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Impacts de la crise de la Covid-19 sur les circuits courts de produits animaux : résultats d’enquêtes en début de pandémie Dossier Covid : Conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19 sur les productions animales

Chapeau

La crise de la Covid-19 est à la fois un choc important pour les systèmes alimentaires et une opportunité pour mieux les connaître. Synthèse de trois enquêtes menées dans le cadre du RMT Alimentation locale, cet article montre comment les exploitations d’élevage en circuits courts ont su résister, s’adapter et innover pendant les premiers mois de la pandémie et en tire des pistes pour l’action.

Introduction

La crise de la Covid-19 constitue une crise sanitaire sans précédent pour les sociétés contemporaines, liée à la diffusion d’un virus (SARS-CoV-2) s’attaquant aux êtres humains. Dans les premiers mois qui ont suivi l’apparition du virus fin 2019, de nombreux pays ont cherché à contenir la pandémie à travers une série de mesures sanitaires, notamment en confinant les habitants à leur domicile. En France, un collectif de chercheurs-acteurs membres du RMT Alimentation locale1 s’est mobilisé à l’annonce du premier confinement mi-mars 2020, afin de saisir les impacts, sur les systèmes alimentaires, de la crise et des premières mesures sanitaires associées, à travers une enquête lancée à l’échelle nationale. Cette première étude a motivé par la suite la mise en œuvre, toujours dans le cadre de ce RMT, de deux enquêtes complémentaires ciblées sur les circuits courts alimentaires, afin de confirmer ou nuancer les résultats dégagés de l’enquête nationale. Par « circuit court », nous entendons, selon la définition officielle2 en vigueur en France, un mode de commercialisation mobilisant au plus un intermédiaire entre producteur et consommateur. L’objectif de cet article est de présenter les résultats de ces trois enquêtes, en ciblant ici le cas des circuits courts de produits animaux, hors produits de la mer. Si la crise n’est pas finie à l’heure où nous rédigeons cet article, l’enjeu est de tirer des premiers enseignements des dynamiques observées au début de la pandémie afin de consolider les circuits courts de produits animaux et les capacités de résistance, d’adaptation et d’innovation des exploitations associées.

Dans la première partie de l’article, nous commençons par rappeler les principales mesures sanitaires adoptées en France pendant les premiers mois de la crise et nous pointons les principaux impacts de la pandémie mis en évidence dans la littérature sur les filières animales. Nous présentons ensuite la méthodologie des trois enquêtes réalisées et décrivons la population des répondants. Dans la deuxième partie, nous mettons en lumière les mécanismes expliquant l’engouement suscité par les circuits courts au début de la pandémie puis montrons comment les acteurs des circuits courts de produits animaux ont su s’adapter, innover lors de cette période pour à la fois faire face aux contraintes et répondre à l’évolution de la demande. Nous soulignons toutefois les difficultés rencontrées par certains producteurs. Dans la troisième partie, nous discutons nos résultats dans deux directions : i) en revenant sur les facteurs favorables/défavorables à la capacité de résistance et d’adaptation des exploitations agricoles en circuits courts de produits animaux lors des premiers mois de la crise ; ii) en proposant, à partir de l’identification de ces facteurs, des pistes pour l’action à destination des acteurs publics, des acteurs économiques et des citoyens.

1. Contexte des enquêtes et méthodologie

1.1. Des mesures sanitaires sources de perturbations pour les circuits de produits animaux

Apparu fin 2019 en Chine, le virus de la Covid-19 se propage rapidement sur toute la planète, générant de fortes inquiétudes quant à la capacité de contenir l’épidémie. En France, le premier cas de personne atteinte par le virus est identifié le 24 janvier 2020, entraînant une première série de mesures sanitaires (figure 1) visant à limiter la propagation du virus : fermeture des établissements scolaires, confinement de la population, limitation des déplacements et incitation au télétravail.

Figure 1. Dates-clés et principales mesures sanitaires prises en France au début de la crise de la Covid-19 (tiré de Chiffoleau et al., 2020).

La fermeture des établissements scolaires, couplée à la mise en place du télétravail dans la plupart des entreprises et organismes publics, induit une baisse brutale de la demande en produits agricoles et alimentaires dans la restauration collective. Celle-ci représente en effet plus de 7 milliards de repas par an en France, selon le Syndicat National de la Restauration Collective. Si ce type de restauration s’appuie largement sur des produits d’origine étrangère, elle constitue a priori un débouché important pour l’agriculture française. Depuis plusieurs années et la Loi Egalim de 2018 en particulier, la restauration collective publique est en effet incitée à s’approvisionner en produits « durables », ce qui, d’après les acteurs de terrain, profite aux produits locaux issus de circuits courts, même si les chiffres ne sont pas disponibles à l’échelle nationale. En ce sens, la diminution brutale de la demande en restauration collective est à même de perturber fortement les circuits courts de produits animaux.

Parallèlement, la limitation des déplacements pour les promenades et activités sportives est comprise, par beaucoup de Français, comme une limitation également valable pour faire leurs achats. Cette représentation est renforcée par la médiatisation d’amendes reçues par des consommateurs achetant des produits alimentaires au-delà du rayon de 1 km, même si ces amendes sont alors contestables. Cette mesure, qui ne vise pas directement les systèmes alimentaires au départ, est donc également à même de les concerner en favorisant une réduction du périmètre des achats.

La limitation des déplacements des personnes entraîne également des difficultés de circulation des travailleurs d’origine étrangère, qui représentent en France 80 % de la main-d’œuvre agricole en France en 2016 (source : Office français de l’immigration). Fin mars 2020, le gouvernement incite alors les Français à proposer leurs services pour travailler dans les exploitations agricoles en manque de main d'œuvre. Si des travaux précédents auprès d’un large échantillon de fermes ont montré que les circuits courts, en France, sont peu dépendants de la main-d’œuvre d’origine étrangère (Morizot-Braud et Gauche, 2016), la crise est l’occasion de le confirmer.

Après avoir cerné les principaux impacts potentiels des mesures sanitaires mises en place en France au début de la crise sur les systèmes alimentaires et sur les circuits courts en particulier, nous proposons de mettre en évidence plus spécifiquement les conséquences des premiers mois de la pandémie pour les filières animales et les circuits courts associés. S'il ne s'agit pas ici de faire une revue exhaustive de la littérature internationale, nous pointons trois principaux impacts mis en avant dans les travaux sur les filières animales, bien que ces travaux n'abordent qu'à la marge le cas des exploitations en circuits courts : i) une partie de la production doit être jetée, en production laitière notamment, du fait de la diminution de la demande dans certains circuits de distribution mais aussi de perturbations au niveau du déplacement des marchandises, sur le marché national comme à l'export (Aday et Aday, 2020 ; Wang et al., 2020) ; ii) des perturbations sont observées au niveau de la logistique et des flux d'intrants, notamment d'aliments d'origine étrangère pour animaux mais aussi, par exemple, pour la livraison des reproducteurs de volailles ou bien des emballages pour les œufs (Galanakis, 2020) ; iii) les abattoirs sont des lieux importants de contamination, du fait de plusieurs facteurs (postes de travail rapprochés, émission importante de gouttelettes de par l'obligation de parler fort ou de crier dans un environnement bruyant…), si bien que leur activité est perturbée par les arrêts de travail (Aday et Aday, 2020 ; FAO, 2020). Du côté des consommateurs, la littérature pointe des effets contrastés de la pandémie, entre mise en œuvre de régimes alimentaires plus sains pour rester en bonne santé et consommation accrue de « produits de réconfort », plutôt gras et sucrés (Rodríguez-Pérez et al., 2020), ce qui peut être favorable comme défavorable à la consommation de produits animaux. Suite à ce bref cadrage, nous présentons les trois enquêtes menées dans le cadre du RMT Alimentation locale et qui vont permettre de revenir sur ces impacts potentiels ou observés par ailleurs.

1.2. Trois enquêtes complémentaires facilitées par le RMT Alimentation locale

a. Appel à témoignages

À l’annonce du confinement entré en vigueur le 17 mars 2020, un collectif chercheurs-acteurs associant le cabinet de conseil coopératif Terralim, la FR CIVAM Bretagne et AgroCampus Ouest (UMR ESO) décide de lancer un appel à témoignages pour saisir l’impact de la crise de la Covid-19 sur les systèmes alimentaires. Ce collectif s’enrichit de chercheurs INRAE (UMR Innovation) et CNRS (UMR DSO), ainsi que de membres de l’association Les Greniers d’Abondance, tout en bénéficiant du soutien de différents experts3.

L'appel à témoignages est diffusé via le site et les réseaux des membres du RMT Alimentation locale. Les personnes sont invitées à décrire en ligne ce qu'elles vivent, dans leur foyer, leur cuisine, leur ferme ou bien leur entreprise, et/ou ce qu'elles observent, lors de leurs achats en supermarché, une livraison d'AMAP4 ou bien, plus largement, dans leur territoire. L'enquête est ouverte du 15 mars au 11 juin 2020 et permet de recueillir plus de 800 témoignages, qui couvrent plus de 2 000 situations différentes à l'échelle de la France. Deux tiers des répondants sont des consommateurs mais la majorité d'entre eux sont aussi des citoyens racontant ce qui se passe près de chez eux, donnant ainsi à l'enquête une dimension de science participative (Houllier et al., 2017). Une grande partie des témoignages concerne les circuits courts, de par les réseaux de diffusion du RMT Alimentation locale. Toutefois, les membres du RMT sont aussi souvent acteurs des circuits longs si bien que l'enquête circule plus largement, avec un relais via les réseaux sociaux et par la presse, ce qui permet de collecter des informations sur les autres circuits. Les témoignages sont analysés par le collectif mobilisé et les résultats sont diffusés régulièrement via des « bulletins de partage » publiés tous les 10 à 15 jours sur le site du RMT5. Cette première enquête met vite en lumière l'explosion de la demande en circuits courts et les capacités d'adaptation des producteurs, motivant alors par la suite la mise en œuvre de deux autres enquêtes ciblées sur ces circuits et les producteurs associés, de façon à approfondir les résultats issus de l'analyse de témoignages ouverts et spontanés.

Une nouvelle équipe de membres du RMT (Chambre régionale d’Agriculture de Normandie, APCA, INRAE, FR CIVAM Bretagne, Bordeaux Sciences Agro, DRIAAF Ile-de-France) se mobilise alors pour co-construire deux questionnaires, l’un à destination des accompagnateurs/facilitateurs de circuits courts (conseiller technique agricole, animateur de développement agricole et rural, chargé de mission d’un Projet Alimentaire Territorial…) et l’autre à destination des producteurs impliqués au moins en partie dans un ou plusieurs circuits courts.

b. Enquête « accompagnateurs »

L’enquête « accompagnateurs » est diffusée à partir du 15 juin 2020 et clôturée mi-octobre 2020. Il s’agit d’un bref questionnaire en ligne (temps de réponse 15 minutes), semi-directif, visant à recueillir des informations sur les faits marquants observés par les personnes en lien avec les circuits courts (1 à 3 faits marquants), sur la nature des exploitations en circuits courts qui s’en sortent le mieux ou le moins bien depuis le début de la pandémie et sur les facteurs pouvant expliquer leur capacité de résistance et d’adaptation. Le questionnaire recueille 73 réponses, dont 51 issues des chambres d’agriculture. La quasi-totalité des répondants travaillant en chambre d’agriculture agissent à une échelle départementale si bien que plus d’un tiers des départements français sont couverts via ces répondants. Les réponses issues d’autres organismes (réseau Civam, groupements d’agriculteurs biologiques, collectivités territoriales…) concernent des territoires de différentes échelles (territoire de projet, EPCI, département, métropole, région…).

c. Enquête « producteurs »

L’enquête « producteurs » est diffusée le 31 juillet 2020 et clôturée le 15 septembre 2020. Il s’agit également d’un questionnaire en ligne mais constitué cette fois de questions fermées visant à limiter le temps de réponse. Le questionnaire est composé de 2 grandes parties : i) description de l’exploitation, localisation, SAU, productions, transformation, débouchés ; ii) impact des premiers mois de la crise sanitaire sur les débouchés, les prix, le chiffre d’affaires, l’approvisionnement, la main d’œuvre. Nous valorisons uniquement ici les réponses des producteurs proposant des produits animaux en circuits courts. Ces répondants ont été au nombre de 148 (sur un total de 275 répondants tous circuits confondus), localisés principalement dans les régions Occitanie (31), Nouvelle-Aquitaine (19), Pays de la Loire (16), Bretagne (16), Auvergne Rhône-Alpes (15), Centre - Val de Loire (14) et Bourgogne-Franche-Comté (11), les autres régions totalisant moins de 10 répondants chacune.

La SAU moyenne des exploitations des 148 répondants est de 106 ha (écart-type 184,5), pour une main d’œuvre équivalant en moyenne à 3,5 ETP (écart-type 3,2). Pour la surface comme pour la main d’œuvre, on observe une grande variabilité dans l’échantillon. Les exploitations répondantes ont entre 1 et 3 productions animales parmi lesquelles le fromage, le lait cru et la crèmerie, les œufs, les viandes fraîches et les produits transformés de viande et de poisson6 (tableau 1). Il est important de préciser ici que le questionnaire « producteurs » n’appelait ni à préciser les effectifs d’animaux présents dans l’exploitation, ni à différencier les types d’animaux élevés derrière la catégorie « viandes fraîches ».

Tableau 1. Diversité des productions animales des exploitations de l’enquête « producteurs » et part dans le chiffre d’affaires (n = 148).


Produits

Nombre
d’exploitations
(n = 148)

Nombre d’exploitations
(si part dans le CA
> 30 %CA) (n = 148)

Fromages

40

31

Lait cru et crèmerie
(beurre, crème, yaourts…)

32

15

Œufs

18

1

Viandes fraîches
(dont volailles et animaux de boucherie)

90

53

Produits transformés de viandes
et de poissons (conserves, charcuterie,
produits secs ou fumés)

56

30

La majorité des exploitations ayant répondu à l’enquête ont une activité de transformation (111/148) et environ la moitié d’entre elles (79/148) produisent sous SIQO (maximum ⅓ du chiffre d’affaires selon les productions ; rare pour les œufs). En termes de circuits de distribution, la part prise par les circuits courts dans le chiffre d’affaires est variable (voir tableau 2) et les circuits sont très diversifiés (tableau 3). La vente à la ferme et via les marchés de plein vent, principaux circuits courts utilisés par les producteurs en 2010 selon le recensement agricole (Barry, 2012), étaient aussi les circuits courts les plus utilisés avant la crise par les exploitations ayant participé à l’enquête.

Tableau 2. Part des circuits courts (CC) dans le chiffre d’affaires (CA) des exploitations de l’enquête « producteurs » (n = 148).


Part CC/CA

Nombre d’exploitations (n = 148)

entre 0 et 25 %

26

entre 26 et 50 %

24

entre 51 et 75 %

20

entre 76 et 100 %

78

Tableau 3. Diversité des circuits courts utilisés par les exploitations de l’enquête « producteurs » et part dans le chiffre d’affaires (n = 148).


Nombre
d’exploitations
(n = 148)

Nombre d’exploitations
(si part dans le
CA > 30 %CA) (n = 148)

Vente à la ferme

132

67

Marchés de plein vent, foires

71

43

Epicerie / Supérette

53

5

Magasins de producteurs

50

15

Restauration commerciale/collective
privée (dont restaurants)

47

7

Artisans (boucher, charcutier,
fromager, boulanger...)

45

7

Livraison à domicile (et expéditions)

31

11

Grandes et Moyennes Surfaces (GMS)

29

6

Groupements de consommateurs
(AMAP, Cagette...)

27

6

Restauration collective publique

23

6

Point de collecte, Drive

20

5

Magasins spécialisés (Biocoop...)

17

1

Autre

7

1

Après cette brève description de la méthodologie des trois enquêtes et de leurs répondants, nous allons présenter les résultats obtenus pour les circuits courts de produits animaux. Les deux premières enquêtes (citoyens, accompagnateurs) ont fait l’objet d’une analyse qualitative, basée sur le codage et l’examen systématique des contenus, ciblés ici sur les témoignages et réponses faisant référence aux circuits courts et aux produits animaux. L’enquête « producteurs » a été traitée à l’aide d’une analyse basée sur les statistiques descriptives (tableaux croisés dynamiques) des réponses provenant d’exploitations impliquées dans au moins une filière de production animale et un circuit court.

2. Quelles dynamiques ont été révélées par ces enquêtes ?

2.1. Une hausse de la demande en circuits courts et de proximité

Les trois enquêtes réalisées dans le cadre du RMT Alimentation locale conduisent tout d'abord à souligner une demande majoritairement en hausse pour les circuits courts lors des premiers mois de la pandémie (mars-octobre 2020), en particulier pour les circuits courts et de proximité, c'est-à-dire limitant à la fois le nombre d'intermédiaires et la distance géographique entre producteurs et consommateurs (Maréchal, 2008). Dans l'ouvrage publié à partir de la première enquête (Chiffoleau et al., 2020), nous mettons en avant cinq principaux mécanismes expliquant la hausse de cette demande : i) pour un nombre important de consommateurs, il apparaît plus sûr de s'approvisionner en circuit court et de proximité qu'au supermarché, ce dernier proposant des produits qui ont voyagé, ont été manipulés et, pour ces consommateurs, présentent par conséquent un risque élevé de contamination ; ii) le confinement, induisant télétravail pour beaucoup de consommateurs, laisse plus de temps pour cuisiner, ce qui se traduit par un intérêt accru envers des produits frais et de qualité, que les répondants déclarent alors aller chercher en circuits courts et de proximité ; iii) consommer des produits frais et de qualité est aussi mis en avant par les répondants comme étant bon pour la santé, pouvant aider à résister au virus ou bien à la prise de poids factorisée par l'inactivité, ce qui profite là aussi aux circuits courts et de proximité ; iv) de nombreux consommateurs témoignent également de leur volonté d'être solidaire envers les producteurs français et de leur territoire en particulier, surtout après la fermeture des marchés de plein vent le 24 mars 2020, générant une perte de débouchés pour les « petits producteurs » largement relayée par les médias ; v) la consommation en circuits courts et de proximité est facilitée par la mise en place de nouveaux dispositifs de vente et de commande (livraison à domicile, plateforme en ligne…), encourageant des consommateurs à utiliser ces circuits de façon plus importante ou bien pour la première fois. Ces mécanismes expliquant une demande en croissance sont également observés dans d'autres pays, comme l'a montré une enquête internationale que nous avons co-coordonnée (Nemes et al., 2021).

Cette demande accrue concerne surtout les produits frais ou peu transformés et de consommation courante : la forte demande de légumes en circuits courts et de proximité, largement relayée par les médias, est confirmée par nos trois enquêtes mais celles-ci montrent aussi que certains produits animaux font également partie des produits très recherchés en circuits courts. Les producteurs d’œufs mettent ainsi tous en avant une augmentation des ventes. L’impact de la crise sur les ventes de produits a plus largement été plutôt positif pour au moins la moitié des producteurs concernés (84/148) - par exemple pour le lait cru et la crèmerie (18/32), tout comme pour les viandes fraîches (51/90) -, et négatif pour au moins un produit pour plus d’un tiers d’entre eux (59/148), notamment les producteurs d’agneau, la fête de Pâques, moment important de consommation, ayant eu lieu en plein confinement. Pour les fromages, la moitié des producteurs concernés (20/40) estime l’impact de la crise comme négatif quand un peu plus d’un tiers d’entre eux (14/40) l’estiment positif. Enfin, pour les produits transformés, c’est équilibré avec autant de producteurs déclarant un impact positif (23/56) que de producteurs déclarant un impact négatif (23/56 également).

Plus précisément, concernant les conséquences sur le chiffre d’affaires, on distingue deux groupes : un premier groupe (45/148) pour lequel l’impact a été négatif (diminution entre 10 et 70 % du chiffre d’affaires, surtout pour les producteurs de fromages et de produits transformés) ; un second (62/148) pour lequel il a été positif (dans les mêmes proportions de variation, essentiellement pour les producteurs de lait cru et crèmerie, de viande fraîche hors ovins et de produits transformés). La crise n’aura été neutre que pour un faible nombre d’entre eux (figure 2). Ces variations de chiffre d’affaires ne sont pas dues aux prix de vente (qui n’ont pas varié pour la quasi-totalité des producteurs répondants (138/148)) mais plutôt aux variations dans leurs débouchés habituels, ce que nous développerons juste après.

Figure 2. Conséquences des premiers mois de la crise sur le chiffre d’affaires des exploitations en circuits courts de produits animaux.

Résultats de l’enquête « producteurs » du RMT Alimentation locale réalisée en août-septembre 2020, (n = 148).

L’enquête « accompagnateurs » confirme ce résultat. Les exploitations qui s’en sortent le mieux, selon eux, sont celles qui proposent des produits de base (légumes, viande fraîche, produits laitiers, œufs…), avec souvent, pour les exploitations proches des grands bassins de consommation en particulier, une impossibilité de répondre à la demande en viande fermière. A l’inverse, la vente en circuits courts de produits alimentaires plus festifs (cidre, foie gras, agneau de Pâques…) connaît selon eux d’importantes difficultés. Concernant les fromages, par contre, les avis sont plus nuancés : certains évoquent une baisse des ventes (par exemple, baisse de 30 à 60 % du chiffre d’affaires des producteurs de fromage AOP de Normandie en début du confinement) tandis que d’autres mentionnent au contraire une hausse des ventes, sans information plus précise sur les types de fromages concernés. Certains accompagnateurs soulignent aussi l’adaptation des gammes à la crise (fabrication de tome au lieu de fromages frais, par exemple). Suite à des discussions avec les accompagnateurs et avec les producteurs concernés, deux principaux facteurs expliqueraient la baisse des chiffres d’affaires en fromage AOP pendant les premiers mois de la pandémie7 : la fermeture des restaurants commerciaux entre mi-mars et le 2 juin 2020 ; le report des achats des consommateurs sur des produits de première nécessité, le fromage AOP pouvant être considéré comme un produit de consommation plus occasionnelle. Parallèlement, des accompagnateurs soulignent l’augmentation de ventes de fromages via l’extension d’AMAP et de groupements d’achat préexistants à de nouveaux consommateurs.

2.2. Des producteurs qui doivent et savent s’adapter, avec différents appuis

a. Une reconfiguration des circuits de vente

Plus de 40 % des agriculteurs ayant répondu à l’enquête (63/148) déclarent une variation des débouchés en circuits courts : marchés de plein vent, restauration commerciale et restauration collective publique sont en effet interrompus dans la plupart des cas pendant les premiers mois de la pandémie, même si certaines collectivités décident de maintenir les marchés, parfois en les réorganisant (diminution du nombre d’étals). La perte de l’approvisionnement direct des Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) est également mentionnée par 13 des 29 répondants utilisant ce circuit, bien que les GMS aient maintenu – et augmenté – leur activité : « ils n’ont pas joué le jeu, malgré leurs déclarations » déclare un des agriculteurs. Plusieurs accompagnateurs confirment et complètent ce constat, en évoquant par exemple le cas de GMS ayant demandé aux producteurs de baisser leurs prix tout en revendant leurs produits avec une marge de 50 % et en communiquant sur leur soutien aux producteurs locaux. D’autres, en revanche, soulignent le cas de GMS ayant aidé à écouler des surplus, de fromages notamment.

L’arrêt ou la baisse d’activité de certains circuits est, pour beaucoup de producteurs, compensé par la hausse des ventes dans d’autres circuits courts existants, en particulier la vente à la ferme, les magasins de producteurs et la vente via des épiceries/supérettes. Les accompagnateurs soulignent le retour de la vente en caissettes de viande, qui avait tendance à décliner ces dernières années dans les circuits courts, les clients préférant aujourd’hui des morceaux au détail. De plus, de nouveaux circuits courts sont mis en place : livraisons à domicile (de yaourts auparavant destinés à la restauration collective, par exemple), groupements d’achat et points de collecte/drive fermier. Ces démarches sont à l’initiative de producteurs, agissant seul ou collaborant entre collègues, « très réactifs » selon un tiers des accompagnateurs (24/73) ayant répondu à l’enquête, pour lesquels la réactivité, la capacité d’adaptation et d’innovation des producteurs en circuits courts constituent l’un des principaux faits marquants des premiers mois de la pandémie. De manière plus originale, les témoignages recueillis dans la première enquête montrent que la mise en place de nouveaux circuits est également à l’initiative de consommateurs qui se regroupent entre voisins de quartier ou de village pour s’approvisionner en produits locaux auprès de producteurs. Les fichiers clients, les contacts entre producteurs et consommateurs établis auparavant, via le marché de plein vent, le magasin à la ferme ou le magasin de producteurs en particulier, permettent cette reconfiguration des circuits de vente. Les démarches sont aussi souvent facilitées par l’utilisation du numérique, autre fait marquant du début de la pandémie pour 13 accompagnateurs ayant répondu à l’enquête : mise en place d’un site Internet par de nombreux producteurs qui n’en avaient pas jusque-là, avec l’appui de leurs enfants et/ou de conseillers ; mobilisation des réseaux sociaux, là encore pour la première fois pour de nombreux producteurs ; utilisation de logiciels de commande par les producteurs et les consommateurs réunis en groupement, notamment du logiciel libre Cagette.net8. Les accompagnateurs de circuits courts appuient cette reconfiguration des circuits avec, notamment, la mise en place de drives fermiers par les Chambres d’agriculture et de cartes participatives, en collaboration avec des collectivités ou à leur demande, permettant de référencer les produits locaux. Les producteurs mettent toutefois en avant que s’enregistrer sur une plateforme de commande en ligne et surtout sur plusieurs plateformes aux fonctionnements différents est une activité chronophage, dans un contexte où ils sont déjà confrontés à un surcroît de travail.

b. Une augmentation de la charge en travail

La hausse de la demande en circuits courts pendant les premiers mois de la pandémie génère plus de travail pour la plupart des producteurs ayant répondu à l’enquête : 12 accompagnateurs sur 73 répondants citent cette augmentation de la charge de travail en tant que fait marquant, 77 producteurs sur les 148 ayant répondu à l’enquête déclarent une charge de travail « en augmentation » et 28/148 « en très forte augmentation », ce dernier cas concernant surtout des exploitations produisant des œufs (lesquelles ont augmenté le volume de production), des viandes fraîches (augmentation du cheptel, abattages et découpes plus nombreux et plus rapprochés que d’habitude lorsque cela a été possible) et des produits transformés de viande et de poisson (pour répondre à la demande ou éviter les pertes).

La préparation des commandes, même facilitée par le numérique, à laquelle s'ajoute la livraison à domicile ou en point retrait, prennent en effet beaucoup de temps, en plus d'induire éventuellement des coûts supplémentaires de transport, lesquels ne sont en général pas répercutés sur les prix de vente, comme le soulignent certains accompagnateurs. Les témoignages recueillis mettent en avant, à nouveau, le renforcement ou le développement de la coopération entre producteurs, cette fois pour la livraison, même si celle-ci reste contrainte par une réglementation encore peu favorable à la mutualisation des transports entre acteurs des circuits courts (Raton et al., 2020).

c. Des difficultés limitées au niveau des intrants, plus importantes concernant la transformation

En matière d’approvisionnement en intrants, la majorité des producteurs ayant répondu à l’enquête (87/148) déclarent ne pas avoir observé de changement. Ceux qui déclarent avoir rencontré des difficultés (42/148), pour trouver des aliments pour leurs animaux par exemple, disent les avoir surmontées facilement, notamment en s’entraidant entre collègues locaux, parfois pour la première fois. Les producteurs de fromage sont ceux qui déclarent le plus avoir été concernés et mentionnent en particulier des difficultés au niveau du matériel d’entretien et des emballages. Par contre, tous les producteurs s’accordent pour citer le manque de masques, gants, produits d’hygiène et de désinfection lié à une très forte tension sur la demande pendant les premiers mois de la crise.

Au niveau de la transformation, la situation a plus souvent été compliquée en raison de la fermeture de certaines laiteries et de la forte demande envers les abattoirs, dont l’activité a de plus été parfois ralentie du fait d’un nombre important de salariés atteints par le virus. Du lait doit être jeté et, pour plusieurs producteurs et accompagnateurs ayant répondu aux enquêtes, la crise vient confirmer que les circuits courts ne sont pas souvent prioritaires pour les abattoirs, en particulier dans le cas des grosses structures dont les responsables, selon eux, privilégient les acteurs proposant des gros tonnages9. Il faut alors reporter la date d’abattage, alors que la demande est forte, et modifier l’organisation de l’élevage en amont (décalage de la mise à l’engraissement ou allongement de la période d’engraissement). Plusieurs producteurs et accompagnateurs soulignent, de plus, des difficultés à trouver des salariés pour aider à transformer à la ferme mais rarement pour travailler au champ.

2.3. De nouveaux alliés pour les exploitations en circuits courts de produits animaux ?

L’analyse des trois enquêtes amène également à souligner l’impact important des premiers mois de la crise sur les relations entre producteurs d’une part, et entre producteurs et autres acteurs d’autre part.

a. Une coopération renforcée entre producteurs

De nombreuses réponses aux enquêtes mettent tout d’abord en avant le renforcement des collaborations entre producteurs d’un même territoire, y compris entre producteurs en circuits courts et producteurs en circuits longs : des producteurs se regroupent pour créer un site Internet ou un drive fermier éphémère proposant leurs différents produits et/ou s’associent pour livrer ; des producteurs développent l’achat-revente pour faciliter la vente de produits de collègues plus éloignés ou bien installés en circuits longs (achat à des collègues de lait frais destiné normalement à la laiterie et revente en bouteille aux particuliers, par exemple) ; des producteurs se regroupent pour l’approvisionnement en aliment du bétail, etc. Pour 11 accompagnateurs ayant répondu à l’enquête (sur 73), l’augmentation des échanges et de la coopération entre producteurs est un fait marquant des premiers mois de la pandémie. Aucune réponse aux enquêtes ne vient signaler une tendance inverse. Deux accompagnateurs soulignent toutefois des situations de concurrence, certains producteurs bien organisés se mettant à livrer dans des endroits où ils n’allaient pas auparavant, concurrençant ainsi des producteurs locaux moins bien organisés.

b. De nouveaux liens entre producteurs et consommateurs

Le renforcement ou le développement de nouveaux liens avec les consommateurs est aussi un fait marquant vers lequel convergent les trois enquêtes. La première enquête montre notamment comment des AMAP – de légumes mais aussi d’œufs ou de fromages de chèvre, par exemple – élargissent leur périmètre pour accueillir de nouveaux producteurs ou de nouveaux consommateurs, bénéficiant ainsi d’un circuit déjà constitué et adapté aux mesures sanitaires (distribution des produits en colis et à l’extérieur). Les trois enquêtes mettent également en avant le développement massif de groupements d’achat, en ville comme en milieu rural, ainsi que de nombreux cas où des consommateurs ont aidé les producteurs pour récolter, livrer, etc. Certains témoignages et réponses aux questionnaires mettent toutefois en avant les difficultés pouvant être liées à l’apparition d’une nouvelle clientèle, ne fréquentant pas les circuits courts avant la crise et restant parfois en attente de produits standardisés alors que ces circuits permettent justement de valoriser les races locales et les méthodes de transformation artisanale.

D’autres témoignages recueillis pendant la première enquête, de consommateurs en particulier, montrent par contre une évolution dans la consommation de viande, avec une recherche de plus de qualité – qui les emmène vers les circuits courts – mais aussi une consommation plus modérée, du fait, précisent-ils, d’une prise de conscience des impacts de l’élevage conventionnel sur l’environnement et le bien-être animal. Dans de nombreux témoignages, cette prise de conscience est encouragée par le temps supplémentaire disponible lors du confinement du printemps 2020 pour réfléchir à son alimentation et/ou par la cohabitation avec les enfants étudiants indiqués comme plus sensibles à ces enjeux. La crise amplifie ainsi un mouvement déjà en cours vis-à-vis de la consommation de viande (Tavoularis et Sauvage, 2018). D’après les réponses recueillies, cette baisse de la consommation apparaît toutefois aussi, de façon plus conjoncturelle, due à une diminution des revenus dans certains secteurs d’activité (chômage partiel, perte d’emploi pendant et/ou après le confinement du printemps 2020), conduisant à réduire l’achat de viande au profit de produits moins chers.

c. Des relations contrastées avec les autres acheteurs

L’évolution des relations avec les autres catégories d’acheteurs, par contre, est plus contrastée. La crise entraîne en effet également une forte hausse de la consommation dans les magasins de proximité – de façon à rester dans un rayon de 1 km pour une partie de la population – ainsi que dans les GMS (FranceAgriMer, 2020). Ces acheteurs s’approvisionnent toutefois surtout en circuits longs, y compris les boucheries et les crèmeries/fromageries10. Comme mentionné précédemment, témoignages et réponses signalent quelques cas réussis où des artisans ou distributeurs ont renforcé l’approvisionnement auprès de producteurs locaux ou bien l’ont initié mais ce n’est pas un fait marquant qui se dégage des trois enquêtes réalisées. Au contraire, des accompagnateurs soulignent un approvisionnement très sélectif de la part de ces acheteurs, laissant peu de place, par exemple, aux produits ovins et caprins pourtant en difficulté ou alors à des prix très en deçà des coûts de production, à l’image de supermarchés ayant proposé à Pâques d’acheter des agneaux français au prix de l’agneau congelé de Nouvelle-Zélande.

d. Un soutien en demi-teinte des collectivités mais une prise de conscience

L’appui des collectivités aux acteurs des circuits courts est cité comme fait marquant pour seulement 4 accompagnateurs sur les 73 répondants tandis que pour 4 autres, c’est au contraire l’inaction des collectivités et de l’État qui constitue un fait marquant des premiers mois de la pandémie. Plusieurs réponses mettent néanmoins en avant des exemples intéressants et importants de soutien par les collectivités, notamment lorsque celles-ci achètent les produits difficiles à écouler (fromages AOP-IGP par exemple) et les fournissent à l’aide alimentaire, démarchent les acheteurs régionaux de la RHD pour qu’ils augmentent les achats de produits (cas par exemple de la Région Hauts-de-France pour plusieurs filières animales en crise) ou bien lorsqu’elles décident de maintenir les marchés de plein vent après l’annonce de leur fermeture par le gouvernement. Les accompagnateurs ont d’ailleurs souvent joué un rôle clé dans ce maintien, en plaidant l’importance de ce débouché auprès des collectivités. Néanmoins, dans une majeure partie de la France, les marchés de plein vent sont fermés et, d’après les témoignages et les réponses recueillis, l’appui des collectivités aux circuits courts reste limité et peu coordonné (ex. multiplication de cartes participatives chronophages dans une même région), y compris dans des territoires ayant récemment mis en place un Projet Alimentaire Territorial. En revanche, des élus témoignent avoir pris conscience de l’intérêt de ces circuits pour renforcer la « souveraineté alimentaire » de leur territoire, même si celle-ci est souvent confondue avec l’idée d’autonomie ou d’autosuffisance.

3. Que faut-il retenir de ces enquêtes et quelles pistes peuvent être engagées pour l’action ?

3.1. Des facteurs de résistance et d’adaptation liés aux exploitations mais aussi à leur environnement

Les trois enquêtes réalisées dans le cadre du RMT Alimentation locale amènent tout d'abord à confirmer que les exploitations en circuits courts de produits animaux ont globalement bien résisté pendant les premiers mois de la crise, du fait, en particulier de la forte capacité d'adaptation et d'innovation des acteurs des circuits courts, également mise en avant dans une autre étude impliquant des membres du RMT (Alonso Ugaglia et al., 2021) : les producteurs, en premier lieu, ont souvent été très réactifs mais les accompagnateurs et clients ont aussi rapidement et largement contribué à trouver des solutions pour répondre aux difficultés provoquées par la crise (mise en place de drives, de systèmes de livraison, de groupements d'achat…). Les accompagnateurs soulignent toutefois plusieurs facteurs caractérisant les exploitations de produits animaux qui s'en sont le mieux sorties lors des premiers mois de la crise : taille petite à moyenne, production de produits animaux de consommation courante (viande fraîche, œufs, produits laitiers), production d'une partie des aliments pour les animaux sur la ferme, débouchés diversifiés en circuits courts, localisation près des villes ou des bassins de consommation, accès facile à des outils de transformation (à la ferme ou dans le territoire), relations préexistantes avec des collègues et conseillers, possession de fichiers clients ou a minima, de coordonnées de clients, maîtrise des outils numériques avant la crise, appui par une main d'œuvre familiale. Ces facteurs ressortent également de l'enquête « producteurs » mais aussi de l'étude menée au sein du RMT Travail en élevage (Cournut et al., 2021). Ciblées sur les exploitations de produits animaux, les enquêtes réalisées viennent ainsi compléter et préciser les résultats de l'enquête internationale que nous avons co-coordonnée (Nemes et al., 2021) ainsi que d'autres études portant sur les circuits courts de manière générale (Benedek et al., 2021 ; Thilmany et al., 2021 ; Zollet et al., 2021).

Les exploitations combinant l'ensemble de ces facteurs ne constituent toutefois qu'une partie des circuits courts de produits animaux en France, également investis par des fermes plus grandes et plus spécialisées (sur une production, un circuit particulier ou bien des produits de niche) mais aussi par des producteurs plus isolés socialement et géographiquement, n'utilisant pas le numérique, etc. D'après nos enquêtes, la crise a beaucoup moins bénéficié à ces producteurs qui ont dû jeter une partie de leur production, eu des difficultés à s'approvisionner en intrants et/ou à trouver de la main d'œuvre pour récolter ou transformer leurs produits. Ces constats, à approfondir, rejoignent les résultats des travaux cités précédemment sur les impacts de la crise dans les filières animales. En revanche, à quelques exceptions, c'est davantage la fermeture des marchés de plein vent et de la restauration commerciale qui les a fragilisés que l'arrêt de la restauration collective, confirmant que celle-ci s'appuie encore très peu sur un approvisionnement en circuits courts et de proximité. De plus, pour tous les producteurs de produits animaux, la capacité d'accès aux outils de transformation a été déterminante. La gestion de l'abattage des animaux est en effet une activité centrale du travail de l'éleveur en circuit court, sur laquelle repose l'articulation entre élevage et vente (Darduin et al., 2015). La difficulté d'accès aux outils de transformation au début de la crise renvoie d'une part aux difficultés conjoncturelles liées à la pandémie, notamment la diminution de l'activité des abattoirs ou des laiteries due aux contaminations des salariés, mise en avant dans de nombreuses études sur l'impact de la crise sur les filières animales (Hobbs, 2021). Elle renvoie d'autre part au manque structurel d'abattoirs de proximité mais aussi d'ateliers de transformation de produits animaux pour les circuits courts en France (Jourdan et Hochereau, 2019). Déjà analysé comme un des facteurs limitant fortement la performance économique des exploitations d'élevage impliquées dans ces modes de vente (Morizot-Braud et Gauche, 2016), ce manque d'outils, en temps de crise, ne permet pas de répondre à la demande en augmentation et, surtout, de transformer des produits difficiles à écouler (par exemple fabrication de yaourts à partir du lait, de charcuteries et de plats préparés à base de viande ovine…).

3.2. Des pistes d’action pour les acteurs publics, privés et les citoyens

Les trois enquêtes ont porté sur les premiers mois d’une crise sanitaire inédite de par son ampleur et sa brutalité. Dans les dernières réponses reçues en septembre-octobre 2020, accompagnateurs comme producteurs mettent en avant un essoufflement de la demande : ce constat est source de déceptions, là aussi largement médiatisées, même si les experts réunis au sein du RMT Alimentation locale observent sur le terrain, à l’automne 2020, un niveau de vente qui reste en général supérieur à la période avant-crise pour les exploitations qui s’en sont le mieux sorties lors du confinement du printemps 2020. Si la situation a pu évoluer depuis l’automne 2020, il est intéressant de souligner, dans une perspective d’action, que la majorité des producteurs ayant répondu à l’enquête entre juillet et septembre 2020 souhaitait maintenir les nouveaux débouchés développés pendant le confinement, notamment la vente à la ferme pour les producteurs d’œufs – nouvellement envisagée comme pouvant remplacer un marché éloigné contraignant – ou la livraison à des groupements d’achat pour les producteurs de viande, qui peuvent ainsi diversifier leurs sources de revenus.

Un appui est toutefois nécessaire pour consolider des circuits courts souvent créés dans l'urgence, notamment les groupements d'achat qui peuvent par exemple bénéficier, au-delà d'un équipement numérique, d'un accompagnement par des acteurs de l'éducation populaire, en particulier pour stabiliser et renforcer la participation de consommateurs peu ou pas initiés à l'alimentation durable. Plus largement, comme le montrent aussi des travaux menés dans d'autres pays (Tittonell et al., 2021 ; Zollet et al., 2021), la crise a encouragé le développement de nombreuses actions collectives, entre producteurs ou avec d'autres acteurs. Ces actions collectives peuvent être appuyées par des formations ou des animations (pour faciliter l'intégration de producteurs en circuits longs, par exemple) mais aussi par une évolution de la réglementation (pour régulariser la mutualisation des transports de produits, notamment). La crise a également rappelé les différences de compétences entre producteurs, encourageant notamment la mise en œuvre de formations au numérique au-delà des activités de production (pour la coopération avec d'autres producteurs, la communication avec les consommateurs, etc.). Elle a aussi confirmé les inégalités entre territoires, appelant de manière pressante à (re)mettre en place des outils de transformation locaux, par l'action publique mais aussi à travers des partenariats public-privé.

Ces pistes d'action, qui pourront consolider les exploitations en circuits courts de produits animaux et leur capacité de résistance, d'adaptation et d'innovation en temps de crise, pourront plus largement renforcer la contribution de ces circuits à la transition des systèmes alimentaires. Témoignages et accompagnateurs montrent en effet comment la crise a élargi les circuits courts à de nouveaux publics, producteurs comme consommateurs, favorisant ainsi des échanges de connaissances et de pratiques entre personnes initiées et peu/pas initiées à la durabilité. En ce sens, la crise a encouragé des dynamiques sociales analysées par ailleurs comme favorables au changement de pratiques agricoles et alimentaires vers des pratiques plus durables (Chiffoleau et Dourian, 2020). De plus, à l'instar des dynamiques observées lors de la crise de la vache folle, la crise de la Covid-19 est une opportunité pour faire valoir les atouts « qualité » mais aussi la relative autonomie de nombreuses exploitations d'élevage impliquées dans les circuits courts (Morizot-Braud et Gauche, 2016). Comme après la crise de la vache folle, elle peut ainsi permettre d'orienter davantage les systèmes d'élevage français vers la production d'animaux « finis », engraissés sur l'exploitation avec une alimentation davantage produite localement, favorisant une meilleure valorisation (Lémery, 2003). Plus largement, la crise vient confirmer les possibilités d'action des éleveurs dans la transformation des filières de produits animaux en France (Nozières et al., 2018).

Conclusion

Choc majeur pour les sociétés contemporaines, la crise de la Covid-19 constitue également une opportunité pour à la fois mieux connaître les systèmes alimentaires et identifier des leviers pour renforcer leur capacité de résistance, d’adaptation et d’innovation de leurs acteurs. Ciblé sur les circuits courts de produits animaux, cet article vient enrichir les analyses des impacts de la crise sur les systèmes alimentaires et les circuits courts en particulier en montrant en quoi et à quelles conditions les exploitations de produits animaux associées ont résisté, se sont adaptées et ont innové dans les premiers mois de la pandémie. Notamment, les enquêtes confirment que les exploitations d’élevage diversifiées et à taille humaine ont pu valoriser leurs atouts. L’article souligne également le rôle clé de l’action collective et des relations, préexistantes ou qui ont pu être activées entre producteurs, accompagnateurs et consommateurs, dans la mise en place de solutions rapides aux problèmes identifiés. Les difficultés rencontrées par certains producteurs sont toutefois importantes à rappeler, ces difficultés apparaissant liées non seulement au profil des exploitations et aux compétences des producteurs (dans l’utilisation du numérique, par exemple) mais aussi à des manques et verrous dans leur environnement (manque d’abattoirs locaux, réglementation peu adaptée…). Ces dimensions restent toutefois à approfondir, en prenant davantage en compte les types de productions animales (au niveau des viandes, en particulier) proposées par les exploitations en circuits courts.

Depuis la première collecte de données, nous avons échangé autour de nos résultats et des pistes d’action qui s’en dégagent à de nombreuses reprises avec des acteurs de l’action publique (députés, sénateurs, élus de Régions, collectivités porteuses d’un PAT, DRAAF...) mais aussi avec des acteurs du secteur privé (Fondations, fédérations d’artisans...) et de réseaux citoyens (réseau des AMAP...). Nous avons argumenté notamment l’importance de rééquiper les territoires en abattoirs adaptés aux productions valorisées en circuits courts (races locales, produits artisanaux), d’étendre l’expérimentation d’abattoirs mobiles et de développer des filières locales pour l’alimentation des animaux. Les données recueillies avec l’appui de la mobilisation des membres du RMT Alimentation locale ont servi également, sur sollicitation de députés, à rédiger plusieurs propositions d’amendement pour la Loi Climat et résilience votée début 2021, confortant le rôle de ce RMT comme source d’expertise reconnue et force de propositions légitimes. Dans ce cadre, nous avons développé par exemple une proposition concernant la réglementation relative aux transports des marchandises pour faciliter la mutualisation entre producteurs. Des travaux se poursuivent, dans le cadre de ce réseau et à l’INRAE, pour voir dans quelle mesure et à quelles conditions les initiatives nées ou renforcées pendant les premiers mois de la crise ont perduré, ont évolué ou bien ont disparu, mais aussi influencent les politiques publiques et les dynamiques citoyennes à différentes échelles. Dans un contexte où les productions animales font l’objet de nombreux débats, ces initiatives peuvent aider les citoyens et les acteurs publics à mieux comprendre les enjeux sous-jacents, à davantage reconnaître l’importance des filières animales mais aussi à contribuer plus activement à leur transformation vers des systèmes plus durables et plus résilients.

Notes

  • Réseau Mixte Technologique « Chaînes alimentaires courtes de proximité pour une alimentation durable » (titre long), agréé en 2015, renouvelé en 2020, piloté par la FR CIVAM Bretagne et co-animé par l’INRAE. Ce réseau national, financé par le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, réunit des experts issus de la recherche, du développement et de la formation pour produire des connaissances, des outils et des contenus de formation. Il est aussi force de propositions pour les acteurs publics, privés et les citoyens.
  • Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, 2009.
  • Florence Égal, Stéphane Linou, Hermine Torossian, Henri Rouillé d’Orfeuil.
  • Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, système d’échange solidaire entre un producteur et un groupe de consommateurs qui s’engagent à l’avance et pour une durée déterminée à acheter les produits d’une ferme respectant les principes de l’agriculture paysanne. Si ce circuit court reste minoritaire en France, il est un des symboles de leur renouveau depuis la fin des années 1990 (Chiffoleau, 2019).
  • https://www.rmt-alimentation-locale.org/bulletin-de-partage
  • Pour rappel, les produits de la mer et productions issues de ces produits ne sont pas considérés dans cet article, même si les catégories du questionnaire ne distinguaient pas les produits transformés à base de viande et de poisson. Nous restons donc prudents dans l’analyse des réponses concernant ce type de produits transformés.
  • En août 2020, un Sénateur relaie l’avis du Conseil national des appellations d’origine laitières (CNAOL) qui annonce 40 % de perte de chiffre d’affaires sur 2 mois pour les filières fromages AOP-IGP.
  • Mi-2021, 4 000 producteurs et 2 500 groupements d’achat utilisent le logiciel libre Cagette.net pour organiser les commandes de produits. Selon les promoteurs de ce logiciel, ce nombre a presque doublé depuis le début de la crise sanitaire.
  • Ce constat a aussi été relevé lors de l’enquête nationale sur la reterritorialisation de l’alimentation coordonnée par l’INRAE en 2018-2019 (Brit et Chiffoleau, 2019).
  • Les circuits concrets d’approvisionnement des supermarchés et des commerces de proximité restent peu connus à l’échelle nationale. Les experts du RMT Alimentation locale convergent pour reconnaître la prédominance des circuits longs dans ces lieux de vente, ce qui, concernant les produits animaux, est corroboré par les données du Recensement agricole : en 2010, moins de 10 % des producteurs de produits animaux vendent leurs produits en circuits courts tandis que les GMS et commerçant-détaillants (toutes productions confondues) sont des débouchés peu développés en circuits courts (Barry, 2012).

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Résumé

La pandémie de la Covid-19 représente un choc majeur pour les sociétés contemporaines et une source de perturbations importantes pour les systèmes alimentaires. Lors des premiers mois de la crise (mars-octobre 2020), des membres du Réseau Mixte Technologique Alimentation locale se sont associés pour mener trois enquêtes (citoyens, accompagnateurs, producteurs) à l’échelle nationale afin de saisir les impacts de cette crise sur les systèmes alimentaires, en particulier sur les circuits courts. L’article propose une synthèse des données recueillies, en ciblant le cas des circuits courts de produits animaux. Il montre en quoi et à quelles conditions les exploitations d’élevage engagées dans ces modes de vente ont résisté, se sont adaptées et ont innové dans les premiers mois de la pandémie. Il souligne le rôle clé d’actions collectives dans la mise en place de solutions rapides aux problèmes identifiés. Tout en appelant à examiner si ces solutions ont été maintenues par la suite, l’article en tire des pistes d’action pour consolider les circuits courts de produits animaux et les capacités de résistance, d’adaptation et d’innovation des exploitations associées.

Auteurs


Yuna CHIFFOLEAU

yuna.chiffoleau@inrae.fr

Affiliation : INRAE, UMR Innovation, 2 place Viala, 34060, Montpellier, France

Pays : France


Adeline ALONSO UGAGLIA

Affiliation : Bordeaux Sciences Agro, UMR INRAE SAVE, 1, cours du Général de Gaulle, CS 40201, 33175, Gradignan Cedex, France

Pays : France


Anne-Cécile BRIT

Affiliation : FR CIVAM Bretagne, 35577, Cesson Sévigné, France

Pays : France


Anne DEMONCEAUX

Affiliation : Chambre régionale d’agriculture de Normandie, 14000, Caen, France

Pays : France


Laurine DEHAUDT

Affiliation : Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture, 75008, Paris, France

Pays : France


Maëlle RANOUX

Affiliation : DRIAAF Ile de France – SRAL, 94234, Cachan, France

Pays : France


Grégori AKERMANN

Affiliation : INRAE, UMR Innovation, 2 place Viala, 34060, Montpellier, France

Pays : France


Yentl DEROCHE-LEYDIER

Affiliation : INRAE, UMR Innovation, 2 place Viala, 34060, Montpellier, France

Pays : France

Pièces jointes

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