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L’élevage bovin laitier en agriculture biologique, une quête d’équilibre à tous les niveaux

Chapeau

L’élevage bovin laitier biologique s’est fortement développé sur tout le territoire français mais il fait actuellement face à des turbulences dues notamment à une baisse des ventes de produits laitiers biologiques et à leur déréférencement dans certaines grandes et moyennes surfaces. Cette synthèse revient sur la complexité des équilibres à gérer au niveau des fermes et de la filière pour améliorer la situation de l’élevage bovin laitier biologique.

Introduction

Ces dernières années, l’agriculture biologique a connu une forte croissance dans l’ensemble des filières de production. C’est tout particulièrement le cas en élevage laitier. Entre 2013 et 2021 en France, l’élevage bovin laitier en agriculture biologique s’est développé sur tout le territoire (figure 1), passant de 121 000 à 292 000 têtes et la collecte de lait biologique a augmenté jusqu’à représenter un peu plus de 5 % de la collecte nationale de lait de vache (Agence Bio, 2024). Ce développement a été tiré par une consommation croissante de produits laitiers biologiques, les segments lait et produits laitiers biologiques connaissant une augmentation des ventes de 711 M€ en 2015 à 1 260 M€ en 2021 (Agence Bio, 2024). Cette croissance a concerné tous les segments des produits laitiers : laits liquides conditionnés, produits ultra-frais, crème, beurre et fromages (Baron, 2020).

Figure 1. Répartition du cheptel bovin laitier biologique sur le territoire français (Agence Bio, 2024).

L’information n’est pas disponible pour quelques départements en blanc en raison du secret statistique.

Aujourd’hui, la filière biologique dans son ensemble a atteint une certaine maturité. Elle représente 13,4 % des fermes françaises et 10,3 % des surfaces agricoles (Agence Bio, 2024). Elle dispose d’organisations professionnelles dédiées et bien implantées. Elle est bien identifiée par les consommateurs. Plus de neuf Français sur dix déclarent avoir consommé des produits biologiques, et 15 % en consomment tous les jours (Agence Bio, 2024). Pourtant, l’agriculture biologique semble plus que jamais à la croisée des chemins. Après un doublement du marché en l’espace de cinq ans et un emballement lors de la première vague de Covid-19 observé sur l’ensemble des produits sous signe officiel de qualité, elle a connu un léger recul de 1,3 % en valeur des achats de produits alimentaires en 2021 (Agence Bio, 2024). Ce recul s’est poursuivi sur les premiers trimestres de 2022. C’est le cas des produits laitiers avec une baisse des ventes sur toutes les catégories de produits : lait de consommation (– 11,3 % en cumul annuel mobile à fin février 2022), crème (– 23,2 %), beurre (– 15,5 %), fromages (– 15,8 %) et dans une moindre mesure yaourts (– 3,3 %) (Fédération du Commerce et de la Distribution, 2022). Cette tendance est accentuée par le déréférencement (i. e. le retrait des rayons) des produits biologiques en grandes et moyennes surfaces (GMS) (Pruilh, 2023). Cette crise de croissance souligne combien la filière biologique n’est pas à l’abri d’une multitude de risques de marché qui viennent s’ajouter à d’autres risques notamment climatiques.

La pratique de l’agriculture biologique, consiste en une complexe quête d’équilibre. Selon la définition de l’International Federation of Organic Agriculture Movements (IFOAM, 2008), « l’agriculture biologique est un système de production qui maintient et améliore la santé des sols, des écosystèmes et des personnes. Elle s’appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux conditions locales, plutôt que sur l’utilisation d’intrants ayant des effets adverses. L’agriculture biologique allie tradition, innovation, et science au bénéfice de l’environnement commun et promeut des relations justes et une bonne qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués ». Cette définition prend racine dans quatre principes : santé, écologie, équité et précaution (IFOAM, 2008). Ces quatre principes pointent l’importance de restaurer ou de maintenir des équilibres à différents égards et à différents niveaux : i) au niveau écosystémique pour garantir la santé et les équilibres écologiques, ii) au niveau économique pour assurer l’équité dans les chaînes de valeur et iii) au niveau social par la concertation et la mise en œuvre de pratiques responsables et précautionneuses.

L’objectif de cette synthèse est de réaliser l’analyse des conditions de réussite du développement de l’élevage bovin laitier biologique dans un contexte multirisque au prisme de la notion d’équilibre. Dans une première partie, nous revenons sur les principaux risques identifiés lors d’enquêtes, par les éleveurs laitiers français pour qualifier leur contexte de travail. Puis, nous analysons les problèmes identifiés et pistes d’amélioration pour restaurer ou maintenir les équilibres écologiques, économiques ou sociaux à l’échelle des élevages laitiers et des filières. Enfin, nous concluons en interrogeant le futur de l’élevage bovin laitier biologique au regard de ces défis.

1. Perception des risques des éleveurs

Les éleveurs laitiers biologiques sont confrontés à de multiples risques qui sont susceptibles de survenir simultanément. Harwood et al. (1999) puis Hardaker et al. (2004) en identifient cinq liés à la production, au marché, institutionnels, humains ou personnels et financiers. Ces risques peuvent être à la fois internes ou externes, et dans ce dernier cas, l'éleveur n'a pas de pouvoir d'action sur l'aléa. Ainsi, un risque lié à la production peut être associé à un choix technique inapproprié de l'éleveur qu'il pourra alors corriger ou à un aléa climatique qui est subi, à moins qu'il n'ait été anticipé.

Perrin (2021) a mis en œuvre différents types de dispositifs pour comprendre la perception des risques des éleveurs laitiers biologiques. En 2017, des ateliers ont été animés avec 47 éleveurs laitiers biologiques de quatre régions laitières françaises : Occitanie, Pays de la Loire, Bretagne et Normandie. Il leur était demandé de classer 16 risques de production, de marché, liés aux ressources humaines ou à la réglementation selon leur probabilité d'occurrence et leur impact potentiel. En 2020, durant la pandémie de Covid-19 qui a fortement perturbé les filières agricoles et alimentaires (Chatellier et al., 2022), une enquête en ligne a été renseignée par 58 éleveurs des mêmes régions laitières pour évaluer si leur perception des risques avait changé (Perrin & Martin, 2021).

Les résultats de ces deux évaluations (figure 2) sont relativement proches et montrent la dominance des préoccupations climatiques chez les éleveurs, très convaincus tant des impacts potentiels que de la probabilité d’occurrence du changement climatique et des aléas associés. Un second risque majeur perçu concerne le prix du lait et une possible chute des prix associée à une globalisation naissante du marché du lait biologique. Il est intéressant de noter que la perception de ce risque aujourd’hui vérifiée par la crise du lait biologique de 2022 a été modifiée entre les deux évaluations. La pandémie de Covid-19 et les périodes de confinement ayant généré un engouement pour les produits bios et locaux lors des premières vagues, l’impact d’une potentielle chute des prix apparaît alors moins important en 2020. Parmi les autres risques perçus, vient ensuite la diminution des aides à l’agriculture biologique, crainte exprimée bien avant l’annonce de la réforme de la politique agricole commune qui sera mise en place en 2023. Un dernier risque que l’on retrouve comme étant prioritaire dans les deux évaluations est lié aux difficultés à se faire remplacer pour prendre du temps libre.

Ces risques prioritaires perçus sont très semblables à ceux déjà identifiés ailleurs en Europe dans des fermes laitières biologiques (Flaten et al., 2005). Surtout, ces résultats soulignent que les éleveurs perçoivent une multitude de risques pour l'élevage laitier biologique et l'on peut donc postuler qu'ils cherchent à mettre en place des systèmes d'élevage capables de s'adapter à l'occurrence des aléas. Cela suppose donc de trouver le bon équilibre face aux différents types de risque, le tropisme vers un risque en particulier pouvant accroître la vulnérabilité à d'autres types de risque, comme déjà observé en Suisse (de Mey et al., 2016).

Figure 2. Perception des risques de 47 éleveurs bovins laitiers biologiques en France avant la pandémie de Covid-19 (a) et après (b).

L’axe des ordonnées représente la probabilité d’occurrence perçue des risques. L’axe des abscisses représente leur impact potentiel. Les risques à faible probabilité et faible impact sont peu préoccupants (zone verte), ceux à forte probabilité et fort impact sont très préoccupants (zone rouge). La pandémie de Covid-19 n’a pas bouleversé la perception des risques des éleveurs. Ce sont bien les risques climatiques qui demeurent les plus préoccupants, suivis de ceux associés à la diminution des aides, à la chute du prix du lait et aux difficultés de remplacement.

2. Trouver l’équilibre au niveau de la ferme

Le suivi de deux échantillons d'éleveurs en Bretagne (12 éleveurs ; Bouttes et al., 2019a) et en Aveyron (19 éleveurs ; Bouttes et al., 2020) depuis leur dernière année en agriculture conventionnelle jusqu'à la fin de leur conversion à l'agriculture biologique (2008-2013 pour la Bretagne, 2015-2018 pour l'Aveyron) a révélé l'ampleur des transformations techniques, économiques et sociales induites par une telle conversion sur les fermes comme sur les éleveurs et les nouveaux équilibres qu'elle implique. Ces transformations ont été confirmées par une étude réalisée sur 81 fermes dans les principales régions laitières françaises et qui a porté sur des périodes plus longues allant de 5 à 27 ans (Perrin et al., 2020b).

2.1. La pratique de l’agriculture biologique reconfigure les équilibres entre surfaces et troupeaux

Dans les 9 496 élevages inscrits au Contrôle laitier, la ration annuelle d’une vache laitière française est constituée à hauteur de 34 % par de l’ensilage de maïs (CNIEL, 2022a). Cela nécessite de compléter la ration par des concentrés riches en protéines, qu’il s’agisse de tourteaux de soja ou d’autres oléoprotéagineux. Or, le prix du tourteau de soja biologique est environ trois fois supérieur au prix du conventionnel pour un prix du lait environ 1,5 fois supérieur sur les dix dernières années, ce qui incite les éleveurs biologiques à limiter la part de ces aliments dans la ration. En outre, la réglementation européenne (2018/848) impose aux éleveurs biologiques de donner accès au pâturage dès que les conditions (météo, portance des sols…) le permettent. Aussi, la pratique de l’agriculture biologique reconfigure les équilibres entre les surfaces fourragères et le troupeau (figure 3).

En effet, Bouttes et al. (2019a, 2020) ont observé une transition vers des systèmes plus herbagers chez les éleveurs qui ne l'avaient pas déjà réalisée lors de leur conversion à l'agriculture biologique. Le chargement a été ajusté au regard du potentiel fourrager et vise à assumer une stratégie autonome et économe. En fonction des contraintes liées aux parcellaires des fermes (morcellement, surface des parcelles, accès à l'eau pour l'abreuvement…), différentes solutions ont été mises en œuvre : maximisation du pâturage, combinaison pâturage et stocks, ou affouragement en vert. Dans de telles conditions, une bonne maîtrise des stades d'utilisation de l'herbe est essentielle pour garantir sa valeur alimentaire tant à la fauche qu'au pâturage. Les variations interannuelles du climat complexifient cette gestion en imposant une adaptation permanente des pratiques. Les stocks fourragers jouent alors le rôle de tampon indispensable pour sécuriser l'alimentation du troupeau.

À partir d'un échantillon de 261 fermes laitières biologiques partout en France, Madeline et al. (2016) rapportent que la surface moyenne en prairies dans une ferme laitière biologique couvre 90 % de la surface agricole utile (SAU). Le chargement est limité à 1,2 UGB/ha de surface fourragère principale (SFP) en moyenne. La production de lait par hectare de SFP est de l'ordre de 4 000 L. L'autonomie massique totale atteint 93 %, l'autonomie en fourrages 98 % et l'autonomie en concentrés 65 %. Derrière ces moyennes, un dimensionnement localement adapté du système basé sur un bon équilibre entre la demande alimentaire des troupeaux et le potentiel des surfaces est l'un des points clés identifiés par les éleveurs pour garantir la résilience des élevages laitiers biologiques (Perrin et al., 2020a).

2.2. La pratique de l’agriculture biologique renouvelle la gestion de la santé

La pratique de l’agriculture biologique impose l’accès à l’extérieur pour les animaux lorsque les conditions le permettent, modifiant ainsi leur exposition aux pathogènes. Elle bannit les pesticides de synthèse et limite le recours aux produits vétérinaires tels que les antibiotiques. La conversion à l’agriculture biologique induit donc un changement de pathocénose (Cabaret & Nicourt, 2009). Cela invite alors à reconsidérer la gestion de la santé des plantes et des animaux, en particulier au point de vue prophylactique, pour trouver de nouveaux équilibres prévenant l’apparition des problèmes et ne nécessitant qu’un recours très limité aux intrants médicamenteux, dans le but notamment de respecter le cahier des charges, garantir le bien-être animal, maîtriser ses charges ou d’être plus en phase avec sa conception du métier d’éleveur. L'atteinte de cet objectif repose sur des apprentissages des éleveurs dans la gestion de la santé.

La réduction du recours aux intrants est un premier pas vers la mise en place d'un nouvel équilibre en matière de pathocénose. Pour les cultures, la réduction du niveau d'intensification, et en particulier la réduction de la fertilisation, tend à diminuer la pression des ravageurs (Aqueel & Leather, 2011) et des maladies dans la majorité des cas (Veresoglou et al., 2013). En élevage, le niveau d'intensification moindre des performances productives des animaux réduit l'occurrence de certaines maladies telles que les boiteries (Sehested et al., 2003 ; Rutherford et al., 2009 ; Sulpice et al., 2019), et ce d'autant plus que le pâturage est pratiqué et que des races plus rustiques que la prim'holstein sont utilisées (Sjöström et al., 2018). En conséquence, les carrières des vaches biologiques sont un peu plus longues avec 3,5 lactations en moyenne contre 3,0 en élevage conventionnel pour la campagne 2018-2019 sur un échantillon de 2 410 fermes dont 121 en agriculture biologique (Eilyps, 2020).

L'utilisation de la diversité génétique, fonctionnelle et spécifique est avancée comme un levier majeur de gestion de la santé végétale et animale. La diversité végétale via les associations d'espèces dans les cultures ou les prairies dilue la pression des ravageurs et des maladies. Ainsi, il a été récemment évalué à partir d'une méta-analyse (Chadfield et al., 2022) que les cultures associées réduisent en moyenne de 40 % les dommages causés par les nématodes aux cultures et de 55 % l'incidence des maladies. De même, la diversification des rotations de cultures réduit la pression des adventices, des ravageurs et des maladies (Weisberger et al., 2019 ; Beillouin et al., 2021). En production animale, les bénéfices des associations d'espèces ont aussi été démontrés pour contrôler le parasitisme, par exemple dans le cas d'ovins et de bovins en copâturage (Marley et al., 2006). Il en va de même pour le croisement rotationnel qui bénéficie de l'effet « hétérosis » et intègre fréquemment des races d'aptitudes diverses pour obtenir l'animal en adéquation avec les particularités de la conduite des systèmes herbagers autonomes et économes (Magne & Quénon, 2021).

2.3. La pratique de l’agriculture biologique bouleverse les équilibres économiques

Le prix des intrants autorisés en agriculture biologique est plus élevé que celui de leurs équivalents conventionnels. Comme pour le cas du tourteau de soja susmentionné, ce surcoût est souvent dans des proportions plus élevées que le premium de prix sur le lait. La conversion à l'agriculture biologique tend donc à modifier considérablement les équilibres économiques sur un élevage laitier. Elle invite à une certaine sobriété dans l'usage des intrants, quitte à réduire les niveaux de production. C'est donc la valeur ajoutée qui est visée par les éleveurs bien plus que le volume (Bouttes et al., 2019b), en s'appuyant sur le fait que les réductions de lait produit à attendre ne sont pas en proportion des réductions dans l'usage des intrants, des concentrés alimentaires notamment (Sehested et al., 2003). Autrement dit, le gain marginal de lait par unité d'intrant supplémentaire ne couvre pas le coût de cette unité d'intrant.

Sur un échantillon de 3 357 fermes dont 194 en agriculture biologique, Dedieu et al. (2017) rapportent des charges opérationnelles de l'ordre de 20 % plus faibles pour les fermes en agriculture biologique (environ 2 200 € par vache). Sur la campagne 2018-2019 et sur un échantillon de 2 410 fermes dont 121 en agriculture biologique, Eilyps (2020) rapporte un montant proche, 2 048 € par vache, et un écart de charges opérationnelles d'environ 20 % également, principalement lié à la réduction drastique de la consommation de concentrés (350 kg/vache/an contre 1 333 kg/vache/an). Le volume de lait livré par vache est plus faible en agriculture biologique, 5 000 L par vache contre 7 500 L, mais il est mieux payé au moment de l'étude, 480 €/1 000 L contre 344 €/1 000 L. Grâce à la maîtrise des charges et au prix du lait plus élevé, l'excédent brut d'exploitation (EBE) est environ 20 % supérieur dans les élevages biologiques comparés aux élevages conventionnels (Dedieu et al., 2017). Cela se répercute sur le revenu des agriculteurs. Malgré un produit d'activité par actif inférieur de 18 % sur la période 2008-2017, les fermes biologiques du réseau Agriculture Durable dégagent en moyenne un résultat courant par actif supérieur de 55 % aux fermes conventionnelles du Réseau d'information comptable agricole (RICA) (Dieulot & Meyer, 2018).

Les éléments ci-dessus sont aujourd’hui à relativiser. Depuis 2021, le prix du lait biologique a chuté et s’est rapproché du prix du lait conventionnel qui augmentait dans le même temps d’environ 25 % sur un an (Agreste, 2022). Sur les mois d’avril et mai 2022, le prix du lait biologique était même inférieur, sans indication claire que cette situation ne soit pas durable. Dans le même temps, la crise énergétique a induit une augmentation du prix des intrants. Les éleveurs biologiques sont plus autonomes et économes et donc moins exposés aux variations de prix des intrants que leurs homologues conventionnels. Néanmoins, certains intrants sont inévitables (par ex. l’électricité) et les marges de manœuvre sont limitées chez ces éleveurs compte tenu des efforts déjà fournis (par ex. – 25 € de carburant par hectare pour les fermes y compris biologiques du réseau Agriculture Durable, par comparaison aux fermes du RICA ; Dieulot & Meyer, 2018). Il est donc très probable que leurs marges se soient réduites et que cela ait affecté leur revenu comme leur dépendance aux aides.

2.4. La pratique de l’agriculture biologique transforme le travail et le rapport au travail

Bouttes et al. (2019a, 2020) comme Perrin et al. (2020b) ont observé des réductions des nombres d'animaux élevés consécutivement à la conversion à l'agriculture biologique. Dans certains cas, ces réductions sont l'une des motivations à se convertir à l'agriculture biologique et ainsi retrouver des marges de manœuvre sur le travail (Bouttes et al., 2019b). Ces tendances sont confirmées sur un échantillon plus conséquent de 2 410 fermes dont 121 en agriculture biologique et pour la campagne 2018-2019. Eilyps (2020) a établi que les fermes biologiques de son réseau situées en Bretagne occupent 2,21 unités de travail humain (UTH) lait contre 1,78 pour les fermes conventionnelles pour un nombre de vaches équivalent, de l'ordre de 70, mais environ 11 UGB de plus en conventionnel (99,2 contre 109,7), du fait d'un taux de renouvellement supérieur. Cela correspond à la gestion de 44,8 UGB/UTH en élevage biologique contre 61,6 UGB/UTH en conventionnel.

Le contenu du travail est aussi différent. Les transitions vers des systèmes herbagers autonomes et économes décrites par Bouttes et al. (2019a, 2020) et Perrin et al. (2020b) signifient une réduction du recours à la mécanisation et donc du temps passé au volant du tracteur au profit de temps passé à déplacer le troupeau au pâturage où les vaches se nourrissent et fertilisent les sols elles-mêmes, aménager des chemins pour faciliter ces déplacements, ou rénover des clôtures. C'est aussi davantage de temps pour observer, se former et ainsi mieux anticiper les risques. Un nouvel équilibre au travail se met alors en place visant à trouver un nouveau sens au métier. Néanmoins, derrière ces tendances, il existe une grande diversité de situations, comme en agriculture conventionnelle. Ainsi, à partir d'une observation participante dans des fermes laitières biologiques, Perrin et al. (2024) ont observé des situations très contrastées allant de la surcharge chronique de travail et des états de tension extrêmes chez les travailleurs, comme des situations où les travailleurs sont disposés à interrompre leur activité pour des instants non agricoles : observation des oiseaux, conversations, etc.

La pratique de l'agriculture biologique procure de nouvelles sources de satisfaction professionnelle, notamment en permettant d'aligner les valeurs aux pratiques (Bouttes et al., 2019b). Perrin et al. (2020b) ont évalué l'évolution de la satisfaction professionnelle de 81 éleveurs aux plans agronomique, zootechnique, économique et social sur une échelle de 0 à 16, depuis le début de leur conversion à l'agriculture biologique. Il en ressort que cette satisfaction augmente en moyenne de 0,15 point par an et qu'elle s'applique à la majorité des fermes. Cela confirme les précédents résultats de Bouttes et al. (2020) obtenus sur un plus petit échantillon et sur la seule durée de la conversion. Néanmoins, quelques situations de dégradation de la satisfaction professionnelle ont été rapportées dans ces deux études, en lien notamment avec des difficultés à résoudre des problèmes techniques (par ex. maintien du volume et de la qualité du lait en ration hivernale) entraînant une surcharge de travail, ou la gestion des risques sans les solutions de sécurisation et de rattrapage que peuvent représenter les droits d'usage des engrais minéraux et pesticides, en agriculture conventionnelle.

2.5. La pratique de l’agriculture biologique modifie les relations entre la ferme et son environnement

Ce changement s'exprime d'abord dans la relation entre l'éleveur et ses fournisseurs d'intrants ou de services. La plupart des régions françaises sont aujourd'hui couvertes par des fournisseurs d'intrants biologiques ou de services spécialisés sur l'élevage laitier biologique. Néanmoins, certaines pratiques émergentes impliquent de s'adresser à de nouveaux interlocuteurs. Ainsi, l'éleveur désireux de mettre en place du croisement rotationnel devra probablement revoir ses relations avec les acteurs habituels de la sélection qui demeurent organisés autour de schémas monoraces (Magne & Quénon, 2021). De même, Duval et al. (2017) ont montré que les éleveurs laitiers biologiques développent des stratégies de gestion de la santé animale axées sur la prévention alors que les vétérinaires ont le plus souvent une posture de thérapeute. Ces derniers ne partagent pas toujours les objectifs, les valeurs et les priorités des éleveurs biologiques, ce qui peut entraîner des désaccords sur le meilleur choix en matière de gestion de la santé animale. Des groupes d'échange, tels que ceux mis en place par le Groupement des Agriculteurs Biologiques de Loire-Atlantique, avec des vétérinaires sont alors l'opportunité de mieux se comprendre et d'explorer le potentiel de méthodes alternatives de gestion de la santé.

La conversion à l'agriculture biologique modifie aussi les relations avec le voisinage agricole et l'implication dans les organisations collectives. Bouttes et al. (2019b) ont rapporté une détérioration des relations avec les voisins agriculteurs dans certaines situations, parfois du fait des incidences de l'agriculture biologique sur des chantiers collectifs. Les conversions à l'agriculture biologique impliquent une réduction, voire un arrêt du maïs ensilage. Elles signifient alors aussi un arrêt ou un bouleversement de la participation des éleveurs aux chantiers d'ensilage. Ainsi, lorsque plusieurs éleveurs d'un même territoire se convertissent, c'est le chantier collectif qui se trouve mis en péril, ce qui exacerbe les tensions entre voisins agriculteurs biologiques et conventionnels. Ces tensions sont aussi perceptibles lorsque du matériel est partagé (par ex. en Coopérative d'Utilisation de Matériel Agricole). Quand se pose la question des investissements à faire, les besoins peuvent différer entre agriculteurs conventionnels et biologiques. Néanmoins, les éleveurs biologiques récemment convertis ont aussi fait état de la qualité des relations dans les groupes d'agriculteurs biologiques qui stimule leur apprentissage de nouvelles pratiques notamment (Bouttes et al., 2019b).

Enfin, la conversion à l'agriculture biologique modifie aussi le regard de la société sur le métier d'éleveur. C'est d'ailleurs l'une des principales motivations des éleveurs lors d'une conversion à l'agriculture biologique : répondre à la demande des consommateurs d'une agriculture « plus verte » et ainsi améliorer l'image de l'agriculture et de l'élevage laitier en particulier (Bouttes et al., 2019b). La conversion à l'agriculture biologique est d'ailleurs un premier pas vers de nouveaux projets modifiant le rapport aux consommateurs. Elle a été dans un certain nombre de cas l'initiatrice de ou concomitante à la mise en place de nouveaux ateliers sur les fermes : transformation du lait et vente directe, accueil pédagogique, agrotourisme ou production d'énergie (Perrin et al., 2020b).

Figure 3. L’élevage laitier en agriculture biologique, une quête d’équilibre pour les fermes et la filière.

En vert, les spécificités de l’agriculture biologique.

3. Trouver l’équilibre au niveau de la filière

Le développement rapide de la filière laitière biologique ces 10 dernières années pose de multiples défis de structuration qui interrogent l’équilibre des relations entre production, collecte et transformation, et consommation à différents égards.

3.1. La production de lait biologique est un peu plus saisonnée

Une particularité de la filière laitière biologique est de devoir composer avec une saisonnalité plus marquée de la production. Baron (2020) a observé que sur les 843 millions de litres collectés sur l’ensemble de l’année 2018, un peu plus de 28 % de la collecte a lieu sur le second trimestre contre moins de 24 % pour les premier et troisième trimestres. Par comparaison, la production laitière conventionnelle connaît une collecte plus régulière avec les premier et second trimestres correspondant chacun à 26 % des volumes et un troisième trimestre à 23 %. Cette tendance est confirmée par une étude détaillée de Hurault (2020) sur un échantillon de 62 élevages d’Eilyps sur les campagnes 2014-2018. En évaluant la distribution de la collecte relativement à une moyenne annuelle, il ressort que la période de production la plus forte se situe entre mars et mai (+ 13 à 15 %), et la plus faible sur les mois d’août et septembre (– 7 à – 11 %).

Cette saisonnalité accrue représente un défi pour la filière laitière biologique alors que la distribution, en GMS en particulier, repose aujourd'hui sur un approvisionnement régulier tout au long de l'année. Pour y faire face, les entreprises laitières privées et coopératives ont mis au point des grilles de prix. Elles visent, soit à inciter le dessaisonnement de la production pour limiter le pic de collecte printanier, soit à couvrir les surcoûts de production induits par ce dessaisonnement. Néanmoins, réduire la part de production laitière au printemps implique d'avoir davantage recours à une alimentation à partir de stocks fourragers et de concentrés. C'est pourquoi, jusqu'à présent, la plupart des éleveurs ont préféré conserver un système plus pâturant, avantageux économiquement du fait de son faible coût alimentaire (Bouttes et al., 2019a, 2020 ; Perrin et al., 2020b). Un tel système est en phase avec les principes de l'agriculture biologique et son cahier des charges qui impose de donner accès au pâturage dès que les conditions (météo, portance des sols…) le permettent.

Le changement climatique et la variabilité interannuelle croissante des conditions météorologiques qu’il induit pourraient toutefois conduire les éleveurs à reconsidérer leurs pratiques, en particulier les périodes de vêlages qui ont évidemment d’importantes répercussions sur la saisonnalité de la production. En Ille-et-Vilaine, Hurault (2020) a observé un pic de vêlages en automne. Les éleveurs de cet échantillon, adhérents au contrôle laitier, visent à avoir les vaches en bâtiment pour les inséminations, avec une ration stable et équilibrée. D’autres éleveurs font au contraire le choix d’inséminations en début d’été pour viser des vêlages de début de printemps, quand les besoins alimentaires des vaches et la dynamique de pousse de l’herbe sont en phase. Cela suppose une conduite du pâturage maîtrisée garantissant un bon équilibre de la ration. La fréquence des périodes d’alimentation sur stocks devrait s’accroître avec l’augmentation de la fréquence des sécheresses printanières, estivales et/ou automnales. Pour faire face à ces aléas climatiques, une stratégie possible est de diluer les risques en distribuant les vêlages sur l’année ou sur plusieurs périodes (par ex. deux mois au printemps et deux mois en automne). Ce changement, déjà opéré par des éleveurs, devrait indirectement contribuer à lisser les variations de productions de lait au fil de l'année, rendant plus facilement atteignables les attentes de la collecte, transformation et distribution.

3.2. La filière laitière biologique repose sur un équilibre fragile entre production et consommation

Le développement de la filière laitière biologique a connu plusieurs phases, avec des paliers de stagnation temporaire (Baron, 2020). L’année 2009 a marqué un tournant. Après sept années de croissance très limitée, la production a dépassé pour la première fois les 250 millions de litres et a constitué un tremplin, avec un accroissement fort de la production qui s’est envolée à partir de 2017. Sous l’effet d’une dégradation du marché du lait conventionnel consécutive à la fin des quotas laitiers à partir de la mi-2015, une vague massive de conversions à l’agriculture biologique s’est produite avec 1 100 conversions sur la période 2015-2018 (contre 140 sur la période 2012-2015). Par conséquent, entre 2017 et 2021, la collecte de lait biologique a doublé, passant d’environ 600 millions à 1,23 milliard de litres sous l’effet de hausses exceptionnelles de la production : + 32 % entre 2017 et 2018, + 18 % entre 2018 et 2019, + 12 % entre 2019 et 2020, et + 11 % entre 2020 et 2021.

Cette croissance a longtemps été soutenue par la hausse de la consommation intérieure de produits laitiers biologiques. Mais, à partir de 2020, la consommation des ménages en GMS a baissé, y compris celle des produits laitiers biologiques, et elle tend à être accentuée par le déréférencement des produits biologiques en GMS. Cette baisse des ventes en GMS a représenté l’équivalent de 50 millions de litres de lait de vache en moins entre 2020 et 2022, quand la collecte, elle, a progressé en parallèle de 250 millions de litres (CNIEL, 2022b). Ainsi, alors que la collecte de lait biologique doublait, les ventes de lait biologique (tous laits confondus : vache, brebis, chèvre) n’augmentaient que de 23 %, passant de 330 à 407 M€, entre 2017 et 2021 (AND International, 2018, 2022). Celles de produits laitiers connaissaient elles aussi un accroissement, mais il se limitait à 50 % en deçà de celui de la collecte, passant de 568 à 853 M€ sur la même période. Dans le même temps, l’exportation de lait et produits laitiers biologiques se développait de 31 à 70 M€, mais insuffisamment pour couvrir l’accroissement de la collecte. Par conséquent, la part de lait biologique valorisée en conventionnel a crû, conduisant à une chute des prix avec, en avril et mai 2022, un prix approchant les 400 € par tonne de lait, inférieur au prix du lait conventionnel (Agreste, 2022). Face à cette situation, la grande majorité des entreprises laitières ont opéré des déclassements du lait biologique et certaines ont payé une partie des livraisons au prix du lait conventionnel non-OGM.

Comme l’indique You (2015), les éleveurs ont montré à plusieurs reprises leur capacité à réagir rapidement à des hausses de prix du lait, en adaptant leurs pratiques (par ex. report des réformes, augmentation du cheptel). En revanche, il est souvent plus compliqué ou plus long de s’adapter à des baisses de prix du lait : i) les contrats signés avec les laiteries engagent sur des volumes et des durées ; ii) les aides perçues pour se convertir à l’AB engagent sur un maintien des pratiques respectant le cahier des charges de l’agriculture biologique sur des durées minimales ; et iii) les investissements nécessaires à la production laitière s’amortissent sur des temps assez longs. Restaurer l’équilibre entre production et consommation de produits laitiers biologiques est complexe, et seule la valorisation du lait biologique en conventionnel avec une mutualisation des pertes permet aujourd’hui de tamponner cette situation dans l’attente du développement de nouveaux débouchés ou d’un retour de la consommation vers les produits biologiques.

3.3. La structuration du marché des produits laitiers biologiques est singulière et à l’équilibre fragile

Le secteur laitier biologique est dominé par quatre entreprises qui assurent plus des trois quarts de la collecte. Le leader est Biolait (30 %), devant Lactalis, Sodiaal et Eurial-Agrial (Baron, 2020). Suivent des entreprises de moindre dimension : Triballat Noyal, la Laiterie Saint-Père (groupe Intermarché), le groupe Sill Entreprises (avec les laiteries Malo et Le Gall notamment) ou encore la filiale de Danone « Les Prés Rient Bio ». Cette dizaine d’opérateurs réalise 90 % de la collecte biologique nationale. Cette structuration du marché dominé par un simple collecteur au fonctionnement coopératif est très singulière et propre à l’agriculture biologique. Même l’augmentation soudaine des volumes de lait collecté de 277 millions de litres entre 2015 et 2018 n’a pas bouleversé cet équilibre. Biolait a absorbé 31 % des volumes supplémentaires sur cette période et les quatre principaux opérateurs ont absorbé 93 % des volumes supplémentaires collectés (Baron, 2020).

Biolait est un groupement d’environ 1 400 producteurs créé en 1994 dont le slogan est « la bio partout et pour tous » (Chiron, 2018). Aussi, les éleveurs collectés sont situés partout en France. L’entreprise Biolait s’est construite sur une critique du fonctionnement des autres entreprises du secteur dont les stratégies de développement ne donnaient pas accès à « la bio partout et pour tous » (Chiron, 2018). La mutualisation des coûts de collecte et de livraison est au cœur du projet coopératif. Aucun adhérent n’est considéré comme « plus coûteux » selon sa localisation, son volume de production, ou la situation du marché. La volonté est de garantir un prix stable et identique pour tous les éleveurs quel que soit le lieu de la ferme, le volume ou le marché, mais aussi de structurer une filière équitable et transparente. Dans ces conditions, la stabilité interannuelle des prix pour les éleveurs Biolait repose aussi sur la capacité des clients transformateurs à voir leurs ventes croître à hauteur de l’augmentation de la collecte de lait.

Car une autre, et sans doute la principale, originalité de Biolait est que le groupement s’en tient à la collecte de lait et à sa distribution « à la carte » auprès d’une centaine de clients transformateurs, parmi lesquels les autres entreprises du secteur biologique. Toutes les autres entreprises importantes du secteur ont aussi une activité de transformation. L’achat de lait par ces dernières auprès de Biolait intervient donc pour i) optimiser leurs outils industriels ou artisanaux, ii) pour venir compenser une collecte interne insuffisante au regard des volumes de produits laitiers à fabriquer, ou iii) pour démarrer une gamme de produits bio sans attendre de détenir une ressource en collecte interne.

La crise que rencontre le secteur du lait biologique depuis 2021 n’a pas été sans conséquences pour les éleveurs adhérents à Biolait. Quand les entreprises laitières mixtes peuvent trouver l’équilibre entre leurs différents segments d’activités, notamment via la transformation, Biolait n’a pas d’activités lui permettant de tamponner un aléa sur l’activité de vente de lait biologique. Cette situation a révélé l’asymétrie de pouvoir entre entreprises du secteur, avec d’un côté un acteur majoritaire sur le volume collecté, à même de fixer un prix seuil et disposant des capacités pour une livraison de ses clients « à la carte », mais sans capacités de transformation du lait, et de l’autre des entreprises dépendantes de ce premier acteur, mais disposant de capacités de transformation. En situation de surproduction, les conséquences ont été immédiates et significatives sur les revenus des adhérents de Biolait. Ces derniers se sont retrouvés contraints de produire en bio sans aucune plus-value sur le prix par rapport au conventionnel. Dans le même temps, la répartition des marges au sein de la filière estimée à partir du panier lait demi-écrémé UHT biologique – beurre biologique est restée relativement stable (Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, 2022), indiquant que l’ensemble des acteurs de la filière ont vu leurs marges se réduire.

3.4. Une filière devant concilier globalisation du marché et reterritorialisation des systèmes alimentaires

Outre la crise du lait conventionnel de l’époque, la vague de conversion débutée à la mi-2015 répondait aussi à la volonté de plusieurs entreprises du secteur de se positionner sur des marchés d’export. En juillet 2015, Sodiaal et l’entreprise chinoise Century International Trading ont signé un contrat sur la fourniture et la distribution de lait infantile bio sous la marque Nactalia impliquant pour Sodiaal de multiplier par six ses fabrications (Bénédini, 2016). Mais dès 2020, les ventes vers la Chine ont reculé, en raison notamment d’une baisse de la natalité et d’une augmentation de la production intérieure de lait (Massemin, 2021). Pour écouler sa collecte de lait biologique, Biolait s’est aussi développé sur des marchés extérieurs en Espagne, en Belgique, en Allemagne, et dans le nord de l’Europe. Ces orientations témoignent d’une globalisation du marché laitier biologique qui fait écho aux situations observées dans d’autres pays tels que l’Autriche ou le Danemark (Blanc & You, 2017). En 2021, 9,9 % du lait (en valeur dans le marché de gros, tous laits confondus) et 7,6 % des produits laitiers sont exportés, soit 27 M€ de lait et 43 M€ de produits laitiers (Chatellier, 2024).

Alors qu'environ un cinquième de la production mondiale de calories alimentaires est aujourd'hui exporté (MacDonald et al., 2015), plusieurs éléments de contexte encouragent une reterritorialisation des systèmes alimentaires. C'est tout particulièrement le cas du renchérissement de l'énergie qui interroge l'intérêt de procédés tels que la déshydratation du lait, ou l'effet de certaines orientations politiques telles que la stratégie européenne « Farm to Fork ». Une telle reterritorialisation impliquerait de redistribuer l'élevage et les infrastructures associées (abattoirs, laiteries…) sur l'ensemble des territoires français. L'élevage laitier biologique est présent dans la plupart des départements français (figure 1), et il existe de nombreuses unités de transformation du lait de tailles très variables un peu partout en France. D'un côté, cette distribution spatiale induit des coûts de collecte élevés et accroît probablement l'empreinte carbone du lait produit. Cependant, cela représente aussi une opportunité, à condition de parvenir à conserver ce maillage à l'heure où les fermes laitières connaissent d'immenses problèmes de pérennité avec une seule reprise avec maintien de l'activité pour trois arrêts (CNIEL, 2017).

La filière laitière biologique se retrouve à gérer un équilibre complexe entre des marchés d'exportation susceptibles de représenter des débouchés pour sortir de la crise et des incitations à rapprocher production et consommation dans les territoires. Cette tension a déjà été analysée et discutée par Corniaux et al. (2015) et leurs conclusions s'appliquent à la filière biologique. Des formes multiples d'hybridation entre local et global existent : « Ce n'est pas parce qu'une laiterie a une collecte locale affirmée que son marché est local. Ce n'est pas parce qu'une multinationale vend à l'international qu'elle renonce à un ancrage territorial de sa collecte ». Ces formes d'hybridation devraient permettre de maintenir des fermes et entreprises laitières, au moins pour une période transitoire, permettant un rééquilibrage intérieur entre production et consommation et la mise en place de nouveaux dispositifs permettant une meilleure régulation du marché du lait biologique.

4. Recommandations : trouver l’équilibre en élevage laitier biologique demain

Cette synthèse montre toute la complexité des équilibres à gérer au niveau des fermes laitières et de la filière pour améliorer la situation de l’élevage laitier biologique. Ces équilibres sont multiples, ils opèrent à différents niveaux d’organisation et sont exposés à des risques multiples sur lesquels les agriculteurs et les autres acteurs de la filière n’ont parfois aucun contrôle. Pour que les fermes et la filière puissent faire preuve de résilience, il faut donc trouver de nouveaux équilibres permettant d’être plus efficace dans le contexte actuel et de développer la capacité à se réorganiser et à s'adapter en réponse à des évènements imprévus (Darnhofer, 2021). Il s’agit là d’une nécessité pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne « De la ferme à la fourchette » (« Farm to Fork »), i. e. 25 % de surfaces biologiques en 2030 alors que les progressions des consommations de produits biologiques se sont tassées voire que ces consommations ont régressé dans toute l’Europe depuis 2021 (Agence Bio, 2024).

Pour les chercheurs et les enseignants et formateurs, il faudrait reconsidérer la manière de traiter des dynamiques des fermes et des filières et de leurs interdépendances. De nouvelles méthodes sont nécessaires pour analyser les dynamiques des fermes et filières sous l'angle d'une succession et d'un ensemble d'équilibres. Il s'agit là d'une double innovation. D'un côté, l'analyse de trajectoires de fermes est peu développée (Bouttes et al., 2019a ; Perrin et al., 2020) et considère peu les interdépendances avec d'autres niveaux d'organisation. De l'autre, l'analyse de ces interdépendances à différents niveaux d'organisation est pratiquée par la communauté des transitions vers la durabilité pour des secteurs d'activité entiers (énergie, transport…). Néanmoins, cette communauté néglige le niveau micro des individus ou des entreprises dans la transition (Upham et al., 2020). Il y a donc probablement l'espace pour une approche hybride combinant les atouts de ces différentes stratégies. Par ailleurs, pour les formateurs, davantage d'outils tels que des jeux de mise en situation doivent être développés pour former et préparer à naviguer dans l'incertain à la recherche de ces équilibres.

Pour les agriculteurs et les autres acteurs de la filière, il est important de garder à l'esprit qu’il existe souvent des possibilités de réorganiser les ressources disponibles pour aller vers de nouveaux équilibres, mais que ces relations entre ressources, entre acteurs, ou entre ressources et acteurs, ne peuvent être façonnées à volonté. Elles sont parfois difficiles à infléchir notamment quand elles impliquent un grand nombre de changements en cascade dans la filière. Et leurs résultats sont souvent incertains car pour partie dépendants des évènements imprévus qui ne cessent de se produire. Néanmoins, elles devraient être l’objet de la plus grande attention car les fermes comme la filière auraient besoin d’une réorganisation concertée et cohérente qui permette d’améliorer durablement la situation de l’élevage laitier biologique. Cela appelle un changement dans le mode de gouvernance de la filière laitière biologique pour que les changements imaginés aux différents niveaux soient acceptables par tous, tout en permettant de trouver des équilibres satisfaisants pour tous.

Pour la société, la synthèse pointe du doigt la vulnérabilité des fermes et de la filière laitière biologique à un revirement dans les stratégies des transformateurs, des distributeurs et dans les niveaux de consommation. Il paraît essentiel que les consommateurs soient davantage sensibilisés à la façon dont les relations économiques, institutionnelles et sociales lient les différents acteurs dans un réseau complexe d'interdépendances, et prennent conscience que leur participation à ce réseau détermine directement le modèle agricole de demain, majoritairement biologique ou pas… Cela passe par des campagnes de communication axées tant sur les externalités positives de l’agriculture biologique que sur les interdépendances susmentionnées et la responsabilité des consommateurs dans leur acte d’achats vis-à-vis d’agriculteurs qui s’engagent à respecter un cahier des charges de production. De telles campagnes devraient permettre de rendre les crises plus conjoncturelles.

Pour les décideurs publics, comme le souligne la Cour des comptes (2022) dans son évaluation des politiques de soutien à l’agriculture biologique, les bénéfices sanitaires et environnementaux apportés par la production biologique à la collectivité justifient pleinement que l’intervention publique sécurise cette production. Cela passe d’abord par des aides pour faire face aux risques du marché (aides au maintien, mécanismes d’intervention, mesures incitatives pour le développement de l’approvisionnement biologique en restauration collective). Cela passe aussi par un fléchage des taxes sur les transactions agricoles biologiques vers la recherche, le développement et la promotion de l’agriculture biologique, ce qui n’est pas le cas actuellement. La Cour des comptes (2022) préconise ainsi que des « dispositifs du PNDAR1 consacrés aux actions de R&D » soient « orientés en priorité vers le bio ». Enfin, cela passe par des contrôles accrus sur le respect des lois censées favoriser la massification de l’agriculture biologique telle que la loi EGalim dont il est avéré que sa mise en œuvre est très en deçà des objectifs initiaux (Cour des comptes, 2022).

Conclusion

Cette synthèse a pointé la complexité des équilibres à gérer au niveau des fermes et de la filière bovine laitière biologique, laquelle s’est fortement développée en France ces dernières années. Au niveau de la ferme, la pratique de l’agriculture biologique reconfigure les équilibres entre surfaces et troupeaux. Elle modifie la gestion de la santé en privilégiant la prévention par rapport au curatif. Elle déplace les équilibres économiques avec des rapports modifiés entre prix du lait et intrants. Elle transforme le travail et l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Enfin, elle modifie les relations entre la ferme et son environnement, notamment ses fournisseurs et clients. Au niveau de la filière, son développement rapide pose de multiples défis qui interrogent l’équilibre des relations entre production, collecte et transformation, et consommation. La production de lait biologique est plus saisonnée que ne l’est la demande des transformateurs et des distributeurs. Le maintien d’un rapport équilibré entre production et consommation de produits laitiers biologiques est fragile et repose sur un jeu d’acteurs complexe avec un marché tendant à se globaliser. Ces multiples équilibres opèrent à différents niveaux d’organisation. Cela appelle à des changements concertés entre niveaux, et notamment à un changement dans le mode de gouvernance de la filière laitière biologique. Il faut que les changements mis en œuvre permettent d’atteindre des équilibres satisfaisants pour tous. Ces nouveaux équilibres devraient permettre d’être plus efficaces qu'actuellement tout en développant la capacité d’adaptation des fermes et de la filière en réponse à des évènements à venir. Le soutien par des politiques publiques en adéquation avec les ambitions de développement de l’agriculture biologique est un point crucial.

Remerciements

Les auteurs remercient Marie-Angélina Magne pour ses conseils bibliographiques et Vincent Chatellier pour ses conseils sur les données de marché.

Notes

  • Programme national de développement agricole et rural

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Résumé

En France, l’élevage bovin laitier en agriculture biologique s’est développé sur tout le territoire et la filière a atteint une certaine maturité. Cette synthèse propose une lecture de ce développement au prisme de la notion d’équilibre face à une multitude de risques. Au niveau de la ferme, la pratique de l’agriculture biologique reconfigure les équilibres entre surfaces et troupeaux. Elle modifie la gestion de la santé et incite à trouver de nouveaux équilibres prévenant l’apparition des problèmes. Elle déplace les équilibres économiques avec des rapports modifiés entre prix du lait et des intrants. Elle transforme le travail et interroge l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Enfin, elle modifie les relations entre la ferme et son environnement, notamment ses interlocuteurs. Au niveau de la filière, son développement rapide pose de multiples défis qui interrogent l’équilibre des relations entre production, collecte et transformation, et consommation. La production de lait biologique est plus saisonnée alors que la transformation et la distribution demandent des livraisons homogènes sur l’année. Le maintien d’un équilibre entre production et consommation de produits laitiers biologiques est fragile et repose sur un jeu d’acteurs complexe avec un marché tendant à se globaliser.

Auteurs


Guillaume MARTIN

guillaume.martin@inrae.fr

Affiliation : AGIR, Université de Toulouse, INRAE, 31326, Castanet-Tolosan

Pays : France


Augustine PERRIN

Affiliation : AGIR, Université de Toulouse, INRAE, 31326, Castanet-Tolosan

Pays : France


Soizick ROUGER

Affiliation : ITAB, Pôle Élevage, 49105, Angers

Pays : France

Pièces jointes

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