexion scientifique prospective a permis de développer une vision pour le positionnement de l’élevage au sein de systèmes agri-alimentaires circulaires et durables et de fournir un cadre conceptuel pour le développement futur des recherches et des innovations. Repositionner l’élevage au cœur des systèmes agri-alimentaires, ouvre de nouvelles perspectives pour améliorer simultanément les différentes dimensions de l’élevage. Cette approche permet aussi de positionner l’élevage non plus uniquement comme un élément aux impacts négatifs qu’il faut réduire, mais aussi comme une ressource pour trouver des solutions innovantes améliorant la durabilité des systèmes agri-alimentaires. Les évolutions à réaliser et les progrès à accomplir nécessitent une recherche ambitieuse qui ne peut pas être réalisée dans la seule continuité des recherches actuelles. Des ruptures sont à réaliser tant au niveau des thématiques de recherche que des méthodes d’approche. Il est notamment indispensable de renforcer les approches interdisciplinaires, non seulement entre biologistes du domaine animal, mais aussi avec les sciences du végétal, les sciences sociales et économiques et les sciences des données. Parmi les virages à négocier, trois sont d’une importance toute particulière :

Le premier concerne, le développement d’une vision dynamique et intégrée de l’animal et des systèmes d’élevage en intégrant les différents niveaux d’approche et les différentes échelles temporelles et spatiales. Cet enjeu va nécessiter de développer des approches analytiques de long terme permettant des suivis longitudinaux et intergénérationnels d’animaux placés dans des conditions contrôlées et de quitter l’approche animal/lot moyen pour s’intéresser aux trajectoires d’évolution. Au final il faut disposer de modèles animaux construits par un vécu différent alors que jusqu’à présent nous disposions essentiellement de modèles génétiques reposant sur des lignées expérimentales divergentes. Cet enjeu doit aussi s’accompagner du développement de nouvelles méthodes d’investigation pour un suivi non invasif des animaux et de l’élargissement des capacités de phénotypage ainsi que du développement de méthodes alternatives à l’expérimentation animale permettant d’approfondir les processus physiologiques en reproduisant in vitro la micro-anatomie d'un organe (organoïdes) et d‘analyser les interactions entre organes (Organ-on-chips). À l’échelle des systèmes d’élevage, il est indispensable de renouveler les compétences de zootechniciens ayant une vision systémique pour conduire des travaux souvent à l’interface entre disciplines et de conception innovante de systèmes ainsi que de renforcer celles en sciences humaines et sociales liées à l’élevage qui apparaissent trop modestes face aux enjeux des controverses liées aux questions du bien-être et santé des animaux et des Hommes, de l’acceptabilité de substituts à la viande et plus généralement de l’éthique en élevage.

Le deuxième concerne l’intégration de l’élevage dans des problématiques plus globales relatives au (re)couplage entre élevage et productions végétales. Une clé d’entrée très transformante pour l’agriculture serait de développer des recherches pour réduire notre dépendance à l’azote de synthèse et aux importations de protéines pour l’alimentation animale et produire une alimentation saine et nutritionnellement adéquate. Cette thématique converge avec l’objectif de réduction des émissions de GES, notamment de N2O qui est le principal GES de l’agriculture en Europe, avec la réduction des produits phytosanitaires via la diversification des rotations, l’alimentation animale offrant de degrés de liberté pour réfléchir à cette diversification, et l’introduction de légumineuses dans un objectif de réduction de l’usage des engrais de synthèse. Les fronts de science concernent la modélisation de scénarios prospectifs, l’établissement de rotations et assolements plus vertueux, l’analyse de la complémentarité ou compétition entre types d’élevage pour titrer au mieux partie des biomasses, la gestion des effluents, la génétique végétale et animale avec de nouveaux objectifs de sélection, les technologies de procédés pour le traitement des aliments pour l’Homme et coproduits pour les animaux, le développement et la gouvernance de nouvelles chaines de valeur à l’échelle des territoires.

Le troisième est lié au développement des « data sciences ». De nombreux travaux font appel à l’utilisation d’approches d’analyse de données collectées dans des conditions très variées pour couvrir une gamme de situations environnementales, tant spatiales que temporelles, aussi large que possible à la fois au niveau des animaux (ou à des échelles infra) et au niveau des systèmes d’élevage, des filières et des territoires. Les questions soulevées concernent la fréquence d’acquisition, la gestion d’un afflux massif de données souvent hétérogènes et leur utilisation. Ce dernier point soulève des questions de nature scientifique sur la meilleure façon de les utiliser à des fins de compréhension des phénomènes étudiés, de nature méthodologique pour analyser la complexité des données collectées et de nature technique renvoyant aux capacités de calcul, à l’algorithmique et aux logiciels. Des complémentarités sont à trouver entre des approches en intelligence artificielle (« data driven ») et les modèles plus mécanistes simulant les processus biologiques. Même si quelques recrutements de « data scientists » peuvent s’envisager dans un domaine où la technologie évolue très vite, c’est surtout de chercheurs ayant une double compétence « élevage/data » dont nous avons besoin pour développer des collaborations, avec l’INRIA en particulier, et capitaliser sur l’opportunité de l’Institut Convergences Agriculture Numérique #Digitag, seul Institut Convergences dédié à l’agriculture.

Notes

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    Résumé

    L’ambition de l’Atelier de Réflexion Prospective sur l’élevage a été de repenser la place, les rôles de l’élevage et en quoi il doit se transformer pour contribuer pleinement au développement de systèmes agri-alimentaires plus durables ainsi que d’identifier des thématiques de recherches interdisciplinaires permettant d’explorer des fronts de science ou méthodologiques porteurs d’avenir pour lever les verrous de connaissances. La réflexion a été animée par un groupe de 15 chercheurs et en a mobilisé une centaine. À partir d’une analyse du contexte et des drivers d’évolution des systèmes nous proposons un nouveau cadre conceptuel et des voies de progrès pour penser l’élevage de demain. L’élevage doit s’inscrire dans le cadre de systèmes agri-alimentaires circulaires dans lesquels il doit contribuer, au-delà d’une efficience accrue des moyens de production, à la préservation de la qualité des ressources et à la production d’une alimentation à un prix abordable. Il faut repenser les systèmes pour qu’ils soient climato-intelligents et répondent aux enjeux de santé et du bien-être des animaux et des Hommes ; repenser les liens entre élevage, production végétale et territoire pour maximiser les recyclages et repenser les liens entre élevage, transformation et consommation des produits de l’élevage. Les innovations doivent être basées sur les principes de l’agroécologie complétés par ceux de l’économie circulaire et par la mobilisation des leviers des (bio)technologies et de l’innovation organisationnelle. Le texte décrit quatre grandes priorités scientifiques avec leurs enjeux de recherche et produit des recommandations pour un plan d’action.

    Auteurs


    Jean-Louis PEYRAUD

    jean-louis.peyraud@inra.fr

    Affiliation : INRA, Direction Scientifique Agriculture, 75338, Paris, France

    Pays : France


    Joël AUBIN

    Affiliation : SAS, Agrocampus Ouest, INRA, 35000, Rennes, France

    Pays : France


    Marc BARBIER

    Affiliation : INRA - ESIEE - CNRS - UPEM, UMR LISIS, 77454, Marne La Vallée, France

    Pays : France


    René BAUMONT

    Affiliation : Université Clermont Auvergne, INRA, VetAgro Sup, UMR Herbivores, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

    Pays : France


    Cécile BERRI

    Affiliation : BOA, INRA, Université de Tours, 37380, Nouzilly, France

    Pays : France


    Jean-Pierre BIDANEL

    Affiliation : GABI, AgroParisTech, INRA, Université Paris-Saclay, 78350, Jouy-en-Josas, France

    Pays : France


    Christine CITTI

    Affiliation : IHAP, Université de Toulouse, INRA, ENVT, 31076, Toulouse, France

    Pays : France


    Corinne COTINOT

    Affiliation : UMR BDR, ENVA, INRA, Université Paris-Saclay, 78350, Jouy-en-Josas, France

    Pays : France


    Christian DUCROT

    Affiliation : ASTRE, Université de Montpellier, CIRAD, INRA, 34060, Montpellier, France

    Pays : France


    Pierre DUPRAZ

    Affiliation : INRA - AgroCampus Ouest, UMR SMART-LERECO, 35042, Rennes, France

    Pays : France


    Philippe FAVERDIN

    Affiliation : PEGASE, INRA, Agrocampus-Ouest, 35042, Rennes, France

    Pays : France


    Nicolas FRIGGENS

    Affiliation : UMR Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, 75005, Paris, France

    Pays : France


    Sabine HOUOT

    Affiliation : UMR ECOSYS, INRA-AgroParisTech-Université Paris-Saclay, 78850, Thiverval-Grignon, France

    Pays : France


    Marie-Odile NOZIÈRES-PETIT

    Affiliation : SELMET, CIRAD, INRA, Montpellier SupAgro, 34000, Montpellier, France

    Pays : France


    Claire ROGEL-GAILLARD

    Affiliation : GABI, AgroParisTech, INRA, Université Paris-Saclay, 78350, Jouy-en-Josas, France

    Pays : France


    Véronique SANTÉ-LHOUTELLIER

    Affiliation : INRA, UR QuaPA, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

    Pays : France

    Pièces jointes

    Pas d'informations justificatives pour cet article

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