L’efficience nette de conversion des aliments par les animaux d’élevage : une nouvelle approche pour évaluer la contribution de l’élevage à l’alimentation humaine
Chapeau
Les animaux d’élevage sont souvent perçus comme inefficients pour produire des aliments pour l’Homme, puisqu’ils consomment beaucoup plus d’énergie et de protéines qu’ils n’en produisent dans la viande, le lait et les œufs. Mais une grande partie des aliments consommés par les animaux ne sont en fait pas consommables par l’Homme. De nouveaux indicateurs d’efficience apportent un nouveau regard sur l’efficience des productions animales.
Introduction
L’élevage a pour principale finalité la production d’aliments pour l’Homme. Cependant, dans un contexte d’accroissement de la population et de la demande alimentaire mondiale (FAO, 2009), cette raison d’être de l’élevage fait l’objet de controverses puisque les animaux ont besoin de consommer davantage d’énergie et de protéines végétales qu’ils n’en produisent pour l’alimentation humaine dans le lait, les œufs ou la viande. En effet, du fait des besoins d’entretien des animaux, des coefficients de digestibilité et des rendements d’utilisation métabolique des nutriments nécessairement inférieurs à 1, une grande partie de l’énergie brute et des protéines ingérées ne se retrouve pas dans les produits animaux finaux. Selon la FAO, il faut en moyenne 7 kilocalories (kcal) végétales pour 1 kcal de produits animaux (allant de 3 kcal pour les poulets de chair à 16 kcal pour la production de bovins viande) (Bender 1992) ou encore de 2,5 à 10 kg de protéines végétales pour 1 kg de protéines animales (Delaby et al., 2014). Outre que les méthodes d’estimation sont rarement tracées, ces chiffres n’intègrent pas le fait que les matières premières végétales consommées par les animaux d’élevage ne sont en réalité pas toutes consommables en l’état par l’être humain, ce qui est notamment le cas des végétaux riches en fibres comme les fourrages, des coproduits issus d’Industries Agro-Alimentaires (IAA) ou de bioraffineries, et que les produits animaux fournissent des protéines dont la qualité nutritionnelle pour l’Homme est généralement supérieure à celle des protéines végétales (Rémond et al., 2014).
Des travaux récents ont cherché à évaluer plus précisément la place des productions animales dans la chaine alimentaire et en distinguant dans le calcul de l’efficience d’utilisation des aliments par les animaux la part des aliments qui aurait pu être valorisée directement en alimentation humaine de celle qui ne le pourrait pas (Wilkinson, 2011 ; Ertl et al., 2015a ; Mottet et al., 2017). Ce calcul d’efficience nécessite d’estimer la part des différentes matières premières végétales utilisées en alimentation animale qui est « consommable par l’Homme ». En effet, l’Homme ne consomme qu’une partie des végétaux produits à des fins alimentaires. Par exemple, la transformation du blé en farine écarte une partie du grain (les enveloppes fibreuses et les coproduits de transformation). De même se pose la question d’estimer la part des produits animaux réellement consommable et consommée par l’Homme. Si cela est relativement simple pour le lait et les œufs, le cas de la viande est plus complexe car la part réellement consommable d’un animal varie fortement selon les types d’animaux et les habitudes alimentaires, par exemple la consommation ou pas des abats. Certains auteurs ont également cherché à tenir compte de la différence de qualité nutritionnelle entre les protéines végétales et animales (Ertl et al., 2016a).
Dans cet article nous proposons une méthode d’estimation de l’efficience de conversion des ressources végétales par les élevages permettant d’évaluer leur contribution « nette » à la production alimentaire pour l’Homme. Dans une première partie nous présentons les principales façons de calculer l’efficience de conversion trouvées dans la littérature. Dans un deuxième temps nous présentons comment nous avons déterminé la part des produits animaux (carcasse, lait, œufs) et des ressources végétales (grains, coproduits, fourrages…) consommable par l’Homme. Dans un troisième temps, nous appliquons la méthode ainsi développée à une large gamme de systèmes « types » bovins, ovins, porcins et avicoles français. Enfin, dans une dernière partie, nous revenons sur la pertinence de la méthode de calcul à travers l’analyse de sa sensibilité à la part des protéines consommables, d’une part, dans les aliments et, d’autre part, dans les produits animaux, et nous discutons de l’incidence de la prise en compte de la qualité nutritionnelle des protéines animales pour l’Homme dans les calculs d’efficience de conversion des aliments. Ce travail ne considère que les filières d’élevage terrestres et n’aborde pas l’aquaculture.
1. Les indicateurs d’efficience de conversion des ressources alimentaires
L’efficience est définie comme le ratio entre les produits (« outputs ») et les ressources utilisées (« inputs ») mais son inverse, l’indice de consommation ou « feed conversion ratio », qui correspond à la quantité totale d’aliments ingérés par kg de produit animal (gain de poids vif, production laitière…), est un mode d’expression très communément utilisé pour évaluer l’efficience alimentaire en zootechnie. Ce mode d’expression a d’ailleurs été utilisé par Wilkinson (2011) et Mottet et al. (2017) alors que Ertl et al. (2015a) ont utilisé le rapport produits/ressources. C’est ce dernier rapport que nous avons aussi utilisé.
On peut calculer l’efficience d’un système de très nombreuses façons selon les produits et les ressources que l’on considère. Dans ce travail nous nous sommes concentrés sur les deux composantes principales de la satisfaction des besoins alimentaires de l’Homme : l’énergie et les protéines ; et nous avons défini deux façons de calculer l’Efficience de Conversion (EC) des protéines et de l’énergie d’un élevage (cf. encadré 1) :
i) La première consiste à prendre en compte toutes les protéines ou l’énergie brute ingérées (fourrages, céréales, protéagineux, coproduits…) et produites (lait, œufs, animaux entiers) par l’élevage : il s’agit de l’Efficience « brute » de Conversion des protéines (ECp) et de l’énergie (ECe) ;
ii) La seconde consiste à ne considérer que la part des protéines (ou de l’énergie brute) consommée et produite par l’élevage qui est valorisable en alimentation humaine : il s’agit alors de l’efficience de conversion des protéines (ou de l’énergie) « consommables par l’Homme » (ECpc ou ECec), aussi appelée l’efficience protéines ou énergétique « nette »
Encadré 1. Les indicateurs d’efficience de conversion des ressources alimentaires : définitions et calcul.
Efficience « brute » de conversion des nutriments :
Efficience brute de Conversion des protéines (ECp) : quantité totale de protéines produites rapportée aux protéines totales de la ration des animaux
Efficience brute de Conversion de l’énergie (ECe) : quantité totale d’énergie produite rapportée à l’énergie totale de la ration des animaux
Efficience « nette » de conversion des nutriments pour l’Homme :
Efficience de Conversion des protéines consommables par l’Homme (ECpc) : quantité produite de protéines animales consommables par l’Homme permise par 1kg de protéines végétales consommables par l’Homme dans la ration des animaux
Efficience de Conversion de l’énergie consommable par l’Homme (ECec) : quantité produite d’énergie consommable par l’Homme permise par 1 kcal d’énergie végétale consommable par l’Homme dans la ration des animaux
Avec :
i les différents produits animaux de l’élevage considérés (carcasses entières dont 5ème quartier, lait, œufs…), j les Matières Premières végétales (MP) consommées par l’élevage (herbe, blé, tourteau de colza…).
PB et EB respectivement les teneurs en protéines brutes et en énergie brute des MP végétales et des produits animaux (en g de protéines/kg et kcal/kg)
PCa est la Part Consommable de l’animal abattu (comprend la viande, les abats, graisses, parfois le sang, os pour gélatine alimentaire et le suif alimentaire ; les saisies et pertes sont écartées) ou des produits animaux (part du lait et des œufs valorisables en alimentation humaine) par rapport à la quantité totale des produits animaux (animal entier, lait total ou œufs totaux avec coquilles) (en %)
Ppc et Pec respectivement les Proportions en Protéines et en Énergie « Consommable par l’Homme » des matières premières végétales de la ration des animaux (en %).
Les indicateurs d’efficience de conversion peuvent être calculés à l’échelle d’un animal ou de l’atelier final de production (engraissement pour la viande, lait, œufs). Mais ils prennent tout leur sens lorsqu’ils sont calculés à l’échelle globale de la production, en intégrant, d’une part les ateliers d’élevage amont (élevage des parentaux, croissance des poulettes, des génisses, des cochettes, des broutards…) et, d’autre part, les produits associés au produit principal (par exemple la production de lait ou d’œufs générant aussi la production de viande issus du renouvellement des animaux). Dans ce cas, les besoins alimentaires de tous les animaux nécessaires à la production de viande, de lait ou d’œufs sont pris en compte ainsi que tous les produits animaux introduits dans la chaîne alimentaire. C’est ce périmètre de l’efficience que nous avons retenu comme c’est le cas dans les analyses de cycle de vie (Lairez et al., 2015).
L’indicateur d’efficience « nette » s’interprète de la façon suivante : une efficience protéique nette supérieure à 1 indique que le système d’élevage a produit davantage de protéines animales « consommables par l’Homme » qu’il n’a consommé de protéines végétales « consommables par l’Homme ». Le système d’élevage est alors un contributeur net à la production de protéines pour l’alimentation humaine. Inversement, une ECpc inférieure à 1 indique que le système d’élevage est consommateur net de protéines « consommables par l’Homme ». Le principe est le même pour l’énergie.
La détermination de l’ECpc et de l’ECec d’un système d’élevage implique de définir au préalable la part consommable des produits animaux de même que les « proportions en protéines consommables » (Ppc) et « proportions en énergie consommable » (Pec) des matières premières végétales utilisées pour alimenter les différentes espèces animales. Dans les deux parties suivantes, nous détaillons et discutons comment nous avons déterminé ces parts consommables à partir de la littérature scientifique.
2. La part « consommable par l’Homme » des produits animaux
Une part des produits animaux issus d’un élevage est inévitablement écartée de la consommation humaine, soit pour des raisons sanitaires, soit en raison de pertes lors du processus de transformation ou encore de manque de débouché dans le secteur alimentaire. Cette part varie fortement selon les types de produits (lait, œufs, carcasses…).
2.1. Le lait
Sur la totalité du lait produit par les ruminants laitiers, il faut en soustraire la quantité donnée aux jeunes et celle qui est écartée pour cause de traitements médicamenteux. Environ 0,04 % du lait de vache livré pour la consommation humaine est ensuite écarté car il contient des résidus inhibiteurs, puis de 1 à 3 % est perdu dans les effluents à la première transformation (Bareille et al., 2015). Nous avons considéré que 2 % du lait effectivement produit était écarté de la chaine de consommation et que tout le reste était totalement consommable.
Par ailleurs, les calculs d’efficience de conversion doivent tenir compte de la teneur en protéines et en énergie du lait qui varie selon les objectifs et les performances des élevages (tableau 1).
Tableau 1. Bilan de la part consommable du lait et des œufs livrés, et caractéristiques nutritionnelles de ces produits (ANSES, 2016).
Produits |
Volume écarté |
Part |
kcal/kg consommable |
g de protéines/ |
---|---|---|---|---|
Lait de vache |
Environ 2 % |
100 |
600-700, selon le Taux Protéique (TP), Taux butyreux (TB) |
Environ 32, |
Œufs de poules |
2,5 % (œufs cassés ou autre) |
90,7 |
1 400 |
113 |
2.2. Les œufs de poule
On considère que 90,7 % du poids d’un œuf de poule est « consommable par l’Homme » puisque la coquille représente 9,3 % de son poids (Nys et Sauveur, 2004). Les œufs classés impropres à la consommation humaine au cours du tri en élevage puis au centre de conditionnement sont considérés non consommables par l’Homme. Ils sont valorisés en tant que sous-produits (SP) C2-C3 (encadré 2) et représentent environ 2,5 % des œufs produits (Coudurier, 2015). Les autres œufs déclassés (difformes, poids extrêmes, fêlés) sont en fait valorisés sous la forme d’ovoproduits en alimentation humaine ou parfois dans d’autres secteurs (pharmacie, cosmétiques). Nous les avons donc comptabilisés comme consommables. Les teneurs en protéines et en énergie brute des œufs de poule sont très stables (tableau 1).
Encadré 2. Définition des sous-produits animaux (source : SIFCO, 2017).
Le Règlement Européen (CE) 1774/2002, en vigueur depuis le 1er Mai 2003, distingue trois catégories de sous-produits animaux :
C1 : destinée à la destruction. Sous-produits d’origine animale suspects de maladies transmissibles à l’Homme ou aux animaux. Ils proviennent en particulier d’animaux atteints ou suspects d’Encéphalopathie Spongiforme Transmissibles (EST), de Matériels à Risque Spécifiés de ruminants (MRS), ou d’animaux contaminés par des substances illégales ou des contaminants dangereux.
C2 : interdite en alimentation animale. Sous-produits animaux issus d’un animal mort en dehors d’un abattoir, ou contenant des résidus de médicaments.
C3 : seule catégorie valorisable sous conditions en alimentation animale. Sous-produits issus d’animaux sains abattus en abattoirs et déclarés propres à la consommation humaine
2.3. Les animaux abattus pour la production de viande
Un animal produit à la fois de la viande, des os, du sang, des graisses et des abats. Afin d’estimer la part actuellement consommable par l’Homme des différents types d’animaux abattus (exemple de la vache allaitante en figure 1), nous avons synthétisé les données disponibles concernant les rendements des carcasses, la part que représentent la viande, les abats et les différents sous-produits animaux, et les teneurs en protéines et en énergie de ces différents « compartiments » pour les différents types d’animaux (tableau 2) (Murawska et al., 2011 ; Gac et al., 2012 ; Blézat Consulting, 2013 ; Agabriel et Veysset, 2015 ; Coudurier, 2015 ; Dourmad, 2016 ; ANSES, 2016).
Figure 1. Détermination de la part « consommable par l’Homme » d’une vache allaitante (en % du poids vif).
Tableau 2. Composition en protéines et énergie brute (EB) de l’animal (carcasse + cinquième quartier), rendement carcasse, part « consommable par l’Homme » (en % de poids vif (PV), des protéines et de l’EB de l’animal) selon 4 scénarios de consommations : i) viande ii) viande et abats iii) viande, abats et coproduits alimentaires consommés aujourd’hui et iv) total consommable.
Animal |
Poulet |
Poule |
Porc |
Agneau |
Jeune |
Vache |
Vache |
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Composition de |
Protéines (g/kg) |
181 |
103 |
158 |
180 |
158 |
158 |
158 |
EB (kcal/kg) |
1 900 |
1 231 |
2 830 |
1 850 |
2 600 |
2 600 |
2 600 |
|
Rendement carcasse |
% du PV |
70 |
55 |
78 |
47 |
61 |
57 |
50 |
Produits animaux |
Part « consommable » selon les 4 scénarios de consommation des produits animaux |
|||||||
Viande |
% du PV |
47 |
32 |
45 |
33 |
40 |
38 |
33 |
% des protéines |
54 |
42 |
61 |
29 |
51 |
48 |
41 |
|
% de l'EB |
26 |
18 |
26 |
29 |
26 |
24 |
21 |
|
Viande + abats |
% du PV |
50 |
37 |
53 |
38 |
46 |
44 |
40 |
% des protéines |
57 |
46 |
68 |
43 |
58 |
56 |
51 |
|
% de l'EB |
28 |
21 |
30 |
33 |
30 |
28 |
26 |
|
Total consommé (2) |
% du PV |
Selon abattoir |
80 |
39 |
51 |
50 |
45 |
|
% des protéines |
87 |
43 |
63 |
60 |
55 |
|||
% de l'EB |
79 |
37 |
34 |
33 |
31 |
|||
Total |
% du PV |
62 |
50 |
83 |
42 |
62 |
61 |
57 |
% des protéines |
64 |
55 |
87 |
43 |
66 |
63 |
59 |
|
% de l'EB |
67 |
63 |
93 |
53 |
59 |
61 |
61 |
(1) Comprend la viande et les abats dits rouges et blancs ayant pour principal débouché l’alimentation humaine (gésiers de volailles, cœurs, foie, rognons, museau, rognons…) et une part du sang alimentaire porcin.
(2) Comprend les abats valorisés dans le secteur alimentaire ainsi que la part des coproduits actuellement valorisée dans le secteur alimentaire.
(3) Comprend tous les abats consommables (rouges, blancs, sang alimentaire des porcins) ainsi que les coproduits potentiellement alimentaires (notamment les graisses pour suif, les couennes, os et/ou peaux pour la gélatine alimentaire ou autre ingrédient et la peau des poulets).
Le tableau 2 présente la part de l’animal « consommable par l’Homme » selon quatre modalités de calcul : la première ne considère que la viande, la seconde considère la viande et les abats généralement consommés pour l’espèce considérée, la troisième considère en plus la part des coproduits alimentaires consommée actuellement et la dernière considère la totalité de la carcasse potentiellement consommable (viande, tous les abats consommables, la production de gélatine, de suif alimentaire et de sang alimentaire pour les porcs). En effet, les coproduits alimentaires et certains abats consommables sont parfois utilisés dans d’autres secteurs demandeurs de produits animaux (petfood, oléochimie, pharmacie). Les taux actuels de saisies et éventuels morts après sortie en élevage ont été intégrés aux estimations (Gac et al., 2012).
En pratique aujourd’hui, la part réellement valorisée en alimentation humaine varie selon les objectifs de découpe et de commercialisation et les technologies disponibles pour la conservation des abats et pour la transformation des sous-produits. D’autres synthèses présentent donc des chiffres qui diffèrent légèrement des nôtres (Whitehead et al., 2011). Les données présentées sont représentatives du contexte français.
3. La part « consommable par l’Homme » des matières premières végétales utilisées en alimentation animale
La part potentiellement consommable par l’Homme des matières premières utilisées en alimentation animale est très variable en fonction de leurs usages. Après avoir présenté comment cette part consommable a été estimée dans la littérature, nous présentons comment nous avons quantifié les parts consommables des principales MP utilisées actuellement en France et construit des hypothèses sur leurs évolutions potentielles.
3.1. Différents choix effectués pour évaluer la « part consommable » par l’Homme
La manière la plus simple est de classer les Matières Premières végétales (MP) en deux catégories : celles qui sont consommables par l’Homme, et celles qui ne le sont pas (Oltjen et Beckett, 1996). Pour les MP consommables par l’Homme, Mottet et al. (2017) distinguent le cas où tout le produit de la culture est utilisé en alimentation animale (par exemple graines de céréales, de soja…) de celui où seul un coproduit de la culture est utilisé (cas des tourteaux par exemple). Dans ce second cas les auteurs cherchent à déterminer quel coproduit est le principal déterminant de l’utilisation de la surface cultivée sur la base du facteur d’allocation économique. Si celui-ci est supérieur à 66 %, ce qui en pratique ne concerne que le tourteau de soja, ils considèrent que la surface et donc l’aliment est en compétition avec l’alimentation humaine. Cette méthode simple a permis de réaliser des bilans globaux à l’échelle de la planète mais elle ne prend pas en compte les procédés technologiques et les différences d’habitudes alimentaires entre les pays.
Les procédés de transformation des MP en aliment pour l’Homme écartent de fait une part de la MP qui ne sera pas valorisée en alimentation humaine. Par exemple, la mouture de blé tendre produit de la farine consommable, mais aussi des coproduits qui ne sont pas toujours valorisés en alimentation humaine. Wilkinson (2011) se base sur les estimations du CAST (1999) pour estimer les parts consommables par l’Homme selon les principales catégories de MP. Il retient ainsi une Ppc et une Pec de 80 % pour les grains de céréales, les oléo-protéagineux et le tourteau de soja, de 20 % pour les autres tourteaux et les coproduits pris en compte dans son étude et enfin, de 0 % pour tous les fourrages. Ertl et al. (2015a, 2016b) précisent ces estimations et intègrent les habitudes alimentaires en attribuant des Ppc et Pec différentes à chaque MP selon trois scénarios : i) le scénario « low » (ou « current ») considère un taux de récupération des protéines et de l’énergie facilement réalisable sans besoin de hautes technologies, ii) le scénario « medium » décrit ce qui est réalisable avec des technologies standards actuelles et iii) le scénario « high » (ou « maximum ») décrit une transformation réalisable avec des technologies innovantes et qui impliquerait aussi des changements d’habitudes alimentaires. Par exemple, la Ppc du grain de blé tendre est estimée à 60 % selon le scénario « low/current », 80 % selon le scénario « medium » et 100 % selon le scenario « high/max ».
La proportion consommable d’une MP n’est donc ni fixe ni généralisable, puisqu’elle dépend du contexte et des technologies utilisées en transformation agroalimentaire. La transformation actuelle des MP végétales en France ne valorise pas toujours autant de protéines et d’énergie des végétaux que les valeurs retenues dans les scénarios d’Ertl et al. (2015a). Par exemple, ces derniers attribuent une Ppc de 30 % pour le tourteau de colza dans le scénario « current » car 30 % des protéines sont extractibles et consommables sous forme de concentré protéique de colza. Cependant, cet ingrédient n’existe pas sur le marché actuel français.
3.2. Détermination de la part « consommable par l’Homme » des MP végétales dans le contexte français
En nous basant sur la démarche proposée par Ertl et al. (2015), nous proposons une table de valeurs de Ppc et Pec des matières premières utilisées en alimentation animale (tableau 3). Celle-ci a été établie à partir de données bibliographiques et d’échanges avec les professionnels de l’agroalimentaire (chercheurs, industriels), et correspond à un scénario dit « actuel », qui reflète une valorisation des MP dans le secteur de l’alimentation humaine telle qu’elle est aujourd’hui réalisée en France. Nous avons défini la Ppc d’une MP comme la part de ses protéines qui est contenue dans les produits alimentaires pour l’Homme après leur première transformation. Les volumes destinés directement à l’alimentation animale ne sont donc pas considérés dans le calcul. Par exemple, la Ppc du grain de blé tendre de 66 % signifie que 66 % des protéines du grain de blé initial sont conservées dans la farine, l’amidon, le gluten etc. et que 34 % des protéines sont contenues dans des coproduits dont une grande partie sera destinée à l’alimentation animale (figure 2). Sur le même principe, la Pec d’une MP végétale correspond à la part d’énergie brute qui est contenue dans les produits alimentaires pour l’Homme après première transformation. Les fourrages riches en fibres (graminées, légumineuses, pailles…) ne contenant pas de grains ont été considérés comme non-consommables par l’Homme. Pour les fourrages issus de cultures annuelles comme l’ensilage de maïs, nous avons considéré comme Ertl et al. (2015) que la culture pouvait avoir plusieurs finalités et que la fraction grain pourrait donc être valorisée en alimentation humaine. Le même raisonnement a été appliqué pour les méteils constitués de céréales et de protéagineux.
Figure 2. Détermination de la Proportion en protéines consommables (Ppc) du grain de blé tendre, selon les scénarios « actuel » et « potentiel » (Feillet, 2000 ; INRA-AFZ, 2004 ; Réséda, 2008 ; ANMF, 2014 ; FranceAgriMer, 2016a ; FranceAgrimer, 2016b ; ANSES, 2016 ; Réséda, 2017 ; communications personnelles, 2016, 2017).
Tableau 3. Tables des proportions en protéines et en énergie « consommables par l’Homme » (respectivement Ppc et Pec) des matières premières (MP) utilisées en alimentation animale selon les scénarios « actuel », « potentiel ».
Type de MP |
MP |
Ppc selon le scénario |
Pec selon le scénario |
Hypothèses du scénario potentiel |
||
---|---|---|---|---|---|---|
Actuel |
Potentiel |
Actuel |
Potentiel |
|||
Grains entiers |
Blé tendre |
66 |
74 |
67 |
73 |
Moins de consommation de farines blanches au profit de plus de consommations de farines complètes, valorisation davantage de sons, moins d’amidon de maïs au profit de semoule/farine de maïs |
Maïs |
15 |
30 |
63 |
63 |
||
Orge |
61 |
66 |
63 |
67 |
||
Seigle, Triticale |
72 |
80 |
74 |
81 |
||
Graines oléagineuses |
Colza |
0 |
27 |
57 |
70 |
Moins de consommation d’huile au profit de plus de consommation de graines entières ou décortiquées |
Féverole |
92 |
95 |
83 |
90 |
||
Pois |
74 |
92 |
75 |
87 |
||
Soja |
61 |
76 |
54 |
67 |
||
Tourteaux |
Soja |
60 |
90 |
38 |
56 |
Extraction plus élevée des protéines de soja, concentrés protéiques de colza, tournesol |
Colza |
0 |
55 |
0 |
26 |
||
Tournesol |
0 |
55 |
0 |
23 |
||
Coproduits de |
Issues de meunerie |
90 |
98 |
90 |
98 |
Moins de contraintes techniques |
Autres (drèches, gluten feed…) |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
|
Autres |
Pulpes de betteraves |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
Mélasses |
80 |
80 |
80 |
80 |
- |
|
Coproduits pois |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
|
Lactosérum |
80 |
94 |
30 |
45 |
Ricotte, poudre, beurre |
|
Autres |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
|
Fourrages |
Fourrages herbagers |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
Ensilage de maïs |
10 |
20 |
32 |
32 |
Partie [grains] : cf. maïs grain ou autre céréales/protéagineux |
|
Méteil immature |
59 |
70 |
43 |
70 |
||
Pailles et autres |
0 |
0 |
0 |
0 |
- |
|
Autres MP |
Huile végétale |
- |
- |
97 |
97 |
- |
Gluten de blé |
100 |
100 |
100 |
100 |
- |
|
Luzerne déshydratée |
0 |
30 |
0 |
7 |
Concentrés protéiques de luzerne |
Actuellement, pour la plupart des céréales, la transformation agro-alimentaire valorise autant l’énergie brute des grains que les protéines : la Pec des céréales est donc proche de leur Ppc (tableau 3). Toutefois, le maïs se distingue des autres céréales par sa Ppc relativement faible (15 %) qui est due à son utilisation majoritaire par les amidonniers, dont le process actuel de transformation ne permet pas d’utiliser les coproduits riches en protéines (corn gluten feed, corn gluten meal) en alimentation humaine (USIPA, 2013). Le secteur de l’amidonnerie valorise en effet 2,2 Mt de maïs grain chaque année, dont environ 50 % de l’amidon est à destination du secteur alimentaire (Juin, 2015 ; Passion céréales, 2017). Le maïs grain n’est par ailleurs pas une graine utilisée en quantité dans notre alimentation (contrairement aux pays d’Amérique centrale). Les Ppc de certaines graines oléagineuses comme le colza sont nulles puisqu’elles sont valorisées en alimentation humaine avant tout pour leur huile, donc pour leur énergie, et que les coproduits de trituration (tourteaux) sont exclusivement valorisés en alimentation animale. En revanche, l’huile contient 58 % de l’énergie brute du colza, donc la Pec de la graine de colza est de 58 %. La graine de soja présente une Ppc de 61 % car elle présente un autre débouché que l’huile : les « soyfood » (produits à base de jus de soja, tofu) où les protéines sont en partie valorisées.
La Ppc du tourteau de soja a été fixée à 60 % puisqu’il a un débouché en alimentation humaine et que 60 % de ces protéines sont extractibles pour la fabrication d’isolats ou de concentrés de protéines utilisés en tant qu’ingrédient en alimentation humaine en France (Guéguen, 2014). Cette fraction des protéines représente aussi 38 % de l’énergie brute du tourteau. Il n’y a pas aujourd’hui de fabrication d’isolats de protéines de colza ou de tournesol à partir de leurs tourteaux (Ppc = Pec = 0 %).
La plupart des autres coproduits issus des filières agroalimentaires n’ont pas de débouchés en alimentation humaine en raison de limites techniques, économiques ou sanitaires. Quelques coproduits font exception. Les sons et remoulages de blé sont en quasi-totalité ré-incorporables dans les farines pour les enrichir selon les besoins des industriels du secteur utilisateur de farines (Juin, 2015). Ils peuvent aussi être consommés en l’état (ingrédient). Nous leur avons donc affecté une Ppc et une Pec de 90 % même si c’est une valeur surévaluée dans le contexte actuel d’utilisation. Le lactosérum est un également un coproduit utilisable en partie en alimentation humaine après transformation en beurre et en poudre ou en ricotte (par exemple : Savoie Lactée, 2017). Quant à la mélasse, elle peut servir d’édulcorant ou de milieu de culture pour les levures alimentaires (SNFS, 2016).
Le tableau 3 propose un second scénario « potentiel » de valorisation des MP végétales en alimentation humaine, plutôt destiné aux études prospectives. Ce scénario n’a pas pour vocation de refléter la réalité future, mais fait l’hypothèse d’une meilleure valorisation des protéines végétales directement en raison d’une plus forte demande en protéines végétales pour l’alimentation humaine, ce qui conduirait à des progrès technologiques de transformation des MP et des changements d'habitudes alimentaires. Par exemple, en consommant davantage de farines complètes et en valorisant mieux les sons de blé, 74 % des protéines du grain de blé pourraient être conservées dans les produits alimentaires pour l’Homme. De même de nouveaux procédés pourraient voir le jour à moyen terme pour l’extraction de protéines du tourteau de colza en cas de demande et de rentabilité économique suffisante (Ppc potentielle du tourteau de colza = 55 %) (Estève-Saillard, 2016 ; Guéguen, communication personnelle). Dans le même registre, on peut citer le cas des protéines de luzerne (Audurand et al., 2010) (figure 2).
En résumé, les proportions en protéines et en énergie « consommables par l’Homme » dépendent des débouchés et des process agro-alimentaires. Les scénarios que nous avons développés peuvent être utilisés pour des études liées au contexte français actuel de l’alimentation humaine et pour des études prospectives.
4. Application des indicateurs d’efficience à quelques systèmes d’élevage français
L’efficience de conversion des ressources alimentaire a été analysée pour quelques grands types de systèmes de production bovins (lait et viande), ovins viande, porcins et avicoles (œufs et poulets de chair) rencontrés en France. Toutefois, les compositions des rations des animaux sont très variables, et dépendent du prix et de la disponibilité des MP, en particulier celles des aliments pour les porcins et les volailles. Par ailleurs, le système d’alimentation des élevages de ruminants est étroitement lié aux conditions pédoclimatiques de la région et aux objectifs de production, d’où une diversité importante de rations au sein d’une même filière. Les systèmes d’élevages étudiés ici n’ont donc pas vocation à être représentatifs de la diversité existante au sein des filières françaises mais représentent quelques systèmes d’élevage typiques du contexte français.
À partir des caractéristiques des systèmes présentées ci-dessous, nous avons calculé les efficiences de conversion brute et nette des protéines et de l’énergie selon le mode de calcul présenté à l’encadré 1. Les efficiences de conversion nette ont été calculées pour le scénario « actuel » de proportions consommables des MP végétales (cf. tableau 3) et en considérant le « total consommé estimé » pour les produits animaux (cf. tableau 2). Les valeurs protéiques (protéines brutes) et énergétiques (énergie brute) des MP consommées par les élevages ont été estimées à partir des tables de valeurs des aliments (Sauvant et al., 2004 ; INRA, 2010 ; AFZ-Céréopa, 2017, documents commerciaux).
4.1. Caractéristiques des systèmes de production étudiés
a. Bovins laitiers
Le périmètre d’étude est celui du troupeau laitier complet incluant les besoins alimentaires des génisses, des vaches laitières et des vaches taries. Ces systèmes d’élevage produisent à la fois du lait et de la viande issue des vaches de réforme et des veaux laitiers vendus. Deux systèmes d’élevage contrastés ont été étudiés (tableau 4). Le premier (BL1) produit du lait de vaches prim’Holstein avec un système d’alimentation basé sur l’ensilage de maïs qui représente 40 % de la Surface Fourragère Principale (SFP). C’est un système largement présent dans le grand ouest de la France et qui vise à exprimer le potentiel des sols et des animaux. Les céréales produites sur l’exploitation et les correcteurs azotés achetés sont utilisés en complément. Le second système (BL2), un système herbager de plaine, produit moins de lait par vache et par hectare que BL1 : les vaches de race Normande ont une alimentation basée sur les prairies permanentes (100 % de la SFP) et sont complémentées avec des aliments achetés. Le principal objectif du système est la valorisation maximale de l’herbe. L’étude s’appuie sur les données et performances zootechniques des élevages français issues de cas types de plaine des réseaux d’élevage (Idele, 2014) et des estimations de compositions des aliments achetés (moyenne des compositions obtenues par formulation à moindre coût dans quatre contextes contrastés de prix de matières premières entre 2011 et 2014).
Tableau 4. Performances zootechniques et alimentation du troupeau (composition de la ration moyenne de l’ensemble des ateliers) dans les systèmes d’élevage ruminants étudiés.
Performances zootechniques |
Alimentation du troupeau (%, en MS) |
||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Kg de vv produite /UGB/an |
Rendement carcasse |
PL ou PN |
Concentrés |
Ens. maïs |
Herbe et autres Fr |
Cér. |
Cp de cér. |
Tt de soja |
Autres ttx |
Déshy. ou autres |
|||
Bovins |
BL1 |
165 |
48 (VL) |
8490 |
215 g/L de lait |
42,4 |
38,6 |
7,6 |
1,2 |
6,2 |
2,9 |
1,2 |
|
BL2 |
152 |
50 (VL) |
5745 |
187 g/L de lait |
- |
90,0 |
7,7 |
0,9 |
0,1 |
0,2 |
1,1 |
||
Bovins |
BV1 |
390 |
58 (JB) |
0,88 |
656 kg/UGB |
17,4 |
72,2 |
5,3 |
1,8 |
1,2 |
1,8 |
0,4 |
|
BV2 |
350 |
61 (JB) |
0,90 |
596 kg/UGB |
5,8 |
84,5 |
7,0 |
0,9 |
0,6 |
0,8 |
0,2 |
||
Ovins |
OV1 |
407 |
45 (agneau) |
1,33 (1) |
42 kg/brebis1 |
0 |
96,2 |
1,4 |
0,8 |
0,5 |
0,2 |
1,0 |
|
OV2 |
393 |
1,66 (1) |
135 kg/brebis1 |
0 |
87,0 |
5,3 |
3,3 |
1,9 |
0,7 |
1,8 |
BL1 : Système bovins laitiers basé sur l’ensilage de maïs ; BL2 : Système bovins laitiers herbager de plaine ; BV1 : Système bovins viande naisseur-engraisseur de l’ouest semi-intensif ; BV2 : Système bovins viande naisseur-engraisseur herbager du Massif-central ; OV1 : Système ovins viande de plaine avec mises-bas d’hiver et économe en concentrés ; OV2 : Système ovins viande du Massif-central avec 3 agnelages en 2ans.
vv = viande vif ou poids vifs ; UGB = unité gros bovin ; VL = Vache Laitière ; JB = Jeune Bovin ; PL = Production Laitière (L/VL/an) ; PN = Productivité Numérique ; Fr = Fourrages ; Cér.= Céréales ; Cp = Coproduits ; Tt(x) = tourteau(x) ; Déshy = Fourrages déshydratés.,
(1) : par brebis de plus de 6 mois.
b. Bovins et ovins producteurs de viande
Pour les systèmes d’élevage ovins et bovins dont l’objectif est la production de viande, le périmètre d’étude est l’ensemble des lots d’animaux (vaches allaitantes, veaux, génisses de renouvellement, jeunes bovins ou bœufs en engraissement…) constituant le troupeau étudié, puisque les systèmes choisis fonctionnent en autorenouvèlement.
En bovins viande, deux systèmes naisseurs-engraisseurs ont été étudiés et qui se distinguent de par leur type de production (Idele, 2015 ; tableau 4). Le premier (BV1) est issu d’un cas type de l’ouest, semi-intensif (17 % maïs dans la SFP), principalement producteur de génisses et taurillons charolais (à 400 et 425 kg de carcasse respectivement). Le second (BV2) est issus d’un cas type du Massif Central en zone herbagère (5 % de maïs dans la SFP), producteur de jeunes bovins et de génisses « de Lyon » de race limousine (à 370 et 300 kg de carcasse respectivement). Dans le cas des élevages bovins allaitants, les systèmes naisseurs en particulier, certains animaux sont vendus vifs pour être engraissés hors de l’exploitation de naissance (les broutards), un rendement carcasse est appliqué à ces animaux sortant du système d’élevage en vif auquel on applique les rendements protéique et énergétique des veaux. Le système BV1 vend par exemple 2 de ces jeunes femelles « broutardes » pour un engraissement ailleurs.
En ovins viande, deux systèmes existants contrastés et très performants ont été choisis à partir du réseau de fermes suivies par l’INRA (Benoit et Laignel, 2011 ; tableau 4). Le premier (OV1) est situé en plaine défavorisée et concentre 80 % de ses mises-bas en fin d’hiver ; ce système est basé sur l’herbe et une utilisation économe de concentrés. Le second (OV2) est un système de montagne du Massif Central ne disposant que des prairies permanentes, avec un système de reproduction accéléré (3 agnelages en 2 ans).
Comme en bovins laitiers, les compositions des aliments achetés en bovins et ovins viande sont également issues d’un travail de formulation (moyenne des compositions obtenues par formulation à moindre coût dans quatre contextes contrastés de prix de matières premières entre 2011 et 2014).
c. Porcins
En production conventionnelle de porcs, le périmètre d’étude inclut à la fois les consommations et les productions de tous les animaux nécessaires au fonctionnement de l’élevage : cochettes, truies depuis leur mise en production jusqu’à leur réforme, porcs depuis leur sevrage jusqu'à l’abattage. Deux systèmes d’alimentation ont été étudiés : le système P1 achète la totalité de ses aliments auprès de Fabricants d’Aliments du Bétail (FAB). Le système P2 correspond à un élevage qui produit du maïs et l’utilise pour nourrir ses porcs en engraissement sous la forme de maïs grain ensilé. Ses achats d’aliments consistent en complémentaire de maïs ensilé et en aliments complets pour tous les autres stades. Les compositions des aliments sont issues de formulations réalisées à dire d’experts et utilisant les prix de MP observés durant l’année 2014 (Note de conjoncture IFIP, Gaudré et al., 2014) (tableau 5).
d. Poulets de chair et poules pondeuses
Pour ces deux productions, le périmètre d’étude inclut à la fois la consommation alimentaire des élevages de poulets de chair (Pch) (standard, abattu à poids vif moyen de 1,8 kg) ou de Poules Pondeuses (PP) (cage) et celle relative aux élevages associés des parentaux et des poulettes. L’étude s’appuie sur les données des performances zootechniques des élevages français issues d’enquêtes durant l’année 2014 (Chambres d’agricultures du Grand Ouest, 2014 ; ITAVI, 2015). La composition moyenne des aliments s’appuie sur un travail de formulation à moindre coût pour quatre contextes économiques contrastés entre 2011 et 2014 (poulets de chair, pondeuses) et selon des dires d’experts (poulettes, parentaux) (tableau 5).
Tableau 5. Indice de Consommation (IC) et compositions moyennes des aliments distribués aux animaux dans l’atelier principal (engraissement ou ponte) des élevages types français étudiés en production porcine et avicole.
IC |
Composition moyenne des aliments distribués pendant |
||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Blé |
Maïs |
Orge et autres |
Coproduits |
Tourteau |
Autres tourteaux |
Autres |
|||
Porcs |
P1 |
2,39 |
22 |
33 |
19 |
6 |
3 |
13 |
5 |
P2 |
2,42 |
17 |
47 |
6 |
10 |
2 |
13 |
5 |
|
Poulets |
PCh |
1,69 |
40 |
26 |
- |
4 |
18 |
6 |
6 |
Poules |
PP |
2,17 |
10 |
50 |
- |
3 |
12 |
14 |
13 |
P1 : Système porcin avec totalité des aliments achetés ; P2 : Système porcin avec maïs grain produit à la ferme et aliments complémentaires achetés ; PCh : Système de poulets de chair standard abattus à 1,8 kg de poids vif ; PP : Système standard de poules pondeuses ; IC : indice de consommation.
4.2. Efficience brute de conversion des protéines et de l’énergie
Les résultats d’efficience brute protéique que nous avons obtenus sont compris entre 0,08 pour les bovins et ovins producteurs de viande et 0,54 pour les poulets de chairs (tableau 6). En termes de « feed conversion ratio » ils correspondent à 2,1 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines animales consommables en poulet de chair standard, 2,5 kg en porcin conventionnel, 3,6 kg en poules pondeuses, 4 à 5 en bovins laitiers, et 11 à 13 kg en bovin viande et en ovins viande. Les valeurs d’efficience énergétique brute sont toujours inférieures à celles de l’efficience protéique brute et sont comprises entre 0,03 pour les ovins producteurs de viande et 0,26 pour les porcins (tableau 7). Ainsi, il faut 4,4 kcal végétale pour produire 1 kcal animale en poulet de chair standard, 3,9 en porcin, 6,0 en poules pondeuses, 7 à 9 en bovins laitiers et 24 à 27 en bovin viande, et jusqu’à 38 en ovins viande.
Tableau 6. Efficiences brute et nette de conversion des protéines par les systèmes d’élevage calculées pour la totalité consommable de la carcasse, selon le scénario « actuel » des proportions consommables des MP végétales.
Filière |
Système (1) |
ECp |
Ppc des produits (%) |
Ppc de la ration (%) |
ECpc |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Bovins laitiers |
BL1 |
0,24 |
93 |
22 |
1,01 |
|
BL2 |
0,19 |
90 |
7 |
2,57 |
||
Bovins viande |
BV1 |
0,08 |
62 |
7 |
0,71 |
|
BV2 |
0,08 |
61 |
7 |
0,67 |
||
Ovins viande |
OV1 |
0,09 |
40 |
3 |
1,28 |
|
OV2 |
0,08 |
41 |
10 |
0,34 |
||
Porcins |
P1 |
0,42 |
87 |
33 |
1,06 |
|
P2 |
0,40 |
87 |
26 |
1,23 |
||
Poulets de chair |
Pch |
0,54 |
64 |
40 |
0,88 |
|
Poules pondeuses |
PP |
0,27 |
92 |
25 |
1,02 |
(1) : Identification des systèmes décrite aux tableaux 4 et 5.
ECp : Efficience brute de Conversion des protéines ; Ppc : Proportions en protéines « consommables par l’Homme » des rations des systèmes d’élevages présentées dans les tableaux 4 et 5 ou des produits animaux (lait, œufs, animaux entiers); ECpc : Efficience nette de Conversion des protéines « consommables par l’Homme ».
Tableau 7. Efficiences brute et nette de conversion de l’énergie par les systèmes d’élevage calculées pour la totalité consommable de la carcasse, selon le scénario « actuel » des proportions consommables des MP végétales.
Filière |
Système (1) |
ECe |
Pec des produits |
Pec de la ration |
ECec |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Bovins laitiers |
BL1 |
0,14 |
94 |
22 |
0,58 |
|
BL2 |
0,11 |
92 |
6 |
1,63 |
||
Bovins viande |
BV1 |
0,04 |
38 |
11 |
0,15 |
|
BV2 |
0,04 |
34 |
8 |
0,16 |
||
Ovins viande |
OV1 |
0,03 |
33 |
2 |
0,57 |
|
OV2 |
0,03 |
34 |
6 |
0,15 |
||
Porcins |
P1 |
0,26 |
82 |
53 |
0,39 |
|
P2 |
0,26 |
82 |
52 |
0,41 |
||
Poulets de chair |
Pch |
0,25 |
67 |
55 |
0,31 |
|
Poules pondeuses |
PP |
0,17 |
98 |
48 |
0,34 |
(1) : Identification des systèmes décrite aux tableaux 4 et 5.
ECe : Efficience brute de Conversion de l’énergie ; Pec : Proportion en énergie « consommable par l’Homme » des rations des systèmes d’élevages présentées dans les tableaux 4 et 5 ou des produits animaux (lait, œufs, animaux entiers) ; ECec : Efficience nette de Conversion de l’énergie consommable par l’Homme ».
Pour les ruminants, nos estimations de l’efficience protéique sont dans la fourchette de celles obtenues par Mottet et al. (2017) pour les pays de l’OCDE. En bovins laitiers, nos résultats sont aussi en cohérence avec les efficiences protéiques brutes calculée par Wilkinson (2011) au Royaume-Uni et par Ertl et al. (2015a) en Autriche. Pour la production de viande, Wilkinson (2011) présente des efficiences brutes plus faibles que les nôtres, ce qui s’explique par le fait qu’il écarte les protéines du cinquième quartier du calcul. Ainsi, il indique qu’il faut 3 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines de carcasse en poulet de chair (lourd), 4,3 kg en porcin, de 8 à 26 kg en bovins et de 30 à 36 kg en ovins.
Les données obtenues d’efficience énergétique sont un peu plus élevées que les chiffres de la FAO (Bender, 1992) pour des élevages qui consomment des céréales, soient 3 kcal ingérées par kcal produite en poulet de chair, jusqu’à 16 kcal en bovin viande. Les hypothèses méthodologiques qui n’ont pas été détaillées par l’auteur peuvent être différentes et expliquer cet écart avec nos résultats (périmètre d’étude, rations et type de produits animaux, valeur énergétique). Globalement, l’efficience énergétique brute est toujours inférieure à l’efficience protéique brute pour tous les systèmes de production (tableaux 6 et 7).
La production de poulet de chair standard, abattu à 1,8 kg de poids vif en moyenne, apparaît avec cette métrique de l’efficience brute comme globalement la plus efficiente pour convertir des protéines végétales en protéines animales (animal entier, sans prise en compte des saisies). Mais les porcins apparaissent plus efficients que les poulets pour convertir l’énergie brute, toujours en comptabilisant l’animal entier. En effet, le porc contient dans sa carcasse une grande part de graisses et couenne qui sont largement valorisées en alimentation humaine. En termes de protéines et d’énergie, les poules pondeuses et les bovins laitiers ne sont globalement pas plus efficients que les poulets standards et le porc notamment car les poulettes et les génisses ont besoin d’être nourries avant de produire du lait et des œufs. En revanche, pour la production de viande l’efficience brute des ruminants est plus faible que celle des monogastriques. Ceci s’explique par la qualité de leur alimentation qui est essentiellement à base de fourrage et moins concentrée en énergie et protéines que celle des animaux monogastriques.
4.3. Efficience nette de conversion des protéines et de l’énergie
a. Efficience de conversion des protéines « consommables par l’Homme »
Les résultats d’efficience protéique nette sont très supérieurs à ceux de l’efficience brute ce qui traduit de fait, le rôle de recycleur de biomasse des animaux. Certains élevages de ruminants comme de monogastriques peuvent même s’avérer producteurs nets de protéines pour l’Homme (ECpc selon le scénario actuel > 1) lorsque leur alimentation est basée principalement sur des MP non consommables par l’Homme (tableau 6).
En bovins laitiers, le système herbager et économe en concentrés (BL2) présente une efficience protéique nette supérieure à celle du système basé sur le maïs ensilage et les correcteurs azotés (BL1). Le système BL2 produit plus de deux fois plus protéines animales (lait et viande) qu’il ne consomme de protéines végétales « consommables par l’Homme ». Ce résultat est en accord avec les données d’Ertl et al. (2015a) qui avaient mis en évidence une corrélation positive de l’efficience protéique nette avec les surfaces en prairies utilisées (0,55 ; P < 0,01 ; n = 30) et une corrélation négative avec la quantité totale de concentrés distribuée par vache et par an (− 0,80 ; P < 0,01 ; n = 30). Steinwidder et al. (2016) et Lagel (2016) ont montré que certains systèmes herbagers suisses et français, ou encore irlandais (Peyraud et Peeters, 2016), économes en concentrés « consommables par l’Homme » ont la capacité de produire jusqu’à plus de 10 fois plus de protéines consommables par leur production de lait et de viande qu’ils n’en ont utilisées pour nourrir le troupeau. Toutefois, certains systèmes herbagers qui utilisent de grandes quantités de concentrés consommables par l’Homme peuvent s’avérer consommateurs nets de protéines consommables. C’est par exemple le cas d’un système suédois qui utilise de grandes quantités de féverole qui est consommable par l’Homme dans l’objectif de réduire les tourteaux importés (Swensson et al., 2017) ou de certains systèmes polyculture-élevages français (Laisse et al., 2016). Les systèmes basés sur l’ensilage de maïs utilisent généralement plus de tourteaux de soja, ce qui pénalise leur efficience protéique nette selon nos hypothèses de calcul. Ils peuvent contribuer de manière positive à la production de protéines pour l’Homme, à condition de complémenter la ration par une large part de coproduits non valorisables en alimentation humaine comme le tourteau de colza. Plusieurs travaux montrent l’effet positif de l’utilisation des coproduits dans les rations sur l’efficience protéique nette des élevages bovins en France (Lagel, 2016), en Autriche (Ertl et al., 2015b ; Ertl et al., 2016c) et aux USA (Hulett et al., 2015).
Les systèmes de ruminants spécialisés en production de viande ont une efficience nette protéique plus faible que les systèmes producteurs de lait, alors même que la Ppc de leurs rations est globalement plus faible. Ce résultat s’explique par la vitesse de croissance faible des animaux (l’efficience protéique brute est très faible) et par une teneur en protéines consommables de la carcasse relativement faible (tableau 2). Les deux systèmes bovins naisseurs-engraisseurs et le système ovin OV2 étudiés ici (tableau 6) consomment plus de protéines « consommables » qu’ils n’en produisent par leur viande et la valorisation de leur cinquième quartier (ECpc < 1). Pour qu’un système de production de viande de ruminant soit producteur net de protéines, il est donc nécessaire que la Ppc de la ration soit très faible. Cela est possible, par exemple dans le cas du système OV1 qui est producteur net de protéines (ECpc > 1 ; tableau 6) avec une alimentation basée sur l’herbe, et une distribution très économe en concentrés, dont une partie (pulpes, luzerne) n’est aujourd’hui pas en compétition avec l’alimentation humaine (Ppc ration = 3 %). Wiedemann et al. (2015) et Patel et al. (2016) ont également montré que l’efficience protéique nette est d’autant plus élevée (et devient parfois supérieure à 1) que le système spécialisé en production de viande valorise en priorité l’herbe et que les quantités de concentrés distribuées sont limitées.
Les systèmes porcins et de volailles peuvent atteindre des efficiences protéiques nettes proches ou supérieures à 1 bien que les Ppc de leurs rations soient globalement plus élevées que celles des ruminants (tableau 6). Ceci s’explique par les rendements en protéines consommables des carcasses élevés (Ppc des produits, tableau 6) notamment chez le porc et des vitesses de croissance élevées. L’utilisation plus ou moins importante de coproduits influence fortement l’efficience nette de ces systèmes. C’est aussi le cas pour l’utilisation de maïs du fait de sa faible Ppc (15 %) par rapport aux autres céréales. Ainsi, les systèmes porcins étudiés ici, qui utilisent des quantités importantes de maïs, de coproduits de céréales et de tourteaux non valorisables aujourd’hui (respectivement 44, 10 et 13 % de la ration moyenne du système P2), présentent donc une efficience nette supérieure à 1. En revanche, le système producteur de poulets standards étudié qui utilise préférentiellement du blé par rapport au maïs présente une efficience nette inférieure à 1. Les aliments pour poules pondeuses utilisent davantage de maïs, et d’autres tourteaux que celui de soja, ce qui leur permet d’avoir une efficience supérieure à 1, bien que l’efficience brute des poules pondeuses soit inférieure à celle des poulets de chair standard. D’autres exemples de systèmes porcins et de volailles explorant une plus large gamme de systèmes d’alimentation sont présentés dans (Laisse et al., 2017, 2018).
Ces résultats montrent que les élevages français de poules pondeuses, de poulets standards (1,8 kg à l’abattage) et de porc charcutier ont de ce fait la capacité de contribuer positivement à la production de protéines pour l’Homme. Toutefois l’efficience protéique nette dépend fortement de la composition des aliments, elle-même déterminée par les contextes de prix et d’approvisionnement en matières premières. Ainsi, un système porcin valorisant les coproduits liquides des usines agroalimentaires situées à proximité (lactosérum, coproduits liquides de blé et de pois) pourrait produire jusqu’à 1,7 fois plus de protéines « consommables par l’Homme » qu’il n’en consomme (Laisse et al., 2018). En volailles, Laisse et al. (2017) ont montré que la modification de la composition de l’aliment peut faire varier l’efficience protéique nette de 0,8 à 2 en poulets de chair et de 0,8 à 1,4 en poules pondeuses, le gain que l’on peut obtenir par la composition de l’aliment étant très supérieur à celui qui peut être obtenu en améliorant encore l’IC des volailles. Il existe donc des marges de progrès significatives pour améliorer l’efficience protéique nette des volailles via l’utilisation de matières premières non consommables, à condition qu’elles soient disponibles pour la filière avicole.
Dans d’autres contextes européens Wilkinson (2011) et Ertl et al. (2016b) obtiennent des estimations de l’efficience protéique nette pour les porcs et les volailles très inférieures à celles que nous présentons ici : autour de 0,5 en poulets de chair lourds, entre 0,3 et 0,4 en systèmes porcins notamment. Ces écarts par rapport à nos résultats sont à la fois liés aux différentes estimations de Ppc des aliments (cf. § 3.1) et à la composition des aliments. Par exemple, l’efficience protéique de l’élevage type de porcs du Royaume Uni est plus faible (ECpc = 0,38, Wilkinson, 2011) car son alimentation est davantage basée sur les protéines du tourteau de soja plutôt que des autres tourteaux. L’indice de consommation légèrement plus élevé du système étudié par Wilkinson (2011) accentue cette différence.
Dans d’autres régions du monde, la production avicole et porcine de type extensive de certains pays asiatiques, qui valorise de nombreux déchets et coproduits, contribue de façon très positive à la production alimentaire de protéines pour les populations humaines avec des efficiences nettes comprises entre 1 et 6 en volailles et supérieures à 2 en porcs (Habib et al., 2014).
b. Efficience de conversion de l’énergie « consommable par l’Homme »
L’efficience nette de conversion de l’énergie est inférieure à celle des protéines. Elle est notamment inférieure à 1 pour tous les systèmes étudiés sauf BL2 (tableau 7). Les systèmes laitiers herbagers sont les seuls systèmes de production animale pouvant avoir une contribution nette positive à la production d’énergie. Nos résultats sont en cohérence avec ceux d’Ertl et al. (2016b) dans lesquels seuls les systèmes laitiers très herbagers peuvent présenter une efficience énergétique nette supérieure à 1 dans le cas du scénario « current/low » d’utilisation des MP en alimentation humaine. Comme pour l’efficience des protéines, l’efficience énergétique nette est corrélée aux surfaces en herbe ainsi qu’à la quantité de concentrés distribuée (+ 0,64 et − 0,73 respectivement ; P < 0,01 ; n = 30 ; Ertl et al., 2015a). Les valeurs d’efficience énergétique nette des systèmes monogastriques que nous obtenons sont également proches de celles d’Ertl et al (2016b), les différences pouvant s’expliquer par les valeurs de Pec retenues, le type de production (production de poulets de chair plus lourds en Autriche que le poulet standard français) et les compositions des rations. Wilkinson (2011) a estimé l’efficience nette de conversion de l’énergie métabolisable et obtient des résultats d’efficience énergétique nette un peu inférieurs aux nôtres en monogastriques, mais supérieurs en bovins laitiers (ECec = 2,13). Que les calculs soient conduits en énergie brute ou en énergie métabolisable, les conclusions vont globalement dans le même sens.
Enfin, comme pour l’efficience brute, l’efficience énergétique nette apparait toujours inférieure à l’efficience protéique nette (tableaux 6 et 7), ce résultat étant également en cohérence avec ceux d’Ertl et al. (2016b). Nos données montrent que la différence entre les efficiences nettes protéiques et énergétiques s’explique en grande partie par la différence des efficiences brutes respectives, mais aussi pour les produits « viande » par une proportion de protéines consommables pour l’Homme plus élevée que celle de l’énergie (tableau 2).
5. Pertinence et sensibilité des calculs d’efficience nette de conversion des aliments
L’étude de l’efficience nette de conversion des aliments est encore récente dans la littérature. Elle pose de nombreuses questions méthodologiques auxquelles les différents auteurs n’apportent pas tous les mêmes réponses. Les résultats peuvent dès lors être très variables.
Tout d’abord le choix d’exprimer les résultats selon le ratio « ressources/produits » ou ratio inverse « produits/ressources » a une incidence sur la façon d’interpréter les résultats. Avec le premier ratio qui s’apparente à l’indice de consommation ou au « feed conversion ratio » (Wilkinson, 2011 ; Mottet et al., 2017) les systèmes les plus efficients auront les valeurs les plus faibles, celles-ci pouvant tendre vers 0 pour l’efficience nette si le système n’utilise que des ressources non consommables par l’Homme. Avec le second ratio, choisi par Ertl et al. (2015) et nous-même, les systèmes les plus efficients auront les valeurs les plus élevées, ce qui s’interprète aisément. Toutefois ce mode d’expression présente l’inconvénient que les systèmes n’utilisant aucunes ressources consommables par l’Homme (par exemple un système ovin exclusivement pastoral) auront une valeur d’efficience nette infinie, ce qui pose un problème lorsqu’on veut moyenner des calculs conduits sur plusieurs systèmes.
Comme dans toute analyse systémique, la définition du périmètre du système considéré dépend de l’objectif du travail et influence fortement les résultats. Wilkinson (2011) a conduit ses calculs à l’échelle de l’atelier d’élevage quand Mottet et al. (2017) a travaillé à l’échelle « monde » en s’appuyant sur les résultats du modèle GLEAM (« Global Livestock Environmental Assessment Model », Gerber et al., 2013). Pour notre part nous avons fait le choix, comme Ertl et al. (2016), de travailler à l’échelle de l’exploitation d’élevage, car c’est l’échelle à laquelle on peut avoir accès à une description détaillée du système d’alimentation et des produits animaux à travers les données des réseaux d’élevage et que c’est à ce niveau que se prennent les décisions d’agir. Toutefois ce choix pose question pour les systèmes bovins viande dits « naisseurs » qui produisent pour une large part des jeunes bovins qui n’entrent pas directement dans la chaine alimentaire, mais seulement après une phase d’engraissement réalisée dans une autre exploitation, souvent en Italie. Pour évaluer ces systèmes il faudrait donc intégrer la phase d’engraissement comme Berton et al. (2017) l’ont proposé en analysant l’ensemble du système « France-Italie ». Cela était difficilement réalisable dans le cadre de cette étude, et nous avons choisi de convertir en équivalent carcasse la viande vendue en vif. Pour minimiser l’impact de cette approximation, nous présentons ici uniquement des systèmes « naisseurs-engraisseurs » dont la quasi-totalité de la production entre directement dans la chaine alimentaire, qu’il s’agisse des jeunes animaux ou des vaches de réforme.
La façon dont le numérateur et le dénominateur du ratio sont calculés diffère selon les auteurs et influence les résultats d’efficience. Ainsi, par exemple Wilkinson (2011) ne considère pas le cinquième quartier de la carcasse. L’estimation de la part des matières premières consommables par l’Homme est également variable selon les auteurs. Ainsi Mottet et al. (2007) construisent deux scénarios pour le tourteau de soja qui peut être considéré soit comme un coproduit non consommable par l’Homme, soit comme un coproduit de la culture du soja à forte valeur ajoutée et donc en compétition avec l’alimentation humaine pour l’utilisation de la surface. Wilkinson (2011), Ertl et al. (2015a) et nous-mêmes ont eu une démarche différente qui consiste à estimer la part des matières premières valorisable en alimentation humaine dans un contexte présent ou futur. Afin d’évaluer et de discuter plus précisément l’incidence du mode de calcul des deux termes du ratio, nous avons analysé la sensibilité de l’efficience nette à différents scénarios de valorisation des protéines végétales et animales en alimentation humaine (cf. § 5.1 et 5.2).
Enfin, le choix des composants nutritionnels pour lesquels les calculs d’efficience sont conduits influence également les conclusions qui peuvent être tirées. Nous avons fait le choix, comme Ertl et al. (2015a) de raisonner en énergie brute et en protéines brutes. Pour l’énergie, Wilkinson (2011) avait choisi l’énergie métabolisable. Ce choix a l’inconvénient d’intégrer dès le calcul des entrées dans le système une partie de la transformation de l’énergie par les animaux. Raisonner en énergie brute permettrait aussi d’inclure le coût énergétique de la transformation des aliments végétaux et des produits animaux en aliments pour l’Homme afin de raisonner sur un bilan énergétique plus complet. Pour ce qui est de protéines, raisonner en protéines brutes ne prend pas en compte la différence de qualité nutritionnelle pour l’Homme entre les protéines végétales et animales. Certains auteurs ont commencé à prendre en compte cette question dans les calculs d’efficience protéique et nous la discuterons au § 5.3.
5.1. Sensibilité des estimations d’efficience à la valorisation des protéines végétales en alimentation humaine
Les estimations de Ppc et de Pec des matières premières que nous proposons dans les scénarios actuel et potentiel sont assez proches de celles proposées par Ertl et al. (2015a, 2016b) respectivement pour les scénarios (« low/current », « medium ») mais avec des différences. Elles sont plus détaillées compte-tenu de la grande diversité de matières premières utilisées par l’alimentation animale en France, nous avons aussi considéré qu’il n’existe pas actuellement de valorisation possible des protéines du tourteau de colza et du tournesol en alimentation humaine. Les valeurs utilisées par Wilkinson (2011) sont globalement plus élevées que celle de notre scénario actuel et se rapprochent de celles de notre scénario potentiel. Le scénario « max/high » d’Ertl et al. (2015a, 2016b) représente lui une valorisation maximale possible des MP en alimentation humaine.
Il est difficile de savoir si notre scénario « potentiel » se produira et dans quelles proportions mais il est clair que les filières industrielles sont à la recherche d’une meilleure valorisation de leurs coproduits, notamment par des débouchés en alimentation humaine plus rémunérateurs que ceux de l’alimentation animale. C’est par exemple le cas du concentré protéique de colza, fabriqué à partir de la graine déshuilée, qui pourrait apparaître sur le marché français en tant qu’ingrédient (Estève-Saillard, 2016 ; Guéguen, communication personnelle). Les protéines de luzerne sont déjà autorisées pour l’alimentation humaine (Andurand et al., 2010) et l’extraction des protéines d’autres fourrages (trèfles, ray-grass) est aussi étudiée à titre exploratoire pour l’alimentation des monogastriques (Brossard et al., 2016 ; Fog, 2017). Par ailleurs, une réduction de la consommation de produits carnés au profit des protéines végétales en alimentation humaine pourrait accroitre la demande en produits à base de céréales complètes (Carlhian, 2013).
L’application du scénario potentiel aux systèmes d’élevages étudiés dans la partie 4 conduit à augmenter les valeurs de Ppc dans les rations de 14 à 64 % pour les ruminants et de 51 à 104 % pour les monogastriques. En conséquence, les efficiences protéiques nettes diminuent de 16 à 40 % pour les ruminants et de 36 à 51 % pour les monogastriques (figure 3). La plupart des systèmes d’élevage étudiés ne seraient plus producteurs nets de protéines « consommables » mais consommateurs nets (ECpc < 1) excepté le système bovin laitier BL2 pour lequel presque 90 % des protéines brutes de la ration sont apportées par l’herbe. L’efficience protéique nette est donc très sensible aux variations de la part des protéines consommables dans la ration. L’application du scénario potentiel à l’efficience énergétique nette a moins d’impact, les valeurs de Pec des rations n’augmentant que de 10 à 15 % entraînant une diminution des valeurs d’ECec du même ordre de grandeur. Ertl et al. (2015a, 2016b) aboutissent aux mêmes conclusions lors de la comparaison de leurs 3 scénarios. Les résultats de ces scénarios « futurs » doivent être interprétés avec beaucoup de prudence, car on peut penser que les MP qui seront mieux valorisées en alimentation humaine seraient naturellement écartées de l’alimentation animale en raison de leur coût, et que l’alimentation animale rechercherait alors d’autres coproduits. Un scénario futur devrait aussi prendre en compte l’utilisation d’autres sources de protéines plus ou moins demandées par l’alimentation humaine (insectes, algues...).
Figure 3. Comparaison des efficiences nettes de conversion des protéines calculées selon les scénarios actuel et potentiel d’utilisation des MP végétales en alimentation humaine.
Se reporter aux tableaux 4 et 5 pour l’identification des systèmes : BL : Bovins Laitiers ; BV : Bovins Viande ; OV : Ovins Viande ; P : Porcins ; PCh : Poulets de Chair ; PP : Poules Pondeuses.
Ppc : Proportions en protéines « consommables par l’Homme » des rations des systèmes d’élevages présentées dans les tableaux 4 et 5, selon les scénarios « actuel » et « potentiel » ; ECpc : Efficience de conversion des protéines « consommables par l’Homme ».
5.2. Sensibilité des estimations d’efficience à la valorisation des protéines animales des carcasses
La viande n’est pas le seul produit consommable dans une carcasse. La valorisation des protéines d’une carcasse augmente de 20 % pour les volailles et de plus 40 % pour les porcs, les agneaux et les vaches laitières de réforme selon que l’on ne considère que la viande ou le total des protéines consommables (tableau 2). En conséquence l’efficience protéique nette est augmentée de 17 % pour les poulets de chair et jusqu’à 49 % pour les porcins selon que l’on ne considère que la viande ou le total des protéines consommables (figure 4). Les écarts les plus importants sont observés pour la production porcine qui est la production qui valorise le mieux les sous-produits de la carcasse (« dans le cochon tout est bon ! »). L’hypothèse de base que nous avons retenue du « total consommé » conduit à des efficiences protéiques proches du maximum observé en considérant le « total consommable ». Dans leurs calculs Ertl et al. (2015) comme Wilkinson (2011), ne considèrent que la « viande commercialisable », ce qui peut expliquer que leurs valeurs d’efficience protéique nette pour les systèmes producteurs de viande soient plus faibles que les nôtres.
Figure 4. Efficience de conversion des protéines végétales consommables (selon le scénario Actuel) en protéines animales consommables (ECpc) des systèmes d’élevages selon la nature des produits animaux comptabilisés.
Se reporter aux tableaux 4 et 5 pour l’identifications des systèmes : BV : Bovins Viande ; OV : Ovins Viande ; P : Porcins ; PCh : Poulets de Chair.
(1) Viande + abats : comprend la viande et les abats dits rouges et blancs ayant pour principal débouché l’alimentation humaine (gésiers de volailles, cœurs, foie, rognons, museau, rognons…) et une part du sang alimentaire porcin.
(2) Total consommé : comprend les abats valorisés dans le secteur alimentaire ainsi que la part des coproduits actuellement valorisée dans le secteur alimentaire.
(3) Total consommable : comprend tous les abats consommables (rouges, blancs, sang alimentaire des porcins) ainsi que les coproduits potentiellement alimentaires (notamment les graisses pour suif, les couennes, os et/ou peaux pour la gélatine alimentaire ou autre ingrédient et la peau des poulets).
Ces résultats montrent aussi que l’efficience nette des élevages à convertir les protéines consommables peut être dégradée si les habitudes alimentaires amènent à délaisser certains produits animaux, notamment les abats dont la consommation diminue régulièrement : − 2 à 3 % par an entre 2003 et 2011 pour les abats de bœuf, de veau et de porc d'après Blézat Consulting, (2013). Enfin, au-delà de la viande, des abats, du lait, des œufs et de coproduits alimentaires (gélatine à partir d’os et couenne, sang de porcin), les productions animales fournissent également des coproduits de catégorie C3 demandés par d’autres secteurs que l’alimentation humaine (alimentation des animaux de compagnie « petfood », cuirs, pharmacie, cosmétique, oléochimie, laine…) qui fournissent des services à la société et qui pourraient être pris en compte dans les calculs d’efficience de conversion des ressources alimentaires.
5.3. Prendre en compte la différence de qualité entre les protéines d’origine végétale et animale dans les calculs d’efficience nette
Les calculs présentés jusqu’ici ont été réalisés en protéines brutes. Or les protéines animales sont de meilleure qualité nutritionnelle pour l’Homme que les protéines végétales, du fait d’une digestibilité plus élevée et d’un meilleur équilibre de leur composition en Acides Aminés (AA) Indispensables (AAI), qui ne peuvent être synthétisés en quantité suffisante par l’organisme et qui doivent être apportés par l’alimentation. Certains auteurs ont donc cherché à prendre en compte cette différence de qualité nutritionnelle des protéines consommées et produites par les élevages lors de l’analyse de leur efficience protéique (Ertl et al., 2015a et 2016b ; Patel et al 2016).
La méthode de référence pour estimer la qualité nutritionnelle d’une protéine est le score en acide aminé digestible limitant (indice DIAAS = « Digestible Indispensable Amino Acid Score ») (FAO, 2013). Ertl et al. (2016a) proposent de corriger l’efficience protéique nette de l’élevage en la multipliant par un Ratio de Qualité des protéines (RQp) calculé en divisant la valeur DIAAS des protéines animales produites par la valeur DIAAS des protéines végétales « consommables » consommées par l’élevage. Pour les élevages autrichiens et suisses qu’ils ont étudiés, Ertl et al. (2016a, 2016b) et Steinwidder et al. (2016) obtiennent des valeurs de RQp de 1,7 à 2,4 pour la production laitière, de 1,6 pour la production d’œufs et de 1,4 à 1,9 pour la production de viande, et en conséquence des valeurs d’efficience protéique nette sont multipliées d’autant. Des calculs similaires conduits sur nos données aboutissent à des valeurs de RQp du même ordre de grandeur (figure 5).
Figure 5. Comparaison entre l’efficience protéique nette et l’efficience protéique nette multipliée par le ratio de qualité des protéines (RQp) des élevages types étudiés (selon les deux scénarios « actuel » et « potentiel » d’utilisation des végétaux).
Se reporter aux tableaux 4 et 5 pour l’identification des systèmes : BL : Bovins Laitiers ; BV : Bovins Viande ; OV : Ovins Viande ; P : Porcins ; PCh : Poulets de Chair ; PP : Poules Pondeuses.
Ppc : Proportions en protéines « consommables par l’Homme » des rations des systèmes d’élevages présentées dans les tableaux 4 et 5, selon le scénario « potentiel » ; ECpc : Efficience de Conversion des protéines « consommables par l’Homme ».
Cette approche qui met clairement en évidence l’incrément de qualité nutritionnelle des protéines par les productions animales présente cependant quelques limites. D’une part les mesures de digestibilité utilisées pour calculer le DIAAS des produits végétaux ont souvent été obtenues sur les matières premières brutes, alors que l’Homme consomme le plus souvent des produits transformés, à minima cuit, ce qui permet d’augmenter la digestibilité des protéines végétales. D’autre part, la combinaison des sources protéiques consommées par l’élevage n’est pas censée répondre aux besoins humains en termes d’équilibre en acides aminés. Ainsi, les sources de protéines végétales peuvent être combinées différemment par l’Homme pour rétablir l’équilibre en AAI, c’est notamment le cas des céréales et des légumineuses dont la complémentarité permet un rééquilibrage en lysine et en acides aminés soufrés. Enfin, les protéines végétales sont en général consommées par l’Homme en association avec des produits animaux, ce qui permet également de rétablir l’équilibre en acides aminés à l’échelle des repas.
Patel et al. (2016) ont choisi une autre approche qui consiste à calculer l’efficience de conversion par les élevages bovins de chaque acide aminé indispensable digestible par l’Homme. L’étude montre l’intérêt des bovins laitiers pour l’apport en lysine ainsi qu’en leucine pour l’alimentation humaine. Cependant, pour certains systèmes laitiers, d’autres AAI (AA soufrés méthionine + cystéine et phénylalanine + tyrosine) sont à l’inverse davantage consommés que produits. Les systèmes bovins viande étudiés par Patel et al. (2016) produisent également davantage de lysine digestible par l’Homme qu’ils n’en consomment, mais ce n’est en général pas le cas des autres acides aminés. La teneur faible en lysine des céréales explique en partie ces résultats. Les systèmes producteurs de jeunes bovins et de génisses à croissance lente, basés sur l’herbe et économes en céréales se démarquent des autres en produisant davantage de chaque AAI digestible par l’Homme qu’ils n’en consomment. Ces derniers résultats confirment l’intérêt de l’élevage de ruminants nourris à l’herbe pour produire à partir de végétaux non consommables par l’Homme des produits animaux dont la composition en AAI est proche des besoins de l’Homme pour la synthèse des protéines corporelles.
Conclusion
De ce travail exploratoire nous pouvons retenir trois messages principaux :
La prise en compte de la part des ressources végétales valorisable en alimentation humaine qui est utilisée par l’élevage, éclaire sous un jour nouveau le débat sur la contribution de l’élevage à l’alimentation humaine et la compétition pour l’utilisation des ressources végétales entre alimentation animale et humaine. Ces nouveaux indicateurs d’efficience nette montrent que l’élevage est moins en compétition avec l’alimentation humaine qu’il n’est souvent dit et que tous les systèmes d’élevage ont la capacité de contribuer de manière positive à la production alimentaire de protéines pour l’Homme, à condition qu’ils consomment beaucoup de végétaux non valorisables en alimentation humaine (fourrages, coproduits). Les ruminants, ne sont pas nécessairement moins efficients que les animaux à croissance rapide (porcins, volailles) et les poules pondeuses pourvu que leur ration soit constituée d’aliments non consommables par l’Homme. C’est en particulier le cas des systèmes herbagers faisant appel à très peu de d’aliments concentrés.
La méthode de calcul de l’efficience nette des productions animales n’est donc pas encore complètement stabilisée. Le calcul de l’efficience nette est très sensible aux hypothèses retenues. Il est très dépendant de l’estimation de la part des MP utilisées en alimentation animale qui peut être directement valorisée par l’Homme. Cette part varie selon les MP et pour une même MP selon les habitudes alimentaires, le développement des filières agroalimentaires et elle peut aussi évoluer dans le temps. Il est donc nécessaire d’analyser les résultats d’efficience nette à travers plusieurs scénarios de valorisation des matières premières végétales. De même le calcul d’efficience dépend du niveau de valorisation du cinquième quartier de la carcasse des animaux d’élevage pour l’alimentation humaine. Elle sera d’autant plus élevée qu’une part importante des protéines animales seront consommées, qu’il s’agisse d’une consommation en local ou de l’export vers d’autres régions des parties non consommées localement. Enfin, le différentiel de qualité entre les protéines végétales et animales pour l’alimentation humaine mériterait d’être pris en compte dans les calculs d’efficience protéique, mais il pose des questions méthodologiques qui ne sont pas encore résolues.
L’amélioration de l’efficience nette des productions animales passera en premier lieu par le choix des matières premières utilisées, mais aussi par l’amélioration de la valeur nutritionnelle des coproduits et par l’amélioration de l’aptitude des animaux à valoriser des rations riches en coproduits. Toutefois la formulation des aliments pour animaux est aujourd’hui soumise à des contraintes économiques fortes et à la disponibilité locale en coproduits. En outre le gisement global de coproduits reste limité et d’autres secteurs économiques peuvent les utiliser, en particulier celui de la bioénergie (méthanisation) et on parle maintenant de compétition « feed/food/fuel ». À contrario, la nécessité de diversifier les cultures et les rotations pour des raisons de durabilité des productions végétales pourrait amener sur le marché de l’alimentation animale des biomasses nouvelles non utilisables nécessairement en alimentation humaine (légumineuses fourragères ou à graine, cultures intermédiaires…). L’estimation de l’efficience nette des productions animales doit donc permettre de mieux raisonner le rôle de l’élevage pour valoriser des ressources non consommables par l’Homme dans une bioéconomie circulaire.
Remerciements
Nous remercions particulièrement l’INRA, Idele, Itavi, Ifip pour le financement du travail et l’ensemble du groupe de travail « Efficience des productions animales » du GIS Elevages Demain (membres de l’INRA, Idele, Itavi, Ifip, CIV, Terres Univia, FranceAgriMer) ainsi que les différents stagiaires, ingénieurs, chercheurs et autres experts des filières pour leur contribution au projet et leur apport en données indispensables. Nous remercions également les deux lecteurs critiques qui ont grandement contribué à améliorer ce manuscrit.
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Résumé
L’élevage est souvent perçu comme inefficient pour produire des denrées alimentaires pour l’Homme car les animaux consomment davantage de végétaux qu’ils ne produisent de viande, de lait ou d’œufs. Le calcul de l’efficience nette de conversion des aliments en ne considérant dans le calcul que la part potentiellement consommable par l’Homme des aliments utilisés par les animaux permet de relativiser ce constat. En effet, une large part des aliments consommés par les animaux d’élevage (fourrages, coproduits…) n’est pas directement consommable par l’Homme. Appliqués à des systèmes d’élevage français, les calculs d’efficience nette montrent que toutes les productions animales (bovins laitiers et à viande, ovins à viande, porcins, poulets de chair, poules pondeuse) peuvent être producteurs nets de protéines à condition de maximiser la part des végétaux non valorisables en alimentation humaine dans les rations. Le calcul de l’efficience nette est très sensible à l’estimation de la part des aliments utilisés en alimentation animale qui peut être directement valorisée par l’Homme. Celle-ci varie fortement d’une matière première à l’autre selon les habitudes alimentaires et les technologies agroalimentaire qui peuvent évoluer dans le temps. Il est donc nécessaire d’analyser les résultats d’efficience nette à travers plusieurs scénarios de valorisation des matières premières végétales. De même le niveau de valorisation du cinquième quartier de la carcasse des animaux d’élevage pour l’alimentation humaine est très variable et influence sensiblement les résultats d’efficience nette. Enfin, la prise en compte du différentiel de qualité entre les protéines végétales permettrait d’affiner les calculs d’efficience protéique.
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