Articles

Quelles génétiques pour les systèmes d’élevages certifiés en agriculture biologique ?

Dans les systèmes qui appliquent les principes de la production biologique, la robustesse des animaux est davantage sollicitée pour faire face aux fluctuations de l’environnement. Divers scénarios génétiques sont possibles pour adapter les populations animales afin de promouvoir l’essor des systèmes biologiques.

Introduction

La question des types génétiques les plus adaptés aux conditions d’élevage biologique n’est pas récente. Elle a émergé avec le développement de l’AB dans les années 1980-1990. Les performances des races sélectionnées pour les élevages conventionnels ont en effet été jugées déconnectées des besoins de l’AB. Ainsi, en présence d’interactions entre la génétique et l’environnement, les animaux qui se présentent au plan génétique comme les plus performants en élevage conventionnel ne le sont pas nécessairement en élevage AB où ils sont davantage soumis aux aléas de l’environnement. Une des raisons avancées est aussi la non-prise en compte dans les objectifs de sélection de critères importants pour l’amélioration de certaines performances en AB, comme la résistance aux maladies. De plus, l’utilisation accrue des nouvelles technologies de la reproduction dans certaines espèces, incluant l’utilisation d’hormones, le transfert d’embryons, voire dans le futur le clonage et l’édition de génome, pose la question de l’inadéquation de la sélection conventionnelle. Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que la production en élevage AB se veut le plus possible respectueuse des processus biologiques naturels. Il faut aussi mentionner que la diversité génétique est peu prise en compte dans certains programmes de sélection, sauf pour la simple gestion de la consanguinité. L’élevage conventionnel repose sur un nombre relativement faible de races, même si celles-ci peuvent parfois se décliner en différentes lignées, souches ou variétés. L’AB peut en revanche promouvoir l’utilisation des races menacées d’abandon, soit pour répondre à l’enjeu du maintien de la diversité soit pour assurer un ancrage territorial avec l’utilisation de ressources génétiques locales.

L’élevage AB français reste peu développé (Agence Bio, 2022), largement en dessous des 20 % promus par la loi EGalim. L’élevage porcin AB varie entre 1 et 2 % pour les truies reproductrices alors que les vaches laitières ou les ovins allaitants AB représentent 7 % du cheptel national de leurs filières respectives. Les petits ruminants laitiers AB atteignent 10 % du cheptel des brebis laitières et des chèvres. Les poules pondeuses (16 % en AB) s’approchent des objectifs avec 20 % du cheptel en AB. Le poulet de chair AB reste très en deçà avec 2 %. Quant à la production aquacole AB, même si elle a doublé en France entre 2018 (1ere année de recensement) et 2021, elle reste en deçà de 5 % (4,8 %, pourcentage calculé à partir de EUMOFA, 2022).

Une autre voie de transformation de l’élevage qui a été promue ces dernières années est celle de l’agroécologie. Même si l’agriculture biologique et l’agriculture agroécologique sont distinctes, elles ont en commun des valeurs qui tendent à se rapprocher pour respecter l’environnement dans les zones d’élevage, intégrer des dimensions sociales et humaines et promouvoir le bien-être des animaux d’élevage. Développer une offre génétique adaptée à l’un ou l’autre système procède de principes largement partagés. Récemment, Ducos et al. (2021) ont décrit de manière approfondie dans quelle direction orienter l’amélioration génétique des animaux pour l’agroécologie, en mettant en avant la gestion intégrée de la santé, la valorisation des coproduits et les avantages de la diversité génétique. Ils montrent en quoi l’approche systémique est importante à considérer pour proposer des modes de production alternatifs. Cependant, la proposition de nouveaux critères de sélection ne permet pas à elle seule de proposer des types génétiques adaptés. En effet, l’amélioration génétique suppose une organisation complexe dans les filières, pour permettre la création et la diffusion du progrès génétique. Une partie de cette organisation doit donc être repensée pour aller au-delà de l’offre génétique actuelle avec comme enjeux de produire des animaux robustes et résilients face aux fluctuations de l’environnement (Friggens et al., 2017) et de répondre aux attentes des éleveurs AB.

Nous avons dressé un bilan de la situation actuelle de l’utilisation des ressources génétiques en élevage AB pour différentes filières animales, sachant qu’il n’existe pas de statistiques officielles. Du point de vue de l’amélioration génétique, ces filières présentent des spécificités et des enjeux différents pour l’AB car l’organisation des programmes de sélection et de la diffusion du progrès génétique est très différente d’une espèce à l’autre. Cet article donne également des indications sur les critères de sélection à prendre en compte pour l’élevage AB. Différents scénarios d’amélioration génétique peuvent être appliqués pour adapter les populations animales aux besoins de l’AB. En tenant compte des spécificités de chaque filière, nous abordons l’éventail des possibilités, en nous appuyant sur les programmes génétiques actuels ou une sélection dédiée. Des choix différents peuvent s’opérer selon l’échelle d’application, que ce soit la ferme, le territoire ou le pays.

1. Élevages certifiés AB et ressources génétiques

1.1. Aspects réglementaires

La réglementation européenne de 2018 relative à l’élevage biologique évoque peu les types génétiques ou races à utiliser en AB. Il est mentionné qu’un des objectifs de la production biologique est d’encourager la préservation des races locales menacées d’abandon pour l’agriculture (Verrier et al., 2023), ce qui revient à assigner à l’AB une mission de préservation des ressources génétiques. Dans les principes de choix des races, la réglementation stipule de tenir compte d’un degré élevé de diversité génétique, de la capacité d’adaptation des animaux aux conditions locales, de la longévité, de la vitalité et de la résistance aux maladies et aux problèmes sanitaires, mais également de la valeur génétique des animaux. Certaines races ou souches présentant des défauts majeurs doivent être évitées (ex. des gènes d’hypertrophie musculaire chez les porcs et les bovins). Contrairement aux productions végétales, la réglementation ne mentionne pas la nécessité de développer des activités de sélection animale pour accroître les retombées économiques du secteur biologique. De plus, elle reconnaît que la fourniture d’animaux AB peut être restreinte faute de fournisseurs, que ce soit en quantité ou en qualité, et autorise, dans une certaine mesure, la création ou le renouvellement des cheptels avec des animaux issus d’élevages non biologiques. En revanche, elle interdit strictement le recours aux organismes génétiquement modifiés, le clonage et le transfert d’embryons. L’insémination artificielle est autorisée mais sans recours aux traitements hormonaux pour l’induction de l’œstrus.

1.2. Choix des types génétiques en AB dans différentes filières de production : état des lieux

L’offre génétique pour l’AB doit être raisonnée pour fournir des animaux qui seront soumis à des fluctuations de leur environnement et qui devront dans une proportion marquée valoriser les ressources locales. Le contexte local et les caractéristiques du milieu doivent donc être pris en compte pour définir un choix génétique. Les choix génétiques pour l’AB peuvent s’appuyer sur des races locales ou sur les races majoritairement utilisées dans les systèmes conventionnels, mais aussi sur le croisement de races pour trouver un meilleur compromis entre production et robustesse (cf. partie 2). Il est également possible de s’orienter vers la création de nouvelles lignées ou races synthétiques (composites) par croisements. L’approvisionnement en reproducteurs des élevages sous cahier des charges AB est contraint par la faible diversité des ressources, et par le fait que les améliorations et la gestion de la consanguinité passent par l’insémination artificielle (IA) et/ou le transfert d’animaux entre élevages. Ces deux opérations sont plus difficiles lorsque l’IA n’est pas autorisée par le cahier des charges AB. Il existe également des différences marquées entre les filières animales pour l’utilisation des types génétiques conventionnels. Par exemple, dans les filières monogastriques, la production est assurée quasi exclusivement par des animaux dits commerciaux issus de plans de croisement à double étage faisant intervenir de deux à quatre souches grands-parentales spécialisées (encadré 1). En revanche, une large majorité de la production de lait et de viande des ruminants en France s’effectue en race pure, les ovins allaitants étant dans une situation intermédiaire.

a. Choix des types génétiques porcins

En France métropolitaine, on distingue six races locales, très territorialisées et peu sélectionnées, et des races ou lignées conventionnelles fortement sélectionnées. Durant les dernières décennies, la gestion des races locales, toutes considérées « menacées d’abandon pour l’agriculture » (Verrier et al., 2023), a permis de limiter l’augmentation de la consanguinité et de préserver la diversité génétique. Les populations en sélection ont diminué en nombre et en effectifs (Bidanel et al., 2020), avec une baisse de la diversité de l’offre génétique, et une distinction très forte entre lignées maternelles et paternelles. Plus généralement, en Europe, l’utilisation de races locales pour l’AB varie beaucoup d’un pays à l’autre (Sundrum et al., 2011). Elles sont absentes ou quasiment absentes en Suède, au Danemark et en Autriche, alors qu’en Italie leur utilisation semble plus répandue. Cette étude qui s’appuyait sur un sondage n’est pas exhaustive mais elle montre que les types génétiques conventionnels sont très dominants, avec parfois des croisements qui intègrent des races locales. En France, pour la commercialisation en filière longue, compte tenu du très faible pourcentage de truies reproductrices AB, la majorité des éleveurs utilisent des croisements conventionnels (Prunier & Lebret, 2009). Plus récemment (Goscianski, 2022), une enquête auprès d’éleveurs AB des Pays de la Loire a confirmé que l’usage de types génétiques conventionnels est majoritaire pour les élevages de truies en bâtiment (100 %) comme en plein air (68 %). En mises bas plein air, un tiers des élevages possèdent donc des truies de races locales, mais compte tenu de leur petite taille, cela ne représente que 13 % des truies de ce mode d’élevage. Un exemple de démarche qui intègre spécifiquement les principes agroécologiques ou de l’élevage AB est donné par la filière porc Blanc de l’Ouest (CIVAM 29, 2018). Les éléments technicoéconomiques fournis aux éleveurs mettent en avant l’adaptation au plein air, la robustesse, les qualités maternelles et la qualité des produits. L’argument d’une meilleure adaptation (selon la performance) des races locales aux conditions AB ne fait cependant pas consensus (Leenhouwers & Merks, 2013). De plus, les races locales peu prolifiques et avec des carcasses relativement grasses ne sont adaptées qu’au regard des filières qui valorisent spécifiquement ce type de produits.

b. Choix des types génétiques en aviculture

En aviculture, l’espèce majoritaire en production AB est Gallus gallus domesticus qui comprend deux sous-ensembles spécialisés que sont les poules pondeuses et les poulets de chair avec une faible part d’animaux AB (2 % des poulets de chair et 16 % des poules pondeuses). On peut ajouter à ces chiffres la part de l’élevage plein air, y compris en cahier des charges Label Rouge, dont les systèmes, proches du cahier des charges AB, correspondent aux mêmes milieux pour les animaux et aux mêmes attentes en termes d’aptitudes génétiques. Ce sont donc 17 % des poulets et 46 % des poules pondeuses qui sont élevés dans des systèmes incluant du plein air. L’offre génétique pour les volailles en systèmes conventionnels est l’exemple d’une concentration extrême et d’une forte diminution du nombre de lignées sélectionnées. Pour les poules pondeuses, le marché mondial est dominé à plus de 90 % par deux groupes, avec deux races spécialisées, la Rhode Island qui pond des œufs bruns et la White Leghorn aux œufs blancs, toutes deux largement utilisées en AB. Chez les poulets de chair en élevage sous signe de qualité, l'utilisation de lignées alternatives, à croissance lente, est davantage répandue (Bayer et al., 2023). Des entités de taille modeste, telles que le Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français (SYSAAF) ou le Centre de sélection avicole de Béchanne, organisent l’amélioration génétique de races locales pour des systèmes d’élevage non conventionnels. Il existe potentiellement un accès à une grande diversité génétique grâce aux nombreuses races de volailles présentes en France, dont 75 races locales de Gallus gallus domesticus recensées en 2022 par le SYSAAF.

c. Choix des types génétiques en aquaculture

En France, en 2020, la production aquacole AB représente 4,8 % de la production aquacole totale (EUMOFA, 2022). Ce pourcentage est de 3,93 pour les huîtres, 4,73 pour les moules, 6,76 pour les truites, et s’élève à 2,58 pour les autres espèces. La demande de truites certifiées AB pourrait être un levier pour le développement de ce marché dans notre pays. Chez les poissons, il n’existe pas à proprement parler de races, et a fortiori de races locales, la production de la grande majorité des espèces étant très récente. Il n’existe pas non plus à ce jour de programme de sélection spécifiquement adaptés à l’aquaculture biologique, et les écloseries en AB utilisent des géniteurs issus de programmes de sélection conventionnels ou issus du milieu naturel. Une exception pour le concept de races concerne la carpe, pour laquelle des variétés spécifiques ont été développées surtout en Europe centrale et orientale à partir de sa domestication ancienne (Balon, 1995). Mais la question des souches de carpe à utiliser pour l’aquaculture certifiée AB n’est pas mentionnée dans la revue d’Adámek et al. (2019), donc, même pour cette espèce, cette question reste secondaire.

d. Choix des types génétiques bovins

Le choix est en théorie très large, avec un total de 54 races reconnues, dont une vingtaine à effectifs moyens à très grands. Parmi elles, 32 races sont locales, dont quelques-unes ont de grands effectifs (ex. Aubrac, Salers) mais 28 sont aujourd’hui considérées menacées d’abandon. La majorité de l'élevage est en race pure, à l'exception du croisement terminal de vaches laitières ou rustiques avec des taureaux de race bouchère spécialisée. Le croisement continu (où les individus croisés sont eux-mêmes reproducteurs) est encore rare mais se développe rapidement. Malgré tout, l'élevage en AB se distingue relativement peu du conventionnel. Le choix a priori surprenant d’utiliser surtout la race holstein en production bovine laitière AB s'explique par le fort développement de l'AB dans le Grand Ouest, où cette race prédomine, et par le prix longtemps élevé du lait certifié AB qui incite à élever des animaux productifs en toutes circonstances. Ce choix est assumé malgré les inconvénients de cette race en termes de qualité du lait, fertilité, résistance aux mammites et longévité. L’AB se différencie de la production conventionnelle sur quelques points, en particulier la caséine bêta A2 dont on cherche à augmenter le taux, même si les allégations santé qui lui sont associées restent à démontrer dans la population humaine européenne. On trouve aussi en élevage AB des races moins spécialisées que la Holstein (notamment Montbéliarde) ou mixtes (Normande, Simmental…) bien adaptées aux systèmes pâturants. Dans chaque bassin spécialisé avec une race dominante, c'est cette race dominante qui est généralement élevée pour l’AB. Dans certains bassins, des AOP incluent la race dans leur cahier des charges, en élevage biologique comme en conventionnel, ce qui constitue un levier fort pour leur maintien. Enfin, on note un accroissement régulier du croisement rotatif à trois races (ex. Holstein × Montbéliarde × Rouge nordique) qui présente l'avantage d'une productivité assez élevée, combinée à un bon niveau de caractères fonctionnels, par maximisation de l'effet d'hétérosis (Dezetter et al., 2014). En revanche, ce type de croisement induit une forte hétérogénéité du troupeau entre animaux et dans le temps qui requiert une bonne technicité de conduite. En élevage bovin allaitant, le système conventionnel est par essence un système pâturé à relativement bas intrants. L'écart avec le système AB est réduit et la transition massive vers l'AB serait assez facile. Il reste toutefois limité, essentiellement du fait d’un marché de l’AB trop restreint. En effet, le marché de la viande de bœuf certifié AB est largement occupé par les vaches laitières de réforme. Les races allaitantes élevées en AB sont les mêmes qu'en conventionnel dans les mêmes régions.

e. Choix des types génétiques pour les petits ruminants

En France, le cheptel ovin allaitant engagé en AB comprend 260 538 brebis issues de 2 577 élevages (Agence Bio, 2022), ce qui représente un peu moins de 8 % du cheptel national (Idele, 2023). En production laitière, ce sont 161 065 brebis qui sont détenues par 730 élevages, soit presque 11 % du cheptel. En élevage caprin, la part du cheptel engagé en AB est du même ordre de grandeur (9 % du cheptel, avec 106 548 chèvres).

En France, il existe 59 races ovines reconnues dont 48 sont locales. Pour la production de lait, on recense cinq races principales, très majoritairement rattachées à l’un des trois bassins de production, le lait étant en grande partie destiné à la transformation fromagère sous AOP : Lacaune (Rayon de Roquefort, AOP du même nom) ; Manech Tête Rousse, Manech Tête Noire et Basco-Béarnaise (Pyrénées Atlantiques, Ossau-Iraty) ; Corse (île du même nom, Bruccio). Le cahier des charges des différentes AOP oriente donc fortement le choix d’une race. En élevage caprin, les deux « grandes » races laitières (alpine et saanen) représentent à elles seules environ 95 % du cheptel et sont en majorité élevées en races pures. Deux races sont spécialisées pour la production de laine (Angora) et de viande (Boer) dont les effectifs sont limités en France. Les cahiers des charges des fromages AOP au lait de chèvre spécifient peu de types raciaux ou excluent la race saanen et n’acceptent que l’Alpine et la Poitevine. La nouvelle AOP Brousse du Rove fait exception, elle n’accepte que des transformations issues du lait de la race rove.

Pour les ovins allaitants, la situation est moins hégémonique avec 53 races dont quelques-unes présentes sur toute la France et une majorité de races plutôt localisées dans un seul territoire. La caractérisation des types génétiques est basée sur des spécificités des races : herbagères, mixtes (support maternel et croisement boucher terminal), prolifiques. Des cahiers des charges (label et AOP) imposent l’utilisation de types raciaux mais, en général, le choix n’est pas contraint à une seule race. En plus de l’utilisation en race pure, de nombreux éleveurs ovins allaitants utilisent le croisement terminal et/ou des brebis croisées en production. De nombreuses races ont des effectifs plus limités et suivent le plus souvent un programme de conservation : en 2022, 26 races locales ovines parmi 48 étaient considérées menacées d’abandon et 9 races locales caprines parmi 11.

En élevage caprin, la très forte hégémonie des deux races laitières internationales laisse à penser qu’il n’y a pas de spécificités des exploitations AB par rapport au conventionnel. En élevage ovin laitier, la structuration raciale imposée par les AOP, laisse peu de place à des choix spécifiques pour les éleveurs. En ovin allaitant, la situation est plus difficile à apprécier compte tenu du nombre de races, du mode très varié de leur utilisation et de la part réduite et peu représentative (en sélection surtout) du cheptel enregistré au contrôle de performances officiel. Les informations sur le type de système ne sont pas dans les bases de données.

2. Les caractères recherchés pour l'élevage AB

Pour les systèmes certifiés en AB, il est particulièrement important d’optimiser les fonctions de santé (résistance et tolérance aux maladies infectieuses et parasitaires) et la capacité d’adaptation des animaux à des conditions changeantes. Plus qu’en conventionnel, l’accent doit être mis sur la production d’animaux avec une capacité de production durable. L’AB porte attention à la notion clé de robustesse de l’animal, c’est-à-dire sa capacité, face à des contraintes environnementales, à préserver sa reproduction en assurant ses fonctions reproductives, productives, comportementales, d’utilisation des nutriments, et de santé (Friggens et al., 2017). L’AB considère que des mesures favorisant la longévité sont une façon d’inclure de nombreux caractères fonctionnels d’intérêt (Phocas et al., 2016). La longévité fonctionnelle, ou durée de vie productive, est sélectionnée dans les filières de ruminants pour répondre aux défaillances apparues sur d’autres caractères. L’efficacité alimentaire est aussi un caractère déterminant pour l’agroécologie afin de limiter les intrants et les rejets. Il s’agit de mieux valoriser l’herbe et les fourrages pour les ruminants, et des aliments à base de ressources locales de moindre taux énergétique et protéique pour les monogastriques. La sélection devrait intégrer, comme caractère essentiel, la capacité à produire avec des fourrages grossiers ou de qualité variable, donc des régimes moins riches (plus fibreux) et moins digestibles que ceux utilisés en systèmes conventionnels (Le Roy et al., 2019). Les caractères d’intérêt pour l’AB sont présentés dans le tableau 1 et ci-dessous sont détaillées quelques orientations à prendre pour l’AB. De plus, dans les espèces pour lesquelles les élevages des noyaux de sélection sont déconnectés des élevages de production, la problématique des interactions entre génotype et environnement se pose avec une certaine acuité.

2.1. Fertilité, reproduction et qualités maternelles

L’objectif est d'améliorer la précocité sexuelle et favoriser le développement physiologique des bovins allaitants pour permettre à la fois un premier vêlage à deux ans et la finition des jeunes bovins à l’herbe. Cela s’accompagnerait d’une diminution du format adulte et de vêlages plus faciles, deux aptitudes recherchées pour les systèmes essentiellement à l'herbe. Divers travaux, chez les vaches holstein, augurent d’une sélection possible sur la capacité à vêler sur une période limitée pour faire face aux aléas saisonniers et climatiques (Horan et al., 2004). Les objectifs des systèmes laitiers irlandais et néo-zélandais très herbagers et très saisonnés ont fait de ce critère de fertilité un des caractères prépondérants de leur index synthétique de sélection (Berry et al., 2007).

Chez certaines espèces de poissons, l’utilisation d’hormones est nécessaire pour obtenir une ponte au moment voulu, pour la production comme pour la sélection. Il faudrait envisager une sélection pour la capacité de ponte sans stimulation externe. Cependant, les poissons étant très prolifiques, les caractères de ponte sont peu étudiés. Chez la crevette, la fréquence de ponte est largement héritable, avec une valeur d’héritabilité de 0,57 (Ren et al., 2020). La ponte est déclenchée par l’ablation du pédoncule oculaire ; cette pratique est interdite en AB. Sans ablation, la productivité est diminuée par deux (Palacios et al., 1999). La sélection permettrait d'aller vers une productivité en écloserie AB plus conforme aux réalités économiques. Chez la truite arc-en-ciel, la production conventionnelle se fait surtout à partir de populations monosexes, obtenues en croisant des femelles avec des « néomâles », qui sont des femelles génétiques transformées en mâles phénotypiques par un traitement hormonal (Breton et al., 1996). Une pratique alternative pour l’AB pourrait être d'exploiter par sélection des déterminants sexuels secondaires pour produire des « néomâles » sans traitement hormonal (Quillet et al., 2002).

Tableau 1. Exemples de caractères pour la sélection génétique appliquée en AB.

Fertilité, reproduction et qualités maternelles

Capacité d'ingestion et efficacité de transformation des aliments

Résistance aux maladies

Autonomie et capacité d'adaptation

Longévité fonctionnelle

Porcs

Survie du jeune

Maturité et Vitalité

Sélectionné dans les races conventionnelles

Valorisation des ressources selon la composition de la ration

Résistance au SDRP, syndrome dysgénésique et respiratoire porcin

Chen et al. (2020)

Adaptation des truies à la mise-bas dans des cases sans contention

Canario et al. (2022)

Aplombs

Stabilité de la production de porcelets et moindre sensibilité aux perturbations environnementales

Canario et al. (2023)

Volailles

Résistance aux salmonelles et coccidies, virus influenza, aptitude immunitaire, résistance aux infections

Ponte au nid

Résistance aux aléas climatiques

Persistance de ponte

Aquaculture

Productivité (crevette)

Capacité de ponte sans stimulation externe (poissons)

Déterminants sexuels secondaires(truite)

Efficacité alimentaire

Besson et al. (2019)

Résistance aux pathogènes

Gjedrem (2015)

Résistance à la température et à l’hypoxie

Lagarde (2023)

Bovins

Survie du jeune

Capacité à vêler aux périodespropices

Facilité de vêlage

Précocité sexuelle et de développement

Adaptation à des fourrages de moindre qualité

Index génomiques disponibles dans les races à grands effectifs

Mises bas groupées aux saisons favorables

Étude de la dynamique des réserves corporelles

Préparation de la mère à la mise bas, croissance du jeune à l'herbe

Tolérance à la chaleur

Durée de vie productive

Survie du jeune Aptitude immunitaire du jeune

Colostrum

Ovins

Survie - vigueur du jeune

Désaisonnement

Protocoles alternatifs à l’utilisation de l’eCG

Résistance aux strongles (parasitisme intestinal) en France

Aguerre et al. (2018)

et à l’étranger

Carracelas et al. (2022)

À l'étude

Ithurbide et al. (2022)

Évaluation génomique en cours de développement

Caprins

Évaluation génomique de la maturité

Augmentation de la part d’herbe pâturée ou conservée dans la ration (Essai Patuchev)

Résistance aux strongles (parasitisme intestinal)

En Gras : caractères déjà utilisés pour l’AB
Normal : caractères à développer et à utiliser en priorité
Italique : caractères à étudier (pour lesquels les données ne sont pas encore disponibles).

2.2. Caractères de santé

L’amélioration génétique est un levier important de la gestion intégrée de la santé pour accroître la capacité des animaux à tolérer des maladies infectieuses, parasitaires ou métaboliques. Deux stratégies sont explorées : l’amélioration génétique de la tolérance/résistance à une maladie spécifique, ou l’amélioration génétique des aptitudes immunes non spécifiques. Chez les bovins laitiers, dans les races à plus grands effectifs, des index génomiques précis sont disponibles pour un nombre croissant de pathologies (Idele, 2022), infectieuses (mammites, dermatite interdigitée, paratuberculose, métrites) mais aussi non infectieuses (cétose, pathologies non infectieuses des pattes, rétention placentaire, fièvre de lait, mortalité à la naissance…) et cette tendance va se poursuivre. Les éleveurs en AB disposent donc de nombreux indicateurs de santé pour choisir leurs taureaux. Ceci est moins vrai dans les races territoriales ou à petits effectifs, pour lesquels seuls quelques caractères usuels (dont la santé de la mamelle) sont évalués. Chez les petits ruminants, quelques races ont intégré dans leur programme de sélection des tests de résistance au parasitisme gastro-intestinal (Fidelle & Astruc, 2021). Chez la poule, de nombreux travaux ont mis en évidence des aptitudes génétiques à la résistance à des infections bactériennes comme aux salmonelles (Thanh-Son et al., 2012) ou aux coccidies (Bacciu et al., 2014). Pour adapter les programmes génétiques aux systèmes d’élevage plein air, il faut intégrer de manière plus systématique des critères de sélection de résistance aux agressions sanitaires telles que les infections/infestations (bactériennes, virales et parasitaires). Par exemple, améliorer la résistance génétique des poules à la famille de virus responsables de l’influenza permettrait aux animaux de ne pas mourir de la maladie, d’en limiter la propagation et donc à la filière AB de reconsidérer le confinement actuellement appliqué dans les élevages, qui est en contradiction avec le cahier des charges.

Un autre volet de la santé des animaux est l’éradication des anomalies congénitales. Pour les bovins et les ovins, des tests génétiques sont disponibles pour un nombre croissant d’anomalies génétiques qui sont contre sélectionnées.

2.3. Autonomie et capacité d’adaptation aux perturbations environnementales

Les capacités d’adaptation peuvent être vues de manière générale en réponse à une diversité de changements. L’objectif pour l’ensemble des filières AB est de produire des animaux robustes, faciles à élever (mise bas sans aide) et faciles à manipuler en dépit de contacts à l’homme souvent moins fréquents que dans les systèmes conventionnels. L’adaptation (comportementale) se traduit par moins de sensibilité aux perturbations de l’environnement, donc par une plus grande résilience aux variations (Sauvant & Martin, 2010). Il peut également s’agir d’une adaptation d’efficience alimentaire. Des animaux moins efficaces ont vraisemblablement plus de ressources tampon (ex. réserves corporelles) pour s’ajuster aux perturbations (Canario et al., 2013). Chez le porc, le projet européen PPILOW étudie la stabilité de performance des truies en réponse au blocage de quelques jours autour de la mise-bas, par comparaison de pleines sœurs dont une est soumise à cette perturbation (Canario et al., 2022). Les premiers résultats donnent avantage à la totale liberté si le comportement maternel est considéré dans le choix des futures reproductrices. En termes d’autonomie, chez les bovins et les ovins, la pratique des mises bas groupées aux saisons les plus propices (disponibilité des ressources) facilite l’expression maximale du potentiel génétique des femelles pour la survie du jeune.

2.4. L’importance des caractères à valeur non marchande

Les groupes de caractères définis ci-dessus couvrent surtout une série d’aptitudes qui peuvent être combinées pour définir des objectifs de sélection. La combinaison des caractères peut se faire par le calcul de leur valeur marchande et une modélisation bioéconomique du profit attendu. On en déduit des valeurs économiques pour ces caractères, par exemple le modèle Osiris développé pour les cinq filières de ruminants (Guerrier et al., 2013). Cela impose de faire des hypothèses sur les niveaux de production et les prix, en s’appuyant sur les valeurs du marché. La valeur économique pour des composantes génétiques des caractères est complexe à établir. Les interviews des acteurs des filières aident à quantifier l’importance des caractères à valeur non marchande, pour lesquels des pondérations économiques par les méthodes « classiques » évoquées ci-dessus ne peuvent pas être estimées (Sölkner et al., 2008). Ces caractères sont moins ou peu connus. On en vient à la construction de modèles qui permettent d’évaluer la viabilité économique et la faisabilité d’un scénario génétique en calculant des coûts supplémentaires associés. Certains des paramètres estimés (coûts et économies de coûts, rendements et effets sur les performances) peuvent être utilisés dans une évaluation multicritère qui permet de tenir compte des dimensions économiques, sociétales, environnementales et éthiques de la production. Pour les porcs, des caractères de vitalité en lien avec le comportement et la morphologie des porcelets à la naissance, et de bien-être des animaux sont à étudier pour envisager de les inclure dans les objectifs de sélection (Merks et al., 2012). Pour les bovins et petits ruminants, la composition fine du lait, la préparation de la mère à la mise bas, l’aptitude immunitaire du jeune veau sont des exemples de caractères en cours d’étude mais dont la valeur économique est mal définie.

2.5. Une expression différente des caractères en systèmes AB ?

Les caractères sont influencés par des facteurs génétiques et environnementaux. La présence d’interactions entre la génétique des animaux et l’environnement (G × E) peut conduire à retenir dans les noyaux de sélection des futurs reproducteurs dont les descendants ne seront pas adaptés au milieu dans lequel ils doivent produire (Bowman, 1972). Face à la différenciation des systèmes de production AB par rapport aux systèmes conventionnels, se pose la question de l’existence de telles interactions. Si elles s’avèrent élevées, elles peuvent induire des niveaux de production inférieurs par rapport aux systèmes conventionnels, du fait d’une plus faible expression du potentiel génétique des animaux qui sont élevés dans des milieux souvent (très) différents (alimentation, logement, gestion sanitaire, taille des troupeaux…) (Phocas et al., 2017). Il s’agit de mesurer la variation de performance de deux ou plusieurs types génétiques (génotypes) entre environnements contrastés. Il existe différentes méthodes d’évaluation de ces interactions (Cameron, 1993). L’une d’elles consiste à estimer la corrélation génétique entre les données d’un même caractère mesuré dans deux environnements (considérés donc comme des caractères différents), pour évaluer si le potentiel génétique des animaux à exprimer ce caractère est le même dans les deux environnements. Les interactions génotype × environnement sont considérées comme importantes, donc à prendre en compte dans les évaluations génétiques et les programmes de sélection, lorsqu’on descend en valeur absolue en dessous d’un seuil de corrélation génétique de 0,60, voire 0,80, entre les « mêmes » caractères mesurés dans des environnements différents (Mulder et al., 2006). Dans cette partie, nous mettons parfois l’accent sur la comparaison de la même génétique en système conventionnel et système alternatif (parfois certifié AB).

a. Interactions génotype × environnement sur les caractères de production

Chez les porcs, Wallenbeck et al. (2009) ont trouvé des interactions marquées pour la croissance et la teneur en gras entre système conventionnel et système AB. La corrélation de rang des index des verrats évalués dans les deux systèmes était seulement de 0,48 pour la croissance et 0,42 pour l'adiposité, sachant qu’une corrélation entre index est inférieure à la corrélation génétique vraie. Les auteurs ont conclu à l'intérêt d'une évaluation génétique spécifique pour l’AB. Chez les poules pondeuses, une comparaison entre élevage en cages collectives et élevage au sol, même s’il ne s’agissait pas d’une comparaison avec un mode d’élevage AB, conclut à l’absence d’interaction génotype × environnement sur des critères majeurs de production comme la quantité d’œufs et leur qualité (Bédère et al., 2022) et confirme la possibilité de sélectionner les animaux au sol, donc dans des conditions d’élevage plus proches de celles de leurs descendants (Bécot et al., 2023). Chez les poissons, les études intégrant des conditions d’élevage AB manquent mais des études comparatives entre systèmes conventionnels donnent quelques indications sur l’ampleur variable des interactions génotype × environnement. Si on prend l’exemple d’une substitution dans l’aliment de protéines animales par des protéines végétales, selon les espèces, les interactions génotype × aliment sont faibles, avec des corrélations génétiques supérieures à 0,90 (Le Boucher et al., 2013), à marquées (0,51 pour le poids du bar). Chez les bovins laitiers étudiés dans le projet CoreOrganic 2-Org-Cow (König & Hensel, 2015), les corrélations génétiques estimées entre valeurs de carcasse en système conventionnel (avec trois niveaux de production laitière) et en système AB sont très élevées (supérieures à 0,95) entre toutes les catégories. En revanche, il existe d'importants effets d'échelle. D'une façon générale, plus le milieu permet d'exprimer le potentiel génétique, plus l'index a un impact élevé sur la performance réalisée. Par exemple, un index production de 1 000 kg de lait a un effet phénotypique de +700 (pour un milieu avec un niveau de production faible) à +1 200 kg (pour un milieu avec un niveau de production élevé). Ces effets d'échelle, qui sont observés sur tous les caractères, mériteraient d'être mieux pris en compte en sélection, en particulier dans le choix des taureaux dans un élevage donné, car ils affectent les pondérations associées à chaque caractère dans l'objectif de sélection. Chez les bovins allaitants de races limousine ou charolaise, les corrélations génétiques entre caractères mesurés dans des pays différents pour le poids au sevrage sont comprises entre 0,6 et 0,9 (Pabiou et al., 2014). Les vaches de races continentales européennes avec un potentiel génétique élevé pour la croissance musculaire ont des niveaux de fertilité moindres que les races britanniques, seulement quand elles sont élevées dans les milieux les moins favorables à l’expression de leur potentiel génétique (Morris et al., 1993).

Chez les caprins et ovins laitiers, les premières études génotype × environnement ont été effectuées dans le projet européen H2020 ISAGE (Larroque et al., 2018). Elles ont donné des résultats similaires pour les deux espèces. Chez les caprins, cette étude a mobilisé plus de 100 variables issues de différentes sources telles que le contrôle laitier, Météo France ou encore l’Agence bio pour 432 élevages répartis en quatre groupes définis par analyse multivariée, en fonction de la zone de production (gradient Ouest/Est), des objectifs d'élevage (taux de matière grasse et de protéines ou rendement laitier), du système de vente (fromager ou industrie laitière), de la taille du troupeau et de l'organisation de la reproduction (hors saison ou non). Les élevages AB (seulement au nombre de 10) se retrouvaient dans tous les groupes, l’alternative AB/non AB n’étant pas discriminante. Cette étude a surtout mis en évidence des effets d’échelle (héritabilité variable selon le groupe) pour les caractères de production et des corrélations génétiques entre groupes généralement très élevées pour la production laitière (supérieure à 0,95).

b. Interactions génotype × environnement attendues sur des caractères fonctionnels : survie, fertilité, santé

S’il existe des comparaisons entre différents modes d’élevage pour ces caractères fonctionnels, les interactions génotype × environnement ont globalement été peu étudiées. On peut trouver un exemple pour des truies entre élevage en bâtiment et en plein air. Baxter et al. (2011) ont comparé une lignée de truies sélectionnées pour la survie de la naissance au sevrage, à une lignée contrôle. Des truies ayant grandi dehors ont été comparées selon qu’elles produisaient à l'intérieur en enclos individuel ou à l'extérieur : les truies témoins écrasaient plus de porcelets que les truies à survie élevée quel que soit l'environnement. À l'intérieur uniquement, les truies à survie élevée se sont cependant montrées plus agressives envers les porcelets que les truies témoins, probablement du fait d’une réaction plus vive à ce changement d’environnement. Chez les poissons, les corrélations génétiques entre systèmes conventionnels sont en moyenne de 0,54 pour la survie, chez les espèces où elle a été étudiée (Sae-Lim et al., 2016). Des interactions génotype × environnement entre élevage AB et élevage conventionnel pourraient donc exister, d'autant plus que ces faibles corrélations génétiques entre environnements différents semblent liées au fait que les facteurs affectant la survie peuvent varier entre systèmes (Vehviläinen et al., 2010). Chez les bovins laitiers, les corrélations génétiques estimées en France entre classes de troupeaux varient selon les caractères fonctionnels étudiés (la fertilité, le score cellulaire ou les mammites cliniques), avec des effets d'échelle importants pour des troupeaux fortement infectés. La corrélation génétique est par exemple très élevée pour le score cellulaire mais elle est seulement de 0,6 pour les mammites cliniques.

3. Les scénarios possibles pour des ressources génétiques AB

3.1. Organisation des programmes de sélection dans chaque filière

Pour comprendre les freins spécifiques à chaque filière pour la mise en place d’une sélection génétique adaptée à l’AB, il est nécessaire de comprendre l’organisation actuelle des programmes d’amélioration génétique (encadré 1). Ces programmes ont permis une amélioration importante des populations d’animaux d’élevage. Ces animaux sont devenus plus performants pour produire dans des conditions plus (monogastriques) ou moins (ruminants) contrôlées (Hill, 2016). Ces progrès ont reposé sur la mise en place par les acteurs de la sélection animale (éleveurs, établissements ou organismes de sélection) avec l’appui des pouvoirs publics de dispositifs élaborés de collecte de données, de gestion et de traitement des informations phénotypiques, généalogiques et génotypiques. Chez les monogastriques, les lignées sont la propriété des établissements ou des organismes de sélection. L’amélioration génétique en continu des populations repose à la fois sur i) des aspects techniques pour le choix des critères et des objectifs de sélection ainsi que pour les méthodes d’évaluation de la valeur génétique des candidats à la sélection ; ii) sur des aspects organisationnels pour collecter l’information (généalogie, génotypes et performances) et diffuser le progrès génétique, en particulier par insémination artificielle ; et iii) sur des réglementations (agrément des organismes de sélection). Ne pas tenir compte de l’ensemble de ces éléments affaiblit l’efficacité d’un programme de sélection.

3.2 Les scénarios pour offrir une génétique adaptée

Le choix d’un scénario pour l’obtention de ressources génétiques adaptées à l’AB doit être réfléchi par rapport aux programmes conventionnels actuels. Il faut, dans ce choix, tenir compte des obstacles à la réalisation d’une sélection en fermes biologiques, qui sont plus ou moins marqués selon les filières. Trois scénarios méritent d’être explorés (Nauta et al., 2003).

a. Scénario S1 - Continuer à utiliser la sélection conventionnelle

L’insémination artificielle (IA) sort la reproduction de son contexte naturel. Si le secteur AB souhaite limiter l’utilisation de l’IA, il doit prendre conscience de l’impact potentiellement négatif de ce choix sur la précision et l’intensité de la sélection, qui conditionnent le progrès génétique. Une interdiction complète de l’IA réduit la gamme des mâles reproducteurs utilisables dans les élevages AB. Ceux qui choisissent cette approche acceptent de disposer d’un choix plus restreint de mâles à utiliser en monte naturelle. Ils continuent de soutenir les organismes de sélection et centres d’IA pour accéder à un grand pool de reproducteurs. L’augmentation de la demande et le passage à plus grande échelle pourraient permettre aux établissements/organismes de sélection et centres d’IA d’accroître leurs activités pour proposer davantage de diversité. Il faut veiller, dans tous les cas, à limiter l’augmentation de la consanguinité qui peut découler de l’utilisation par les éleveurs AB d’un faible nombre de reproducteurs. Pour les porcins, les bovins et les volailles en élevage AB, l’arrêt de l’IA n’est pas envisagé de manière systématique, mais elle doit être réalisée sans recours à des hormones de synthèse chez les femelles. Pour les petits ruminants, l’abandon de l’IA revient à ajouter des contraintes dans le choix des animaux et donc à limiter l’accès aux reproducteurs élites, ce qui peut induire une réponse sous-optimale sur les caractères en commun pour les deux systèmes de production.

b. Scénario S2 - Adapter la sélection conventionnelle aux exigences de l’élevage AB

La sélection conventionnelle inclut des caractères de production et fonctionnels. Tous les types d’éleveurs tentent de réduire les intrants alimentaires, vétérinaires et de main-d’œuvre. Cette sélection tend donc à tenir compte de facteurs/paramètres agroécologiques, ce qui va réduire les disparités entre systèmes conventionnel et AB. L’effort de sélection mené jusqu’à présent a répondu à des obligations réglementaires et des considérations économiques de réduction des coûts. Les nouvelles orientations souhaitées qui vont vers plus d’agroécologie induiront des changements environnementaux et sociétaux favorables, par exemple par l’attention forte apportée au bien-être des animaux et le souci de la réduction des rejets. Pour assurer plus de convergence entre les systèmes, il faut s’appuyer sur l’objectif commun et prioritaire : accroître la robustesse des animaux. L’adaptation des programmes conventionnels est alors plus simple si les critères de sélection qui intéressent l’AB sont déjà inclus dans les objectifs de sélection. Il s’agit de définir un objectif de sélection qui se concentre sur les mêmes critères qu’en conventionnel avec des pondérations différentes pour l'AB. Des données supplémentaires sont prises en compte concernant les reproducteurs comme i) la longévité fonctionnelle de leurs ascendants, et ii) des indicateurs sur leur ferme d’origine pour tenir compte du type de ferme et de la conduite. Cette stratégie suppose de bien quantifier les interactions génotype × milieu. Même si celles-ci existent, Brandt et al. (2010) ont montré que la sélection conventionnelle pouvait quand même être plus adaptée qu’une sélection spécifique.

c. Scénario S3 – Développer une sélection spécifique fondée sur les principes de l’élevage AB

Dans ce cas de figure, toute la chaîne de production est développée en AB. Les éleveurs AB ne valorisent pas les ressources génétiques produites pour l’élevage conventionnel mais créent des dispositifs d’amélioration génétique indépendants et autonomes. Les mâles reproducteurs sont sélectionnés dans des fermes AB, élevés et testés en suivant les principes de l’AB (e. g. sans recours à l’IA). C’est un choix favorable à la diversité génétique s’il s’appuie sur différents types de fermes. Parmi les freins mentionnés pour la mise en œuvre d’un programme d’amélioration génétique adapté à l’élevage AB, Phocas et al. (2016) font référence au manque de connaissances sur l’adéquation des différentes ressources génétiques avec les besoins, en raison de la diversité des conditions et des conduites d’élevage AB. La première question concerne l'efficience technique de tels programmes en raison de la taille des populations sélectionnées et de la disponibilité de soutien technique pour les éleveurs concernés. La deuxième question concerne leur faisabilité économique : le marché est-il suffisamment grand pour que les établissements/organismes de sélection supportent le coût d'un programme de sélection supplémentaire ? Le développement de programmes de sélection en propre donne aux éleveurs AB plus d’influence dans le choix des critères de sélection à considérer. L’inconvénient majeur est qu’il faut tout développer : définition des objectifs de sélection, collecte des données, estimation des paramètres génétiques, évaluation génétique des candidats à la sélection, etc. Parce que l’amélioration est plus efficace quand elle est limitée à peu de caractères, le choix des critères de sélection prioritaires est délicat. C’est ainsi qu’a évolué la sélection en système conventionnel, passant à des objectifs de sélection élargis, une fois un niveau satisfaisant atteint sur les critères prioritaires. Aussi, la marge de progression à atteindre doit être bien calculée pour la viabilité et la rentabilité du système. Cela dépend du nombre et de la nature des critères utilisés (leur base génétique, les corrélations génétiques entre eux). La sélection qui repose uniquement sur la monte naturelle et limitée à l’échelle locale produit des animaux bien adaptés aux conditions locales mais elle requiert davantage d’expertise pour les éleveurs. La gestion des programmes par les établissements/organismes de sélection du conventionnel serait un avantage, pour s’appuyer sur leurs connaissances (voire leurs animaux) et mener les études de faisabilité.

Encadré 1. Organisation de la sélection en France dans les filières porcine, ovine, piscicole, et bovine, et spécificités des programmes actuels et possibles de sélection en AB.

3.3. Repenser les objectifs de sélection

L’objectif de sélection d’une population est une fonction des valeurs génétiques pour les caractères qui doit être améliorée pour accroître la valeur ajoutée des animaux pour l’éleveur, la filière ou tout autre niveau d’organisation (Phocas et al., 2016). Définir cette fonction procure un moyen rationnel de classer les animaux pour choisir ceux qui offrent le meilleur compromis entre plusieurs aptitudes d’intérêt économique, environnemental et/ou sociétal. Les objectifs de sélection varient largement entre les différentes filières. Par exemple, en AB, une baisse de prolificité peut être contrebalancée par la meilleure santé des truies, qui permet de rallonger la carrière reproductive, ce qui réduit le taux de renouvellement et les coûts associés. L’évolution des objectifs par rapport à ceux du conventionnel, en modifiant les pondérations relatives des différents caractères, s’explique par le fait que la sélection en milieu standard/contrôlé a conduit à des réponses corrélées défavorables sur certaines aptitudes fonctionnelles et, globalement, à une perte de robustesse des animaux et une diminution de leur résilience (Knap, 2005). Pour les poissons, Besson et al. (2016) ont défini des objectifs de sélection pour réduire les impacts environnementaux en aquaculture, sans établir de spécificité entre AB et conventionnel. En Suède, Ahlman et al. (2011) ont montré que, dans le cas des élevages de vaches laitières, la hiérarchie des causes de réforme diffère entre conventionnel et AB (santé de la mamelle pour AB et faible fertilité en conventionnel). Ceci s’explique par les contraintes sur l’usage de médicaments et la priorité donnée à valoriser l’herbe et les fourrages par rapport à la production laitière.

En AB, comme dans la majorité des systèmes d’élevage mobilisant des pratiques agroécologiques, la priorité est d’améliorer la robustesse des animaux. Les stratégies génétiques pour améliorer ce caractère ont d’abord été l’utilisation d’index multicritères, et l’étude de critères englobants tels que la longévité fonctionnelle. Une autre façon de concevoir des objectifs qui donnent la priorité à la robustesse est de travailler directement sur les compromis entre fonctions. Les travaux sur les compromis sont en plein essor. Une première approche, physiologique, consiste à utiliser des régulateurs (notamment impliqués dans l’axe corticotrope), une autre approche des outils de simulation de l’acquisition et de l’allocation des ressources (Douhard et al., 2021). Ces travaux qui en sont encore à leurs prémices (du moins ceux de modélisation) devraient permettre de sélectionner des individus capables de faire des compromis désirables dans des situations où l’environnement peut être contraignant, comme c’est le cas dans les systèmes AB.

3.4. Quelques projets testés et réalisés en AB pour une offre génétique adaptée

En suivant les différents scénarios décrits précédemment (S1, S2 et S3), des tentatives ont été menées pour développer une offre génétique adaptée à l’élevage biologique. Elles montrent des résultats encourageants mais peinent à dépasser le stade de l’expérimentation pour offrir des alternatives à plus grande échelle.

a. Porcs

La plupart des démarches pour développer une génétique porcine AB s’appuient sur l’utilisation des races conventionnelles (S1), soit en proposant des croisements originaux, soit en utilisant différemment la variabilité au sein des populations en sélection. En France, un essai a été mené par les chambres d’agriculture des Pays de la Loire (Maupertuis, 2015) pour tester un croisement de races conventionnelles (une femelle croisée Landrace × Duroc × Large White ; encadré 1) pour la mise bas en plein air. Les performances de reproduction de ces truies étaient supérieures à celles des truies témoins Large White × Landrace, avec 1,7 porcelet sevré supplémentaire. Les craintes initiales des éleveurs sur l’agressivité, la détection des chaleurs ou la composition corporelle, en lien avec la race duroc utilisée dans le croisement, n’étaient pas fondées. Malgré ces bons résultats, la percée du Duroc n’a pas eu lieu en élevage biologique et finalement aucun établissement/organisme de sélection française ne propose actuellement de truies croisées Duroc. Cette expérience montre qu’il faut s’interroger sur les actions à entreprendre pour faciliter les transitions d’un type génétique à l’autre. En effet, l’utilisation d’un type génétique adapté ne peut pas être généralisée sans une organisation de la filière de production des reproducteurs, et cette organisation ne sera sans doute pas mise en place par les organismes de sélection tant que la production AB sera marginale. Les organismes de sélection nationaux ou internationaux, mettent plutôt en œuvre une communication autour de l’adéquation de leur génétique aux contraintes de l’élevage AB et soutiennent l’installation de multiplicateurs AB pour fournir le marché.

En Suisse, la plupart des éleveurs AB adhèrent à l’utilisation d’animaux issus d’un programme de sélection conventionnel opéré par SUISAG, organisme de sélection génétique leader dans ce pays. À leur demande, SUISAG a proposé un nouvel index global de la valeur génétique des reproducteurs, appelé Bio-index. Pour ce Bio-index, les critères de sélection ont une pondération différente par rapport à l’index synthétique conventionnel, et ce dans les deux races maternelles large white et landrace. Dans le Bio-index, l’accent est mis sur le nombre de tétines et la qualité des aplombs. La corrélation entre la valeur globale standard et le Bio-Index est cependant très élevée, 0,80 pour le Large White et 0,94 pour le Landrace (Hofer, 2017). Cet index peut être utilisé pour le choix des reproducteurs pour la multiplication ou l’autorenouvellement, ce qui correspond au scénario S1 puisqu’il n’est pas utilisé pour la sélection. Les deux lignées continuent d’être sélectionnées en partie sur la taille de portée.

Plus récemment, Canario et al. (2022) ont évalué la possibilité d’améliorer la production de porcelets en système AB à travers une sélection des verrats issus du programme conventionnel Large White (S1), qui ont été indexés pour cet objectif sur le potentiel génétique pour la survie postnatale. Les futures reproductrices ont été choisies selon leurs performances zootechniques et comportementales en AB (S2).

En Suisse encore, afin d’offrir un type génétique porcin alternatif (une nouvelle lignée, S3), 20 éleveurs se sont rassemblés pour organiser des croisements rotatifs entre cinq races (une race locale suisse, trois races locales de pays européens voisins, une race conventionnelle) (Puls, 2021). L’accès aux populations des autres pays était parfois compliqué par des restrictions sanitaires. Ce type d’initiative a requis d'une part, une bonne coordination pour organiser le choix des reproducteurs et programmer les accouplements, et d'autre part une bonne adhésion des participants (ils n’ont pas d’obligation à suivre les conseils du coordinateur central). La principale limite du dispositif est le faible nombre de reproducteurs, ce qui restreint les possibilités de sélection. Les coûts de la coordination s’appuient sur des fonds publics dont l’obtention n’est pas toujours garantie d’une année à l’autre. Enfin, l’hétérogénéité des produits a amené quelques difficultés dans la valorisation des animaux, surtout lorsque les débouchés ne sont pas réalisés en vente directe. Les enregistrements réalisés par les éleveurs restent limités, le recours à l’IA, notamment pour alimenter le schéma de croisement avec des verrats étrangers, perdure.

En Allemagne, une étude sur la race locale « Swabian-Hall Landrace » a montré qu’il était possible de collecter des informations dans des élevages AB (ou alternatifs) afin d’estimer des paramètres génétiques dans cette population sur des caractères de reproduction et de conformation, ce qui ouvre la voie à la mise en place d’un programme d’amélioration génétique adapté (S3) (Bohlouli et al., 2023).

b. Bovins laitiers

La sélection AB a déjà été tentée mais sans aboutir à une véritable proposition (Nauta et al., 2003). Jusqu’à présent aucune stratégie ne semble avoir été adoptée massivement dans les troupeaux AB et les producteurs continuent d'expérimenter, en utilisant des races conventionnelles, en races pures, en croisements, et avec des races locales (Rodríguez-Bermúdez et al., 2019).

Dans certains pays, des index spécifiques ont été développés pour les races laitières à partir de priorités définies par les éleveurs en AB ; c’est le cas de l’index Valeur d’élevage globale écologique utilisé en Suisse depuis 2000 (Haas & Bapst, 2004) ou de l’index proposé en Ontario en 2006 qui mettaient plus de poids sur les caractères fonctionnels (Rozzi et al., 2007). Mais le poids accordé à ces caractères ayant augmenté dans les évaluations conventionnelles, le Bio-index a été abandonné (Fric & Spengler Neff, 2014). Ces travaux découlent de poids économiques de chaque caractère qui sont en proportion peu différents entre conventionnel et AB (S2). On pourrait imaginer cependant que ces différences soient plus marquées si on incluait davantage les contraintes de pâturage et de saisonnement (recherche d'une fertilité élevée et d'un format réduit), la volonté forte de limiter les réformes, les effets d'échelle des index (l’effet attendu est d'autant plus fort que le milieu est favorable à l'expression).

Une voie insuffisamment explorée est celle de l’utilisation des croisements qui pourrait être accrue dans les troupeaux laitiers AB (S1). Une expérience avec plusieurs croisements sur plus de trois générations a montré que la Holstein peut être croisée avec la Montbéliarde, race laitière moins spécialisée mais à meilleur niveau de fertilité et de développement musculaire. La femelle croisée peut être accouplée avec la Rouge Nordique, aux bonnes caractéristiques sanitaires (Hazel et al., 2021). Le croisement rotatif entre ces trois races exploite bien leur complémentarité, tout en bénéficiant par la voie mâle du progrès génétique réalisé dans chaque race. Pour les exploitations où le climat permet de pâturer toute l'année, la Jersiaise pourrait remplacer la Montbéliarde dans ce croisement pour donner des animaux plus adaptés aux systèmes herbagers. Le croisement rotatif est assez rapide (à l'échelle de la génétique bovine), la première génération F1 est généralement très attractive, l'effet d'hétérosis est bien maintenu lors des générations suivantes (Dezetter et al., 2014) et la consanguinité supprimée pour plusieurs générations. Le fort inconvénient actuel est l'absence d'outils génétiques et génomiques de pilotage de ce type de croisement (pas d'index, pas de plans d'accouplements). L’éleveur doit se débrouiller seul. Et la réglementation française de la sélection bovine ne favorise pas l'expansion du croisement puisqu’elle impose que les taureaux de monte publique soient de race pure.

c. Petits ruminants

Des organismes de sélection ont déjà engagé une démarche vers les éleveurs AB pour définir leur contribution aux programmes de sélection nationaux (S2). Pour la race lacaune lait, une dizaine d’éleveurs, anciens sélectionneurs ou utilisateurs de béliers issus du noyau de sélection, se sont structurés pour réaliser du contrôle laitier officiel bio sur la base d’un règlement technique partagé. La reproduction est réalisée avec des mâles sélectionnés (index génomique). Leur taux de renouvellement est élevé pour conserver un niveau génétique proche de celui des sélectionneurs en conventionnel et limiter les accouplements entre apparentés. Les éleveurs peuvent s’appuyer (en cas de luttes réalisées avec plusieurs mâles) sur l’assignation de parenté par marqueurs moléculaires pour disposer de pedigree complet. L’objectif est de structurer un groupe d’acteurs AB et de suivre l’évolution de leur proximité génétique avec les acteurs du conventionnel et leur capacité à contribuer à la sélection des mâles de la race. Les organisations dépendront de l’évolution du nombre d’éleveurs engagés en AB et des alternatives à l’utilisation des hormones pour la maîtrise de la reproduction par insémination. L’amélioration des résultats techniques de l’insémination sur œstrus naturel (tant en termes de fertilité qu’en simplicité de mise en œuvre) entrouvrirait la possibilité aux éleveurs AB d’utiliser du matériel génétique issu du programme de sélection, voire de contribuer directement à ces programmes. Pour le cheptel ovin allaitant, les programmes de sélection sont de petite taille. La coexistence de programmes AB et non AB aurait donc des incidences économiques voire génétiques défavorables, ce qui rend cette orientation peu probable.

3.5. Génétique et changement d’échelle

a. À l’échelle de l’élevage ou du territoire

Le scénario S3, décrit d’après Nauta et al. (2003), peut se décliner à plusieurs échelles avec des exigences organisationnelles différentes. Les premiers niveaux sont : i) une sélection en ferme, où chaque ferme opère une gestion familiale de son troupeau (les interactions entre le génotype et l’environnement n’ont alors plus aucun effet) ; et ii) une sélection territoriale, où l’élevage et la sélection se cantonnent à une région, avec des mâles produits dans des fermes AB et diffusés dans les autres élevages de la région, aux conditions de production similaires. Ces échelles réduisent la dépendance des éleveurs vis-à-vis des établissements ou organismes de sélection et permettent d’améliorer la diversité, avec notamment le recours aux races locales.

La sélection intraferme a une efficacité très limitée voire inexistante suivant les caractères sélectionnés et la taille de l’élevage. Elle pourrait théoriquement être réalisable dans de (très) grandes fermes. Cependant, la taille des cheptels des élevages AB est généralement plus petite que celle des élevages conventionnels (Agence Bio, 2022).

Les exploitations avec de petites populations, ayant peu de reproducteurs, pourraient être dans une situation intermédiaire entre la ferme et le territoire, avec un approvisionnement partiel en animaux auprès d'unités de production AB plus grandes et spécialisées. Ce choix de dépendance pourrait être enrichi si les éleveurs assurent un tri raisonné de leurs femelles reproductrices. Il s’agit alors d’aider les éleveurs à optimiser la gestion du renouvellement des femelles pour garder les plus prometteuses.

Au niveau territorial, la démarche est nécessairement collective, et les éleveurs de la région coopèrent par la mise en commun des mâles reproducteurs qui proviennent de différentes fermes. Les femelles de chaque élevage sont saillies naturellement ou par IA. Les éleveurs utilisent la diversité génétique pour que les animaux élevés soient adaptés aux conditions spécifiques de l'exploitation (ex. type de sol). L’objectif de sélection est élaboré en commun. La démarche appliquée à plusieurs élevages permet les flux génétiques et de définir une offre uniforme. À l'échelle de l’exploitation, l'éleveur cherche à mettre en phase la vie du troupeau avec la disponibilité souvent saisonnée des ressources alimentaires (via les cycles de reproduction des femelles et la complémentarité entre types d’animaux). Cette approche nécessite cependant de définir le périmètre du territoire. Dans certains cas, il peut être défini par la présence de races locales.

Que ce soit à l’échelle de la ferme ou du territoire, favoriser les races adaptées aux conditions locales semble être la stratégie la plus évidente et la plus pertinente. Opter pour une race locale implique que certains élevages s’investissent dans la conservation des animaux en race pure et la gestion de la race, et de se positionner sur l’utilisation ou non du croisement. Toutefois, tous les territoires n’ont pas leur race locale « emblématique ». Sachant que la gestion des populations animales et la sélection sont construites sur des logiques d’espèces, une approche territoriale pourrait favoriser les synergies entre espèces non seulement à l’échelle de l’exploitation mais aussi pour faire émerger des trajectoires de création ou d’amélioration de types génétiques adaptés. La réussite d’une sélection et gestion des populations à cette échelle repose sur la capacité des participants à construire un consensus sur l’objectif à atteindre et sur les aptitudes des éleveurs à documenter des caractères d’intérêt et à maîtriser leurs plans d’accouplement. Dans tous les cas, cela nécessite de concevoir, à cette échelle, des systèmes d’information multi-espèces, d’échanges d’animaux et de références techniques.

b. Des programmes de sélection AB à l’échelle nationale et internationale ?

En conventionnel, hormis pour les poissons dont le développement est plus récent, l’amélioration génétique des filières s’est structurée au niveau national ou international, pour obtenir une sélection efficace.

Pour les ovins allaitants, bien que l’accumulation de références en élevages AB serait nécessaire pour véritablement conclure sur ce point, les types génétiques utilisés et les premiers résultats visant à quantifier les interactions génotype × environnement n’ont pas pu mettre en évidence de spécificités des élevages AB par rapport aux élevages conventionnels en termes d’utilisation des ressources génétiques. Mais pour les races dont les programmes sont basés sur l’insémination, l’évolution des pratiques de reproduction (IA sur œstrus naturel) tant en élevages conventionnels qu’en AB sera déterminante pour la contribution des élevages AB aux programmes de sélection et pour le transfert des gains génétiques du noyau de sélection vers les élevages AB commerciaux. Pour les races dont les programmes sont fondés sur l’utilisation exclusive de la monte naturelle, l’approvisionnement en animaux AB pour le renouvellement des troupeaux exclut, de facto, la possibilité d’une participation conjointe des éleveurs AB et non AB au programme de sélection puisque les mâles ne pourront plus être échangés entre les deux systèmes d’élevage. Cela risque au final de fragiliser ces programmes de sélection qui sont déjà moins efficaces que ceux fondés sur l’insémination.

Pour d’autres espèces, on peut concevoir le développement d’une sélection AB du type S2 ou S3, qui s’appuie sur l’organisation actuelle. En élevage bovin, la sélection génomique est très efficace si elle repose sur une population de référence (phénotypée et génotypée) de taille suffisante (plusieurs milliers ou quelques dizaines de milliers d'animaux). Nationalement ou internationalement, ce nombre est facilement accessible à l'AB, au moins dans les races aux plus larges effectifs, si un nombre suffisant d'éleveurs adhère au contrôle de performances. Le coût d'un taureau évalué par la génomique est raisonnable et peut être amorti avec quelques milliers d'inséminations, ce qui autorise à augmenter le nombre de taureaux proposés. Ceci est favorable au maintien de la variabilité génétique. D'un point de vue organisationnel, les éleveurs laitiers en AB pratiquent l'insémination, ils sont donc membres de leur entreprise coopérative et peuvent faire entendre leur voix. S'ils s'accordent sur un objectif de sélection et garantissent un marché de semences suffisant à leur organisme de sélection, rien ne s'oppose à la différenciation d'un programme de sélection spécifique AB. On peut aussi aller vers plus d’importance accordée à la voie femelle pour compenser les difficultés à exploiter la voie mâle en AB du fait des limitations fortes de recours à l’IA.

Conclusion

La sélection des races dites « internationales », dont l’objectif principal est de répondre aux besoins des éleveurs conventionnels, a accompagné l’homogénéisation des modes d’élevage et la domination de certains types génétiques, que ce soit au niveau national ou international. Même si ces ressources génétiques peuvent être utilisées en élevage AB, il est clair que de nouveaux besoins émergent en matière de diversité génétique, avec une mise en avant des concepts d’adaptation, de robustesse, de résilience, mais aussi de comportement, en lien avec des conditions d’élevage différentes incluant un maximum de plein air. L’une des clés pour répondre à ces nouveaux besoins est l’acquisition de connaissances sur les caractères d’intérêt en conditions d’élevage AB et la mise en place d’une collecte d’informations en routine sans laquelle aucune amélioration génétique n’est envisageable. Les sources de données qui existent déjà doivent être mobilisées. À court terme, le plus efficient pour toutes les filières, au-delà d’une simple coexistence, sera d’aller vers des interactions, avec des flux génétiques, qui amènent à des bénéfices réciproques pour les élevages AB et conventionnel. D’autres voies d’amélioration restent à explorer pour contribuer à une offre génétique pour l’élevage AB. Une partie des capacités d’adaptation des animaux passe par l’apprentissage des jeunes au contact de leur mère (comportement des mammifères) d’où un gain attendu à donner plus de poids aux informations sur les mères et grand-mères des mâles reproducteurs. Cette transmission verticale non génétique des caractères des parents à la progéniture a été démontrée notamment chez les moutons avec des processus d’automédication transmis entre générations (Sanga et al., 2011). Elle peut être prise en compte dans l’analyse de caractères pour mieux identifier de combien ils dépendent de la génétique (David et al., 2019).

Références

  • Adámek, Z., Mössmer, M., & Hauber, M. (2019). Current principles and issues affecting organic carp (Cyprinus carpio) pond farming. Aquaculture, 512, 734261. doi:10.1016/j.aquaculture.2019.734261
  • Agence Bio. (2022). Observatoire national des données de production bio. Retrieved from https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/observatoire-de-la-production-bio/observatoire-de-la-production-bio-nationale/
  • Aguerre, S., Jacquiet, P., Brodier, H., Bournazel, J.-P., Grisez, C., Prévot, F., Michot, L., Fidelle, F., Astruc, J.M., & Moreno, C.R. (2018). Resistance to gastrointestinal nematodes in dairy sheep: Genetic variability and relevance of artificial infection of nucleus rams to select for resistant ewes on farms. Veterinary Parasitology, 256, 16-23. doi:10.1016/j.vetpar.2018.04.004
  • Ahlman, T., Berglund, B., Rydhmer, L., & Strandberg E. (2011). Culling reasons in organic and conventional dairy herds and genotype by environment interaction for longevity. Journal of Dairy Science, 94(3), 1568-1575. doi:10.3168/jds.2010-3483
  • Bacciu, N., Bed'Hom, B., Filangi, O., Romé, H., Gourichon, D., Répérant, J.-M., Le Roy, P., Pinard-van der Laan, M.-H., & Demeure, O. (2014). QTL detection for coccidiosis (Eimeria tenella) resistance in a Fayoumi × Leghorn F2 cross, using a medium-density SNP panel. Genetics Selection Evolution, 46, 14. doi:10.1186/1297-9686-46-14
  • Balon, E. K. (1995). The common carp, Cyprinus carpio: its wild origin, domestication in aquaculture, and selection as colored nishikigoi. Guelph Ichthyology Reviews, 3, 1-55. https://journal.lib.uoguelph.ca/index.php/gir/article/view/23
  • Baxter, E., Jarvis, S., Sherwood, L., Farish, M., Roehe, R., Lawrence, A. B., & Edwards S. A. (2011). Genetic and environmental effects on piglet survival and maternal behaviour of the farrowing sow. Applied Animal Behaviour Science, 130(1-2), 28-41. doi:10.1016/j.applanim.2010.11.020
  • Bayer, E., von Meyer-Höfer, M., & Kühl, S. (2023). Hotspot analysis for organic laying hen husbandry—identification of sustainability problems as potential risk points to lose consumers’ trust. Organic Agriculture, 13, 261-292. doi:10.1007/s13165-023-00426-5
  • Bécot, L., Bédère, N., Coton, J., Burlot, T., & Le Roy, P. (2023). Nest preference and laying duration traits to select against floor eggs in laying hens. Genetics Selection Evolution, 55, 8. doi:10.1186/s12711-023-00780-8
  • Bédère, N., Bécot, L., Burlot, T., & Le Roy, P. (2022). No G×E on egg qualities and body weight between cage and floor systems, implications for breeding programmes in laying hens. In R.F. Veerkamp & Y. de Haas (Eds.), Proceedings of 12th World congress on Genetics Applied to Livestock Production (pp. 2483-2486). Retrieved from doi:10.3920/978-90-8686-940-4_600
  • Berry, D. P., Shalloo, L., Cromie, A. R., Veerkamp, R. F., Dillon, P., Am, P. D., Keraney, J. F., Evans, R. D., & Wickham, B. (2007). The economic breeding index: a generation on. Technical report to the Irish Cattle Breeding Federation, https://www.icbf.com/wp-content/uploads/2013/06/economic_breeding_index.pdf
  • Besson, M., Aubin, J., Komen, H., Poelman, M., Quillet, E., Vandeputte, M., Van Arendonk, J. A. M., & De Boer, I. J. M. (2016). Environmental impacts of genetic improvement of growth rate and feed conversion ratio in fish farming under rearing density and nitrogen output limitations. Journal of Cleaner Production, 116, 100-109. doi:10.1016/j.jclepro.2015.12.084
  • Besson, M., Allal, F., Chatain, B., Vergnet, A., Clota, F., & Vandeputte, M. (2019). Combining individual phenotypes of feed intake with genomic data to improve feed efficiency in sea bass. Frontiers in Genetics, 10. doi:10.3389/fgene.2019.00219
  • Bidanel, J.-P., Silalahi, P., Tribout, T., Canario, L., Ducos, A., Garreau, H., Gilbert, H., Larzul, C., Milan, D., Riquet, J., Schwob, S., Mercat, M.-J., Hassenfratz, C., Bouquet, A., Bazin, C., & Bidanel, J. (2020). Cinquante années d’amélioration génétique du porc en France : bilan et perspectives. INRAE Productions Animales, 33(1), 1-16. doi:10.20870/productions-animales.2020.33.1.3092
  • Bohlouli, M., Brandt, H., & König, S. (2023). Genetic parameters for linear conformation, stayability, performance and reproduction traits in German local Swabian-Hall landrace sows. Journal of Animal Breeding and Genetics, 140(2), 144-157. doi:10.1111/jbg.12743
  • Bowman, J.C. (1972). Genotype × environment interactions. Annales de génétique et de sélection animale, 4(1), 117-123. doi:10.1186/1297-9686-4-1-117
  • Brandt, H., Werner, D. N., Baulain, U., Brade, W., & Weissmann, F. (2010). Genotype–environment interactions for growth and carcass traits in different pig breeds kept under conventional and organic production systems. Animal, 4(4), 535-544. doi:10.1017/S1751731109991509
  • Breton, B., Quillet, E., & Jalabert, B. (1996). Contrôle de la reproduction et du sexe chez les poissons d’élevage. In F. Grosclaude, Y. Geay & M.-H. Farce (Coord.), INRA Productions Animales : Vol.9(HS) Hors-série : 50 ans de recherches en productions animales (pp. 17-26). doi:10.1017/S1751731109991509
  • Cameron, N.D. (1993). Methodologies for estimation of genotype with environment interaction. Livestock Production Science, 35(3-4), 237-249. doi:10.1016/0301-6226(93)90095-Y
  • Canario, L., Mignon-Grasteau, S., Dupont-Nivet, M., & Phocas, F. (2013). Génétique de l’adaptation comportementale des animaux aux conditions d’élevage : le cas des productions bovines, porcines, avicoles et aquacoles. INRA Productions Animales, 26(1), 35-50. doi:10.20870/productions-animales.2013.26.1.3134
  • Canario, L., Ferchaud, S., Moreau, S., Larzul, C., & Prunier, A. (2022). La génétique Large White en élevage biologique : influence du blocage temporaire des truies autour de la mise-bas sur la survie des porcelets. Journées Recherche Porcine, 54, 25-30. https://www.journees-recherche-porcine.com/texte/2022/genetique/g05.pdf
  • Canario, L., Bailly, J., Reignier, S., Poupin, M., Billon, Y., & Hébrard, W. (2023). Stability of performance in sows switching between crate and pen from one parity to the next. Book of Abstracts of Annual Meeting of the European Federation of Animal Science, 74, 245. https://hal.inrae.fr/hal-04197727v1
  • Carracelas, E., Navajas, A., Vera, B., & Ciappesoni, G. (2022). Genome-wide association study of parasite resistance to gastrointestinal nematodes in Corriedale sheep. Genes, 13(9), 1548. doi:10.3390/genes13091548
  • Chen, Y., Tibbs-Cortes, L. E., Ashley, C., Putz, A. M., Lim, K.-S., Dyck, M. K., Fortin, F., Plastow, G. S., Dekkers, J. C. M., Harding, J. C. S., & PigGen Canada (2020). The genetic basis of natural antibody titers of young healthy pigs and relationships with disease resilience. BMC Genomics, 21, 648. doi:10.1186/s12864-020-06994-0
  • CIVAM 29. (2018). Réflexion pour un élevage de porc blanc de l’ouest autonome et économe. https://collectifs-agroecologie.fr/fileadmin/user_upload/National/187_eve-CollectifsAgroecologie/Documents/Bretagne/Porc_Blanc_de_l_Ouest_Bilan_Civam_29.pdf
  • David, I., Canario, L., Combes, S., & Demars, J. (2019). Intergenerational transmission of characters through genetics, epigenetics, microbiota, and learning in livestock. Frontiers in Genetics, 10. doi:10.3389/fgene.2019.01058
  • Dezetter, C., Leclerc, H., Mattalia-Elie, S., Barbat, A., Boichard, D., & Ducrocq, V. (2014). Estimation des effets de la consanguinité et du croisement pour les caractères de production chez les vaches de race Prim’Holstein, Montbéliarde et Normande. Rencontres Recherches Ruminants, 21, 233-236. https://www.journees3r.fr/spip.php?article3810
  • Douhard, F., Douhard, M., Gilbert, H., Monget, P., Gaillard, J.-M., & Lemaître, J.-F. (2021). How much energetic trade‐offs limit selection? Insights from livestock and related laboratory model species. Evolutionary Applications, 14(12), 2726-2749. doi:10.1111/eva.13320
  • Ducos, A., Douhard, F., Savietto, D., Sautier, M., Fillon, V., Gunia, M., Rupp, R., Moreno-Romieux, C., Mignon-Grasteau, S., Gilbert, H., & Fortun-Lamothe, L. (2021). Contributions de la génétique animale à la transition agroécologique des systèmes d’élevage. INRAE Productions Animales, 34(2), 79-96. doi:10.20870/productions-animales.2021.34.2.4773
  • EUMOFA (2022). Organic aquaculture in the EU: current situation, drivers, barriers, potential for growth – EU Publications Office. doi:10.2771/327564
  • Fidelle, F., & Astruc, J.M. (2021). La résistance génétique : une stratégie d’avenir. In O. Sallato & L. Sagot (Coord.), La résistance génétique : une stratégie d’avenir ; Recueil de Assises Ovines, 14-15. https://idele.fr/detail-article/recueil-des-communications-des-assises-ovines-du-12-octobre-2021
  • Fric, D., & Spengler Neff, A. (2014). Adéquation de l’élevage aux conditions locales. Actes des Journées Techniques Sélection animale en AB, Châteauroux, 45-53. https://abiodoc.docressources.fr/doc_num.php?explnum_id=3816
  • Friggens, N.C., Blanc, F., Berry, D.P., & Puillet, L. (2017). Review: Deciphering animal robustness. A synthesis to facilitate its use in livestock breeding and management. Animal, 11(12), 2237-2251. doi:10.1017/S175173111700088X
  • Gjedrem, T. (2015). Disease resistant fish and shellfish are within reach: a review. Journal of Marine Science and Engineering, 3(1), 146–153. doi:10.3390/jmse3010146
  • Goscianski, C. (2022). État des lieux des types génétiques femelles dans la filière porcine biologique ligérienne. L’agriculture biologique en Pays de la Loire, 169. https://rd-pays-de-la-loire.chambres-agriculture.fr/publications/toutes-les-publications/detail-publication/actualites/etat-des-lieux-des-types-genetiques-femelles-dans-la-filiere-porcine-biologique-ligerienne-projet/
  • Guerrier, J., Experton, C., Patin, S., & Phocas F. (2013). Projet OSIRIS : objectifs de sélection innovants en ruminants et indices de synthèse. Rencontres Recherches Ruminants, 20, 142. https://www.journees3r.fr/IMG/pdf/Texte_5_affiche_objectifs_selection_J_Guerrier.pdf
  • Haas, E., & Bapst, B. (2004). Swiss organic farmer survey: which path for the organic cow in the future? In M. Hovi, A. Sundrum & S. Padel (Eds.), Organic livestock farming: potential and limitations of husbandry practice to secure animal health and welfare and food quality, Proceedings of the 2nd SAFO Workshop, 35-41. http://orgprints.org/00003168/
  • Hazel, A. R., Heins, B. J., & Hansen, L. B. (2021). Herd life, lifetime production, and profitability of Viking Red-sired and Montbéliarde-sired crossbred cows compared with their Holstein herdmates. Journal of Dairy Science, 104(3), 3261-3277. doi:10.3168/jds.2020-19137
  • Hill, W.G. (2016). Is continued genetic improvement of livestock sustainable? Genetics, 202(3), 877-881. doi:10.1534/genetics.115.186650
  • Hofer, A. (2017). Bio-Index für Mutterlinien von KB-Ebern der Suisag. Retrieved from BioAktuell.ch. https://www.bioaktuell.ch/tierhaltung/schweine/zuchtsauen/bio-index-eber.html
  • Horan, B., Mee, J. E., O'Connor, P., Rath, M. & Dillon, P. (2004). The effect of strain of Holstein-Friesian cow and feeding system on postpartum ovarian function, animal production and conception rate to first service. Theriogenology, 63(3), 950-71. doi:10.1016/j.theriogenology.2004.05.014
  • Idele (2022). Bilan d’indexation des races bovines laitières - Résultats 2022. Collection Résultats, CR N° 0023203026. https://idele.fr/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2Fef010d05-7974-4d6a-84a3-2ddc3a660b59&cHash=6eecdaea2fdfcf4bb546fe80fdf0342c
  • Idele (2023). Les chiffres du GEB, Ovins 2023. https://idele.fr/inosys-reseaux-elevage/?eID=cmis_download&oID=workspace%3A%2F%2FSpacesStore%2F157777df-569b-43e4-a4cc-0a2c82316a97&cHash=95e2e9afa57ffbd814ea0db42bb700b5
  • Ithurbide, M., Huau, C., Palhière, I., Fassier, T., Friggens, N. C., & Rupp. R. (2022). Selection on functional longevity in a commercial population of dairy goats translates into significant differences in longevity in a common farm environment. Journal of Dairy Science, 105(5), 4289-4300. doi:10.3168/jds.2021-21222
  • Knap, P. W. (2005). Breeding robust pigs. Australian Journal of Experimental Agriculture, 45(8), 763-773. doi:10.1071/EA05041
  • König, S., & Hensel, O. (2015). Project 2-Org-Cows: In Richtung eines präventiven Gesundheitsmanagements für heimische Zweinutzungsrinder in ökologischen Weideproduktionssystemen mittels neuartiger Zuchtstrategien auf Basis von innovativen Datenerfassungssystemen (Verbundvorhaben), Runs 2015-2018. https://orgprints.org/id/eprint/28667/
  • Lagarde, H. (2023). Mieux comprendre les composantes des résistances à l’hyperthermie et à l’hypoxie aiguës chez la truite arc-en-ciel, à des fins de sélection (Thèse de doctorat), Université Paris-Saclay. https://theses.fr/2023UPASB070
  • Larroque, H., Lagriffoul, G., Combasteix, A., Astruc, J.-M., Hazard, D., Rolland, A., & Palhière, I. (2018). Characterization of dairy sheep and goats production systems in France: first step for a GxE study. Book of Abstracts of Annual Meeting of the European Federation of Animal Science, 69. https://hal.inrae.fr/hal-02735582
  • Le Boucher, R., Dupont-Nivet, M., Laureau, S., Labbé, L., Geurden, I., Médale, F., Chatain, B., Vandeputte, M., & Quillet, E. (2013). Amélioration génétique et utilisation des aliments à base de végétaux en pisciculture. INRA Productions Animales, 26(4), 317-326. doi:10.20870/productions-animales.2013.26.4.3160
  • Leenhouwers, J. I., & Merks, J. W. M. (2013). Suitability of traditional and conventional pig breeds in organic and low-input production systems in Europe: Survey results and a review of literature. Animal Genetic Resources, 53, 169-184. doi:10.1017/S2078633612000446
  • Le Roy, P., Ducos, A., & Phocas, F. (2019). Quelles performances pour les animaux de demain ? Objectifs et méthodes de sélection. INRA Productions Animales, 32(2), 233-246. doi:10.20870/productions-animales.2019.32.2.2466
  • Maupertuis, F. (2015). Performances d’une lignée 3 voies à base de Duroc dans les conditions du naissage plein air biologique. L’agriculture biologique en Pays de la Loire, 135. https://produire-porc-bio.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Bretagne/186_Eve-secuporcbio/Publications/2015-depliant-performance-lignee3-voies-duroc-agriculture-bio.pdf
  • Merks, J. W. M., Mathur, P. K., & Knol, E. F. (2012). New phenotypes for new breeding goals in pigs. Animal, 6(4), 535-543. doi:10.1017/S1751731111002266
  • Morris, C. A., Baker, R. L., Hickey, S. M., Johnson, D. L., Cullen, N. G., & Wilson, J. A. (1993). Evidence of genotype by environment interaction for reproductive and maternal traits in beef cattle. Animal Production, 56(1), 69-83. doi:10.1017/S0003356100006176
  • Mulder, H. A., Veerkamp, R. F., Ducro, B. J., van Arendonk, J. A. M., & Bijma, P. (2006). Optimization of dairy cattle breeding programs for different environments with genotype by environment interaction. Journal of Dairy Science, 89(5), 1740-1752. doi:10.3168/jds.S0022-0302(06)72242-1
  • Nauta,W. J., Groen, A., Roep, D., Veerkamp, R. F., & Baars, T. (2003). Vision of breeding for organic agriculture – Louis Bolk Instituut. https://edepot.wur.nl/11551
  • Pabiou, T., Nilforooshan, M., Laloë, D., Hjerpe, E., & Venot, E. (2014). Across country genetic parameters in beef cattle for interbeef weaning weight genetic evaluation. Proceedings of world congress on genetics applied to livestock production, 10. http://www.wcgalp.org/system/files/proceedings/2014/across-country-genetic-parameters-beef-cattle-interbeef-weaning-weight-genetic-evaluation.pdf
  • Palacios, E., Carreno, D., Rodríguez-Jaramillo, M. C., Racotta, I. S. (1999). Effect of eyestalk ablation on maturation, larval performance, and biochemistry of White pacific shrimp, Penaeus vannamei, Broodstock. Journal of Applied Aquaculture, 9(3), 1-23. doi:10.1300/J028v09n03_01
  • Phocas, F., Belloc, C., Bidanel, J., Delaby, L., Dourmad, J.-Y., Dumont, … Brochard, M. (2016). Review: Towards the agroecological management of ruminants, pigs and poultry through the development of sustainable breeding programs: I-selection goals and criteria. Animal, 10(11), 1749-1759. doi:10.1017/S1751731116000926
  • Phocas, F., Belloc, C., Bidanel, J., Delaby, L., Dourmad, J.-Y., Dumont, B., … Brochard, M. (2017). Quels programmes d’amélioration génétique des animaux pour des systèmes d’élevage agro-écologiques ? INRA Productions Animales, 30(1), 31-46. doi:10.20870/productions-animales.2017.30.1.2232
  • Prunier, A., & Lebret, B. (2009). La production biologique de porcs en France : caractéristiques des élevages, impacts sur la santé, le bien-être et la qualité des produits. In J.-M. Perez (Coord.), INRA Productions Animales : Vol.22(3) Numéro spécial : Élevage bio (pp. 179-188). doi:10.20870/productions-animales.2009.22.3.3344
  • Puls, S. (2021). Promoting and inhibiting factors for the establishment of organic animal breeding - an exploratory study on initiatives from Germany and Switzerland (Master’s thesis). University of Oldenburg. Retrieved from https://zenodo.org/records/4897707
  • Quillet, E., Aubard, G., & Quéau, I. (2002). Mutation in a sex-determining gene in rainbow trout: detection and genetic analysis. Journal of Heredity, 93(2), 91-99. doi:10.1093/jhered/93.2.91
  • Ren, S., Mather, P. B., Prentis, P., Li, Y., Tang, B., & Hurwood, D. A. (2020). Quantitative genetic assessment of female reproductive traits in a domesticated pacific white shrimp (Penaeus vannamei) line in China. Scientific Reports, 10, 7840. doi:10.1038/s41598-020-64597-x
  • Rodríguez-Bermúdez, R., Miranda, M., Baudracco, J., Fouz, R., Pereira, V., López-Alonso, M. (2019). Breeding for organic dairy farming: what types of cows are needed? Journal of Dairy Research, 86(1), 3-12. doi:10.1017/S0022029919000141
  • Rozzi, P., Miglior, F., & Hand, K. J. (2007). A total merit selection index for Ontario organic dairy farmers. Journal of Dairy Science, 90(3), 1584-1593. doi:10.3168/jds.S0022-0302(07)71644-2
  • Sae-Lim, P., Gjerde, B., Nielsen, H. M., Mulder, H., & Kause, A. (2016). A review of genotype-by-environment interaction and micro-environmental sensitivity in aquaculture species. Reviews in Aquaculture, 8(4), 369-393. doi:10.1111/raq.12098
  • Sanga, U., Provenza, F. D., & Villalba, J.J. (2011). Transmission of self-medicative behaviour from mother to offspring in sheep. Animal Behaviour, 82(2), 219–227. doi:10.1016/j.anbehav.2011.04.016
  • Sauvant, D., & Martin, O. (2010). Robustesse, rusticité, flexibilité, plasticité… les nouveaux critères de qualité des animaux et des systèmes d’élevage : définitions systémique et biologique des différents concepts. In D. Sauvant & J.M. Perez (Coord.), INRA Productions Animales : Vol.23(1) Dossier : Robustesse, rusticité, flexibilité, plasticité, résilience... les nouveaux critères de qualité des animaux et des systèmes d'élevage (pp. 5-10). doi:10.20870/productions-animales.2010.23.1.3280
  • Sölkner, J., Grausgruber, H., Okeyo, A. M., Ruckenbauer, P., & Wurzinger, M. (2008). Breeding objectives and the relative importance of traits in plant and animal breeding: a comparative review. Euphytica, 161, 273-282. doi:10.1007/s10681-007-9507-2
  • Sundrum, A., Goebel, A., Bochicchio, D., Bonde, M., Bourgoin, A., Cartaud, G., … Wiberg, S. (2011). Epidemiological study concerning the characteristics of organic pig farming in selected European countries – CORE Organic project Nr 1904. https://hal.inrae.fr/hal-02809597
  • Thanh-Son, T., Beaumont, C., Nigel, S., Fife, M., Kaiser, P., Le Bihan-Duval, E., … Calenge, F. (2012). A maximum likelihood QTL analysis reveals common genome regions controlling resistance to Salmonella colonization and carrier-state. BMC Genomics, 13, 198. doi:10.1186/1471-2164-13-198
  • Vehviläinen, H., Kause, A., Koskinen, H., & Paananen, T. (2010). Genetic architecture of rainbow trout survival from egg to adult. Genetic Research, 92(1), 1-11. doi:10.1017/S0016672310000017
  • Verrier, E., Badeau, F., Basso, B., Bertrand, C., Boudry, P., Bouffartigue, B., … Vandeputte, M. (2023). Actualisation des listes de races menacées chez les mammifères de ferme et les volailles et extension de la réflexion aux abeilles et aux espèces aquacoles – Rapport INRAE pour FranceAgriMer et le MASA. https://agriculture.gouv.fr/telecharger/135051
  • Wallenbeck, A., Rydhmer, L., & Lundeheim, N. (2009). GxE interactions for growth and carcass leanness: re-ranking of boars in organic and conventional pig production. Livestock Science, 123(2-3), 154-160. doi:10.1016/j.livsci.2008.11.003

Résumé


Dans les systèmes d’élevage sous cahier des charges agriculture biologique (AB), les animaux peuvent être plus vulnérables car ils sont élevés dans des environnements moins contrôlés. Élever des animaux issus de programmes de sélection conçus pour les systèmes conventionnels dans des systèmes moins intensifs peut s’avérer inadéquat s’ils ne savent pas composer avec les fluctuations de la disponibilité et de la qualité des ressources alimentaires. Les cahiers des charges en AB font peu mention de races ou de lignées et les productions animales AB actuelles peuvent souffrir d’un manque de ressources génétiques adaptées. Les éleveurs AB tendent à formuler des besoins génétiques spécifiques à leurs systèmes d’élevage avec un intérêt majeur pour la robustesse, ce qui suppose pour les généticiens et les sélectionneurs d’être en mesure de fournir une offre somme toute différente et plus diversifiée. Peu de travaux portent sur les objectifs de sélection spécifiques au cahier des charges AB, et l’offre génétique attendue par les éleveurs concernés est souvent réfléchie en rupture avec les systèmes conventionnels. Il est nécessaire de repenser l’utilisation des méthodes de sélection animale dans le cadre de l’AB. Cet article présente l’état des connaissances et les moyens génétiques qui sont mobilisables pour adapter les animaux issus de populations sélectionnées aux systèmes biologiques.


Auteurs


Laurianne CANARIO

lauriane.canario@inrae.fr

Affiliation : GenPhySE, Université de Toulouse, INRAE, ENVT, 31326, Castanet Tolosan

Pays : France


Nicolas BÉDÈRE

Affiliation : PEGASE, INRAE, Institut Agro, 35590, Saint-Gilles

Pays : France


Marc VANDEPUTTE

Affiliation : MARBEC, Univ Montpellier, CNRS, Ifremer, IRD, INRAE, 34250, Palavas-les-Flots ; Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, GABI, 78350, Jouy-en-Josas

Pays : France


Didier BOICHARD

Affiliation : Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, GABI, 78350, Jouy-en-Josas

Pays : France


Jérôme RAOUL

Affiliation : GenPhySE, Université de Toulouse, INRAE, ENVT, 31326, Castanet Tolosan ; Idele, 31320, Auzeville Tolosane

Pays : France


Catherine LARZUL

Affiliation : GenPhySE, Université de Toulouse, INRAE, ENVT, 31326, Castanet Tolosan

Pays : France

Pièces jointes

Pas d'informations justificatives pour cet article

##plugins.generic.statArticle.title##

Vues: 331

Téléchargements

PDF: 62

XML: 4

Articles les plus lus par le même auteur ou la même autrice