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Renforcer les capacités d’adaptation des systèmes d’élevage de ruminants: Cadres théoriques, leviers d’action et démarche d’accompagnement

Chapeau

Dans les trajectoires d’exploitations, la mise en œuvre de leviers d’adaptation ne va pas de soi : Elle entre souvent en tension avec l’optimisation des systèmes, et dépend de la « logique d’action » propre de l’éleveur. Pour faciliter cette mise en œuvre, nous proposons une démarche d’accompagnement en quatre étapes, avec des exemples d’outils et de dispositifs adaptés1.

Introduction

S’adapter à des aléas a toujours fait partie intégrante de l’activité d’élevage. Un aléa peut se définir comme un « tour imprévisible et le plus souvent défavorable pris par les événements et lié à une activité, une action » (définition Larousse). En particulier, Cordier et al. (2008) distinguent cinq grandes catégories d’aléas en agriculture, selon la nature des risques encourus :

i) les risques climatiques et sanitaires, affectant les rendements et la qualité des produits ;

ii) les risques liés au marché et à la fluctuation des prix pour les intrants et les produits ;

iii) les risques institutionnels relevant de changements politiques ou législatifs ;

iv) les risques financiers liés aux variations des taux d’intérêt et de change, aux liquidités et non-paiements ;

v) les risques humains (maladie, décès) et professionnels (vol, dégradation, panne des outils de production).

Cependant, dans les décennies à venir, le « changement global » pourrait modifier non seulement le contexte de fond de l’activité agricole, mais aussi la fréquence et l’ampleur des aléas dans des proportions sans précédents (Dedieu et al., 2008a ; Milestadt et al., 2012 ; Ancey et al., 2013). Le changement global est un terme générique regroupant différentes composantes : le changement climatique et ses manifestations ; l’accroissement de la démographie mondiale et les changements de consommation; la raréfaction des ressources énergétiques non renouvelables ; l’urbanisation avec ses deux corollaires : l’emprise foncière urbaine sur des terres agricoles et un rapport différent des urbains à l’animal ; la prise de conscience d’une nécessité d’écologiser les pratiques agricoles ; la tension sur les marchés alimentaires susceptibles de provoquer des variations rapides des prix ; le progrès scientifique et technique et les nouvelles perspectives qu’il ouvre (comme par exemple l’élevage de précision, Lokhorst et Groot Koerkamp, 2009) Ces diverses composantes du changement global recouvrent différents types d’aléas, qu’il est plus ou moins possible d’anticiper. Par ailleurs, ces composantes sont liées. Ainsi, par exemple, l’adaptation au changement climatique doit prendre en compte l’évolution des possibilités technologiques et les risques économiques concomitants. Ces dernières années, dans le contexte français, les sécheresses majeures de 2003 et 2011 et la sévère crise du secteur laitier (2015-2016) consécutive à la fin du système de quotas pourraient être des exemples de manifestations directes du changement global, et des signes avant-coureurs des évolutions à venir.

Du fait de l’ampleur inédite des changements en cours induisant une augmentation des aléas et des évènements extrêmes en fréquence et en amplitude, les capacités d’adaptation actuelles des systèmes d’élevage aux aléas pourraient ne pas suffire. Ainsi, au moment de la chute des prix du lait, dès juillet 2015, plus de 22 000 exploitations d’élevage toutes filières confondues étaient au bord du dépôt de bilan économique, soit près de 10 % du total (Le Foll, 2015). De ce fait, les capacités d’adaptation des systèmes d’élevage deviennent une priorité majeure de recherche-développement et du conseil. Cette évolution entraine un besoin important de capitalisation et mutualisation des connaissances et savoir-faire existants, mais aussi d’innovation pour renforcer ces capacités d’adaptation. Dans cet article, nous présentons d’abord les évolutions conceptuelles récentes dans le domaine de la zootechnie des systèmes d’élevage permettant de structurer les recherches sur l’adaptation, de façon complémentaire aux synthèses existantes (Dedieu et Ingrand, 2010 ; Ingrand et al., 2017). Ensuite, nous présentons différents types de leviers d’adaptation, et développons spécifiquement des exemples potentiellement actionnables par les éleveurs et leurs conseillers au niveau du troupeau, des ressources et de la main-d’œuvre. La mise en œuvre concrète des leviers identifiés ne va pas de soi : Elle doit s’insérer dans des stratégies d’exploitations. Aussi, dans la troisième partie, nous proposons une démarche d’accompagnement visant à favoriser cette mise en œuvre dans les systèmes d’élevage.

1. Cadre théorique pour raisonner les capacités d’adaptation

Le changement global est le fait de tendances lourdes, planétaires (élévation des températures, besoins d’écologisation des pratiques…) auquel on peut se préparer. Il inclut aussi des aléas de plus court terme (sécheresses, volatilité des prix) que l’on peut probabiliser et intégrer dans les raisonnements de conduite d’élevage en anticipant le risque d’occurrence. Il inclut également des chocs violents peu prévisibles qui peuvent remettre en cause la viabilité de systèmes d’élevage. Mais le changement global est aussi l’incertitude sur l’avenir, sur l’ampleur des changements, sur la nature même des moteurs qui pèseront (certains ne sont pas connus aujourd’hui), et sur la façon dont ils seront agencés dans le temps. Comment alors raisonner une capacité à faire face à des perturbations d’intensité, de prévisibilité et d’horizons temporels différents ?

1.1. La nécessité d’une approche systémique élargie combinant dimensions techniques et humaines

Deux lignes essentielles fondent l’approche de l’activité d’élevage dans l’exploitation comme un système. Il s’agit i) de se donner les moyens d’accéder aux logiques propres des éleveurs (objectifs et modalités de conduite de l’élevage) et ii) de rendre compte des processus d’élaboration de la production en précisant les modalités d’interaction entre les fonctionnements biologiques et la gestion des individus, des lots et des cycles de production du troupeau (Dedieu et al., 2008b). Le système d’élevage est ainsi défini comme « un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisé par l'homme en fonction de ses objectifs, pour faire produire (lait, viande, cuirs et peaux, travail, fumure...) et se reproduire un collectif d’animaux domestiques en valorisant et renouvelant différentes ressources ». Le système d’élevage est représenté comme le couplage entre un sous modèle de décisions et un sous-modèle biotechnique en interactions (Dedieu et al., 2018b).

Les aléas de différents types ont souvent des répercussions complexes sur l’ensemble du système. Par exemple, les aléas sur la ressource ont des conséquences sur le troupeau, et réciproquement (Noury et al., 2013). Les leviers d’adaptations relèvent alors du pilotage du système, et dépendent à la fois des objectifs et des logiques propres des éleveurs. Dans une représentation « classique » du système d’élevage, la notion de « pilote » de l’exploitation ou de l’élevage résume souvent le couple d’exploitants, figure emblématique de l’agriculture familiale. Mais de fait, les situations tendent à se diversifier, avec des agriculteurs seuls (le conjoint travaillant à l’extérieur), des couples, des associations familiales (père–fils, entre frères), des associations non familiales d’agriculteurs, etc. La pluriactivité peut être dans ces situations soit le fait d’exploitants à la fois agriculteur et exerçant une autre profession (près de 20 % des chefs d’exploitation en France), ou le fait du ménage agricole, chacun dans le couple ayant son métier (Terrier, 2013). Dans le cycle de vie d’une exploitation, plusieurs éléments liés à la famille peuvent peser sur les trajectoires d’adaptation, l’engagement dans le changement ou au contraire la recherche d’une grande stabilité. Ces évolutions concernent par exemple le groupe familial (mariage, décès, naissances, éloignement ou retour des enfants, divorces…), les besoins de la famille (revenu, éducation des enfants…), ou encore les tensions entre la réalité économique et du travail des exploitations et les aspirations des exploitants (Coquil, 2014).

Par ailleurs, les systèmes d’élevage sont des systèmes ouverts inscrits dans des territoires (Dedieu et al., 2008b). Les dynamiques territoriales qui marquent l’environnement des exploitations relèvent de différents ordres :

i) économiques (développement ou régression de bassins d’emploi) ;

ii) foncières (urbanisation, accès au foncier collectif des éleveurs, marché foncier ouvert) ;

iii) déclinaison locale de politiques de filières (basés sur les produits locaux, identifiés de terroir ou vendus en circuits courts vs sur des filières longues et d’exportation, Corniaux et al., 2014) ou

iv) des enjeux environnementaux (maintenir les paysages ouverts ici, limiter la déforestation là, protéger telle ou telle biodiversité) ;

v) des actions collectives (autour de signes de qualité pour les produits animaux, pour l’entraide de travail, la réduction des coûts de mécanisation, les échanges de matières animales et végétales).

On comprend alors que ces dynamiques et la concrétisation de projets collectifs représentent tout à la fois des opportunités d’adaptation (l’emploi pour les conjoints favorisé par le dynamisme d’autres secteurs économiques) ou des contraintes pour l’adaptation (certaines mesures liées à la protection de la ressource en eau) ou les deux à la fois (par exemple les cahiers des charges des appellations d’origine en France sont à la fois une façon de soutenir les prix payés aux producteurs mais aussi une limite aux changements de races ou à la souplesse des modes de récolte de fourrages, notamment lorsque le « tout foin » est imposé pour l’affouragement hivernal).

1.2. Les concepts clés pour raisonner l’adaptation

Plusieurs concepts permettent de rendre compte spécifiquement de l’adaptation des systèmes d’élevage (Urruty et al., 2016). Dans cette synthèse, nous donnons les définitions de trois d’entre eux (résilience, flexibilité et vulnérabilité), qui seront structurants pour décrire les leviers d’adaptation et la démarche d’accompagnement proposée dans les deux parties suivantes. Ces trois concepts sont complémentaires, et leurs interrelations sont non-triviales (la résilience n’est pas l’opposé de la vulnérabilité…) (Gallopín, 2006). D’autres concepts sont par exemple la robustesse, la plasticité, la rusticité (Sauvant et Martin, 2010), ainsi que la viabilité (Sabatier et al., 2012).

- La résilience est une notion qui s’est très largement vulgarisée, à partir de différentes disciplines. En psychologie, elle se définit comme la capacité à se reconstruire après un choc violent. Dans la communauté de recherche sur les systèmes socio-écologiques, deux types de résilience sont distinguées (Holling, 1973) :

i) la « résilience ingénérique » se concentre sur la notion de stabilité autour d’un état d’équilibre. Cette propriété est mesurée à partir de la résistance aux perturbations et le retour à l’état d’équilibre ;

ii) la « résilience écologique » met au contraire l’accent sur les conditions éloignées d’un état d’équilibre, pouvant entrainer un système dans un autre régime de fonctionnement (ou un autre « domaine de stabilité »).

À l’échelle de l’exploitation agricole, en prenant directement inspiration sur Holling (1973), Milestad et al. (2012) soulignent la nécessité de prendre en compte les trajectoires des systèmes « famille-exploitation-autres activités » pour caractériser la résilience, définie dans ce cas comme « la capacité à s’accommoder à des changements internes et externes, prédictibles ou non, la capacité à apprendre et à s’adapter aux incertitudes, la capacité à se réorganiser après des chocs ». Selon Gunderson (2000), trois stratégies permettent d'accroître le niveau de résilience des systèmes pilotés : l'accroissement du pouvoir tampon du système (marges de manœuvre) ; l’accroissement du caractère adaptatif du pilotage en jouant sur différentes échelles spatiales et temporelles ; la création des conditions d'émergence d'innovations (capacité d’apprentissage…) favorables à l’adaptation.

- La flexibilité est un concept des sciences de gestion et de l’économie industrielle (Chia et Marchesnay, 2008). Elle renvoie à l’image « du roseau qui plie mais ne rompt pas ». Nous rappelons ici deux définitions de la flexibilité d'une organisation :

i) « son aptitude à s’accommoder aux circonstances, à absorber des changements, sa capacité à préserver et à créer des options, à apprendre » (Tarondeau, 1999) ;

ii) « des procédures qui permettent d’accroître la capacité de contrôle sur l’environnement, de diminuer la sensibilité du système à son environnement » (Astigarraga et Ingrand, 2011).

La flexibilité est une propriété qui n’est pas mesurable en soi, mais qui dépend du contexte (le type d’aléas pris en compte) et des buts recherchés. Aaker et Mascarenhas (1984) proposent plusieurs leviers pour développer la flexibilité d'une organisation :

i) la diversification des processus, des activités et des produits, incluant l'élargissement de la gamme, mais aussi la participation à différents marchés ;

ii) l'accroissement de l'autonomie de chaque unité de production par rapport aux autres ;

iii) le développement de ressources potentiellement utiles, c'est-à-dire non mobilisées en permanence, mais mobilisables « au cas où » : redondances fonctionnelles, compétences non exploitées, marges de manœuvre. Tarondeau (1999) distingue les sources de flexibilité internes, relatives au système de production et externes, en lien avec les réseaux de relation sociaux et économiques. Les sources internes sont déclinées en flexibilité « règles (inputs immatériels), processus, produits ». La flexibilité « règles » renvoie aux possibilités d’ajustement des règles de conduite voire du projet de production selon le contexte. La flexibilité « processus » renvoie aux capacités de régulation interne des systèmes liés aux interrelations entre composantes du système. La flexibilité « produits » fait référence à la gamme de produits, et aux partenaires de l’aval (diversité et modalités de contractualisation) (Nozières et al., 2011).

- La vulnérabilité a été proposée initialement dans les disciplines des sciences humaines, en lien avec l’exposition des personnes à des aléas externes (Janssen et al., 2006, Pearson et al., 2011), avant de connaitre un succès important notamment dans les recherches sur le changement climatique (Füssel et Klein, 2006). Dans les recherches sur les moyens de subsistance, « la vulnérabilité se réfère à l’exposition à des aléas », et à la difficulté à les gérer. Selon cette définition, la vulnérabilité a donc deux faces : une face externe d’aléas auxquels l’individu ou le ménage est confronté ; une face interne relevant de l’incapacité à gérer les impacts de ces aléas (Oliveira et al., 2015). Selon Adger (2006), la vulnérabilité résulte de trois composantes : l’exposition, la sensibilité et la capacité d’adaptation. Les caractéristiques de l’exposition incluent l’amplitude, la fréquence, la durée et l’ampleur spatiale des aléas. La sensibilité mesure l’impact de cet aléa en l’absence d’adaptation par le pilote (Gallopín, 2006). La capacité d’adaptation représente la capacité du système à évoluer pour s’adapter à son environnement et notamment à l’occurrence d’aléas (Adger, 2006).

En synthèse, chacun des concepts a son origine dans un ancrage disciplinaire spécifique (respectivement écologie, sciences de gestion, socio-économie). Les intersections sont nombreuses mais les recouvrements incomplets. Aussi, le choix d’un concept dépend des objectifs que l’on se donne. Dans les parties suivantes, les concepts de résilience et de flexibilité sont structurants pour dresser un panorama des stratégies et leviers d’adaptations (cf. § 2). La vulnérabilité est quant à elle un cadre efficace pour opérationnaliser une démarche d’accompagnement, de par la distinction analytique entre variables d'exposition, de sensibilité et de capacité d'adaptation (cf. § 3). Au final, s’adapter, c’est envisager :

i) des échelles de temps variables (du court au long terme) ;

ii) des régimes d’évitement, d’anticipation, d’adaptation « en temps réel » ;

iii) des aléas variés et enchevêtrés (même si le changement climatique domine dans les études) ;

iv) des incertitudes (effets imprévus des adaptations notamment) ;

v) le maintien du système mais aussi la nécessité de le changer voire de le transformer ;

vi) le système d’élevage, l’exploitation et le territoire (réseaux de solidarité) ;

vii) les décisions humaines et les propriétés associées au troupeau et aux ressources.

2. Stratégies et leviers d’adaptation

2.1. Logique d’action des éleveurs sur le long terme

Dans l’optique d‘un renforcement de ces capacités d’adaptation, en plus d’un renouvellement théorique, un second préalable est de comprendre les pratiques et les savoir-faire existants des éleveurs face aux aléas et à l’incertitude. Dans cette optique, les logiques d’action sur le long terme (Bernoux, 1996), d’inspiration sociologique, sont construites sur la base de plusieurs principes qui guident l’action sur le plan technique, économique, financier et humain. Dans les circonstances propres à chaque exploitation et selon la nature et l’intensité des perturbations internes ou externes, ces principes vont se matérialiser par la trajectoire d’évolution du système famille-exploitation (Dedieu et Ingrand, 2010).

La mise en commun des données provenant de plusieurs études réalisées dans différents pays (France, Uruguay, Argentine) sur des trajectoires de long terme et leur justification par les éleveurs eux même mettent en exergue cinq registres guidant les évolutions que les éleveurs mettent en avant pour préserver l’avenir (Dedieu et Ingrand, 2010) :

i) La configuration du système famille-exploitation, avec deux principes aux conséquences divergentes relatifs soit à la taille avec des modalités comme « être gros pour tenir » ou au contraire « s’agrandir, c’est pas pour moi : on s’y perd », soit à la combinaison d’activités, opposant la diversification « pas tous les œufs dans le même panier » et la spécialisation « pour être compétent et efficace » ;

ii) la prise de risques (financier ou technique), pour l’amélioration du système, avec les trois modalités : « jamais », « nécessaire », « que s’il est très contrôlé » ;

iii) les finances, c'est-à-dire le rapport à l’endettement (jamais, ou mal nécessaire), à l’épargne (systématique ou non), à la possibilité d’ajuster les prélèvements familiaux en année difficile ;

iv) le fonctionnement du système technique, avec trois modalités correspondant à l'accent mis par les éleveurs sur des dimensions différentes de ce fonctionnement : une ambition technique forte (« c’est le garant pour tenir ») ; une ambition gestionnaire (« ce qui importe, c’est l’optimisation de l’ensemble des ressources de l’exploitation, y compris d’un travail maîtrisé » ainsi que du volet fiscal) ; la volonté de conserver des souplesses dans le processus de production (« en garder sous la pédale », « ne jamais être à fond ») ;

v) les réseaux sociotechniques (d’information, d’échanges et de conseil, permettant la maîtrise de l’aval « il est nécessaire d’investir dans des organisations de producteurs »).

La déclinaison spécifique des logiques d’actions est précisée dans le contexte bourguignon par Lemery et al. (2005). Partant d’un point de vue de sociologue, ils ont théorisé deux familles de rapports aux aléas : « faire avec » qui privilégie la souplesse et les marges de manœuvre ; « agir sur » qui renvoie à la volonté de maitrise proactive, « virile » du système et de son évolution.

2.2. Leviers d’adaptation pour les systèmes d’élevage

Plusieurs typologies d’adaptations ont été proposées dans la littérature, en particulier dans la littérature sur le changement climatique (Kurukulasuriya et Rosenthal, 2003). Ces typologies diffèrent par exemple selon la temporalité (proactive/réactive, court terme/long terme…) ou selon le caractère autonome ou planifié des adaptations (Füssel et Klein, 2006). En lien avec les réflexions sur les deux types de résilience (ingénérique et écologique), une distinction s’est aussi progressivement opérée entre adaptations incrémentale et transformationnelle, en fonction de l’ampleur des adaptations (Herrero et al., 2015). Ainsi, alors que les adaptations incrémentales correspondent à « une simple extension de ce qui se fait déjà », les adaptations transformationnelles peuvent se caractériser par une nouveauté radicale ou une ampleur spatiale telle qu’elle transforme les territoires (Kates et al., 2012). Ainsi, Rickards et Howden (2012) distinguent deux cas d’adaptations transformationnelles en agriculture, selon qu’elles impliquent :

i) des changements majeurs dans la localisation des activités agricoles ;

ii) des changements profonds dans les objectifs conduisant à faire les choses très différemment.

Dans ce second cas, l’adaptation peut s’accompagner d’une évolution majeure des normes et valeurs qui sous-tendent les objectifs de l’activité (Pelling et al., 2015 ; Huet et al., 2018, Coquil et al. 2014).

Dans cette section, nous proposons une catégorisation des leviers d’adaptation inspirée des concepts de flexibilité et de résilience, en présentant successivement : des leviers internes à l’exploitation d’élevage, des leviers externes associés à des actions et organisations collectives et un exemple pour chacun des deux types d’adaptation transformationnelle. Certains leviers juste évoqués ici ont été développés plus en détail dans d’autres synthèses, comme celle de Pottier et al. (2017) en référence au risque de sécheresse.

a. Leviers à l’échelle du troupeau, des ressources et de l’organisation du travail

Différents types de leviers internes à l’exploitation peuvent être identifiés an niveau de chacun des trois pôles du système d’élevage (troupeau, ressource, éleveur), l’éleveur étant abordé sous l’angle de ses finalités technico économiques mais aussi de travail (productivité, temps libre, sens) et donc comme le pilote technique et de l’organisation du travail. Par ailleurs, les leviers relèvent de trois grands principes apportés par le concept de flexibilité :

i) accroissement des marges de manœuvre ;

ii) diversification ;

iii) management adaptatif (tableau 1).

Tableau 1. Leviers d’adaptations liés aux marges de manœuvre, à la diversification et au management adaptatif au niveau des trois pôles du système d’élevage.


Troupeau

Ressources

Organisation du travail/ Économie

Accroissement
des marges
de manœuvre

- Objectifs de performances
modérés
- Stocks animaux peu
productifs
- Races rustiques

- Chargement à l’hectare
modéré
- Surface de réserve
potentiellement mobilisable
parcours…)

- Avoir du temps disponible
(salariés, matériel, bâtiments)
- Limiter l’endettement

Diversification
des processus
et produits

- Produits issus du troupeau
- Cycles de production
- Diversité génétique

- Diversité des prairies
(exposition, composition
floristique…)
- Diversité des cultures

- Diversité des activités
au sein du ménage et/ou
au sein de l’exploitation

Management
adaptatif

- Modifier les règles
de pilotage du troupeau

- Prairies et cultures
à double fin (fauche/pâturage ;
moissonnage/ensilage)

- Ajuster les modalités
d’organisation du travail

Dans plusieurs études, l’accroissement des marges de manœuvre renvoie à la recherche de niveaux de performances positionnés en deçà du potentiel de façon à limiter le coût (économique, travail) d’un suivi très exigeant et à préserver une flexibilité opérationnelle du système vis-à-vis des aléas. Au niveau du troupeau, par exemple, un rendement modéré des vaches laitières peut limiter les problèmes de santé (Ingrand et al., 2017). Ceci peut concerner la constitution des stocks animaux peu productifs mais résistant aux aléas (comme le troupeau bovin des Peuls dans le Ferlo Sénégalais couplé à un troupeau de petits ruminants plus labile mais aussi plus fragile – Manoli et al., 2014) et l’élevage de races rustiques (peu productives mais capables de mobilité et de mobilisation / reconstitution de leurs réserves corporelles en cas de disette) (Nozières et al., 2011). Au niveau des surfaces, un chargement à l’hectare en deçà du potentiel productif des surfaces permet de faire face aux sécheresses sans modifier le système (Astigarraga et Ingrand, 2011). Ménager du temps disponible pour l’éleveur peut se faire, selon les cas, par une réorganisation du travail, la délégation à l’entreprise de certaines tâches, l’achat de matériel ou des bâtiments plus adaptés (Hostiou et Dedieu, 2011). Enfin, limiter le taux d’endettement permet de limiter la pression sur la productivité et les charges opérationnelles (tableau 1).

La diversification a fait l’objet de beaucoup d’attention dans les études fondées sur les concepts de résilience, de vulnérabilité et de flexibilité appliquées tant au système d’élevage (Pottier et al., 2007) qu’au système famille-exploitation. La diversité peut avoir des vertus passives pour l’adaptation (« ne pas mettre tous ces œufs dans le même panier »), ou être utilisée activement. À l’échelle du troupeau, une diversité de fonctions des activités d’élevage peut être combinée au sein de l’exploitation. Par exemple, un troupeau peut avoir fonction de stock et un autre une fonction productive (comme les troupeaux bovins et ovins pour la Tabaski, respectivement, Manoli et al., 2014). Un troupeau à fonction productive (le troupeau laitier) peut être associé à un troupeau secondaire « ramasse miette » valorisant des parcours impropres aux vaches laitières et des refus des vaches dans les systèmes traditionnels de montagne de Margeride (Dedieu et al., 1992). La diversité des produits issus du troupeau peut également être déterminante pour l’adaptation, notamment en troupeau allaitant (Nozières et al., 2011, Astigarraga et Ingrand, 2011). La diversité des cycles de production au sein du troupeau est construite au travers des pratiques de reproduction (plusieurs sessions de reproduction), de renouvellement – réforme (tolérer des épisodes improductifs, possibilité pour des reproductrices de profiter de sessions de reproduction de rattrapage…) et de tarissement (durée des lactations ajustable). L’ensemble forme une dynamique de troupeau moins sensible aux aléas, plus résiliente que lorsque les conduites homogénéisent ces trajectoires (Cournut et Dedieu, 2004). De même la diversité des animaux d’un troupeau mono espèce confère de la robustesse au système vis-à-vis des aléas (Blanc et al., 2015). Au niveau de la ressource, la diversité peut s’envisager à l’échelle du système fourrager (selon l’exposition, la composition floristique, la biodiversité des prairies) mais aussi les modalités de gestion (pâturage ; fauche) (Andrieu et al., 2007). La diversification des types de prairies (en particulier en termes de précocité) permet de distribuer les pics de production des prairies au fil des saisons (Duru et al., 2008). C’est aussi un moyen de fournir aux animaux des ressources alimentaires aux valeurs nutritives complémentaires. La diversification de l’assolement est un autre levier d’adaptation. La combinaison de cultures et de prairies aux périodes de production décalées (printemps pour les prairies, été pour le maïs par exemple) permet de diminuer l’exposition de l’exploitation d’élevage à un type d’aléa climatique (Martin et Magne, 2015). L’introduction d’inter-cultures fourragères est un moyen de produire des fourrages à des périodes de l’année où il n’était pas d’usage de le faire. Une bonne intégration entre cultures, prairies et élevage est un facteur essentiel à l’adaptation des exploitations d’élevage (Veysset et al., 2014). Une étude au Burkina Faso a montré que les stratégies favorisant le mieux les capacités d’adaptation face aux aléas climatiques sont celles qui combinent les interventions à la fois sur le troupeau et les cultures, plutôt que sur un seul domaine. Dans ce contexte, les revenus provenant des activités extra-agricoles sont également essentiels pour réduire la sensibilité des exploitations d’élevage aux aléas (Rigolot et al., 2017).

Enfin, le « management adaptatif » correspond à la possibilité de redéfinir ou d’ajuster la stratégie de conduite du troupeau et des surfaces selon les aléas (court terme), ou pour tenir compte du changement du contexte externe ou d’évènements internes (moyen et long terme). À court terme, il s’agit de pouvoir :

i) modifier les règles de pilotage du système d’élevage voire le projet de production ;

ii) ajuster les modalités d’organisation du travail (le qui fait quoi dans la journée ou le contenu de la tâche qui peut être simplifié) selon les conditions du moment (Nozières et al. 2011). Par exemple, les cultures peuvent être destinées à la vente une année, au troupeau une autre année.

Ainsi, les cultures à double fin telles que les méteils peuvent permettre de s’adapter en choisissant de les moissonner ou de les ensiler selon les conditions de l’année; le lot de génisses peut être un consommateur de cultures ratées si le besoin s’en fait sentir ; une prairie peut être fauchée ou uniquement pâturée selon le déroulement du printemps, et selon l’extension possible des périodes d’utilisation sans dégradation de la qualité ou de la productivité (Andrieu et al., 2007) ; les veaux peuvent devenir des taurillons, des bœufs maigres ou gras selon les fourrages ou les débouchés disponibles (Astigarraga et Ingrand, 2011).

b. Leviers externes : l’importance des réseaux et l’action collective

Plusieurs auteurs ont souligné l’importance de considérer le rôle des réseaux sociaux dans l’appréhension de la capacité d’adaptation des systèmes. Ces réseaux sont tour à tour :

i) des réseaux de solidarité active qu’il faut pouvoir entretenir via des dons, des alliances (mariages par exemple) ou des confiages. En élevage Peuhl du Ferlo sénégalais, les confiages d’animaux sont extrêmement fréquents et croisés, d’une famille à une autre (Manoli et al., 2014). Ce capital social est mobilisé en cas de coups durs ou pour reconstituer un troupeau après une période de crise extrême. Dans le contexte français, les systèmes formels d’assurance peuvent constituer un levier similaire, par exemple les assurances prairies multirisques (Mosnier, 2015).

ii) des lieux de circulation, d’information, de débats, de réassurance des individus. Ces réseaux constituent alors des supports importants de l’accompagnement par les structures de conseil, où il s’agit moins de prescrire des solutions clés en main que d’organiser des échanges participant à l’apprentissage et à la capacitation dans le changement (Lusson et al., 2014)

iii) des ferments d’actions collectives visant explicitement à sécuriser les systèmes. Ainsi, dans les montagnes françaises les règles collectives de gestion d’estives portant sur des dates de montée et de descente de montagne, des types d’animaux et des états sanitaires permettent la décharge des exploitations d’une partie du cheptel pendant la période estivale, redonnant alors des marges de manœuvre dans la ferme. De même certaines démarches collectives dans le cadre des AOP réussissent à conforter les stratégies productives, d’une part, via un prix payé au producteur plus élevé, mais également par une stabilité des prix plus forte que dans des circuits plus conventionnels soumis au marché mondial (Rigolot, 2016).

2.3. Adaptations transformationnelles

L’adaptation transformationnelle est un front de recherche émergeant encore peu connu et étudié. Pourtant, dans le contexte du changement global, il est désormais admis que les adaptations incrémentales sont insuffisantes et doivent être associées à des transformations plus radicales (Herrero et al., 2015). Nous illustrons ici, par un exemple, chacun des deux types d’adaptation transformationnelle identifiés par Rickards et Howden (2012) :

i) Un changement majeur de la localisation des activités agricoles correspond par exemple à une transition de grande ampleur des systèmes d’élevage d’un type vers un autre type (par exemple, du pastoralisme aux systèmes culture-élevage intégrés en Afrique, Herrero et al., 2015). En utilisant une approche par la modélisation, Weindl et al. (2015) ont montré qu’une transition majeure vers des systèmes culture-élevage intégrés pourrait réduire les coûts globaux d’adaptation au changement climatique de 3 à 0,5 % des coûts totaux de production, en raison d’une meilleure efficience alimentaire. Selon Leclère et al. (2014), des adaptations transformationnelles de ce type seraient nécessaires dans la plupart des régions du monde d’ici 2050 pour faire face au changement climatique, mais la nature et l’ampleur des changements dépend des scénarios climatiques utilisés. Par ailleurs, la réversibilité des adaptations est essentielle, car la « maladaptation » résultant de mauvais choix pourrait être très couteuse. Ainsi, il est essentiel de développer des approches multicritères considérant conjointement les conséquences en termes d’adaptation, de mitigation et de sécurité alimentaire (« climate smart agriculture »), et sur d’autres dimensions (sociales, nutrition humaine, biodiversité…) (Herrero et al., 2015). Dans le contexte africain, une transition de grande ampleur vers des systèmes cultures-élevage intégrés pourrait avoir des répercussions très positives sur l’adaptation, mais aussi en termes de mitigation des gaz à effet de serre et de sécurisation alimentaire (Herrero et al.2015). En revanche, la conversion des savanes africaines humides en zone de cultures vivrières ou bioénergétiques pourraient avoir des coûts carbone importants et des conséquences très négatives sur la biodiversité, contrairement à ce qui était précédemment généralement admis (Searchinger et al., 2015). Enfin, l’adaptation transformationnelle nécessite d’intégrer dans la réflexion les secteurs non-agricoles, comme l’industrie ou le tourisme (Rickards et Howden, 2012). Pour limiter les risques de mauvais choix d’adaptations, il est essentiel de bien comprendre, par des approches transdisciplinaires, comment l’activité d’élevage de ruminant s’insère dans les paysages, les communautés rurales et son environnement social, politique et culturel (Rickards et Howden, 2012). Dans le contexte européen, par exemple, la caractérisation des bouquets de services rendus par l’élevage (Dumont et al., 2017) et les scénarios prospectifs (Cerles et al., 2017) constituent des préalables utiles pour anticiper les risques de « maladaptation » ou d’une « sous-adaptation » qui ne soit pas à la hauteur des enjeux.

ii) Un changement profond des objectifs de l’activité d’élevage de ruminants est souvent constaté dans les transitions marquées vers l’autonomie en intrants. Pour étudier ces transitions « en train de se faire », Coquil et al. (2014) ont proposé une approche par le développement des « mondes professionnels ». Issu de l’ergonomie, ce concept considère l’activité des travailleurs comme un système au sein duquel les façons de faire, les connaissances et les valeurs sont indissociables de l’objet de l’action. Un changement radical de façon de gérer un système est alors considéré comme un processus mettant en jeu la construction progressive d’une nouvelle cohérence systémique, d’un nouveau monde professionnel (Coquil et al., 2014). Quatre raisons d’un engagement radical vers l’autonomie sont identifiées :

i) des difficultés économiques ;

ii) une divergence forte entre le système pratiqué (par exemple productiviste) et les valeurs profondes des exploitants (par exemple tourné vers la décroissance…) ;

iii) la découverte de la nouveauté, de façons de faire originales et stimulantes ;

iv) l’obligation (par exemple réglementaire ou liée à un cahier des charges de production) (Coquil et al., 2014).

La transition s’appuie sur des instruments mobilisés au fur et à mesure du temps, des connaissances scientifiques mises à disposition des agriculteurs, des formations, des échanges entre pairs, des essais – erreurs, etc. Par exemple, Coquil et al. (2014) montrent comment certaines formations à l’observation des animaux ou à la mise en place du pâturage tournant ressortent comme des passages obligés à la re-conception du lien entre alimentation et santé des animaux. Kummer et al. (2008) et Chantre et al. (2014) mettent davantage l’accent sur les apprentissages progressifs par essais – erreurs ou tentatives prudentes sur des parcelles test de nouvelles façons de conduite. À moyen terme, c’est le monde professionnel dans son entier qui est ré-agencé (les entités/objets de gestion de l’exploitation ; les règles stratégiques de décisions ; les formes d’organisation du travail (en autonomie familiale ou avec du salariat) ; les normes professionnelles (faire son droit à produire ou y renoncer) et les valeurs qui les sous-tendent (logique agroindustrielle de compétitivité ou inscription dans le territoire de proximité). Le management adaptatif est alors matérialisé comme un processus de changement où les apprentissages sont centraux et les instruments mobilisés pour évoluer pas à pas des ressources essentielles pour les acteurs (agriculteurs, conseillers) (Milestadt et al. 2012). Enfin, dans une optique de diffusion, les approches de psychologie sociale notamment montrent sous quelles conditions de telles adaptations transformationnelles peuvent « essaimer » au sein d’une population d’éleveurs (Huet et al., 2018). Ceci suggère des synergies possibles avec l’adaptation transformationnelle à l’échelle du territoire.

2. Accompagnement pour l’adaptation des systèmes d’élevage de ruminants

Que celles-ci soient incrémentales ou transformationnelles, la mise en œuvre des adaptations dans les exploitations d’élevage ne va pas de soi. En effet, bien souvent, ces adaptations entrent en tension avec la logique d’optimisation des systèmes (Chia et Marchesnay, 2008), qui guide encore dans une large mesure le conseil et les stratégies d’exploitation. Accompagner un éleveur dans l’adaptation de son système d’élevage de ruminants procède d’une succession d’étapes qui peut s’apparenter au cycle de l’apprentissage expérientiel décrit par Kolb (1984). Ce cycle est une succession de quatre étapes :

i) conceptualisation abstraite, i.e. rechercher et comprendre les raisons aux phénomènes observés, au fonctionnement des systèmes et définir des objectifs à atteindre en termes d’adaptation ;

ii) expérimentation active, i.e. mise en situation afin de vérifier des hypothèses pour apprendre sur les atouts et contraintes de différentes adaptations ;

iii) expérimentation concrète, i.e. mise en œuvre et suivi des adaptations pour acquérir des informations sur les résultats de cette mise en œuvre ;

iv) observation réfléchie, i.e. réflexion sur les adaptations visant à analyser la situation vécue, la comparer aux situations antérieures, qualifier les résultats inattendus, etc.

Cette succession d’étapes est à raisonner selon la situation de l’éleveur. En nous inspirant du cycle de l’apprentissage et du concept de vulnérabilité, nous proposons quatre étapes pour l’accompagnement de l’adaptation des systèmes d’élevage de ruminants (figure 1). Chaque étape mobilise différents outils, présentés dans la suite de cette section. La démarche d’accompagnement proposée doit être vue comme une possibilité parmi d’autres approches possibles. Par exemple, la théorie de diffusion de l’innovation de Rogers (2003) propose cinq étapes complémentaires dans un processus de transfert (connaissance, persuasion, décision, implémentation, confirmation).

Figure 1. Proposition d’une démarche d’accompagnement des systèmes d’élevage de ruminants dans une perspective d’adaptation : Quatre grandes étapes et des exemples d’outils correspondants.

RIGOLOT C., MARTIN G., DEDIEU B., 2019. Renforcer les capacités d’adaptation des systèmes d’élevage de ruminants : Cadres théoriques, leviers d’action et démarche d’accompagnement. INRA Prod. Anim., 32

3.1. Prendre conscience de son exposition aux aléas et percevoir les nouveaux risques pour le secteur

S’adapter à un préalable, avoir conscience des aléas et risques auxquels on est exposé ou auxquels on sera exposé, et les intégrer dans les réflexions stratégiques. Or de nombreux éleveurs n’intègrent pas suffisamment cette exposition à leurs réflexions, comme observé chez des producteurs de cacahuètes australiens (Marshall et al., 2014). Cette lacune se révèle particulièrement dans les projets déposés par les candidats à l’installation en agriculture qui sont souvent basés sur un scénario unique de prix du lait ou de prix des intrants, lesquels connaissent pourtant de fortes variations (Idele, 2018a ; Insee, 2018).

Pour aider les éleveurs à visualiser leur exposition aux aléas climatiques ou économiques sur une série d’années passées, les indicateurs agroclimatiques et économiques sont des outils efficaces. Par exemple, la date calendaire à laquelle on a atteint 1 000 degrés jours donne une information sur la précocité de l’année (Bouttes et al., 2018). La différence entre précipitations et évapotranspiration corrigée de la réserve en eau du sol en début de période considérée donne une information sur le déficit hydrique de l’année ou d’une période de l’année en particulier (Bouttes et al. 2018). La présentation de tels indicateurs permet d’illustrer l’ampleur des variations climatiques interannuelles voire intra-annuelles et leur impact sur la production de fourrages et de grains. De même, des indicateurs économiques tels que l’IPAMPA (Idele, 2018a) et l’IPPAP (Insee, 2018) fournissent des informations normalisées sur le prix des intrants et sur le prix du lait et de la viande. La présentation de tels indicateurs permet d’illustrer l’ampleur parfois mésestimée des variations du contexte économique de l’élevage.

Pour que les éleveurs réalisent les risques auxquels ils seront exposés, il est possible d’organiser des « focus groups » locaux pour partager et confronter les perceptions des éleveurs (Idele, 2018b). Cette méthode d'enquête permet de recueillir les points de vue et attitudes d'un groupe par rapport à un enjeu ou une filière. À l’issue de plusieurs focus groups dans une même zone, il est possible de synthétiser les perceptions des éleveurs pour les remobiliser avec d’autres groupes. Ainsi, un schéma sur les nouveaux risques pour la filière laitière biologique pourra être utilisé avec de nouveaux groupes et complété d’actualités sur le développement de cette filière en Europe afin de sensibiliser les éleveurs aux risques auxquels ils sont exposés.

3.2. Évaluer sa sensibilité à ces aléas et risques

S’adapter à un autre préalable, celui d’être conscient de la sensibilité de son système d’élevage à ces aléas et risques et des raisons de cette sensibilité. Or de nombreux éleveurs n’ont pas de vision claire de la sensibilité de leur système d’élevage à différents types d’aléas et ne peuvent que constater les dégâts lorsqu’ils surviennent. Cette lacune s’est révélée particulièrement par les difficultés économiques rencontrées par nombre d’éleveurs laitiers consécutivement à la fin du système de quotas (Idele, 2018c) et les protestations qui s’en sont suivies, alors que l’arrêt de ce système était défendu par le principal syndicat agricole (AFP, 2009). Pour mieux évaluer la sensibilité des élevages, il est possible d’utiliser des indicateurs agronomiques, zootechniques et économiques sur une série d’années passées (Oliveira et al., 2015). Ainsi, l’évolution de l’autonomie alimentaire donne une information sur la capacité du système à encaisser des aléas climatiques (Grolleau et al., 2014). L’évolution de l’EBE/UTH ou de l’EBE/Produit brut donnent une information sur la capacité du système à encaisser des aléas climatiques et économiques. Associée à des méthodes d’analyse de la vulnérabilité (Bouttes et al., 2018), la présentation de tels indicateurs permet d’illustrer l’ampleur des variations de performances induites par des aléas du contexte de production.

Une autre possibilité, permettant d’aborder les raisons de la sensibilité, est d’utiliser des outils de diagnostic dans lesquels sont renseignés des paramètres décrivant le système d’élevage et qui fournissent en sortie des indicateurs sur son niveau d’autonomie alimentaire, son coût alimentaire, etc. Ces outils offrent parfois la possibilité de simuler la sensibilité d’un système d’élevage à une diversité d’années climatiques. Plusieurs outils ont été développés récemment parmi lesquels par exemple AMIABLE et AUTOSYSEL (Idele, 2018d). Concernant la sensibilité aux risques liés à l’organisation du travail, la méthode Quaework fournit des indicateurs tels que le temps disponible (Hostiou et Dedieu 2011).

Une autre possibilité est d’organiser des visites de ferme chez des éleveurs ayant une réflexion avancée en termes d’adaptation. Ces visites, de par les échanges qu’elles permettent entre l’agriculteur hôte et les agriculteurs visiteurs, permettent à ces visiteurs de développer un regard critique sur leurs pratiques et sur les atouts et contraintes de leurs systèmes d’élevage.

3.3. Se projeter en concevant et évaluant des scénarios d’alternatives

Cette étape dépend de l’accompagnement effectué aux étapes précédentes qui doit avoir permis de placer l’éleveur dans les dispositions requises pour une réflexion sur l’adaptation. Son objectif est de permettre à l’éleveur de tester ses hypothèses en se projetant sur la mise en œuvre d’adaptations par des exercices de conception et d’évaluation de scénarios d’alternatives à son système d’élevage actuel (Piquet et al., 2013), notamment en termes de modes de gestion des surfaces et des animaux. Ces exercices d’exploration peuvent considérer des adaptations incrémentales et transformationnelles.

De tels exercices peuvent être faits soit à partir d’outils de diagnostic, soit à partir d’outils dédiés à l’adaptation tels que le Rami Fourrager® (Martin et al., 2011). Cet outil met un groupe d’agriculteurs en situation de définition d’un problème, puis de conception de scénarios de solutions à ce problème et d’évaluation de ces scénarios par simulation informatique. Sur le plateau de jeu, les agriculteurs doivent représenter une exploitation d’élevage, fictive ou inspirée du réel, en manipulant des objets représentant les cultures et les prairies, les animaux présents (lots) et les rations qui leur sont distribuées. Un modèle informatique de simulation permet d’évaluer l’adéquation entre production de fourrages et de grains et consommation par le troupeau, le coût alimentaire, etc. En manipulant le jeu, les participants sont amenés à discuter de modes de gestion des animaux (rationnement, reproduction…) et des parcelles (assolement, choix des cultures et des prairies, modes d’exploitation…). Pour alimenter cette réflexion, il peut être intéressant d’avoir recours à des cas types qui informent sur des types de systèmes présentant un niveau de performances et une capacité d’adaptation considérés parmi les meilleurs pour une zone donnée.

Ce type d’exercice favorise le partage de connaissances entre agriculteurs et permet de se projeter de manière visuelle et chiffrée sur la mise en œuvre de solutions. Il permet d’intégrer les leviers passés en revue dans la section 2 dans des stratégies d’exploitants.

3.4. Mettre en œuvre, suivre et évaluer les adaptations

Dernière étape, la mise en œuvre des adaptations ne se suffit pas à elle-même. Elle doit s’accompagner d’observations et d’évaluations réflexives sur ces adaptations pour en qualifier les atouts et contraintes ainsi que les résultats inattendus qu’elles auront produits. Sur cette base-là, l’éleveur pourra ensuite modifier les adaptations mises en œuvre en fonction de ses attendus en termes de vulnérabilité ou de résilience aux aléas. Aujourd’hui, cette étape a fait l’objet de relativement moins de développements méthodologiques que les précédentes. Il y a là un enjeu prioritaire pour la recherche-développement, sachant que les chemins de transition sont tout sauf linéaires (Coquil, 2014). Cette étape favoriserait le développement d’un regard critique sur les adaptations testées et leur adéquation au contexte pédoclimatique, aux aléas et risques auxquels le système d’élevage est exposé.

Conclusion

Le développement de capacités d’adaptation a toujours été une nécessité en élevage, mais cette problématique se trouve renouvelée et amplifiée dans le contexte de changement global. Cette évolution nécessite une capitalisation des savoir-faire existants, ainsi que de l’innovation dans les leviers et les stratégies d’adaptations. Dans cette perspective, le développement et l’application de concepts tels que résilience, flexibilité, vulnérabilité, ont permis de mieux comprendre les stratégies des éleveurs face aux aléas, en mettant en évidence les leviers de court terme et les logiques d’actions sur le long terme. Ces logiques d’action balisent le type de leviers techniques de court terme qui peuvent être utilisés : par exemple, « toujours s’agrandir pour tenir » induira plus facilement une recherche de formes simplifiées de conduite, où la diversité est plutôt vue comme une source de travail accroissant les tensions. Dans ce cas, les règles doivent être simples et peu ajustables pour limiter les charges de gestion. La préservation de marges de manœuvre et la défense du modèle via des réseaux ad hoc (syndicaux par exemple) sont alors les premiers leviers utilisés pour s’adapter. À l’inverse, la combinaison permanente de formes de management adaptatif de court et de moyen terme donne lieu à des trajectoires de long terme qualifiées de très labiles, où tout change tout le temps, qui se différencieront fortement de celles où le changement n’intervient que par phases, lorsque le système doit se réformer profondément pour des causes internes ou externes (Terrier, 2013). Dans tous les cas, cependant, la mise en œuvre des adaptations ne va pas de soi. En explicitant les préalables au changement et certains types d’outils mobilisables, la démarche d’accompagnement proposée dans cet article est une étape vers une prise en compte plus systématique des enjeux d’adaptation dans le développement de l’élevage. En perspective, la mise à l’épreuve de telles démarches pour accompagner des adaptations transformationnelles à l’échelle de l’exploitation ou des territoires est sans doute un front de recherche-développement essentiel, pour bien négocier les transitions nécessaires (agroécologiques, énergétiques) dans un contexte de changement global.

Cet article s’appuie sur des travaux financés dans le cadre des projets IDEX-ISITE 16-IDEX-0001 (CAP 20-25), Casdar Resilait et Core Organic MIX-ENABLE.

Notes

  • Cet article a fait l’objet d’une présentation aux 24èmes Journées Rencontres Recherches Ruminants (Rigolot et al., 2018).

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Résumé

Dans le contexte de changement global, face à une augmentation des aléas et des extrêmes, les systèmes d’élevage doivent renforcer leurs capacités d’adaptation. L’analyse des capacités d’adaptation nécessite d’adopter une approche systémique, considérant à la fois des moteurs de changements internes et externes à l’exploitation. Cette analyse peut s’appuyer sur des concepts comme la résilience, la flexibilité et la vulnérabilité. Les leviers d’adaptation techniques, réactifs ou proactifs, relèvent de trois principes : i) Accroissement des marges de manœuvre ; ii) Diversification ; iii) Management adaptatif. Ces trois principes sont déclinés au niveau du troupeau, des ressources et de l’éleveur. Les leviers externes correspondent aux réseaux et à l’action collective. Sur le long terme, les « logiques d’action » des éleveurs balisent le type de leviers pouvant être mobilisés. Cette mise en œuvre peut être incrémentale ou « transformationnelle », lorsqu’elle bouleverse la localisation ou les objectifs de l’activité d’élevage. Dans une optique d’accompagnement, une démarche en quatre étapes est proposée: i) Prendre conscience de son exposition aux aléas ; ii) Comprendre sa sensibilité ; iii) Se projeter en concevant des scénarios d’alternatives ; iv) Mettre en œuvre ces alternatives, les suivre, et les évaluer. Chaque étape est associée à des outils et dispositifs spécifiques, comme des indicateurs, des focus group, des visites en fermes et des outils dédiés à l’adaptation. Cette démarche doit permettre une prise en compte plus systématique des enjeux d’adaptation dans le conseil. Pour l’avenir, un enjeu essentiel est sa mise à l’épreuve pour l’accompagnement des adaptations transformationnelles.

Auteurs


Cyrille RIGOLOT

cyrille.rigolot@inra.fr

Affiliation : 1 UMR Territoires, Université Clermont Auvergne, INRA, AgroParisTech, Irstea, VetAgroSup, Theix, 63122, Saint-Genès-Champanelle

Pays : France


Guillaume MARTIN

Affiliation : 2 UMR AGIR, Université de Toulouse, INRA, INPT, INP-EI PURPAN, ENSFEA, 31320, Castanet-Tolosan

Pays : France


Benoît DEDIEU

Affiliation : 3 INRA département Sciences pour l’Action et le Développement, Theix, 63122, Saint-Genès-Champanelle

Pays : France

Pièces jointes

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