De l’animal au territoire, regards sur l’efficience de l’azote dans les systèmes bovins laitiers (Full text available in English)
Chapeau
L’efficience et le bilan apparent de l’azote sont des indicateurs couramment utilisés pour évaluer les systèmes de production et leurs conséquences sur l’environnement. De nombreux leviers existent pour les améliorer. Mais le gain global à l’échelle du système est-il la résultante des gains observés à chacune de ses composantes ? Un gain d’efficience est-il toujours synonyme de réduction des pertes ?
Introduction
L'azote (N) est un composé chimique indispensable à la vie sur terre et l'un des principaux facteurs limitant les productions en agriculture. Les sources majeures d'azote associées aux systèmes agricoles, à savoir la fixation symbiotique par les légumineuses, les apports d'azote organique et la synthèse industrielle de l'ammoniac destinée aux engrais minéraux, ont permis une augmentation rapide des productions agricoles, permettant de répondre à la demande alimentaire associée à l'accroissement de la population mondiale (Erisman et al., 2008). Cependant, son efficience d'utilisation, c'est-à-dire la production obtenue par unité d'azote utilisée, est modérée à faible, de l'ordre de 50 % à l'échelle mondiale, et de 36 % en Europe (Sutton et al., 2011). En conséquence, les pertes azotées liées aux activités humaines, et notamment à l'agriculture, sont aujourd'hui devenues une menace environnementale préoccupante à l'échelle planétaire. La volatilisation et le dépôt de cet azote sous forme d'ammoniac, les émissions de protoxyde d'azote (gaz à effet de serre) issues des processus de nitrification-dénitrification ainsi que le lessivage des nitrates conduisent à divers impacts : eutrophisation, acidification des milieux et perte de biodiversité à l'échelle locale, santé publique à l'échelle régionale, changement climatique à l'échelle mondiale (Steffen et al., 2015 ; Campbell et al., 2017). Face à ce constat, le « défi de l'azote » consiste à réduire drastiquement les pertes azotées tout en continuant à augmenter la production alimentaire mondiale pour répondre à la croissance démographique. Parmi les différentes pistes identifiées, améliorer l'efficience d'utilisation de l'azote en agriculture est celle qui présente le plus de potentiel (Bodirsky et al., 2014).
Les productions animales sont des grandes consommatrices d'azote, provenant pour l'essentiel des fourrages, grains, et tourteaux. Les ruminants ont la capacité de convertir l'azote de fourrages non consommables par l'homme en produits animaux riches en protéines de qualité, faisant de ces productions un maillon essentiel du cycle des nutriments. Or, cette conversion n'est pas complète et aboutit à des pertes aux différents niveaux d'organisation, de l'animal au territoire d'élevage. Deux grands types d'indicateurs sont utilisés, en recherche ou pour le conseil, pour caractériser la valorisation de l'azote au sein des systèmes : l'efficience azotée et le bilan azoté. L'efficience azotée représente la capacité du système (animal, exploitation) à convertir les entrées d'azote en produits. Elle reflète la proportion de l'azote entrant qui sera valorisée dans les différents processus de transformation des intrants en produits. Le bilan azoté re représente la part d'azote non valorisée, s'accroît mécaniquement avec l'augmentation des entrées d'azote, du fait d'une efficience d'utilisation inférieure à 1. Une des difficultés associées à l'évaluation de l'efficience d'utilisation de l'azote et du bilan azoté dans les systèmes d'élevage est la grande diversité des indicateurs proposés (tableau 1). En effet, ces indicateurs varient selon les objectifs, mais aussi selon le périmètre considéré (animal, troupeau, exploitation ou territoire). Enfin, ce calcul peut également varier selon les études et les données disponibles, certains auteurs ne prenant pas en compte les dépôts atmosphériques, d'autres considérant les variations d'azote du sol (Godinot et al., 2014).
Tableau 1. Différents indicateurs de l’efficience d’utilisation de l’azote et de bilan azoté couramment utilisés pour les systèmes bovins laitiers ainsi que leurs modes de calculs et gammes de valeurs moyennes en France selon la littérature.
Échelle |
Nom français/ |
Sigle (a) |
Calcul (b) |
Gamme |
Source |
---|---|---|---|---|---|
Efficience |
|||||
Animal |
Efficience PDI 2007 (c)/ |
EffPDI 07 |
MP (d) lait/ |
60-70 % |
|
Efficience PDI 2018/ |
EffPDI 18 |
Dépenses Protéiques (e)/ |
50-80 % |
||
Efficience N alimentaire/ |
FNUE |
N produits animaux (g)/N ingéré |
0-35 % (h) |
||
Efficience N pour la |
MNE |
N lait/N ingéré |
20-35 % |
||
Parcelle, |
Efficience N du sol/Soil |
SNUE |
N végétaux récoltés/ |
30-90 % |
|
Efficience d’utilisation |
NUE |
N produits animaux et végétaux/N intrants |
15-40 % |
||
Bilan |
|||||
Animal |
Azote excrété/ |
N excrété |
N ingéré - (N lait + N viande) |
330-600 g |
|
Exploitation |
Balance globale azotée/ |
BGA |
(N apport - N export) /SAU (i) |
– 35-65 |
|
Bilan apparent/ |
N surplus |
(N entrées (j) – N sorties) /SAU |
10-500 |
||
Territoire |
Bilan sol surface/ |
N surplus |
(N apport – N export) /surface (k) |
25-200 |
(a) Couramment retrouvé dans la littérature
(b) Variables exprimées en unité de poids par unité de temps (ex : g N/j, kg N/j, t N/an…)
(c) Calculée à partir des fractions protéiques en g/j ; PDI = Protéines Digestibles dans l’Intestin (INRA, 2007)
(d) Matières Protéiques
(e) Inclut toutes les protéines produites et exportées par l’animal (matières protéiques du lait mais aussi les protéines non productives telles que les protéines endogènes fécales, et celles exportées dans les phanères ainsi que l’accrétion protéique lors de la croissance ou de la fin de gestation)
(f) Protéines urinaires endogènes
(g) Azote des produits animaux : considère la viande et le lait
(h) Tous systèmes de bovins confondus
(i) Les apports azotés regroupent les engrais minéraux, les déjections épandues (via les effluents ou au pâturage) ainsi que les importations de produits résiduaires organiques. Les exportations correspondent aux quantités d'azote exportées par les végétaux, par récolte ou au pâturage. SAU : Surface Agricole Utile
(j) Il existe différents modes d’expression du bilan apparent de l'azote selon que l’on prend en compte ou non dans les entrées la fixation symbiotique de l’azote par les légumineuses et/ou la déposition atmosphérique. Dans cet article, ces termes sont bien pris en compte dans les entrées d'azote.
(k) À l'échelle du Territoire, le bilan sol-surface est calculé sur la même base que la BGA mais requiert des outils de modélisation
De nombreuses recherches, le plus souvent à l’échelle de l’animal ou de l’exploitation, visent à développer des pratiques qui améliorent l’efficience d’utilisation de l’azote en élevage. Si chacune de ces pratiques s’accompagne souvent d’une réduction du bilan azoté, et donc des pertes vers l’environnement, la question de l’intégration de leurs conséquences à une échelle plus englobante est plus rarement abordée.
Cette synthèse, conduite dans le cadre de l’UMT Riel (Unité Mixte Technologique Recherche et Ingénierie en Élevage Laitier), discute la pertinence des indicateurs d’efficience et de bilan d’azote dans le cas particulier des élevages bovins laitiers. La première partie illustre ainsi, à partir d’exemples, les principaux leviers qui améliorent l’efficience d’utilisation de l’azote et permettent éventuellement de réduire les pertes, à différentes échelles (animal, exploitation, territoire). Les conséquences du changement d’échelle sont ensuite examinées dans une deuxième partie pour évaluer si le gain d’efficience global du système est assimilable à la somme des gains d’efficiences pour chaque composante du système. La troisième partie analyse si les gains d’efficience sont toujours synonymes de réduction des pertes. Enfin, la quatrième partie propose une analyse des intérêts et limites de ces indicateurs pour les systèmes bovins laitiers.
1. Principaux leviers d’amélioration de l’efficience de l’azote à différents niveaux d’organisation
Quel que soit le niveau d’organisation concerné, l’azote non valorisé par la production animale ou végétale sera émis vers l’environnement et pourra contribuer aux différentes pollutions de l’air et de l’eau (e.g. volatilisation de NH3, formation de N2O dans les sols, lixiviation des nitrates…). Ce gaspillage d’azote représente également un coût non négligeable pour l’exploitant agricole, source d’inefficience économique, qui justifie la recherche de leviers pour optimiser l’utilisation de l’azote à chacun des niveaux d’organisation du système.
1.1. L’animal
À l’échelle de l’animal, deux calculs d’efficience sont considérés pour évaluer le niveau de valorisation de l’azote ingéré : l’efficience azotée et l’efficience protéique. L’efficience azotée peut être définie comme le rapport entre la quantité d’azote exportée (lait et/ou viande) et la quantité d’azote ingérée (FNUE ou MNE, tableau 1). L’efficience protéique est quant à elle définie comme le rapport entre la quantité de protéines exportées par l’animal (lait et/ou viande mais aussi d’autres fractions protéiques non productives) et la quantité totale de protéines absorbées lors de leur digestion (EffPDI, tableau 1). L’inefficience azotée (1 – FNUE ou MNE) conduit à l’excrétion d’azote dans l’urine et les fèces. L’inefficience protéique (1 – EffPDI) conduit à l’excrétion d’azote dans l’urine issu uniquement du catabolisme des Acides Aminés (AA) des protéines.
L'excrétion d'azote fécal a pour origine l'azote alimentaire non digestible, l'azote microbien non digéré et une part endogène. Cette fraction (150-200 g N/vache/j pour une vache ingérant ~ 600 g N/j) varie surtout avec les quantités totales de matière sèche d'aliments ingérées (8,42 ± 2,02 g N fécal/kg de matière sèche ingérée ; INRA, 2018). Elle est en revanche peu dépendante de la teneur en azote du régime. L'azote fécal est majoritairement excrété sous des formes organiques, peu sujettes à se volatiliser sous forme ammoniacale (Peyraud et al., 1995). L'excrétion d'azote urinaire est quant à elle très variable et dépend fortement de la teneur en Matière Azotée Totale (MAT) de la ration (– 66 % d'azote urinaire excrété lorsque la teneur en azote de la ration décroît de 20 à 15 % MAT ; Castillo et al., 2000). L'azote urinaire provient principalement de l'urée (50 à 90 % ; Bussink et Oenema, 1998), principale source de volatilisation ammoniacale dans les déjections des ruminants.
De nombreuses études ont montré que la réduction des apports azotés par la ration permet un gain net d'efficience de 1,2 à 1,4 point de MNE en plus pour une diminution de 10 g/kg de MAT dans la ration (Huhtanen et Hristov, 2009). Il est également possible de modifier la nature de l'azote apporté dans la ration, et en premier lieu la part de protéines dégradables dans le rumen. L'objectif est d'améliorer l'équilibre entre l'azote soluble et la matière organique fermentescible. En effet, tout excès de protéines dégradables au regard de l'énergie fermentescible dans le rumen conduit à une augmentation importante de la production d'ammoniac excrété sous forme d'urée par voie urinaire (Vérité et Delaby, 2000). Dans le système d'alimentation INRA (2018), cet équilibre est évalué au travers de la Balance Protéique du Rumen (BPR), à savoir la différence entre les flux de MAT à l'entrée du rumen et les flux de MAT non ammoniacales entrant au duodénum. Ainsi, des rations avec une balance protéique négative (12 % MAT, BPR autour de – 10 g/kg MS) permettent de gagner 10 points en efficience d'utilisation de l'azote (MNE = 31 %) comparativement à des rations à balance protéique excédentaire (18 % MAT, BPR = 24 g/kg MS, MNE = 20 % ; Edouard et al., 2016, 2019). Ces rations déficitaires en protéines dégradables dans le rumen favorisent la réutilisation de l'urée pour la synthèse microbienne.
La seconde source de production d'azote urinaire est le catabolisme des AA des protéines en urée. Les PDI sont hydrolysées en AA au moment de la digestion intestinale. Chaque tissu ou organe prélève ces AA pour synthétiser ses propres protéines. Même dans des régimes où la part de protéines dégradables est limitante, le catabolisme hépatique des AA et sa contribution à l'azote urinaire ne sont pas négligeables (Raggio et al., 2004). Le système d'alimentation des ruminants INRA (2018) permet d'estimer le catabolisme des AA par le calcul de l'inefficience PDI (1 – EffPDI 18, tableau 1). Ainsi dans la figure 1, une baisse de 24 % de l'apport d'azote dans la ration, correspondant à une diminution importante de la teneur en PDI de la ration (de 104 à 79 g/kg MS), augmente l'efficience azotée de 4 points (MNE, + 14 %) et l'efficience PDI de 16 points (EffPDI 18, + 29 %). Ces gains s'expliquent principalement par une diminution du catabolisme des AA (– 52 %) en urée et par une augmentation du recyclage de l'urée dans le rumen. Les conséquences sont une forte réduction de l'excrétion d'azote urinaire (– 57 %) et d'azote fécal dans une moindre mesure (– 10 %).
Figure 1. Flux d'azote (N), calcul d'efficience et origine des excrétions d'azote dans le lait, les fèces et l'urine pour des vaches laitières recevant soit une ration à haut niveau d'apports protéiques (HP), soit une ration à bas niveau d'apports protéiques (BP) (Données de Raggio et al., 2004).
La diminution des apports en PDI permet donc d'augmenter l'efficience de leur utilisation. L'apport réduit de tous les AA (indispensables et non indispensables) diminue le catabolisme de nombreux AA apportés en excès (Haque et al., 2015). Cependant, cette diminution peut entrainer celle des synthèses de matières protéiques du lait et du volume de lait produit (– 12,5 et – 6 % respectivement, figure 1). Néanmoins, cette réduction est en proportion plus faible que celle de l'apport en PDI. La correction du profil en AA digestibles (DI) dans l'intestin (LysDI, MetDI et HisDI) des PDI apportés peut en partie limiter l'ampleur de la diminution de la synthèse de protéines. Une meilleure adéquation du profil en AA des rations augmente ainsi l'efficience d'utilisation des PDI (Broderick et al., 2009 ; Haque et al., 2012, 2015 ; Lemosquet et al., 2014). Les gains d'efficiences azotée et PDI permis par la correction de LysDI et MetDI chez des vaches en milieu de lactation sont respectivement de 2 à 3 et de 2 à 5 points (Haque et al., 2012, 2015 ; INRA, 2018). Ils sont toutefois plus modestes que ceux permis (10 points) par une réduction de 100 à 90 g/kg MS de l'apport en PDI (Lemosquet et al., 2014 ; INRA, 2018). Enfin, d'autres facteurs alimentaires que les apports azotés, comme l'augmentation du niveau d'énergie et l'apport d'une ration riche en amidon, peuvent aussi accroitre l'efficience protéique par l'augmentation de la synthèse des matières protéiques (Rigout et al., 2003 ; Brun-Lafleur et al., 2010 ; Cantalapiedra-Hijar et al., 2015).
1.2. L’exploitation agricole
Figure 2. Flux d'azote (kg N/ha SAU/an) au sein d'une exploitation laitière de Bretagne comprenant 80 ha de SAU dont 25 ha de céréales et 82 UGB (Adapté de Peyraud et al., 2012a).
À l'échelle de l'exploitation agricole, l'efficience d'utilisation de l'azote (NUE, tableau 1) est l'indicateur le plus couramment utilisé (Powell et al., 2010 ; Leip et al., 2011 ; Quemada et al., 2020). Elle est calculée comme le ratio entre l'azote des produits agricoles sortant de l'exploitation (lait, viande, cultures) et l'azote des intrants (aliments du bétail et semences, engrais organiques et minéraux, fixation atmosphérique par les légumineuses, achat d'animaux de renouvellement, dépôts atmosphériques). Cet indicateur accompagne généralement le bilan apparent de l'azote qui se calcule par différence entre ces mêmes variables (entrées – sorties), et représente le « potentiel de pollution apparent » de l'exploitation (Simon et Le Corre, 1992 ; tableau 1). Ce bilan apparent est très couramment utilisé pour évaluer la gestion globale de l'azote des exploitations ainsi que la pression qu'elles exercent sur l'environnement.
Les leviers d’amélioration de l’efficience d’utilisation de l’azote sont la conduite des troupeaux (race, alimentation, gestion de la reproduction et du renouvellement…), la gestion des effluents, la conduite de l’atelier végétal et le recyclage de l’azote au sein de l’exploitation (figure 2).
a. Conduite des troupeaux et gestion des effluents
Les gains d’efficience liés à la génétique des animaux ou à leur race sont difficiles à quantifier car ces leviers sont le plus souvent associés à un choix de système d’élevage. Les résultats de l’expérimentation « Quelle vache pour quel système ? » conduite au domaine INRAE du Pin–au–Haras ont permis de réaliser une étude par simulation pour évaluer l’influence des facteurs animaux, alimentaires et de conduite du troupeau testés (encadré 1). Ils soulignent l’intérêt d’une approche globale et intégrée des différents facteurs impliqués dans l’évaluation de la gestion, de l’efficience, et du devenir de l’azote, et plus globalement des performances environnementales, des systèmes laitiers.
MSI : Matière Sèche Ingérée ; PDI : Protéines Digestibles dans l’Intestin ; MNE : Milk Nitrogen Efficiency.
L'expérimentation « Quelle vache pour quel système ? » conduite durant 14 ans au domaine INRAE du Pin-au-Haras (Orne, DOI : 10.15454/1.5483257052131956E12) a permis de quantifier l'influence i) de la race (Holstein ou Normande), ii) du type génétique (potentiel favorable à la production laitière au détriment de la concentration en matières utiles ou inversement), iii) de l'âge au premier vêlage (24 ou 36 mois), iv) de la stratégie d'alimentation (Haut ou Bas, selon la présence ou pas de concentrés et d'ensilage de maïs dans la ration), v) de la stratégie de vente des génisses en excès du renouvellement (à 15 jours ou amouillante), et vi) du taux de renouvellement du troupeau (20, 25, 30, 35 et 40 %) sur les flux et pertes azotées (Foray et al., 2020).
En combinant les 160 modalités testées (2 × 2 × 2 × 2 × 2 × 5), les données récoltées dans l'essai ont permis de simuler 160 systèmes d'élevage laitier avec l'objectif de produire 400 000 litres de lait standard par an. La démographie du troupeau de chaque cas–type a été définie à partir des données expérimentales pour répondre à l'objectif de production. La surface dédiée aux différents troupeaux laitiers a été déterminée à partir des quantités de fourrages nécessaires par période alimentaire, et peut donc varier d'un système à l'autre. Une analyse environnementale multicritère a été réalisée sur chaque système à l'aide de l'outil CAP'2ER (https://cap2er.fr/Cap2er/ ) pour déterminer, entre autres, l’efficience et le bilan apparent de l’azote.
Pour l’ensemble des simulations, à l'échelle du système laitier, le bilan apparent de l’azote est de 146 ± 10 kg N/ha SAU et le NUE de 24 ± 5 %. Le système affichant la meilleure efficience (33,6 %) est le système Holstein à Haut niveau d’alimentation, un âge au premier vêlage à 24 mois, à stratégie orientée vers les taux, une vente des génisses à 15 jours avec un taux de renouvellement de 20 %. Son bilan apparent de l’azote est cependant supérieur à la moyenne, avec 149 kg N/ha. Les analyses statistiques montrent que l’efficience de l’azote est significativement plus faible pour le niveau d’alimentation Bas par rapport au Haut (NUE de 18,5 vs 28,8 %). Pour autant, malgré un bilan apparent significativement moins favorable (149 vs 143 kg N/ha SAU), cette stratégie présente un potentiel de pertes d’azote par lessivage plus faible (46 vs 69 kg N/ha SAU) du fait d’une immobilisation de l’azote plus élevée (57 vs 22 kg N/ha SAU) permise par une surface en prairies plus importante. De même, intra race et stratégie d’alimentation, la réduction du taux de renouvellement permet une meilleure efficience d’utilisation de l’azote mais conduit à un bilan apparent plus élevé (voir graphique), ce système nécessitant moins de surface (notamment en prairies) pour élever les génisses.
Efficience de l’azote (NUE, %) et bilan apparent (kg N/ha SAU dédiée à l’atelier laitier) des 160 systèmes types selon la stratégie d’alimentation (Haut vs Bas), la race (Holstein HF vs Normande NO) et l’Âge au Premier Vêlage (APV 2 ans vs APV 3 ans).
Ces travaux, qui ont également porté sur d'autres indicateurs environnementaux (notamment les émissions de GES ; Foray et al., 2020), soulignent les difficultés à établir un système de référence qui afficherait les indicateurs d'efficience et environnementaux les plus pertinents, notamment du fait de certains antagonismes. En effet, le système type affichant les plus faibles émissions de GES par litre de lait (1,03 kg eqCO2/L) présente un bilan apparent de l'azote parmi les plus élevés avec 160 kg N/ha. À l'inverse, le système–type qui présente le bilan apparent de l'azote le plus faible (122 kg N/ha) émettrait plus de GES avec 1,15 kg eq CO2/L lait à volume produit constant.
L'association de fourrages complémentaires, de par leur équilibre différent en azote et énergie, dans la ration du troupeau permet d'améliorer l'efficience azotée. Une ration combinant 80% d'ensilage de maïs et 20 % de luzerne permet par exemple d'augmenter le MNUE de 6,5 points et de réduire l'excrétion d'azote urinaire de près de 20 % par rapport à une ration en proportions inverses (20 et 80 % respectivement, Arndt et al., 2015), grâce à la baisse de 1,5 point de la teneur en azote de la ration. À l'échelle de l'exploitation, il importe néanmoins de prendre en compte non seulement l'efficience alimentaire des animaux, mais aussi de considérer les flux d'N au sein du système d'élevage associé. Si les systèmes laitiers basés sur une part importante de fourrages conservés dans l'alimentation du troupeau (ensilage de maïs > 30 % de la surface fourragère principale) permettent généralement une meilleure efficience alimentaire que les systèmes plus herbagers, on constate qu'à l'échelle de l'exploitation les pertes d'azote vers l'air (NH3) sont souvent plus importantes (ex : gain de 4 points d'efficience mais augmentation de 30 % des émissions d'ammoniac en kg N/T lait dans le grand ouest ; Faverdin et van Milgen, 2019). Cette augmentation est associée à un temps de présence plus important des animaux en bâtiment et plus de déjections stockées, favorisant les émissions gazeuses ; et surtout à l'intensification de la production laitière par hectare, permise par des achats importants de compléments protéiques. Cette intensification aboutit à des pressions azotées par hectare plus fortes et donc à des pertes accrues.
Au pâturage, la réponse marginale de la production laitière à l'apport de concentrés azotés est faible avec des prairies bien fertilisées au printemps (60 kg N/ha), suggérant que l'herbe offerte en quantité suffisante permet de satisfaire les besoins associés à une production laitière de 25-27 kg/vache/j (Delaby et al., 1996). Privilégier la fertilisation modérée des prairies plutôt que la complémentation en protéines des animaux présente l'avantage d'accroitre la productivité de la prairie et donc d'augmenter le nombre de jours de pâturage par hectare (312 jours de pâturage/ha avec des prairies fertilisées à 60 kg N/ha/cycle contre 206 jours de pâturage/ha avec des prairies fertilisées à 20 kg N/ha/cycle au printemps ; Delaby et al., 1996). Ce double effet de la fertilisation azotée, placée à bon escient au printemps, permet d'améliorer l'efficience du système par rapport à un apport de concentré riche en protéines.
Par ailleurs, les stratégies d'alimentation (incluant ou non du pâturage) et les caractéristiques des rations (nature des fourrages, teneur en azote, équilibre azote/énergie…) ont des conséquences sur la quantité et la composition des effluents (partition fèces/urine, teneur en azote uréique…) en interaction avec leur mode de gestion. Au pâturage, les déjections (urine et fèces) sont déposées directement et séparément par l'animal lui-même, le plus souvent sur un couvert végétal actif, permettant une valorisation directe de l'azote. La forme liquide de l'excrétion urinaire favorise sa diffusion rapide dans l'espace poreux du sol, dépassant largement la stricte zone d'impact des pissats. Le sol est également capable d'intégrer sous forme organique une part conséquente de cet azote. De ce fait, malgré les quantités importantes d'azote émises localement par les animaux, les pertes par voies gazeuses sont faibles. Seules les pertes par lixiviation constituent un risque plus sérieux (Peyraud et al., 2012b), bien que limité si le chargement instantané est adapté à l'herbe disponible. En bâtiment, les pertes d'azote sont variables selon la nature et le mode de gestion des effluents. Avec des rations excédentaires en azote (18 % MAT ; Edouard et al., 2019), les pertes d'azote ammoniacal s'avèrent encore plus importantes lorsque les animaux sont conduits sur litières accumulées produisant du fumier (près de 100 g N-NH3/vache/j) qu'en étable libre produisant du lisier (68 g N-NH3/vache/j). Les émissions importantes sous forme gazeuse (NH3 et N2O) tout au long de la gestion de fumiers issus de rations à forte teneur en azote (bâtiment-stockage) leur confèrent une valeur fertilisante (teneur en azote total et ammoniacal) plus faible que des fumiers produits avec des rations moins riches en azote (Edouard et al., 2015), ce qui réduit potentiellement l'efficience globale du système.
Ainsi les pratiques de réduction des pertes d'azote tout au long du continuum bâtiment-stockage-épandage des effluents (e.g. le traitement des lisiers, la couverture des fosses…) s'avèrent efficace pour réduire les émissions d'ammoniac et/ou de protoxyde d'azote et donc primordiales pour optimiser l'efficience à l'échelle de l'exploitation. Ces techniques peuvent en revanche induire des effets contrastés selon les gaz considérés (incluant le CH4 et le CO2) ou les saisons (Kupper et al., 2020), rappelant la nécessité d'évaluer les conséquences de ces pratiques de manière globale.
b. Gestion des cultures et fertilisation
Au niveau de l'atelier végétal, la sélection de variétés présentant des caractéristiques racinaires permettant un meilleur accès aux ressources du sol, de meilleures capacités de remobilisation de l'azote et un meilleur indice de récolte, semble avoir un potentiel important pour améliorer l'efficience des systèmes de culture (Hawkesford et Griffiths, 2019). Une réduction de la fertilisation des cultures entraîne également une amélioration de l'efficience azotée de l'atelier végétal (Mueller et al., 2017), conformément à la loi de Mitscherlich (1924) dite « des accroissements moins que proportionnels ». Ceci est d'autant plus vrai que le calcul de NUE ne tient généralement pas compte des variations de teneur en matière organique du sol (Godinot et al., 2014). Une minéralisation importante de la matière organique du sol, si elle n'est pas compensée la même année par un apport de matière organique équivalent, améliore donc l'efficience du système en déstockant de l'azote. Ceci peut aboutir à une efficience supérieure à 1 dans les systèmes de culture économes en intrants. On atteint alors une situation paradoxale à long terme où l'amélioration de l'efficience se fait au détriment de la fertilité du sol (Quemada et al., 2020). En revanche, dans certains pays d'Europe de l'Ouest, il a été démontré que la réduction des apports d'engrais des dernières décennies n'a pas induit de pertes de rendement des cultures, mais une réduction des pertes azotées de plusieurs dizaines de kg/ha (Lassaletta et al., 2014). Ces gains d'efficience sont en fait permis par une réduction des gaspillages associés à la sur-fertilisation (Mueller et al., 2014).
La mise en œuvre simultanée de toutes les bonnes pratiques de fertilisation (« la bonne dose, au bon moment et au bon endroit ») offre également des perspectives intéressantes d'amélioration de l'efficience des engrais (Li et al., 2019). Les engrais à efficience améliorée (engrais enrobés par des polymères, ou contenant des inhibiteurs de nitrification ou d'uréase) permettent également d'améliorer l'efficience d'utilisation de l'azote par les cultures, mais uniquement lorsque les autres bonnes pratiques sont aussi mises en œuvre (Li et al., 2018). Là encore, si, à l'échelle de la parcelle et de l'année culturale, les engrais minéraux ont généralement une meilleure NUE que les engrais organiques (le coefficient équivalent « ammonitrate » des engrais organiques, ou Keq, varie entre 0,1 et 0,7 selon la nature de l'engrais et la période d'apport), l'analyse est différente à l'échelle de l'exploitation de polyculture-élevage et à plus long terme. En effet, les effluents d'élevage sont de riches coproduits, qui peuvent être valorisés sur l'exploitation, exportés dans une exploitation voisine ou, en cas d'excédents structurels, traités pour en abaisser la teneur en azote. Une bonne valorisation agronomique des effluents aura un double effet favorable à l'échelle de l'exploitation, en limitant les pertes liées au stockage et à l'épandage de ces produits, mais également en limitant le recours aux engrais minéraux et les pertes (liées à la fabrication et à l'utilisation) qui leur sont associées. De plus, outre leur intérêt fertilisant en azote mais aussi en phosphore et potassium, il convient de considérer l'effet amendant des effluents d'élevage sur la teneur en matière organique des sols et leur fertilité physique, chimique et biologique. Il a ainsi été démontré dans des essais de long terme que les apports d'effluents d'élevage peuvent dans certaines situations présenter une NUE plus élevée que des apports équivalents d'engrais minéral, du fait de l'amélioration de la qualité du sol (Duan et al., 2014).
L'atelier animal et l'atelier végétal sont le plus souvent étroitement liés. Dans les exploitations laitières françaises, plus de 80 % de la matière sèche consommée par les animaux est produite sur l'exploitation (Rouillé et al., 2014), et plus de 60 % de la fertilisation azotée provient directement de l'atelier d'élevage (Foray et al., 2017). Du fait de cette intégration des ateliers, l'efficience de l'exploitation n'est pas uniquement liée à l'efficience alimentaire du troupeau ou à l'efficience agronomique des engrais, mais correspond à la résultante des deux ainsi qu'à la limitation des pertes d'azote lors des transferts entre ateliers et au stockage. Une fois prises en compte ces interactions, l'efficience de l'exploitation peut ainsi atteindre 40 % (Godinot et al., 2015). Les exploitations agricoles qui atteignent la meilleure NUE sont généralement caractérisées par des entrées modérées d'engrais et d'aliments du bétail et un chargement animal adapté au potentiel agronomique du milieu (en lien avec le climat), tout en maintenant une production laitière importante (Powell et al., 2010 ; Thomas et al., 2020). La bonne adéquation entre les ateliers animal et végétal permet de réduire les achats d'aliments et d'engrais par la valorisation optimale des cultures et des effluents produits. Les systèmes mixtes associant ateliers animaux et végétaux offrent par conséquent des leviers intéressants d'amélioration de la NUE (Schröder et al., 2003 ; Wilkins, 2008 ; Thomas et al., 2020).
1.3. Le territoire
Les calculs d'efficience d'utilisation de l'azote de territoires agricoles considèrent généralement ceux-ci comme une seule exploitation par simplification et par défaut, faute de données disponibles concernant les flux entre exploitations. C'est l'approche que nous avons retenue car il est peu pertinent de ne s'intéresser qu'à la production laitière à l'échelle territoriale. L''indicateur NUE (tableau 1) est le principal indicateur d'efficience utilisé à cette échelle. Il permet de caractériser l'efficience globale de transformation des intrants en produits agricoles divers à l'échelle d'un territoire (Leip et al., 2011 ; Godinot et al., 2016), mais également d'évaluer l'intérêt de politiques publiques de gestion de l'azote, comme la directive Nitrates (Dalgaard et al., 2014 ; Lassaletta et al., 2014).
La recherche de synergies entre cultures et élevages à l'échelle du territoire offre des leviers supplémentaires par rapport à l'échelle de l'exploitation, notamment par la complémentarité entre des fermes d'élevage et de grandes cultures à travers l'échange de fourrages, de grains, de paille et d'effluents. Cette organisation territoriale permet dans la plupart des cas de corriger les problèmes agronomiques associés à la spécialisation des exploitations (Ryschawy et al., 2017). L'introduction de cultures fourragères, de légumineuses seules ou en association et de cultures dérobées dans les rotations de grandes cultures peut avoir un effet bénéfique sur la NUE de ces exploitations en réduisant l'achat d'engrais azotés et en améliorant leur valorisation par une réduction des pertes (Martin et al., 2016 ; Moraine et al., 2016). Ces productions trouvent alors leurs valorisations potentielles au sein des élevages à proximité. L'exportation d'effluents par les exploitations d'élevage permet d'éviter d'éventuelles situations d'excédents et de sur-fertilisation, et de diminuer les achats d'engrais des exploitations de grandes cultures receveuses. De même, l'amélioration de l'autonomie protéique des élevages d'un territoire par le développement de cultures riches en protéines (oléo-protéagineux notamment) peut permettre une amélioration de la NUE globale en réduisant les importations d'aliments concentrés et l'usage d'engrais minéraux (Russelle et al., 2007). Ces complémentarités entre élevages et cultures peuvent néanmoins parfois avoir un effet négatif sur la NUE du territoire. Si l'épandage d'effluents chez des tiers favorise l'intensification des productions animales, ou si l'épandage des effluents d'élevage ne s'accompagne pas d'une diminution équivalente des engrais minéraux (Regan et al., 2017) alors le bénéfice potentiel devient un facteur défavorable à l'équilibre du territoire.
La prise en compte de l'échelle territoriale permet également d'intégrer le contexte dans lequel l'exploitation agricole s'inscrit. En effet, la gestion efficiente de l'azote ne dépend pas uniquement de pratiques à l'échelle de l'exploitation, mais également des activités des exploitations voisines. Ainsi, la valorisation des effluents d'élevage est généralement plus efficiente lorsque les surfaces d'épandages accessibles sont à proximité du lieu de production. Ce qui n'est pas toujours le cas dans les zones d'élevage très dense (Zebarth et al., 1999) et nécessite des exportations coûteuses. Certaines réglementations, comme la directive Nitrates, ont d'ailleurs permis une meilleure valorisation des effluents d'élevage et une réduction simultanée des engrais minéraux, ce qui a sensiblement amélioré l'efficience d'utilisation de l'azote dans les territoires concernés (Dalgaard et al., 2014 ; Buckley et al., 2016). Une optimisation de la répartition des intrants azotés en fonction du potentiel de production du territoire permettrait également de limiter les situations de sur-fertilisation et de réallouer ces ressources à des zones moins fertilisées. Ce qui augmenterait la production pour une même quantité d'azote mobilisée et améliorerait la NUE globale (Ewing et Runck, 2015). Cette approche peut s'appliquer de l'échelle de quelques exploitations agricoles à l'échelle mondiale (Mueller et al., 2017).
Enfin, un levier important consiste à mobiliser les atouts associés à la diversité des différentes productions agricoles d'un territoire, à l'opposé de la spécialisation observée dans certaines régions françaises . En effet, les productions végétales ont le plus souvent une meilleure efficience que les productions animales, les volailles une meilleure efficience que les bovins, et les légumineuses une meilleure efficience que les fruits et légumes (Godinot et al., 2015). Par ailleurs, des gains d'efficience importants sont accessibles grâce à la complémentarité entre productions végétales et animales (valorisation de légumineuses fourragères par des ruminants, effluents d'élevages employés comme engrais, consommation de co-produits par les animaux...). Une modification concertée des productions à l'échelle territoriale, permettant des productions plus diversifiées et plus complémentaires, pourrait donc permettre d'améliorer la NUE à l'échelle du territoire.
2. L’efficience globale du système est-elle la somme des efficiences des composantes du système ?
2.1. Intégration à l’échelle de l’exploitation
Une évaluation (par modélisation conceptuelle basée sur le principe du « tuyau percé ») des mesures les plus efficaces pour réduire les pertes azotées et améliorer l'efficience de l'agriculture européenne fait ressortir trois mesures prometteuses : i) la fertilisation équilibrée des cultures couplée à une bonne gestion des effluents d'élevage, ii) la réduction de la teneur en protéines de l'alimentation animale, et iii) la limitation des émissions de NH3 par l'adoption des meilleures pratiques de gestion des effluents au bâtiment, au stockage (couverture des fosses) et à l'épandage (enfouissement direct). La combinaison de toutes ces mesures serait de nature à améliorer la NUE européenne d'environ 25 % (Oenema et al., 2009).
Or, la revue de Faverdin et Van Milgen (2019) illustre par quelques exemples en élevages de ruminants et monogastriques que les bénéfices escomptés peuvent parfois être perdus lors d’un changement d’échelle. Les auteurs suggèrent ainsi que la démarche agrégative, basée sur l’hypothèse que l’amélioration de chaque entité du système améliorera la performance globale, n’est pas toujours pertinente. Au contraire, c’est sans doute dans l’optimisation du fonctionnement global des systèmes d’élevage que les meilleurs bénéfices sont à trouver, à la fois en termes de performance, d’économie et d’impacts sur l’environnement.
L’analyse des dispositifs expérimentaux de Trévarez (Chambre d’Agriculture de Bretagne), Derval (Chambre d’Agriculture des Pays de la Loire), La Blanche Maison (Chambre d’Agriculture de Normandie), et de Marcenat (Cantal, INRAE Herbipôle https://doi.org/10.15454/1.5572318050509348E12) permet d'évaluer les flux d'azote à l'échelle de l'animal et de l'exploitation et d'en apprécier les conséquences lors du changement d'échelle selon les systèmes de production (Foray et al., 2017). Les stations expérimentales étudiées ont mis en place des systèmes dont la ration est basée sur l'ensilage de maïs et l'herbe (pâturée et récoltée), depuis des systèmes herbagers et extensifs à Marcenat et à la Blanche Maison 2 où la production de lait ne dépasse pas 5 200 litres par ha de SFP (Surface Fourragère Principale) et 5 300 litres par vache, vers des systèmes plus productifs à l'hectare et à l'animal (> 8 000 litres par ha SFP et par vache) où le maïs tient une place plus importante dans la SFP (39 % à Derval et 50 % à Trévarez 1, tableau 2).
Encadré 1. Simulations de l'efficience et du bilan d'azote dans une gamme de systèmes d'élevage laitier obtenues à partir des données de l'expérimentation « Quelle vache pour quel système » (Foray et al., 2020).
Exploitation |
Trévarez |
Trévarez |
Derval |
La |
La |
Marcenat |
Marcenat |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Systèmes fourragers |
Maïs |
Maïs / |
Maïs |
Maïs |
Herbe |
Herbe |
Herbe |
Années de suivi |
2013-2014 |
2013-2014 |
2011-2014 |
2011-2014 |
2011-2014 |
2011-2012 |
2011-2012 |
Maïs/SFP (%)1 |
50 |
26 |
39 |
32 |
0 |
0 |
0 |
Nombre de vaches |
55 |
63 |
89 |
35 |
35 |
22 |
22 |
Lait produit/vache (L) |
8 118 |
7 311 |
8 544 |
6 121 |
5 285 |
5 023 |
5 260 |
Lait produit/ha SFP (L) |
9 112 |
7 613 |
8 068 |
7 142 |
5 139 |
1 796 |
3 969 |
UGB2/ha SFP |
1,64 |
1,51 |
1,3 |
1,8 |
1,4 |
0,63 |
1,05 |
Bilan et efficience azotée à l’échelle de la vache laitière (kg N/vache/an) |
|||||||
Fourrages ingérés |
102 |
139 |
88 |
83 |
115 |
109 |
91 |
Concentrés ingérés |
46 |
29 |
86 |
70 |
23 |
0 |
15 |
Ingéré total |
148 |
168 |
174 |
153 |
138 |
109 |
106 |
Taux protéique du lait (g/kg) |
31,2 |
30,3 |
32,8 |
34,9 |
34,2 |
30,4 |
31,5 |
Fixation d’N (lait+viande) |
42 |
38 |
49 |
45 |
39 |
28 |
31 |
Bilan de l’animal |
106 |
130 |
125 |
108 |
99 |
81 |
75 |
Efficience N (FNUE) |
28 % |
23 % |
28 % |
29 % |
28 % |
26 % |
29 % |
Bilan et efficience azotée à l’échelle du système (kg N/ha SAU) |
|||||||
Total entrées |
238 |
190 |
152 |
174 |
127 |
25 |
105 |
Dont fourrages |
93 |
44 |
80 |
99 |
46 |
2 |
21 |
Dont fixation symbiotique |
32 |
36 |
31 |
40 |
44 |
12 |
27 |
Dont engrais minéraux |
42 |
38 |
31 |
0 |
0 |
0 |
47 |
Total sorties |
121 |
95 |
54 |
66 |
56 |
12 |
24 |
Bilan du système |
117 |
95 |
98 |
108 |
71 |
13 |
81 |
Lessivage potentiel |
44 |
27 |
34 |
18 |
10 |
0 |
0 |
Efficience N (NUE) |
51 % |
50 % |
36 % |
38 % |
44 % |
48 % |
23 % |
1 Surface Fourragère Principale
2 Unité Gros Bovin
L’efficience de l’azote à l’échelle de l’animal (FNUE) évolue peu entre les sept systèmes d’élevage (de 23 à 29 %) au regard de la variation de l’efficience de l’azote à l’échelle de l’exploitation (NUE) qui, elle, oscille entre 23 et 53 %. Ainsi, une efficience jugée « bonne » à l’échelle de l’animal ne se traduit pas obligatoirement par une meilleure efficience à l’échelle du système, comme l’indiquent les comparaisons entre Trévarez 1 et 2, La Blanche Maison 1 et 2, ou encore Marcenat 1 et 2. Ces efficiences variables ne sont pas synonymes d’un faible solde du bilan apparent et de moindres pertes vers le milieu. Les deux systèmes de Trévarez affichent par exemple une efficience équivalente, mais le bilan de l’azote du système « maïs » est supérieur de 22 kg N/ha par rapport au système « maïs/herbe », avec pour conséquence un potentiel de perte d’azote par lessivage plus marqué (+ 63 %). Cette différence de bilan s’explique par des entrées d’azote plus importantes pour le système « maïs », notamment d’aliments concentrés.
Une analyse spécifique des systèmes de plaine avec plus de 30 % de maïs dans la SFP a montré que les exploitations affichant le plus faible bilan azoté se caractérisent aussi par une meilleure efficience de l'utilisation de l'azote (bilan azote de 79 ± 10 kg N/ha, NUE de 45 ± 11 %) que les systèmes les moins performants (bilan azote de 152 ± 8 kg N/ha, NUE de 28 ± 6 %) (Foray et al., 2018). Ces exploitations performantes achètent moins de concentrés (185 ± 70 g/L vs 231 ± 43 g/L) et d'engrais azotés et minéraux (64 ± 28 kg N/ha vs 110 ± 28 kg N/ha) ce qui se traduit par une plus faible production de lait par vache ou par ha (– 8 et – 15 % respectivement).
Ces suivis montrent des niveaux d’efficience et des bilans azotés contrastés entre systèmes d’élevage. Cependant, au sein d’un même type de système, une gestion affûtée de l’alimentation du troupeau et des cultures aboutit à une meilleure conversion des intrants azotés.
2.2. Intégration à l’échelle du territoire
La moyenne pondérée des efficiences des exploitations ne présage pas forcément de l’efficience du territoire, car les flux pris en compte dans le calcul de l’efficience sont modifiés par ce changement d’échelle. Certains échanges entre fermes (paille/fumier par exemple) ne sont plus des entrées ou des sorties d’azote, mais des flux internes au territoire. Par ailleurs, il est parfois délicat de faire la distinction entre les aliments du bétail issus du territoire, considérés comme des flux internes, et les aliments importés sur le territoire, considérés comme des intrants. À l’échelle de l’exploitation ou du territoire, les entrées d’azote peuvent être d’autant plus élevées que les ressources alimentaires locales disponibles ne suffisent pas à satisfaire les besoins alimentaires des troupeaux, reflétant le déséquilibre entre la densité animale et les surfaces disponibles pour les nourrir. Ce défaut d’autonomie alimentaire impose des achats extérieurs importants, dont les excédents restent sur le territoire. Le bilan de l’azote qui en résulte peut alors dépasser les capacités de recyclage et de valorisation du territoire et conduire à des risques de pollution accrus.
Dans le cadre d’une étude réalisée pour le CRESEB (Centre de Ressources et d’Expertise Scientifique sur l’Eau en Bretagne), une évaluation environnementale de quelques scénarios, avec pour objectif l’amélioration de l’efficience des systèmes de production sur le Bassin-Versant (BV) du Couesnon (Ille-et-Vilaine), a été conduite par l’Institut de l’Élevage (Foray et Leroy, 2018). Onze cas-types d’exploitations laitières, issus d’un diagnostic agraire réalisé en 2014, ont été définis à l'échelle du bassin. Une classification réalisée sur la base de 6 variables technico-économiques a permis d’intégrer l'ensemble des exploitations du BV au sein de ces 11 cas types et ainsi d'obtenir la part de chaque cas-types à l'échelle de la zone d'étude. Le calcul des indicateurs à l’échelle du territoire utiles à l’analyse des différents scénarios repose ainsi sur la moyenne pondérée de la représentativité de chaque cas-type dans ce territoire. Ces cas-types ont fait l’objet d’analyses environnementales par l’outil CAP’2ER.
Des marges de progrès sur ces cas-types (reflets du fonctionnement réel des exploitations enquêtées dans le diagnostic agraire) ont été identifiées et ont permis d’aboutir à un scénario d’optimisation. Les changements proposés dans ce scénario optimisé ont conduit à une réduction de 13 % de la quantité de concentrés utilisée par vache et par an, pour le même niveau de production et à une baisse de 17 % de la pression en azote minéral.
La recherche d’une meilleure efficience pour l’ensemble des cas-types permet à chacun d’entre eux d’améliorer sa NUE de 1 à 8 %, mais aussi de 4 % à l’échelle globale du territoire laitier (tableau 3). Ce gain d’efficience est notamment permis par une moindre dépendance aux intrants non produits sur le territoire (concentrés protéiques et engrais minéraux). Ce scénario optimisé offre un potentiel d’amélioration du bilan apparent moyen de l’azote de 15 % (de 114 kg N/ha à 97 kg N/ha).
Tableau 2. Descriptifs, bilans et efficiences azotées de sept systèmes laitiers suivis sur des fermes expérimentales en France, à Trévarez (29), Derval (44), La Blanche Maison (50) et Marcenat (15) (adapté de Foray et al., 2017).
Scénario de base |
Scénario optimisé |
|
---|---|---|
SAU Herbe/SAU |
38 % |
38 % |
Maïs ensilage/SAU |
30 % |
30 % |
Cultures de vente/SAU |
32 % |
32 % |
SFP/SAU |
68 % |
68 % |
Chargement total |
1,84 |
1,83 |
Lait (kg/ha de SFP) |
9 304 |
9 295 |
Lait (kg/ha de SAU) |
5 636 |
5 636 |
Concentrés (kg/VL) |
1 479 |
1 282 |
Concentrés (g/l) |
196 |
170 |
TOTAL Entrées N (kg N/ha |
191 |
175 |
Dont N concentrés |
83 |
79 |
Dont N ferti min (kg N/ha SAU) |
62 |
51 |
TOTAL Sortie N (kg N/ha SAU) |
77 |
78 |
Bilan N (kg N/ha SAU) |
114 |
97 |
Efficience N (NUE) |
40 % |
44 % |
Cette analyse théorique montre que des mesures spécifiques prises à l'échelle de chacun des systèmes représentés permettraient d’améliorer leur efficience et de réduire les pertes à l’échelle locale mais aussi globale pour le territoire. Une optimisation entre systèmes de la gestion de l’azote pourrait encore améliorer cette efficience. La pertinence effective de telles approches reste néanmoins difficile à vérifier sur le terrain.
3. Quels liens entre efficience et impacts environnementaux ?
Deux grandes stratégies coexistent pour améliorer l'efficience, et ce quelle que soit l'échelle considérée. L'une repose sur l'augmentation de la production pour une même quantité d'intrants (ou une faible augmentation des intrants). L'autre mise sur la réduction des intrants sans perte (ou avec une faible perte) de production. Ces deux stratégies correspondent le plus souvent à des logiques économiques différentes, comme observé dans les différents États membres de l'UE. Néanmoins, quelle que soit l'orientation choisie, cette synthèse montre qu'il existe différents leviers pour améliorer le « système » (animal, atelier, exploitation, ensemble d'exploitations…), gagner en efficience et réduire les pertes. Pour l'éleveur, la baisse de production est souvent perçue comme un frein à la mise en place de pratiques vertueuses. Et pourtant, du fait du coût marginal élevé associé aux derniers kg produits, les économies réalisées sur les intrants permettent souvent de compenser la baisse des recettes (Pellerin et al., 2013). D'un point de vue économique, cette stratégie « plus économe en intrants » revient à améliorer l'Excédent Brut d'Exploitation (EBE)
Le principe du tuyau percé (figure 3), proposé par Oenema et al. (2009) est intéressant pour analyser les différences de comportement de ces indicateurs d'efficience et de pertes. Selon ce schéma illustrant les flux d'azote en élevage, les entrées, sorties et pertes d'azote dans les systèmes de production agricole ne sont pas indépendantes : la variation d'un des flux a des conséquences sur tous ceux qui lui font suite. Ainsi, l'application d'un levier pour accroître l'efficience et réduire le bilan azoté à un niveau donné (« boucher un trou ») peut induire de plus fortes pertes à un niveau d'organisation suivant et par voie de conséquence dégrader l'efficience globale du système.
Figure 3. Flux d'azote (N) à l'échelle d'une exploitation d'élevage selon le modèle du « tuyau percé » (d'après Oenema et al., 2009).
DON : azote organique dissous ; Npart : azote organique particulaire.
En Irlande, entre le début et la fin des années 2010, l'amélioration de l'efficience azotée des systèmes laitiers (19,7 à 24,4 %), s'est accompagnée d'une augmentation du bilan apparent (154 à 179 kg N/ha ; Dillon et al., 2020) synonyme de plus de pertes vers l'environnement. De même, les exploitations laitières des Pays-Bas apparaissent comme parmi les plus efficientes, mais elles sont aussi celles qui génèrent le bilan azoté le plus important rapporté à l'hectare. Le suivi d'élevages laitiers dans le projet Européen H2020 Eurodairy a montré que certains systèmes laitiers européens peuvent avoir recours à des niveaux d'intrants très importants, dépassant les 700 kg N/ha, associés à des bilans apparents de plus de 500 kg N/ha (Foray et al., 2019). Ces observations sont par ailleurs en accord avec les observations faites dans le cadre du projet européen Interreg GreenDairy au début des années 2000 (Raison et al., 2008). Les exploitations de l'Ouest de la France, à l'inverse, sont moins efficientes mais génèrent moins de pertes azotées, du fait d'une moindre utilisation d'intrants (Quemada et al., 2020). C'est le cas par exemple des élevages laitiers spécialisés de Bretagne qui ont réduit leur fertilisation minérale de 50 % entre le milieu des années 1990 et 2010, en réponse notamment aux exigences réglementaires introduites par la Directive Nitrates et à l'établissement des zones vulnérables et des programmes d'actions associés. L'amélioration de la gestion de la fertilisation et la meilleure prise en compte de l'intérêt des effluents d'élevage comme fertilisants organiques se sont accompagnées de pratiques agronomiques plus vertueuses, permettant d'améliorer l'efficience azotée de 27 à 39 % tout en réduisant le bilan apparent de 143 kg N/ha à 93 kg N/ha. Ce double bénéfice traduit en partie la suppression de sources de gaspillage associées à une surconsommation importante d'intrants azotés.
À l'échelle des territoires, efficience et impacts des systèmes de production ne sont pas implicitement associés. La relation va dépendre d'abord de la densité des productions animales par unité de surface, et donc du chargement territorial en regard de la capacité du milieu à l'assumer. Un petit nombre d'exploitations peu efficientes sur un territoire de faible densité d'élevage aura souvent un impact territorial modéré, car « dilué » sur une surface importante. Cette situation est notamment observée au Portugal, dans certaines régions d'Espagne ou de Scandinavie. À l'inverse, des exploitations efficientes peuvent avoir un impact plus important et défavorable aux milieux terrestres et aquatiques. C'est par exemple le cas aux Pays-Bas ou en Belgique : les émissions vers l'eau et vers l'air sont plus importantes dans ces pays à forte densité animale, malgré une efficience d'utilisation de l'azote plus élevée que dans les pays du Nord et du Sud de l'Europe (Godinot et al., 2016).
L'impact environnemental potentiel de ces excédents sera enfin très dépendant de la sensibilité du milieu et notamment à sa capacité à recycler et valoriser l'azote provenant des exploitations d'élevage, qui peut notamment dépendre du contexte pédoclimatique et des pratiques agricoles (Peyraud et al., 2012b). Dans les territoires d'élevage très herbagers, les pertes d'azote nitrique sont souvent minimes et affectent peu la qualité des eaux. C'est le cas du Massif-central, des Alpes, de la Bourgogne et du Limousin, régions caractérisées par la dominance de l'élevage bovin herbager et présentant des teneurs en nitrates dans les eaux superficielles et souterraines parmi les plus faibles de France (Foray et Manneville, 2019).
À l'inverse, certains systèmes herbagers très intensifs par unité de surface (mais pas par unité animale), comme en Nouvelle-Zélande ont connu une augmentation de la production de lait de plus de 5 000 litres par ha entre les années 1990 et le début des années 2010, permise par un recours accru aux aliments concentrés et aux engrais minéraux. Cette intensification s'est traduite par une augmentation de l'excédent du bilan apparent de l'azote (+ 60 kg N/ha), du lessivage de l'azote d'environ 8 kg N/ha et par une dégradation de la qualité des eaux (Richard et al., 2017). Pour limiter ces risques de pertes et enrayer la dégradation de la qualité de l'eau, des plans régionaux pour la gestion des eaux douces ont été mis en place.
Le projet Green Dairy a également permis de mettre en évidence des pertes d’azote nitrique plus marquées dans les systèmes d’élevage laitiers basés sur des cultures fourragères avec des rotations rapides telles que prairies/cultures (France, Pays-Bas), malgré des excédents du bilan plus faibles et/ou une efficience de l’utilisation de l’azote plus importante que dans les systèmes herbagers, basés notamment sur des prairies plus pérennes (ex : Irlande). Ainsi, bien que les excédents d’azote soient équivalents, les pratiques agricoles combinées à la sensibilité des milieux (conditions climatiques, types de sols…), n’entraîneront pas les mêmes impacts sur l’environnement (figure 4).
Figure 4. Quantité d'azote lessivé en fonction de l'excédent du bilan d'azote à l'échelle de l'exploitation pour différents systèmes herbagers en Europe de l'ouest (Raison et al., 2008).
4. Intérêts et limites des indicateurs d’efficience azotée
L'efficience apparaît comme un critère relativement simple à calculer et utile à une échelle de temps et d'espace donnée pour optimiser un système. Il convient néanmoins de vérifier que des pratiques plus efficientes à l'échelle de l'animal ou de la parcelle conservent leur intérêt à l'échelle de l'exploitation ou du territoire. Par ailleurs, des élevages efficients peuvent générer des impacts environnementaux élevés. C'est généralement le cas des élevages les plus intensifs, où le chargement animal dépasse la capacité productive des surfaces associées et justifie l'utilisation d'intrants dont une partie non valorisée dégrade le milieu. C'est pourquoi les valeurs d'efficience doivent toujours être interprétées en lien avec des valeurs de surplus azoté (Godinot et al., 2014 ; EU Nitrogen Expert Panel, 2015). Si on prend l'exemple du NUE, il n'intègre pas les pertes azotées associées à la fabrication des intrants achetés (aliments du bétail, engrais), ni les variations de stock d'azote dans les sols (Godinot et al., 2014). Des travaux récents proposent des modifications de calcul de cet indicateur pour en corriger les principaux biais (Quemada et al., 2020), et éviter la délocalisation des impacts dans d'autres zones géographiques (par exemple les régions productrices d'aliments du bétail importés).
L’efficience de l’azote est focalisée sur un seul élément. C’est naturellement son point fort, car cela en fait un indicateur relativement facile à calculer, à comparer et à comprendre. Mais c’est également sa principale limite lorsqu’on souhaite appréhender d’autres dimensions importantes de l’élevage bovin laitier : émissions de gaz à effet de serre et stockage de carbone, maintien de la biodiversité, contribution à l’emploi ou à l’entretien des paysages, valeur nutritive ou culturelle des produits laitiers, etc. Les indicateurs d’efficience et de bilan azoté agrègent toutes les formes d’azote sous une unité commune, le kg N. Cette agrégation facilite l’analyse et la comparaison des systèmes de production et donne une vision intégrée de la production agricole et de ses impacts. En revanche, ces indicateurs ne permettent pas d’identifier la nature des différentes pertes d’azote sous forme d’ammoniac, de nitrate ou de protoxyde d’azote. Certaines pratiques qui permettent de réduire les pertes en nitrates peuvent alors aboutir à des pertes plus élevées en N2O ou NH3 (principe du tuyau percé, voir figure 3). C’est pourquoi il est nécessaire de réfléchir à une gestion intégrée de l’azote, et de considérer les multiples impacts que peuvent causer des pertes d’azote sous différentes formes à différentes échelles. Les méthodes du type « cycle de vie » peuvent être de bonnes approches pour remédier à cette critique.
L'efficience d'utilisation de l'azote est un indicateur qui suscite un intérêt politique, du fait de sa pertinence et de sa relative simplicité de calcul à différentes échelles d'espace et de temps. Il convient toutefois de garder en tête que l'efficience d'utilisation de l'azote par les cultures est souvent nettement supérieure à celle des productions animales, même si de nouvelles approches, intégrant la part d'aliments non consommables par l'Homme, apportent aujourd'hui un nouveau regard, moins défavorable, sur l'efficience des productions animales (efficience « nette », Laisse et al., 2018). Par conséquent, à l'échelle d'un territoire ou d'un pays, le principal facteur influant l'efficience est la proportion relative des productions végétales et animales (Leip et al., 2011 ; Godinot et al., 2016). Pour un pays comme la France, l'efficience moyenne nationale masque une très forte hétérogénéité entre régions, du fait de contextes pédoclimatiques et d'orientations agricoles très différentes. Il n'est donc pas si simple de recommander un seuil d'efficience national ou régional sans prendre en compte la nature des productions agricoles, le potentiel agronomique et la sensibilité des milieux naturels aux pollutions. Un indicateur d'efficience relative a d'ailleurs été développé pour tenter de lever cette limite de l'efficience (Godinot et al., 2015). Ces travaux démontrent l'intérêt de poursuivre les recherches sur l'efficience, pour améliorer cet indicateur et l'adapter à différents usages, depuis le conseil agricole à l'échelle de l'exploitation aux évaluations environnementales globales en passant par les politiques publiques régionales, nationales ou européennes.
Conclusion
L’amélioration de l’efficience d’utilisation de l’azote en élevage bovin est un objectif souvent avancé pour améliorer le profil environnemental des produits animaux (lait et viande). Cette synthèse met en évidence que de nombreux leviers existent, à différentes échelles, pour mieux valoriser les ressources azotées en élevage laitier, et donc en améliorer l’efficience. Ces leviers permettent le plus souvent de réduire les pertes vers l’environnement et également de diminuer les coûts de production, notamment par la réduction des intrants.
Mais l’efficience ne peut être raisonnée seule, au risque d’encourager l’intensification des systèmes sans diminuer les pertes, comme cela peut être observé dans certains pays européens. De même, à l’échelle des territoires, chercher l’efficience maximale pourrait aboutir à une uniformisation des systèmes de production, ce qui aurait des conséquences négatives sur d’autres impacts environnementaux, économiques ou sociaux. La relocalisation des élevages vers des zones à faible densité, qui semble séduisante pour son impact favorable, est difficile à envisager sans une forte politique d’incitation. La redistribution de l’azote et autres nutriments via les transferts d’effluents, l’autre produit de l’élevage aux intérêts agronomiques multiples, entre ateliers animaux et végétaux et entre territoires est à encourager, dans une perspective de bouclage des cycles et de bioéconomie circulaire. Une bonne gestion de l’azote doit ainsi viser à réduire les gaspillages en améliorant sa valorisation à toutes les échelles et leurs interactions, et à garantir un bon état de l’environnement en limitant les pertes azotées. L’efficience et le bilan azoté sont donc des indicateurs indispensables et complémentaires.
Remerciements
Les auteurs remercient l’ensemble des membres de l’UMT Riel pour les discussions constructives lors des réunions, ayant permis d’aboutir à cette synthèse, ainsi que les relecteurs et le rédacteur en chef pour leurs suggestions pertinentes et appréciées.
Notes
- L’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) traduit la différence entre le produit brut (ventes + aides +/– variations d’inventaire) et les charges opérationnelles et de structure (hors amortissements et frais financiers).
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Résumé
Améliorer la valorisation de l’azote à toutes les étapes de son utilisation est une priorité, notamment en élevage où elle demeure relativement faible. Les indicateurs d’efficience azotée sont nombreux et basés sur des méthodes de calculs diverses selon le contexte et les échelles considérées. La littérature illustre un certain nombre de pratiques vertueuses, le plus souvent applicables à l’échelle de l’animal ou du troupeau, qui en améliorent la valorisation. Mais peu d’études présentent une vision intégrative de ces gains aux niveaux d’organisation supérieurs comme l’exploitation ou le territoire. Cet article rappelle tout d’abord les principales stratégies qui permettent d’augmenter l’efficience d’utilisation de l’azote à l’échelle de l’animal, de l’exploitation et du territoire. L’analyse de ces gains à différentes échelles met en évidence qu’une amélioration de l’efficience à un niveau donné n’induit pas systématiquement un gain d’efficience à l’étage supérieur ou pour l’ensemble du système. Par ailleurs, la recherche d’une efficience élevée ne garantit pas systématiquement une réduction des pertes azotées vers l’environnement : certains systèmes d’élevage les plus efficients sont aussi ceux qui génèrent le plus d’impacts du fait des quantités importantes d’azote utilisées. Les indicateurs d’efficience s’avèrent des outils utiles pour améliorer l’utilisation de l’azote dans les systèmes agricoles, mais ces ratios ne disent rien des quantités mises en jeu tant au numérateur qu’au dénominateur. Ils devraient donc être systématiquement associés à des indicateurs de pertes azotées pour une meilleure prise en compte des conséquences des systèmes agricoles sur les milieux naturels.
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