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Comprendre les atouts de la diversification des systèmes d’élevage herbivores du nord du Massif central

Chapeau

À l’heure où l’agroécologie met en avant les avantages de la diversité animale et végétale, les exploitations qui ont résisté à la généralisation de la spécialisation productive peuvent apparaître comme pionnières pour repenser l’élevage face aux enjeux actuels. Nous proposons une analyse comparée des systèmes mixtes bovins-ovins, bovins-équins, bovins lait-viande et de polyculture-bovins viande du nord du Massif central, un territoire où les élevages d’herbivores diversifiés restent nombreux, et discutons des particularités de chaque système et de leurs similitudes.

Introduction

Après plusieurs décennies durant lesquelles la spécialisation des systèmes agricoles et la recherche d’économies d’échelle ont orienté les évolutions de l’agriculture, de nouveaux modèles se dessinent qui prennent bien plus en compte les demandes sociétales adressées à l’élevage et les divers aléas auxquels il est confronté. C’est dans ce contexte que durant la dernière décennie, l’agroécologie s’est imposée en France dans différentes sphères : dans les agendas stratégiques des instituts de recherche (INRA, 2012), dans les débats sur l’évolution de la politique agricole commune, et dans les réflexions et les pratiques des acteurs de terrain. Le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll (2012-2017), a placé l’agroécologie au cœur de sa politique agricole en tant que voie vers la triple performance économique, environnementale et sociale. De nombreux acteurs majeurs de l’agriculture, dont certains groupes coopératifs, invitent depuis au déploiement d’une agriculture « écologiquement intensive », ou identifient l’agroécologie comme un enjeu stratégique. Au niveau des formations agricoles, ce programme s’est traduit dans le plan « Apprendre à produire autrement ». Toutefois, les références techniques et organisationnelles pour accompagner la transition agroécologique manquent encore, la recherche et le développement ayant longtemps fait porter leurs efforts sur la productivité et l’efficience des systèmes spécialisés, jugés plus performants.

Dans son acception comme discipline scientifique, l'agroécologie repose sur la mobilisation des concepts de l'écologie pour concevoir et gérer durablement les systèmes de production. L'agroécologie se définit aussi comme un ensemble de pratiques dont l'objectif est d'amplifier les processus naturels qui opèrent au sein des agroécosystèmes, afin de concevoir des systèmes productifs, peu artificialisés, respectueux de l'environnement et moins dépendants des intrants (Gliessman, 2006 ; Wezel et al., 2009). Appliquée aux productions animales, un des principes de l'agroécologie postule qu'il est possible de valoriser la diversité au sein des systèmes d'élevage (Dumont et al., 2013) afin de renforcer leur résilience (i.e. la capacité du système à retrouver sa fonctionnalité après une perturbation). Il est alors fait référence à la diversité des ressources alimentaires, à la complémentarité des animaux et aux interactions entre ateliers d'élevage et de cultures (Dumont et al., 2020b). Dans les agroécosystèmes diversifiés, la redondance fonctionnelle est supposée accroître la stabilité du système de production puisque les effets de la disparition d'une espèce seraient compensés par la présence d'espèces ayant la même fonction. Des processus spécifiques entrent aussi en jeu, comme par exemple le pâturage mixte qui « dilue » la charge parasitaire des animaux en raison de la spécificité de la plupart des strongles digestifs à leur hôte ; durant la phase de son cycle où le parasite est dans le couvert, il est vulnérable au fait d'être avalé par un animal de l'autre espèce ce qui interromprait son cycle de développement (Marley et al., 2006 ; Mahieu, 2013). L'effet « portefeuille » suppose que les écosystèmes diversifiés sont composés d'espèces aux traits et aux capacités adaptatives complémentaires, si bien qu'ils comporteraient des espèces adaptées à chaque type de perturbation et resteraient ainsi productifs (Figge, 2004). En économie, le concept d'économies de gamme stipule que l'utilisation partagée de facteurs de production entre ateliers peut être source de gain économique du fait de la réduction du coût de production de chacun des produits (Panzar et Willig, 1981 ; De Roest et al., 2018). Les économies de gamme résultent aussi des interactions qui existent au sein des systèmes diversifiés, par exemple entre cultures et élevage (Veysset et al., 2014). Enfin, même s'il est établi que la transition agroécologique modifie le type de tâche (Dumont et al., 2013), ses effets sur l'évolution de la charge de travail et son organisation sont moins connus (Hostiou et Fagon, 2012 ; Aubron et al., 2016).

Dans cet article, nous nous intéressons aux situations où coexistent plusieurs ateliers de production d'herbivores dans une exploitation herbagère, et aux exploitations de polyculture-bovins viande. La diversification suppose un partage plus ou moins important des facteurs de production. La région Auvergne-Rhône-Alpes est un bon terrain pour traiter de cette question. La typologie d'exploitations Inosys réalisée par les chambres d'agriculture en 2012 à partir des données du recensement agricole de 2010 indique en effet que 39 % des élevages professionnels de ruminants de la région ont plusieurs ateliers, et que la majorité des éleveurs de bovins « spécialisés » laitiers ou allaitants produisent plusieurs types de produits ou d'animaux, et diversifient ainsi leur production au-delà du lait et des broutards (Rapey et al., 2018b). Les exploitations mixtes bovins lait-viande représentent 19 % des élevages de ruminants de la région et se rencontrent surtout en zone de montagne. Les autres systèmes diversifiés de ruminants, 9 % de polyculture-viande, 7 % de polyculture-lait et 4 % de mixtes bovins-ovins viande, sont très présents en plaine et sur les piémonts, par exemple dans l'Allier pour les mixtes viande (Rapey et al., 2018b). La région compte aussi 1 400 exploitations d'élevage avec au moins quatre équidés, ce qui représente 5 % des élevages d'herbivores inclus dans la typologie Inosys. Le Cantal dans sa partie nord et le Mézenc en Haute-Loire sont les deux principales zones où se concentrent les chevaux de trait, alors que les chevaux de selle sont répartis de manière beaucoup plus diffuse en plaine comme en montagne. Ainsi, la diversification des systèmes d'élevage herbivores a-t-elle une large couverture territoriale, mais est souvent inégalement répartie.

Dans cet article, nous analysons conjointement des résultats d'enquêtes en exploitation essentiellement réalisées en Auvergne, et de modélisation bioéconomique d'exploitations définies à partir de cas types régionaux. Les enquêtes, associant la collecte d'informations quantitatives et qualitatives, ont été réalisées dans des exploitations de polyculture-bovins viande et des exploitations mixtes bovins-ovins et bovins-équins. En complément, un dispositif expérimental a permis de comparer pendant trois ans un pâturage mixte équins-bovins à un pâturage monospécifique équins au même chargement (Fleurance et al., 2020). Le modèle bioéconomique Orfee (Mosnier et al., 2017) a quant à lui permis de comparer les performances économiques, les besoins en travail et certains impacts environnementaux entre les systèmes mixtes bovins-ovins, bovins lait-viande et de polyculture-bovins viande. En combinant ces trois approches, nous analysons comment la diversification des exploitations d'herbivores est susceptible i) de réduire les intrants, la charge parasitaire et les coûts de production, ii) de réduire les besoins en équipement et d'accroître le revenu, iii) d'accroître leur résilience face aux aléas climatiques et du marché, et iv) modifie l'organisation du travail dans les systèmes mixtes. Nous ne considérerons toutefois pas la diversification liée à la transformation et à la commercialisation en circuit court (Vollet et Saïd, 2018 ; Martin et al., 2020), ni à des activités de tourismes, ni à la pluriactivité avec des activités qui ne relèvent pas du fonctionnement « technique » de l'exploitation (López-i-Gelats et al., 2011).

1. Démarche de l’étude

1.1. Les enquêtes de terrain

Une partie des enquêtes (figure 1) en élevage de bovins allaitants a été réalisée dans un réseau de 66 exploitations, dont 60 en polyculture-élevage et six spécialisées de la zone Charolaise au nord du Massif central (principalement dans l'Allier (03), la Nièvre (58) et en Saône et Loire (71) ; Veysset et al., 2020). Les systèmes bovins-ovins ont été analysés par l'enquête de 20 exploitations mixtes viande du Bocage Bourbonnais (03) et 17 exploitations bovins lait-ovins viande de la Planèze de Saint-Flour dans le Cantal (15). Ces enquêtes ont permis de révéler les avantages et limites perçues par les éleveurs des systèmes mixtes bovins-ovins, de décrire le fonctionnement de ces élevages, et de formaliser les articulations entre espèces pour la gestion des troupeaux, des ressources et l'organisation du travail. Une seconde série d'enquêtes dans 32 des exploitations mixtes bovins-ovins des deux terrains était centrée sur leurs trajectoires entre 2000 et 2017, et a permis d'identifier les leviers mobilisés par les éleveurs pour faire face à des aléas économiques, sociaux et climatiques (Mugnier et al., 2020). L'analyse des collaborations entre exploitations d'un même territoire a donné lieu à 40 enquêtes supplémentaires, 24 dans des exploitations mixtes viande du Bocage Bourbonnais et 16 dans des exploitations bovins lait-viande de la Planèze (Rapey et al., 2018a).

Figure 1. Carte repositionnant les différents systèmes diversifiés qui ont été enquêtés, les cas type simulés et le dispositif expérimental dédié au pâturage mixte bovins-équins.

Les codes couleurs indiquent les productions associées au système bovin allaitant : en orange les équins, en noir les cultures, en rouge les ovins viande et en bleu les bovins laitiers. Sur le territoire de la Planèze de Saint-Flour 17 enquêtes ont été réalisées dans des exploitations laitières où existe une troupe ovine.

Dans le nord du Massif central, principalement dans l'Allier (03), le Puy de Dôme (63) et en Saône et Loire (71), nous avons analysé le fonctionnement de 11 exploitations mixtes bovins viande-chevaux de selle. Nous les avons comparées à 10 exploitations équines spécialisées pour tenir compte d'activités spécifiques à la filière équine et en raison de la moindre connaissance de ces systèmes (Forteau, 2019). Parmi ces 21 exploitants, 16 ont été enquêtés une seconde fois pour comprendre leur organisation du travail. La méthode Bilan Travail (Dedieu et Servière, 2001) a pour cela été adaptée aux élevages de chevaux de selle en prenant en compte les activités propres à ce type de système (élevage et dressage des jeunes chevaux, prise en pension de chevaux de particuliers pour le travail ou la reproduction). Enfin, des coproscopies ont été réalisées dans ces mêmes élevages pour tester une hypothèse de dilution de la charge parasitaire des chevaux dans les exploitations mixtes ; les fèces de 23 jeunes chevaux entre 1 an ½ et 3 ans ½ ont pour cela été prélevés dans chaque type d'exploitations (Forteau et al., 2020). En complément des enquêtes, un dispositif expérimental a été mis en place à la Station Expérimentale de l'IFCE à Chamberet (19). Un pâturage mixte associant des génisses limousines à des chevaux de selle était comparé à un pâturage monospécifique des chevaux de selle, conduits au même chargement (1,4 UGB/ha) dans des parcelles en rotation. Ce dispositif reconduit durant trois années a permis de tester l'hypothèse de dilution du parasitisme en pâturage mixte sous d'autres conditions (Fleurance et al., 2020). Enfin, nous avons réalisé 50 enquêtes téléphoniques dans des exploitations de montagne (15, 63) associant des chevaux de trait à des bovins (lait et/ou viande), afin de préciser la motivation des éleveurs pour ces associations (Valleix et al., 2020).

1.2. Le modèle bioéconomique et les cas types

Pour comparer les performances techniques et économiques des systèmes mixtes bovins-ovins, bovins lait-viande et de polyculture-bovins viande, nous avons utilisé le modèle d'optimisation bioéconomique Orfee, un modèle de simulation conçu pour explorer les systèmes d'élevage herbagers associés ou non à la production de cultures de vente (Mosnier et al., 2017). Orfee simule la production annuelle d'une ferme à l'équilibre, ce qui signifie que la production végétale, les animaux, les machines et la main-d'œuvre sont les mêmes d'une année à l'autre dans des conditions climatiques moyennes. Il a été utilisé dans cette étude pour optimiser la gestion des surfaces fourragères, l'alimentation des animaux, la fertilisation et le choix des machines pour une taille de troupeau et des surfaces en cultures données, en tenant compte des contraintes réglementaires et économiques. Il permet de calculer les besoins en main-d'œuvre, l'empreinte carbone et les résultats économiques annuels dans le contexte des prix et des subventions de la période 1990-2017. Ce modèle fait des hypothèses sur un certain nombre d'interactions agronomiques, entre les ateliers de production de l'exploitation qui sont présentées dans l'encadré 1.

Encadré 1. La prise en compte des facteurs agronomiques et liés au travail dans les simulations.

- L'introduction de cultures fourragères permet de réduire les intrants sur les grandes cultures. Le retournement des prairies fournit environ 50 kg N/ha à la culture suivante (Comifer, 2013). À court terme, le fumier organique a un effet de fertilisation directe avec 10 à 20 % de la teneur en azote, 80 % de la teneur en phosphore et toute la teneur en potassium utilisable directement par les plantes. À long terme, le fumier organique augmente la minéralisation de la matière organique en azote disponible pour les plantes (≈10 kg N/ha/an). En outre, la récolte de la paille utilisée comme litière pour les animaux réduit les besoins en azote des cultures de 10 kg/ha/an.

- Dans les parcellaires très dispersés de montagne, les vaches laitières qui doivent être traites deux fois par jour n'ont pas accès aux pâtures éloignées ; une contrainte sur la surface pouvant être pâturée par les vaches laitières a donc été incluse (Diakité et al., 2019).

- Comme les ovins sont plus légers que les bovins, le risque de piétinement est réduit. Nous avons donc considéré qu'une part du troupeau ovin pouvait rester dehors et pâturer durant l'hiver sans dégrader les pâtures dès lors que le chargement reste faible (0,15 UGB/ha de surface fourragère).

- La mixité bovins-ovins augmente la qualité des pâturages par rapport à un pâturage monospécifique ovin. Nous avons donc fait l'hypothèse d'une qualité des pâtures inférieure de 5 % pour les systèmes ovins par rapport aux systèmes bovins ou mixtes (Cuchillo-Hilario et al., 2018).

- Par ailleurs, le coût des machines est proportionnel à leur utilisation, mais des coûts d'amortissement minimaux sont imposés si le matériel est en propriété de sorte qu’en deçà d’un certain seuil d’utilisation, le coût reste le même quel que soit le niveau d’utilisation du matériel.

- Enfin, concernant la main-d’œuvre, nous avons supposé qu'une unité de travail associée pouvait travailler au maximum 2 352 h/an (48 h par semaine, 49 semaines par an) et au maximum 255 h/mois et qu'un travailleur salarié pouvait travailler 1 645 h/an (en accord avec la législation). Les besoins en main-d’œuvre sont calculés chaque mois en fonction des opérations culturales à réaliser, du travail d’astreinte et de saison estimés pour les troupeaux et du temps de gestion de l’exploitation (18 % des besoins en main-d’œuvre totale). Le nombre de travailleurs nécessaires dépend donc à la fois du nombre d’heures de travail nécessaires dans l’année et de sa répartition.

Trois systèmes mixtes (figure 1) ont été définis à partir des cas types des réseaux d'élevage Inosys (Charroin et al., 2005). Le premier correspond à une exploitation de montagne mixte bovins lait-viande (type BL22 du Référentiel Cantal 2016) de la Planèze de Saint-Flour (15). Le cheptel de 64 Unités de Gros Bétail (UGB) se compose de 43 % d'UGB de bovins viande produisant des broutards âgés de 8 à 11 mois (312 kg de viande vive [kgvv] produite par UGB) et de 57 % d'UGB de bovins lait avec une production moyenne de 6400 L par vache. Le parcellaire est dispersé de sorte que seule une partie peut être pâturée par des vaches laitières. Les prairies (108 ha) ont un potentiel moyen de 4,6 tonnes de matière sèche (tMS) par hectare pour la première coupe de foin. Cinq hectares de céréales ont un rendement moyen de 4,5 tMS/ha. Le deuxième cas type (Mixtes Ovins dominants –BV du Référentiel Auvergne 2015) est représenté par une exploitation de 180 UGB située dans le Bourbonnais (03) avec 30 % de bovins viande produisant des broutards (328 kgvv/UGB) et 70 % d'ovins viande produisant des agneaux d'herbe avec une production moyenne de 55 kgvv par brebis. Les animaux sont élevés sur 190 ha de prairies (rendement première coupe ≈ 4 tMS/ha) et utilisent une partie des 10 ha de céréales (rendement : 4 tMS/ha). Le troisième cas type (31060 du Référentiel Charolais 2012) est aussi représenté par une exploitation du Bourbonnais (03) avec 134 UGB de bovins viande sur 178 hectares de prairies, et 102 hectares de grandes cultures. Les productions sont des jeunes bovins, des génisses finies, des broutardes et des vaches de réforme (372 kgvv/UGB). Les céréales, pour partie intraconsommées, ont un rendement de 6,3 tMS/ha.

1.3. Les scénarios analysés par modélisation

Pour chaque type de combinaison, trois scénarios d'exploitation (tableau 1) ont été définis : deux exploitations avec une seule activité et une exploitation mixte correspondant à la combinaison des deux exploitations spécialisées, en agrégeant les troupeaux et la superficie agricole. Au-delà de l'intérêt d'effectuer ces comparaisons à effectifs de troupeaux constants, ce choix se justifie par la plus grande taille des exploitations d'élevage diversifiées par rapport aux exploitations spécialisées des mêmes territoires (Forteau, 2019 ; Bigot et al., 2020 ; Veysset et al., 2020). Les cas-types ont été utilisés pour paramétrer les rendements et la fertilisation des cultures, les superficies (prairies permanentes et cultures), la taille du troupeau, les performances zootechniques (croissance, production laitière par vache, répartition des vêlages, prolificité, taux de réforme) et les prix. Pour les scénarios d'élevage mixtes (exploitation avec des bovins viande et des bovins laitiers : FBV+BL, ou des bovins viande et des ovins viande : FBV+OV), l'effectif total du troupeau et la SAU ont été fixés en fonction des cas types, en faisant l'hypothèse que chaque production représentait la moitié des UGB (tableau 1). La moitié de la surface était attribuée à chaque production. L'exploitation de polyculture-élevage FBV+C avait les mêmes effectifs d'animaux et les mêmes surfaces cultivées que le cas-type Inosys. Cette exploitation était comparée à une exploitation spécialisée bovine où un même cheptel exploite la même superficie fourragère et à une exploitation de cultures de vente de même superficie. Dans chaque configuration, la gestion des pâturages (nombre de coupes et types de récolte), la fertilisation, l'alimentation des animaux, et les machines étaient optimisés. Deux séries de simulations réalisées sur la période 1990-2017 ont permis de rendre compte des différentes stratégies d'équipement des agriculteurs, en supposant : i) des coûts d'amortissement minimaux pour les machines agricoles (en deçà d'un certain seuil d'utilisation, le coût est le même quel que soit le niveau d'utilisation), ou ii) des coûts d'amortissement proportionnels à leur utilisation (si elles sont peu utilisées, ce coût est faible).

Tableau 1. Caractéristiques structurelles des exploitations dont le fonctionnement est simulé grâce au modèle d'optimisation bioéconomique Orfee (Mosnier et al., 2017).


Bovins lait-viande

Mixte bovins-ovins

Polyculture-bovins viande

 

FBV

FBL

FBV+BL

FBV

FOV

FBV+OV

FBV

FC

FBV+C

Surface Agricole (ha)

Prairies

54

54

108

97,5

97,5

195

178

178

Céréales

2,5

2,5

5

5

5

10

67

67

Colza

35

35

Animaux

Effectifs (UGB)

64

64

128

90

90

180

251

251

Vaches allaitantes (têtes)

51

51

67

67

133

133

Vaches laitières (têtes)

45

45

Brebis (têtes)

594

594

Chargement
(UGB/ha SFP)

1,2

1,2

1,2

0,95

0,95

0,95

1,4

1,4

UGB : Unité de Gros bétail, SFP : Surface Fourragère Principale

Les avantages de l'intégration de deux ateliers ont été évalués sur la base de critères de travail, de coûts de production, de moyenne et de variabilité des revenus, et selon l'empreinte carbone du système et la consommation d'aliments concentrés par le troupeau. Les coûts de production comprennent les coûts variables (achat d'aliments et de litière, frais vétérinaires, traitements des cultures, engrais minéraux…), les coûts fixes (carburant, entretien, fermage, taxes, amortissements et frais financiers) et la main-d'œuvre (heures de travail des salariés et des travailleurs associés rémunérés à 1,5 fois le salaire minimum). Le revenu, qui est la métrique la plus intégrative que nous utilisons est le revenu net par travailleur lorsque chaque atelier est évalué (ΔY de l'encadré 2) et le revenu global de l'exploitation (ΔX) lorsqu'on considère l'agrégation des deux ateliers. Le calcul du revenu inclut les amortissements mais pas le coût de la main-d'œuvre des agriculteurs associés. L'empreinte carbone est calculée via l'analyse du cycle de vie des intrants achetés, et en prenant en compte l'électricité, le méthane provenant de la rumination et du fumier, et le dioxyde d'azote provenant du fumier et des engrais minéraux (Mosnier et al., 2017).

Encadré 2. Le mode de calcul des indicateurs utilisés pour évaluer les effets de la mixité par simulation.

Deux types d'indicateurs ont été calculés. Le premier permet d'évaluer si les exploitations agricoles comprenant plusieurs ateliers interagissant entre eux obtiennent de meilleurs résultats que si ces ateliers étaient gérés séparément. Il a été calculé comme étant la différence relative, pour chaque critère, entre le résultat de l'exploitation mixte Fi+j qui gère conjointement les ateliers i et j et la somme des résultats des exploitations Fi et Fj qui gèrent chaque atelier séparément (équation 1).

ΔXFi+Fj=1-XFi+ XFj XFi+j
(Eq. 1)

Le deuxième type d'indicateurs vise à évaluer si une seule exploitation produit plus efficacement lorsqu'elle est intégrée. L'indicateur a été calculé comme étant la différence relative pour chaque critère entre les résultats de l'exploitation mixte et de l'exploitation spécialisée (Eq. 2). Les coûts de production et l’empreinte carbone ont été calculés par unité de produit en fonction des consommations de chaque atelier et par rapport à son intégration avec l’autre atelier.

ΔYiFi/j=1-YiFi  YiFi+j
(Eq. 2)

2. La diversification des systèmes d’élevage permet une nette réduction des intrants

2.1. Intrants et bilan carbone des cultures et de l’atelier d’élevage

L'introduction de cultures fourragères et de prairies dans une rotation de grandes cultures permet de réduire, voire de supprimer, la consommation de produits phytosanitaires dans des rotations plus longues et plus diversifiées (Barbieri et al., 2017). Elle réduit aussi l'apport de fertilisants puisque le retournement des prairies fournit entre 50 et 100 kgN/ha aux cultures suivantes d'après Comifer (2013), qui rappelle le rôle clé de la fixation symbiotique de l'azote atmosphérique par les légumineuses. Dans les systèmes intégrés de polyculture-élevage, les animaux utilisent une large gamme de ressources alimentaires produites sur la ferme. Aux prairies s'ajoutent les céréales qui réduisent de moitié les achats d'aliments dans les systèmes de polyculture-bovins viande de la zone Charolaise par rapport aux systèmes bovins herbagers (Veysset et al., 2020). Les animaux valorisent aussi des résidus de cultures et les cultures dérobées introduites dans les rotations qui constituent des fourrages de bonne valeur nutritive, en particulier lorsqu'elles sont pâturées ou récoltées avant floraison (Maxin et al., 2020). Leurs composés secondaires, dont la teneur varie selon les espèces, leur confèrent également un rôle pour prévenir les risques parasitaires et limiter les émissions de méthane entérique. Un autre principe clé de l'agroécologie mobilisé dans les systèmes intégrés de polyculture élevage est celui relatif au bouclage des cycles (Dumont et al., 2013). L'atelier animal fournit des effluents organiques qui permettent à la fois d'amender le sol et de fertiliser les cultures, réduisant ainsi les besoins en engrais chimiques, tandis que la paille des cultures sert de litière aux animaux. Le travail de modélisation économique pluriannuelle réalisé avec le modèle d'optimisation Orfee (Mosnier et al., 2017) a permis de quantifier que, dans les conditions de la zone Charolaise, l'intégration cultures-élevage à l'échelle d'une exploitation de polyculture-bovins viande pouvait réduire les charges variables des grandes cultures de 25 % grâce à une baisse de 30 % des achats de fertilisants azotés, et celles de l'atelier d'élevage d'environ 35 % grâce aux moindres achats de pailles et de concentrés (tableau 2). Toutefois, le modèle prédit aussi une augmentation de la part des aliments concentrés dans la ration des bovins, ce qui accroît la compétition entre l'alimentation animale et l'alimentation humaine. Lorsqu'il y a un atelier de grandes cultures sur l'exploitation, il se révèle en effet moins coûteux de les utiliser pour nourrir les animaux que de chercher à mieux utiliser les prairies. L'empreinte carbone était tout de même réduite de 9 % au total, autour de 5 % par kg de viande vive et de 21 % par tonne de produits des cultures vendus.

Tableau 2. Effet de l'intégration de deux ateliers comparativement à leur gestion séparée pour trois systèmes mixtes auvergnats (bovins viande + bovins lait, bovins viande + ovins viande, bovins viande + cultures de vente) simulés avec Orfee (Mosnier et al., 2017) sur la variation de performance de chaque atelier (ΔYFBV/j pour les bovins viande, ΔYFj/BV pour l'autre atelier) et sur la variation de performance globale (ΔXFBV+Fj).


Type de mixité

Indicateurs

Performance unitaire de chaque atelier

Performance globale

Unité des indicateurs

ΔYFBV/j’ (%)

ΔYFj/BV (%)

Unité des indicateurs

ΔXFBV+Fj (%)

Bovins viande
+
Bovins lait

Travail

(heures/UMO)

[16 ; 22]

[5 ; 6]

(UMO)

[– 12 ; – 11]

Coûts Fixes

(€/kg vif ou
€/L lait)

[– 100 ; –  1]

[– 15 ; 7]

(€)

[– 25 ; – 3]

Coûts Variables

[2 ; 12]

[– 26;– 13]

[– 14 ; – 12]

Revenu moyen

(€/UMO)

[– 13 ; 56]

[6 ; 34]

[2 ; 43]

Écart type
du revenu

[– 7 ; – 1]

[– 1 ; 6]

[– 15 ; – 9]

Empreinte
Carbone

(kg CO2e/kg
vif ou L Lait)

[– 2 ; 1]

[– 6 ; – 4]

(t CO2e)

[– 6 ; – 4]

Concentrés

(Kg aliment /Kg
vif ou L)

[– 55 ; – 7]

[– 69 ; – 43]

(t aliment)

[– 68 ; – 47]

Bovins viande
+
Ovins viande

Travail

(heures/UMO)

[– 3 ; 2]

16

(UMO)

– 10 

Coûts Fixes

(€/kg vif)

[– 35 ; 1]

[– 44 ; 5]

(€)

[– 24 ; – 2]

Coûts Variables

– 14

– 16

[– 11 ; – 10]

Revenu moyen

(€/UMO)

[– 41 ; 3]

[36 ; 66]

[1 ; 35]

Écart type
du revenu

[– 35 ; – 34]

[– 45 ; – 33]

[– 54 ; – 48]

Empreinte
Carbone

(kg CO2e/kg vif)

– 1

[– 10 ; – 9]

(t CO2e)

– 4

Concentrés

(Kg aliment /Kg
vif)

[– 98 ; – 92]

– 15

(t aliment)

– 30

Bovins viande
+
Cultures
de vente

Travail

(heures/UMO)

[0 ; 3]

[51 ; 55]

(UMO)

[– 14 ; – 9]

Coûts Fixes

(€/kg vif ou t
équivalente
de blé)

[15 ; 17]

[– 13 ; 1]

(€)

[0 ; 3]

Coûts Variables

[– 40 ; – 34]

– 25

[– 24 ; – 20]

Revenu moyen

(€/UMO)

[52 ; 58]

[– 144 ; – 68]

[16 ; 27]

Écart–type
du revenu

25

[– 277 ; – 206]

[– 30 ; – 24]

Empreinte
Carbone

(kg CO2e/kg
vif t eq de
cultures)

[– 6 ; – 5]

– 21

(t CO2e)

– 9

Concentrés

(Kg aliment /Kg
vif ou t eq de
cultures)

[30 ; 43]

(t aliment)

[30 ; 43]

À l’échelle de chaque atelier, la variation de performance est rapportée à l’unité de produit ou de main-d’œuvre, alors que pour la ferme intégrée sont calculées les variations de coûts, de besoins et d’émissions totales.

UMO : Unité de Main-d’œuvre ; ET : Écart Type ; t : tonnes ; CO2e : CO2 équivalent. Dans chaque intervalle de valeur, celle en gras est obtenue sous l’hypothèse de coûts d'amortissement minimaux pour les machines agricoles, l’autre sous l’hypothèse de coûts d’amortissements proportionnels à leur utilisation. Lorsqu’il n’y a qu’une valeur, celle-ci est indépendante du calcul des coûts d’amortissement.

2.2. Valorisation de l’herbe

Les enquêtes réalisées durant le projet ont révélé la diversité des modalités de conduite des animaux au pâturage dans les systèmes mixtes bovins-ovins et bovins-équins. Les 37 enquêtes réalisées dans les exploitations mixtes bovins-ovins des deux terrains mettent en évidence différents modes d'organisation du pâturage qui correspondent à des interactions entre espèces plus ou moins fortes. Le niveau d'interactions est en grande partie influencé par la configuration du parcellaire et par l'orientation productive des bovins (lait ou viande ; Mugnier et al., 2020 ; figure 2). Dans les élevages mixtes bovins lait-ovins viande de la Planèze de Saint-Flour, les éleveurs allouent des parcelles proches de la salle de traite aux vaches laitières ; ces parcelles sont productives et de bonne valeur alimentaire afin de satisfaire aux besoins nutritionnels élevés des vaches laitières. Bovins et ovins sont alors conduits séparément. Les estives sont en général pâturées par les brebis vides et les génisses, et le pâturage alterné lorsqu'il existe se limite au nettoyage des refus des vaches laitières par les ovins (Cournut et al., 2012). Dans les élevages mixtes bovins-ovins viande du Bocage Bourbonnais, les interactions sont plus fortes, les deux espèces pouvant partager des surfaces en pâturage alterné ou simultané. Le pâturage simultané n'est toutefois pratiqué que dans les exploitations au parcellaire groupé. Sur l'ensemble des exploitations, les modes de conduite du pâturage se sont en revanche révélés indépendants du chargement, du ratio bovins-ovins et de la main-d'œuvre disponible. Les bovins, moins sélectifs que les ovins du fait de leurs différences de besoins, de capacité d'ingestion et de comportement alimentaire (Dumont et al., 1995), peuvent exploiter des zones d'herbe haute et de moindre qualité, et ainsi entretenir les prairies. D'ailleurs, la meilleure valorisation de l'herbe a été citée comme un atout majeur des systèmes mixtes par 84 % des éleveurs enquêtés (Mugnier et al., 2020). Des travaux de simulations réalisés avec le modèle Orfée ont permis d'estimer que cette meilleure valorisation des prairies permettrait de réduire la consommation d'aliments concentrés de 30 % dans les systèmes mixtes bovins-ovins, notamment parce que les ovins valorisent mieux l'herbe en pâturage mixte (Cuchillo-Hilario et al., 2018) et parce qu'ils ont des besoins en fourrages conservés moindres que les bovins. En systèmes mixtes bovins lait-viande, cette consommation de concentrés serait également réduite parce que les bovins viande valorisent les surfaces éloignées contrairement aux vaches laitières qui ont la contrainte de la traite. Les charges variables seraient réduites d'environ 10 % pour les systèmes mixtes par rapport à chacun des deux systèmes spécialisés et l'empreinte carbone le serait d'environ 5 % (tableau 2).

Figure 2. Quatre types d'association des bovins et des ovins au pâturage dans les 20 élevages associant des bovins allaitants à des ovins viande et les 17 élevages associant des vaches laitières à des ovins viande (Mugnier et al., 2020).

Au nord du Massif central, la conduite au pâturage des chevaux de selle associés à des bovins allaitants varie aussi beaucoup entre exploitations, avec en moyenne 39 % des surfaces des exploitations mixtes dédiées à une seule espèce et 25 % des surfaces pâturées simultanément par les animaux des deux espèces. Dans 21 % des parcelles, les bovins précédaient les chevaux en pâturage alterné, et les chevaux précédaient les bovins dans les 15 % de surfaces restantes (Forteau, 2019). Nous n'avons pas observé de différences significatives de chargements entre ces modalités de pâturage, mais le chargement des surfaces pâturées était plus élevé dans les exploitations mixtes que dans les spécialisées (1,20 vs 0,93 UGB/ha SFP durant la saison de pâturage ; tableau 3 ; Forteau et al., 2020). Les éleveurs spécialisés du Massif central ont en moyenne acheté 0,60 tMS de fourrages par UGB et par an, des quantités qui pour eux restent raisonnables, mais sont dix fois supérieures à celles achetées par les éleveurs mixtes. Les éleveurs spécialisés ont fréquemment eu recours au gyrobroyage (Forteau et al., 2020) et ont fertilisé un quart de leurs surfaces avec des engrais minéraux, contre seulement 4 % dans les élevages mixtes où l'herbe est mieux valorisée (Forteau, 2019). En montagne, un quart des éleveurs bovins possédant des chevaux de traits avaient une ou deux poulinières, 44 % en possédaient entre 3 et 5, et 31 % plus de cinq. Les poulinières pâturaient avec les bovins dans les trois-quarts des élevages enquêtés (Valleix et al., 2020). Dans les deux tiers d'entre eux, les chevaux valorisaient aussi des parcelles non exploitables par les bovins car trop petites ou trop éloignées du siège de l'exploitation. Enfin, dans un élevage sur deux, les chevaux étaient utilisés pour nettoyer les refus des bovins.

Tableau 3. Caractéristiques structurelles et modalités de gestion de l’herbe des exploitations mixtes bovins viande-chevaux de selle (n=11) et spécialisées équines (n=10) dans la zone allaitante du nord du Massif central (Forteau, 2019).


Mixte bovins viande-chevaux selle

Spécialisé chevaux selle

SAU (ha)

91 [40 - 186]

33 [18 - 62]

SFP (ha)

87 [38 - 178]

31 [18 - 59]

UGB équines

39 [13 - 79]

28 [11 - 73]

UGB bovines

51 [11-142]

0

UGB / ha SFP uniquement
pâturées (base annuelle)

0,95 [0,61 - 1,32]

0,84* [0,40 - 1,51]

UGB / ha SFP uniquement
pâturée (saison de pâturage)

1,20 [0,81 - 1,76]

0,93* [0,60 - 1,54]

Travailleurs UTH

2,6 [1,1 - 6,0]

1,7 [1,0 - 3,0]

Fourrages achetés
(tMS/UGB.an)

0,057 [0 - 0,335]

0,602 [0 - 1,975]

% SFP uniquement pâturée
qui est aussi gyrobroyée

71 [0 - 100]

84 [0 - 100]

% SFP avec fertilisation
minérale

4 [0 - 46]

25 [0 - 100]

% SFP avec fertilisation
organique

45 [11,2 - 100]

34 [0- 100]

Les données sont exprimées en moyenne [min - max].

*calculé sur neuf exploitations comportant des surfaces uniquement pâturées

2.3. Gestion intégrée du parasitisme

Le pâturage mixte, simultané ou alterné, de différentes espèces d'herbivores permet une réduction des intrants médicamenteux car il dilue la charge parasitaire des animaux en raison de la spécificité de la plupart des parasites à leur hôte. Ceci a été démontré lorsque des bovins sont associés à des ovins ou des caprins, qui voient alors leur excrétion fécale de strongles digestifs réduite (Marley et al., 2006 ; Brito et al., 2013 ; Mahieu, 2013). Les coproscopies que nous avons réalisées montrent que le niveau d'excrétion parasitaire des jeunes chevaux était réduit de moitié dans les exploitations mixtes bovins-équins par rapport à de jeunes chevaux élevés seuls dans les exploitations spécialisées (Forteau et al., 2020). Ceci permet d'envisager une réduction de la fréquence des traitements anthelminthiques, qui réduirait les charges variables des exploitations et bénéficierait aux insectes coprophages (Sands et Wall, 2018). Dans les faits, les éleveurs équins spécialisés du Massif central ont plus souvent traité leurs animaux, mais ils utilisaient des molécules moins rémanentes et mettaient aussi en œuvre des pratiques de gestion des parcelles et des troupeaux qu'ils jugent bénéfiques (baisse du chargement, passage de la herse, vide sanitaire). Par ailleurs, seul un tiers des éleveurs mixtes enquêtés étaient conscients que la mixité peut réduire l'impact des strongles digestifs (Forteau et al., 2020).

Dans le dispositif expérimental où un pâturage mixte équins-bovins était comparé à un pâturage monospécifique équin au même chargement, les chevaux ont excrété un même nombre d'œufs de strongles lorsqu'ils pâturaient seuls (médiane : 1025 opg) ou avec des bovins (900 opg ; Fleurance et al., 2020). La conduite en rotation de ces parcelles pourrait expliquer cette absence d'effet. Les animaux y retournaient toutes les 2-3 semaines, ce qui laissait à l'herbe le temps de repousser entre chaque passage des animaux. Les observations de comportement réalisées par Fleurance et al. (2020) ont révélé que les bovins pâturaient en priorité ces repousses et qu'ainsi ils n'étaient pas contraints de se reporter sur les zones d'herbe haute où les chevaux déposent majoritairement leurs crottins. Les larves migrant peu dans le couvert elles n'étaient alors pas (ou que peu) avalées par les génisses, empêchant l'effet de dilution.

À contrario de ses atouts pour réduire la charge parasitaire des animaux, la mixité d'espèces peut favoriser la transmission de maladies bactériennes et virales (Martin et al., 2020). Un des éleveurs du Bocage Bourbonnais sépare d'ailleurs les ovins des bovins durant l'hiver depuis que sa troupe ovine a transmis la fièvre catarrhale maligne (= coryza gangréneux) au troupeau bovin. D'autres cas de transmissions entre ovins et bovins sont rapportés dans la littérature pour le piétin (Rogdo et al., 2012) et la para-tuberculose (Moloney et Whittington, 2008).

3. L’intégration de deux ateliers permet d’augmenter le revenu global dès lors qu’elle n’augmente pas les coûts d’équipement

3.1 Les coûts d’équipement

Le fait que les ateliers de ruminants aient un certain nombre d'équipements en commun, notamment les équipements de récolte des fourrages, devrait permettre de diluer les charges fixes. Les simulations réalisées confirment que conduire conjointement plusieurs ateliers de ruminants dans une même exploitation peut diluer les coûts d'équipement de récolte des fourrages et générer des économies de gamme sur les charges fixes allant jusqu'à 25 % (tableau 2). Ces économies bénéficieraient surtout à l'atelier ovins viande qui a moins de besoins en fourrages récoltés et sous-utilise davantage le matériel. À même taille d'exploitation, les matériels de récoltes ne se révèlent toutefois pas moins coûteux en système mixte, si bien que 22 % des éleveurs bovins-ovins enquêtés ont identifié les besoins en matériels et en bâtiments spécifiques, qui augmentent les investissements, comme un frein significatif au développement des systèmes mixtes (Mugnier et al., 2020).

Concernant la polyculture-élevage, les simulations montrent qu'il n'y a pas d'économie de gamme à rechercher sur les équipements car peu sont communs aux ateliers d'élevage et aux grandes cultures. Le fait d'intraconsommer les céréales augmente même de 15 % les coûts fixes de l'atelier bovins viande par rapport à un système tout herbe (tableau 2). Ce constat est confirmé par Veysset et al. (2020) dans le réseau de polyculture-élevage bovins viande en zone Charolaise, où la grande taille des exploitations par travailleur s'accompagne de forts besoins en équipements. Ceux-ci induisent des charges qui ne se diluent pas avec la taille, ni ne se partagent entre productions animales et végétales. Une option pour éviter que ces exploitations ne voient leurs charges de mécanisation augmenter est la mise en commun du matériel avec d'autres agriculteurs ou le recours à des entreprises de travaux agricoles, en supposant qu'ainsi le matériel serait mieux utilisé et donc moins cher. Les éleveurs qui pilotent les systèmes mixtes bovins-ovins du Bocage Bourbonnais et de la Planèze de Saint-Flour s'engagent plus fréquemment dans des coopérations inter-exploitations que les éleveurs spécialisés. Celles-ci sont le plus souvent de formes « classiques » : CUMA, entraide pour récolte ou manipulation d'animaux (Rapey et al., 2018a). Les éleveurs disent sécuriser l'accès au matériel, et gagner en autonomie et en qualité d'équipement. Toutefois, dans les exploitations du réseau polyculture-bovins viande Charolais, les agriculteurs qui utilisaient du matériel en commun n'ont pas vu leurs charges de mécanisation diminuer, certains agriculteurs ayant à la fois du matériel en propriété et en CUMA, et certaines CUMA étant suréquipées par rapport aux besoins (Veysset et al., 2020).

3.2. Le revenu de l’exploitation

Les simulations montrent que grâce aux économies de gamme, l'intégration de deux ateliers dans un système diversifié peut augmenter le revenu global de l’exploitation de 2 % (sans hypothèse d’économie sur les équipements) à 35 % (tableau 2). Cependant bien que les ateliers soient plus rémunérateurs lorsqu’ils sont intégrés, une exploitation spécialisée n’a pas nécessairement intérêt à allouer une partie de ses ressources à un atelier qui le serait moins. Ainsi, le tableau 2 révèle une perte de revenu par unité de main-d’œuvre (UMO) dans l’exploitation de grandes cultures lorsque celle-ci intègre des bovins (ΔYFj peut être négatif), alors que l’exploitation bovine accroît son revenu en intégrant des cultures (ΔYFBV est toujours positif) ; au total le revenu global ΔXFBV+Fj issu de l’intégration des deux ateliers augmente. Dans une moindre mesure, ce phénomène s’observe lorsqu’on associe un atelier ovins viande à une exploitation bovins viande (tableau 2). Des simulations complémentaires ont toutefois montré qu’adjoindre une troupe ovine représentant 10 à 20 % des UGB à un élevage de bovins allaitants permettait d’un peu augmenter les revenus par travailleur (par rapport au système bovin spécialisé à surface constante) et de les stabiliser dès lors que les conditions pédoclimatiques et le calendrier de reproduction permettent un pâturage hivernal des brebis qui ne nécessite pas d’investir dans de nouveaux bâtiments.

4. La diversification des systèmes offre des opportunités pour accroître leur résilience aux aléas climatiques et du marché

4.1. Modifier l’articulation entre ovins et bovins permet de s’adapter à une large gamme d’aléas

L'étude des trajectoires d'exploitations de 32 exploitations mixtes bovins (lait ou viande) - ovins révèle que la mixité a varié au cours du temps. Au cours des dix dernières années, l'équilibre entre les deux espèces a évolué en faveur des bovins dans le Bocage Bourbonnais avec aujourd'hui un ratio entre les UGB ovines et bovines de 0,7 (Mugnier et al., 2020). Les trajectoires les plus favorables au maintien des ovins sont celles où la mixité est ancienne, et où les deux troupeaux ont augmenté de façon progressive en conservant le même équilibre afin de ne pas déstabiliser le système. Sur la Planèze de Saint-Flour la mixité d'espèces est ancienne et vise à maximiser l'utilisation des ressources, en particulier des estives, à sécuriser le bilan économique et à rendre plus flexible l'organisation du travail. Les évolutions d'effectifs récentes sont en faveur des ovins avec aujourd'hui un ratio entre les UGB ovines et bovines égal en moyenne à 1,6 (Mugnier et al., 2020).

La mixité d'espèces est mobilisée pour s'adapter à des aléas de différente nature : 85 % des éleveurs enquêtés disent l'utiliser lorsqu'ils rencontrent des problèmes de travail (modification du collectif de travail ou surcharge), 64 % face à des aléas économiques et 50 % face à des aléas climatiques (Mugnier et al., 2020). Pour ce faire, plusieurs leviers liés à l'articulation entre les deux espèces du troupeau sont mobilisables : modifier le ratio entre les deux espèces, les périodes de mise bas et la gestion du pâturage, repartir différemment le travail et diversifier les produits (Mugnier et al., 2020 ; tableau 4). Les aléas liés au travail conduisent les éleveurs à mobiliser différents leviers d'adaptation permis par la mixité d'espèces, par exemple en ajustant les calendriers de reproduction et en simplifiant la conduite du pâturage. La mixité d'espèces permet aussi une plus grande flexibilité dans la répartition du travail entre associés dès lors qu'ils sont polyvalents. Certains leviers sont plus spécifiques à un aléa tel que la diversification des produits vendus qui tamponne surtout les aléas du marché. La modification du ratio entre les deux espèces s'avère en revanche être un levier non spécifique et fréquemment utilisé.

Tableau 4. Synthèse des différents leviers liés à l'articulation entre les troupeaux ovins et bovins qui sont mobilisés face à différents types d'aléas dans 20 exploitations mixtes viande du Bocage Bourbonnais et 17 exploitations laitières de la Planèze de Saint-Flour possédant une troupe ovine (Mugnier et al., 2020).


Différents leviers mobilisés face aux aléas liés au :

Travail

Climat

Marché

Ratio ovins / bovins

X

X

X

Distribution des fourrages conservés entre les 2 espèces

X

Imbrication des circuits de pâturage

X

Articulation des vêlages et des agnelages

X

X

Polyvalence de la main-d’œuvre entre les deux ateliers

X

Diversification des produits

X

4.2. La diversification des systèmes bovins allaitants facteur de stabilisation du revenu

Du fait de l'effet portefeuille, la variabilité des revenus d'une exploitation ayant deux ateliers est toujours inférieure à la somme pondérée de la variabilité de chaque atelier, et ce d'autant plus que les ateliers ne sont pas sensibles aux mêmes aléas et que la variabilité de chaque atelier est équivalente. Pour les trois systèmes auvergnats (polyculture-bovins viande, mixtes bovins-ovins viande, mixtes bovins lait-viande), l'effet positif de la diversification sur le revenu annuel de l'exploitation était le plus faible dans le cas de la mixité bovins lait-viande (Diakité et al., 2019), où la réduction de l'écart type du revenu annuel variait autour de 12 %, étant donné que les deux ateliers produisent de la viande bovine et partagent le même marché (tableau 2). En revanche, la diversification a particulièrement réduit la variabilité du revenu dans les systèmes mixtes bovins-ovins où l'écart type du revenu annuel était réduit de moitié. En ce sens, les résultats des simulations confirment la perception des éleveurs bovins-ovins enquêtés dont 86 % ont cité la sécurisation du revenu parmi les principaux atouts qui les ont conduits à opter pour un système mixte (Mugnier et al., 2020). Dans la plupart des cas, l'intégration d'une autre activité réduit la variabilité du revenu par unité de travailleur par rapport à la situation spécialisée. Chez les polyculteurs-viande, l'atelier de production bovine stabilise les fortes fluctuations interannuelles de l'atelier cultures (tableau 2). En revanche, un éleveur spécialisé en bovins viande voit la variabilité de son revenu augmenter par l'ajout d'un atelier grandes cultures. Les conditions et les politiques du marché qui ont considérablement changé au cours des dernières décennies ont également modifié la rentabilité relative de chaque production (figure 3). Alors que la production ovine était nettement moins profitable que la production bovine et les grandes cultures, les réformes successives depuis 2010 (par exemple l'aide ovine), ainsi qu'une évolution favorable des cours de la viande ovine ont rééquilibré les revenus de ces différentes productions. Les courbes confirment que la diversification a un bénéfice variable sur le revenu par travailleur, mais que dans tous les cas elle contribue à le stabiliser.

Figure 3. Effet des évolutions du marché et des politiques publiques sur le revenu net par travailleur (en k€/UTH) dans trois systèmes mixtes auvergnats lorsque chaque atelier est géré de façon séparée ou intégré au sein d’une même exploitation

Notes : Les simulations ont été réalisées en utilisant le modèle Orfee (Mosnier et al., 2017) en supposant que la réunion des deux ateliers dans une exploitation plus grande permet de diluer les charges associées aux matériels communs aux deux activités (hypothèses de coût minimum associé aux machines en propriété). La différence de rentabilité entre les ateliers BV des différentes exploitations s'explique par des différences sur les animaux produits, les concentrés consommés et la taille du troupeau qui influe sur les aides et les types de bâtiments.

5. La mixité d’espèces est source de satisfactions et offre des opportunités pour mieux organiser le travail

5.1. Le cas de la mixité bovins-ovins

Les systèmes diversifiés sont en général considérés comme gourmands en main-d'œuvre ou du moins complexifiant l'organisation du travail. Ainsi, une charge de travail jugée importante est citée comme un verrou par 81 % des éleveurs enquêtés, 62 % d'entre eux mentionnant aussi le besoin d'acquérir des compétences spécifiques sur une seconde espèce (ou l'interaction entre espèces) comme un frein au développement des systèmes mixtes (Mugnier et al., 2020). Mais le travail est aussi la troisième motivation évoquée par les éleveurs vis-à-vis de la mixité d'espèces (après la sécurisation du revenu et la valorisation des ressources herbagères), en mettant en avant la possibilité d'étaler le travail et la diversité des activités qui évite la monotonie. Les mêmes avantages et inconvénients sont cités par les éleveurs des deux systèmes mixtes, mais le travail est plus fréquemment cité comme contraignant par les éleveurs laitiers que par les allaitants. L'analyse de l'organisation du travail dans les exploitations mixtes enquêtées a révélé une forte variabilité des temps de travail entre exploitations d'un même territoire. La comparaison aux références obtenues dans les systèmes ruminants spécialisés (Kentzel, 2010 ; Fagon et Sabatté, 2011 ; Cournut et Chauvat, 2012) montre que l'efficience du travail (temps d'astreinte/unité productive) dans les systèmes mixtes bovins-ovins serait intermédiaire entre les valeurs de références pour chaque espèce. Ainsi, nous ne pouvons pas conclure à une charge de travail plus élevée dans les systèmes mixtes que dans les systèmes spécialisés.

Les formes d'organisation du travail en élevage mixte bovins-ovins sont également marquées par l'orientation productive des bovins. Dans le Bocage Bourbonnais, les systèmes bovins-ovins viande sont fréquemment gérés par un éleveur seul (50 % des exploitations concernées) et le recours au bénévolat est généralisé (80 % des exploitations concernées). En montagne, les systèmes bovins lait-ovins viande sont en général gérés par un collectif plus nombreux (deux personnes ou plus dans 72 % des exploitations enquêtées), avec un recours moins systématique au bénévolat (53 % des exploitations). Dans les deux territoires, le recours au salariat n'a concerné que 30 % des exploitations mixtes enquêtées (Mugnier et al., 2020). La polyvalence des exploitants sur les deux troupeaux est la règle en systèmes mixtes bovins-ovins viande alors qu'elle est rare en bovins lait-ovins viande, où seul un des associés s'occupe en général des vaches laitières. La répartition du travail au cours de la campagne découle de la manière dont est raisonnée l'articulation entre vêlages et agnelages, en tenant compte des ajustements au cours de l'année entre : i) la main-d'œuvre disponible et le travail à faire, ii) les ressources en herbe qu'il s'agit de faire coïncider au mieux avec les besoins des animaux, et iii) la demande des filières pour une production régulière, qui entre en tension avec une conduite de la reproduction destinée à mieux valoriser l'herbe (Benoit et al., 2019). Dans les systèmes allaitants du Bocage Bourbonnais, les vêlages étaient regroupés en hiver avant les agnelages de printemps dans 60 % des exploitations, afin de répartir la charge de travail au cours de l'année (Mugnier et al., 2020). Les 40 % restant regroupent au contraire vêlages et agnelages en hiver-début de printemps afin de mieux valoriser la pousse printanière. Le pic de travail occasionné par ce chevauchement des périodes de mise bas nécessite de recourir à une main-d'œuvre temporaire souvent bénévole. Dans les systèmes bovins lait-ovins viande de la Planèze de Saint-Flour, les vêlages sont en général étalés et la reproduction des ovins organisée en trois périodes de mise bas, ce qui permet un étalement du travail. L'étalement des vêlages répond par ailleurs à la demande des laiteries d'avoir un approvisionnement régulier sur l'année avec une composition assez stable du lait en vue de la transformation fromagère (Mugnier et al., 2020).

En complément de ces enquêtes en ferme, l’utilisation d’un modèle d’optimisation sous contrainte confirme que la mixité bovins-ovins permettrait de légèrement lisser la répartition du travail annuel. En faisant l’hypothèse que le nombre de travailleurs présents sur l’exploitation est défini par le modèle de manière à pouvoir réaliser le travail en toute saison, la diversification des activités lisse les pics de charge de travail et réduit d’environ 10 % le nombre de travailleurs requis dans l'exploitation en supposant qu’il n’y a pas de recours à de la main-d’œuvre temporaire (tableau 2). Le nombre d'heures de travail par activité n'est en revanche pas réduit, ce qui entraîne une augmentation de la charge de travail par unité de main-d’œuvre.

5.2. Les spécificités de la mixité bovins-équins

Les enquêtes conduites dans 16 élevages équins spécialisés ou mixtes du nord du Massif central ont révélé que les systèmes équins spécialisés étaient en général gérés par une seule personne (sept exploitations enquêtées sur huit), alors que les systèmes mixtes associant bovins allaitants et chevaux de selle étaient une fois sur deux gérés par deux personnes (dans quatre exploitations sur huit). Le recours au bénévolat (1,63 vs 1,13 personnes), aux apprentis/stagiaires (0,63 vs 0,13), et dans une moindre mesure au salariat (0,38 vs 0,25) était plus important dans les systèmes mixtes. Le temps disponible calculé, indicateur évaluant la marge de manœuvre en temps des agriculteurs, est faible dans les deux types de systèmes, ce qui révèle combien l’organisation du travail est tendue. Le plaisir de posséder des chevaux a souvent été cité comme contrebalançant cette charge de travail élevée.

Dans les exploitations mixtes bovins allaitants-chevaux de selle, la part du travail d'astreinte (travail quotidien, non différable, ni concentrable) liée au cheval est très majoritaire puisqu'il était en moyenne de 134 heures par an et par UGB équine en raison du temps consacré à l'élevage et au travail des jeunes chevaux (Forteau, 2019). Dans ces exploitations, le travail d'astreinte était seulement de 19 heures par an et par UGB bovine, ce qui laisse présager que la charge de travail d'astreinte, certes élevée, dans les systèmes mixtes était peu affectée par la présence de bovins. Le travail de saison consacré à l'entretien des surfaces était réduit de moitié (par hectare de surface) dans les systèmes mixtes par rapport aux systèmes équins spécialisés. Ceci est cohérent avec les chargements plus élevés observés dans les systèmes mixtes du Massif central (Forteau et al., 2020). Ainsi, la présence d'un atelier bovins dans un élevage de chevaux de selle permettrait de diversifier la production sans réellement accroître la charge de travail. Les enquêtes réalisées dans les élevages bovins de montagne qui conservent des chevaux de trait indiquent que la satisfaction de posséder des chevaux de trait rend acceptable la charge de travail supplémentaire liée à cette activité ; 80 % des éleveurs interrogés souhaitent garder le troupeau équin, voire l'augmenter, dans les cinq prochaines années (Valleix et al., 2020).

Discussion et conclusion

Cet article permet d'analyser les similitudes ou les spécificités de différents systèmes d'élevage herbivores diversifiés : polyculture-bovins viande et les systèmes mixtes bovins-ovins, bovins-équins et bovins lait-viande, qui ont une importance majeure en région Auvergne-Rhône-Alpes (Rapey et al., 2018b) et dans une moindre mesure à l'échelle nationale (Dobremez et al., 2015 ; Aigrain et al., 2016 ; Bigot et al., 2020). Les enquêtes en exploitation et les travaux de modélisation convergent pour mettre en évidence une meilleure gestion de l'herbe dans les systèmes mixtes bovins-ovins et bovins-équins, qui permet de réduire les achats d'aliments. Ça n'est en revanche pas le cas chez les polyculteurs-bovins viande (Veysset et al., 2020) qui gèrent leurs prairies de façon plus extensive et intraconsomment plus de concentré. Dans les exploitations mixtes bovins-ovins et bovins-équins, les modes de conduite du pâturage sont très variés : les ovins et les bovins utilisent rarement les mêmes parcelles dans les exploitations laitières de montagne qui possèdent une troupe ovine (Mugnier et al., 2020), alors que le pâturage simultané des bovins et des chevaux de trait semble être la norme (Valleix et al., 2020). L'association de bovins allaitants avec des ovins allaitants ou des chevaux de selle constitue une situation intermédiaire (Forteau, 2019 ; Mugnier et al., 2020). Forteau et al. (2020) ont également montré que conduire des chevaux et des bovins dans une même exploitation était susceptible de réduire la charge parasitaire des jeunes chevaux, un résultat analogue à ce qui était déjà bien référencé pour les petits ruminants. On pourrait envisager d'alors réduire la fréquence des traitements anthelminthiques, ce qui aurait un double intérêt économique et environnemental. Toutefois, lorsque des chevaux et des génisses pâturaient en rotation, les bénéfices escomptés de la mixité ne sont pas apparus ; du fait des repousses présentes, les bovins n'étaient plus contraints de pâturer proches des crottins des chevaux, limitant ainsi le mécanisme par lequel la charge parasitaire des prairies est diluée (Fleurance et al., 2020). Ainsi, la diversification ne se résume-t-elle pas à l'adoption de solutions « clés en main ». Comme l'agroécologie, elle invite à comprendre le fonctionnement de ces systèmes et les interactions entre leurs composantes afin de proposer des pratiques qui en tirent parti (Bland et Bell, 2007 ; Ravetto Enri et al., 2017). Seul un tiers des éleveurs mixtes enquêtés étaient conscients que la mixité bovins-équins est susceptible de réduire de manière naturelle la charge parasitaire des jeunes chevaux, et cela alors même qu'ils sont de plus en plus confrontés aux résistances des strongles vis-à-vis des anthelminthiques chimiques (Sallé et al., 2017). Ceci montre l'importance de mieux partager les savoirs entre chercheurs et éleveurs dans des démarches de co-innovation. Celles-ci prennent des formes variées (Albicette et al., 2017 ; Lacombe et al., 2018 ; Dernat et al., 2020) et ont déjà montré leur potentiel pour améliorer conjointement les performances techniques et environnementales des exploitations herbagères conduites selon les principes de l'agroécologie (Dumont et al., 2020a).

Concernant les équipements, la mutualisation des chaines de récolte des fourrages entre les ateliers d'herbivores permettrait, d'après les simulations, de réduire les charges de mécanisation par unité de produit, ce qui n'est pas le cas en polyculture-élevage (Veysset et al., 2020). Les enquêtes révèlent toutefois que la nécessité d'investir dans certains équipements spécifiques à chaque espèce d'herbivores reste un frein à la diversification (Mugnier et al., 2020). Les économies de gamme permises par les seules réductions d'intrants ont un impact faible à modéré sur le revenu, cet impact étant plus favorable s'il est associé à des réductions de charges fixes dans le cadre d'un agrandissement de l'exploitation. Bien que ces économies de gamme améliorent la rémunération permise par chaque atelier, il n'en demeure pas moins que lorsqu'il existe un différentiel de rentabilité important entre deux productions, le revenu moyen sera plus élevé dans le système spécialisé le plus rentable. La diversification n'augmente donc pas le revenu dans l'absolu, mais nos travaux ont confirmé qu'elle contribuait à le stabiliser (Dumont et al., 2020b). Du fait de l'effet portefeuille, les exploitations diversifiées présentent des revenus moins variables que la simple pondération de la variabilité de chaque atelier. Certaines exploitations spécialisées, comme par exemple les bovins allaitants herbagers, génèrent des revenus assez stables. Leur adjoindre un atelier de grandes cultures augmente le revenu moyen, sans pour autant accroître sa variabilité.

Parmi les systèmes diversifiés, la mixité bovins-ovins offre des opportunités pour mutualiser les chaines de récolte de fourrage, mieux utiliser des bâtiments, et valoriser le parcellaire de l'exploitation et sa variabilité agro-pédoclimatique, y compris les pentes et les surfaces éloignées du siège de l'exploitation (Aigrain et al., 2016 ; Mugnier et al., 2020). Les simulations bioéconomiques confirment que cette voie de diversification réduit fortement la variabilité du revenu, ce qui est d'ailleurs la raison la plus fréquemment citée par les éleveurs mixtes bovins-ovins pour expliquer le choix d'un tel système. Les enquêtes ont précisé que la mixité d'espèces était mobilisée pour s'adapter à des aléas de différente nature : économiques, climatiques ou liés à la charge de travail (Mugnier et al., 2020). Modifier le ratio ovins/bovins s'avère être un levier de flexibilité fréquemment utilisé, ce qui confirme les travaux de Nozières et al. (2011) en zone Méditerranéenne. La diversification des produits issus des exploitations permet aussi de répondre à la demande des consommateurs locaux pour un panier de biens alimentaires diversifié, comme cela a été décrit en Auvergne par Vollet et Said (2018).

Enfin, les formes d'organisation du travail sont très variables. Pour s'organiser, les éleveurs mixtes peuvent s'appuyer sur la différence de demande en terme de travail entre les deux ateliers animaux (cas des élevages mixtes bovins-équins ; Forteau, 2019), sur la possibilité de mieux répartir le travail durant la campagne annuelle en articulant les périodes de mise bas (cas des mixtes bovins-ovins ; Mugnier et al., 2020) ou encore sur la composition du collectif et sa polyvalence (dans tous les élevages mixtes enquêtés). Le travail entre en ligne de compte dans le choix d'un système mixte, des formes d'articulation entre espèces et dans leur évolution. Le travail doit donc être considéré comme un élément à part entière du système à gérer et à ajuster aux autres composantes, plutôt que comme simplement une contrainte. Concluons enfin que les connaissances que nous rapportons ici peuvent être extrapolées à d'autres régions herbagères : Bourgogne Franche-Comté et ses élevages mixtes bovins-ovins viande, les Alpes du nord et leurs systèmes bovins lait-viande, etc. En mettant en lumière les atouts liés à la diversification des systèmes d'élevage herbivores, nous appelons à mieux intégrer ces connaissances dans la formation et le conseil aux éleveurs, afin d'accompagner la transition agroécologique.

Remerciements

Ce travail a été réalisé dans le cadre du projet PSDR4-Auvergne 2015-2020 new-DEAL, financé par l’INRA, Irstea et le Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes. Nous remercions M. Miquel et M. Bonestebe (Chambre Régionale d’Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes), S. Healy, N. Veny et M. Hirriat-Durruty (DRAAF), I. Boisdon (VetAgro Sup), G. Sallé (INRAE) et L. Wimel (IFCE), et les étudiants L. Barbonnais, Q. Benoit, L. Boucher, M. Charleuf, P. Crouzy, P.-J. Gendron, M. Mouilleau, C. Orus, E. Toque, M. Vallaix, C. Verdier et E. Zapata qui ont participé aux enquêtes, et aux travaux de cartographie et de modélisation.

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Résumé

Les systèmes d’élevage en Auvergne associent souvent plusieurs productions du fait de la géographie et de l’histoire régionale. Avec la transition agroécologique, la diversification des systèmes d’élevage herbivores est considérée comme un levier pour répondre à leurs enjeux productifs et environnementaux, mais les références techniques et organisationnelles manquent encore. Ici nous rapportons de nouvelles connaissances issues d’enquêtes réalisées dans trois types de systèmes diversifiés : polyculture-bovins viande, mixtes bovins-ovins et mixtes bovins-équins. Un modèle d’optimisation sous contrainte étend l’analyse au système bovins lait-viande, et simule l’empreinte carbone et la résilience des différents systèmes. Conduire deux espèces animales au sein d’une même exploitation permet de mieux gérer l’herbe et le parasitisme digestif, et peut ainsi réduire les intrants et les charges variables de l’exploitation. De même, l’association de cultures à un élevage bovins viande conduit à acheter moins d’aliments, et réduit les charges variables et l’empreinte carbone de l’exploitation. La mixité bovins-ovins dilue les coûts d’équipement pour la récolte des fourrages, les besoins en bâtiments, et sécurise le revenu. Peu d’équipements sont en revanche communs aux ateliers d’élevage et de cultures ce qui limite les économies de gamme en polyculture-bovins viande. Les fluctuations annuelles du revenu sont les moins tamponnées dans le système bovins lait-viande où les deux ateliers partagent le même marché de viande bovine. Enfin, la mixité d’espèces permet de mieux répartir le travail durant la campagne annuelle, la satisfaction liée à un travail varié étant également mise en avant par les éleveurs bovins-ovins et bovins-équins. Ainsi malgré des bénéfices d’amplitude variable selon les systèmes, la diversification des systèmes d’élevage herbivores peut accroître leur efficience et offre des clés d’adaptation face à la variabilité du contexte de production, sans nécessairement générer plus de travail.

Auteurs


Bertrand DUMONT

bertrand.dumont@inrae.fr

Affiliation : 1INRAE, Université Clermont Auvergne, Vetagro Sup, UMRH, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

Pays : France


Sylvie COURNUT

Affiliation : 2Université Clermont Auvergne, AgroParis Tech, INRAE, VetAgro Sup, UMR1273 Territoires, 63170, Aubière, France

Pays : France


Claire MOSNIER

Affiliation : INRAE, Université Clermont Auvergne, Vetagro Sup, UMRH, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

Pays : France


Sylvie MUGNIER

Affiliation : Université Clermont Auvergne, AgroParis Tech, INRAE, VetAgro Sup, UMR1273 Territoires, 63170, Aubière, France

Pays : France


Géraldine FLEURANCE

Affiliation : INRAE, Université Clermont Auvergne, Vetagro Sup, UMRH, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

Pays : France


Geneviève BIGOT

Affiliation : Institut Français du Cheval et de l’Équitation, pôle développement, innovation et recherche, 61310, Exmes, France

Pays : France


Louise FORTEAU

Affiliation : INRAE, Université Clermont Auvergne, Vetagro Sup, UMRH, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

Pays : France


Patrick VEYSSET

Affiliation : INRAE, Université Clermont Auvergne, Vetagro Sup, UMRH, 63122, Saint-Genès-Champanelle, France

Pays : France


Hélène RAPEY

Affiliation : Université Clermont Auvergne, AgroParis Tech, INRAE, VetAgro Sup, UMR1273 Territoires, 63170, Aubière, France

Pays : France

Pièces jointes

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