Rôle et impact environnemental du cuivre et du zinc en élevage porcin : de l’alimentation au retour au sol des effluents (Full text available in English)
Chapeau
Le zinc et le cuivre sont des éléments traces métalliques à haut risque environnemental pour les plantes et microorganismes du sol, ainsi que pour la santé animale et humaine. Il existe un risque d’accumulation de ces éléments dans les sols suite à l’épandage répété d’effluents d’élevage. En raison de leur faible taux d’absorption par le porc, ils se retrouvent en majeure partie dans les déjections. L’alimentation et le traitement des effluents représentent des leviers importants afin de diminuer leur excrétion et mieux gérer leur retour vers les sols
Introduction
Chaque année, l’agriculture et l’industrie agroalimentaire française produit plus de 300 millions de tonnes d'effluents organiques, dont 26 millions de tonnes de lisiers et 0,8 million de tonnes de fumiers épandus par an en France proviennent de l’élevage porcin (Loyon, 2017). Ces effluents constituent des ressources considérables en nutriments et en énergie. Cependant, ils peuvent également représenter des sources de pollutions de l’air, de l'eau ou du sol à la fois au niveau local et global, avec des conséquences néfastes sur la santé de l’environnement, des animaux et des humains (concept OneHealth). L’enjeu est donc de mieux valoriser les ressources contenues dans les effluents (nutriments, énergie) afin de réduire leur impact environnemental et de valoriser leur potentiel agronomique, énergétique et économique dans le cadre d'une bioéconomie circulaire.
En raison de leur faible taux d'absorption par le porc et de leurs effets bénéfiques sur la santé et les performances de croissance, le zinc (Zn) et le cuivre (Cu) sont apportés en quantité supérieure aux besoins stricts dans l'alimentation. Leurs effluents peuvent alors contenir des quantités de Zn et de Cu entre 4 à 10 fois supérieures aux besoins des plantes lorsque les apports agronomiques sont raisonnés sur la base des teneurs en azote (N) ou phosphore (P) (Jondreville et al., 2002 ; Revy, 2003). L'épandage direct étant la principale voie de valorisation des effluents, ces éléments sont donc épandus en excès et s'accumulent dans les sols (Coppenet et al., 1993 ; L'Herroux et al., 1997 ; Jensen et al., 2018) entrainant des risques de toxicité pour les microorganismes du sol (McGrath et al., 1995) et pour les plantes (McGrath, 1981 ; Jondreville et al., 2002 ; Revy, 2003). Par ailleurs, l'utilisation de doses pharmacologiques (cf. encadré 1) de Zn chez les porcelets contribuerait au développement de résistances bactériennes aux antibiotiques (Jensen et al., 2018), ce qui constitue également un enjeu important pour leur réduction.
Pour limiter ces différents risques, aussi bien pour l'environnement que la santé animale et humaine, la réglementation européenne encadre de plus en plus strictement les quantités de Zn et de Cu pouvant être apportées dans l'alimentation animale (EU-2016/1095 ; EU-2018/1039), la nutrition constituant le principal levier pour en réduire les flux. Il existe aussi des réglementations relatives aux épandages de ces minéraux, et des cahiers des charges ou des normes spécifiques sur la teneur en Zn et en Cu des fertilisants et amendements organiques. Par ailleurs les différentes technologies de traitement des effluents qui se développent (compostage, digestion aérobie et anaérobie…) peuvent entraîner un accroissement de la concentration en ces éléments, notamment par rapport à la Matière Sèche (MS) (Hsu et Lo, 2001 ; Legros et al., 2017). La connaissance et le pilotage de ces flux dans un contexte de diversification des filières de valorisation des effluents sont ainsi des questions d'importance.
Dans cette synthèse, les flux de Zn et de Cu et leur devenir sont caractérisés tout au long du continuum aliment-animal-déjection-sol. Une première partie rappelle l’utilisation du Zn et du Cu dans l’alimentation porcine et les besoins du porc. Les rejets de ces éléments dans les effluents et leur comportement dans les différentes filières de gestion des effluents porcins sont décrits dans une seconde partie. Enfin, l’impact du retour au sol des produits issus de l’élevage porcin et de leur composition en Zn et en Cu sur l’environnement est discuté. Compte tenu du faible nombre de données disponibles chez la truie, cette synthèse s’intéresse principalement au porcelet et au porc à l’engraissement.
Encadré 1. Glossaire.
Amendement organique : fertilisant apporté au sol permettant d'améliorer les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol (Faure et al., 2018 ; Dictionnaire d'Agroécologie).
Biodisponibilité : Proportion d'un nutriment ingéré qui est absorbée et utilisée par l'animal (O′Dell, 1989).
Doses pharmacologiques : Pour le Zn, ces doses sont de 2 500 à 3 000 mg.kg-1 MS dans l'aliment, pour le Cu, elles sont de 250 mg.kg-1 MS.
Engrais : fertilisant permettant d'apporter des nutriments pour satisfaire aux besoins des plantes et du sol (Faure et al., 2018 ; Dictionnaire d'Agroécologie).
Métallothionéine : métalloprotéine intervenant dans la détoxication des cellules en éliminant les radicaux libres et ayant une forte affinité pour le Zn et pour le Cu. Cette protéine a un caractère antioxydant (Suttle, 2010).
Niveaux supra-nutritionnels : niveaux d'apports des minéraux dans les aliments bien au-delà des besoins de l'animal.
Raclage en V : (voir paragraphe 2.3.b).
Spéciation : La spéciation est l'identification et la quantification de différentes espèces, types ou stades des métaux. Elle prend en compte les propriétés chimiques et physiques des éléments, c'est-à-dire leur forme chimique, leur composition isotopique, leur état d'oxydation, leur coordination chimique et leur structure moléculaire (Formentini et al., 2016 ; Kumar et al., 2021). (Voir paragraphe 3.2).
1. Le zinc et le cuivre dans l’alimentation du porc
Le Zn et le Cu sont considérés comme des minéraux essentiels dans la nutrition porcine. Leur quantité biodisponible dans les matières premières composant la ration de base de l’alimentation n’est généralement pas suffisante pour couvrir les besoins physiologiques (Männer, 2008). Ainsi, ils sont supplémentés dans l’aliment en quantité allant du niveau nutritionnel, afin de couvrir les besoins des animaux, jusqu’à des niveaux supra-nutritionnels (cf. encadré 1) permettant d’améliorer la croissance ou la santé digestive. Toutefois, leur rétention étant très faible, ils se retrouvent en grande majorité dans les déjections. La réduction de l’apport alimentaire en Zn et en Cu est ainsi le principal levier pour diminuer leur quantité dans les effluents et leurs potentiels impacts sur l’environnement, tout en veillant à n’affecter ni la croissance ni la santé de l’animal. Pour cela, il est essentiel de mieux comprendre leur fonction et leur devenir dans l’organisme, qui influencent leur biodisponibilité et donc leur absorption et excrétion.
1.1. Fonctions du zinc et du cuivre chez le porc
a. Teneurs corporelles
Le Zn est abondamment présent dans l'organisme du porc, avec des quantités de l'ordre de 1,5 à 2,5 g pour un animal de 100 kg de Poids Vif (PV). Il est retrouvé en majorité dans les tissus musculaires du porc (environ 60 %) et dans le squelette (environ 30 %), les os constituant le principal lieu de réserve corporelle, c'est-à-dire de stockage et de mobilisation du Zn lorsque les apports varient. Les concentrations les plus élevées de Zn se retrouvent dans les soies (200 mg.kg-1 MS) et le foie (150 mg.kg-1 MS). Comme chez la majorité des mammifères, la teneur plasmatique en Zn est d'environ 1 mg.L-1 chez le porc, correspondant à 0,1 % du Zn corporel total (Swinkels et al., 1994).
La teneur corporelle du porc en Cu est plus faible, de l'ordre de 200 mg pour un animal de 100 kg de PV. Le Cu est retrouvé en majorité au niveau du squelette (40 à 46 %), des muscles (23 à 26 %) et du foie (8 à 10 %) (Cromwell, 1997). Le foie représente le principal lieu d'accumulation du Cu lors du dépassement des besoins. La teneur en Cu hépatique mesurée après abattage est utilisée comme un indicateur du statut en Cu des animaux et un révélateur des pratiques d'alimentation. En élevage, Hodges et Fraser (1983) ont ainsi observé une grande variabilité de la teneur en Cu dans des échantillons de foie issus de porcs d'origine et d'âge variables. Dans 9 % des cas, ils observent une teneur inférieure à 12 mg.kg-1 MS, signe d'un risque de déficience, mais pour la majorité des animaux la teneur dépasse 20 mg.kg-1 MS, signe d'apports supra nutritionnels en Cu. La teneur du foie en Cu dépend non seulement de la concentration alimentaire mais aussi de la biodisponibilité des apports (Roméo et al., 2018).
b. Fonctions physiologiques et catalytiques
Le Zn est fondamental à la bonne intégrité structurelle et fonctionnelle de presque 200 facteurs de transcription. De plus, la plupart des voies métaboliques sont dépendantes d’une ou plusieurs protéines fonctionnant grâce à la présence de Zn, cofacteur de plus de 300 métalloenzymes (Suttle, 2010). Il est notamment un composant des ADN et ARN synthétases et transférases, et de nombreuses enzymes digestives (National Research Council, 2012).
Le Cu quant à lui est un élément essentiel impliqué dans de nombreuses fonctions biologiques, telles que la respiration cellulaire, la protection contre le stress oxydatif et le transport du fer (Fe) (Suttle, 2010), car il est présent dans de très nombreux enzymes, cofacteurs et protéines (Espinosa et Stein, 2021).
Le Zn et le Cu jouent un rôle dans la protection contre le stress oxydatif. Cela est dû à leur rôle de cofacteurs des protéines et enzymes de protection contre le stress oxydant (superoxyde dimutase, céruloplasmine ferroxidase) (Suttle, 2010). Une carence en Zn augmente la susceptibilité des cellules endothéliales à ce stress, le Zn étant l’activateur des métallothionéines (cf. encadré 1), intervenant dans la détoxication des cellules et ayant une forte affinité pour le Zn et pour le Cu. De plus, les métallothioniéines présentent également un caractère antioxydant (Suttle, 2010).
À des niveaux d'apports « pharmacologiques », le Zn et le Cu peuvent également agir chez le porc comme « facteurs de croissance ». Cet effet peut être lié à une amélioration de la digestibilité de l'aliment ou de l'appétit des animaux (Suttle, 2010), à une réduction des troubles digestifs, en particulier des diarrhées (Bikker et al., 2016), et également à leur activité antibiotique et à leur effet de modulation du microbiote et d'amélioration de l'intégrité de la barrière intestinale (Villagómez-Estrada et al., 2020a).
1.2. Besoins du porc
Le besoin d’un animal en un élément correspond à la quantité à apporter pour permettre à son organisme d’accomplir toutes ses fonctions physiologiques (Revy, 2003 ; Schlegel, 2010). Il peut varier selon le critère de réponse utilisé pour le définir. La satisfaction des besoins physiologiques des animaux dépendant de la biodisponibilité des minéraux dans les aliments (National Research Council, 2012), la définition du besoin doit également tenir compte des formes d’apport. En pratique il est nécessaire de bien connaître les besoins en Zn et en Cu et leur évolution avec l’âge de l’animal, afin d’adapter au mieux l’alimentation et ainsi réduire les risques de déficits, néfastes pour les performances, ou d’excès, néfastes pour l’environnement.
a. Évaluation des besoins du porcelet et du porc en croissance
Deux approches principales sont utilisées pour évaluer le besoin d’un minéral, une empirique et une factorielle (Schlegel, 2010), la première étant la plus fréquente pour les éléments-traces métalliques (ETM). Celle-ci consiste à tester expérimentalement les effets d’une augmentation graduelle des quantités de Zn et Cu dans les aliments afin d’évaluer la réponse de plusieurs paramètres zootechniques ou physiologiques. Le traitement statistique des résultats par un modèle linéaire plateau est ensuite généralement utilisé pour décrire la réponse et définir le besoin au point de rupture (Kirchgessner, 1993).
Une réponse spécifique et représentative d’une des fonctions de l’animal pour le Zn ou le Cu doit être observée afin de déterminer un critère comme caractéristique du besoin (Schlegel, 2010). Pour le Zn, le critère le plus représentatif généralement retenu est sa concentration dans les os ou dans le plasma ; pour le Cu, ce critère est sa concentration dans le foie (Jongbloed, 2010).
Ceci est illustré sur la figure 1 pour le Zn chez le porcelet en post-sevrage, sur la base de différentes références bibliographiques. En fonction du niveau d’apport on peut ainsi définir i) une zone de carence (en rouge) dans laquelle l’apport n’est pas suffisant pour maintenir un niveau plasmatique adéquat ; ii) une zone d’homéostasie (en vert) dans laquelle le niveau plasmatique reste constant grâce à la mise en place de différents mécanismes d’homéostase (stockage, excrétion…) et iii) une zone d’excès (en bleu) dans laquelle la concentration plasmatique s’accroit avec l’apport alimentaire, les mécanismes d’homéostase étant vraisemblablement saturés. Le point de rupture entre la zone en rouge et en vert permet de définir le besoin nutritionnel, alors que la rupture entre la zone en vert et en bleu indique l’apparition d’un risque d’excès associé à une baisse de l’ingestion.
Figure 1. Évolution de la concentration du plasma en Zn chez le porcelet en post-sevrage en fonction de la teneur en Zn de l'aliment (d'après Hahn et Baker, 1993 ; Hill et al., 2001 ; Revy, 2003).
Le National Research Council (2012) donne différentes références de besoins en Zn pour le porc selon le stade de croissance ou le stade physiologique de l’animal. Chez le porcelet sevré les besoins sont estimés à 80 mg Zn par kg d’aliment. Chez les porcs à l’engraissement, les besoins moyens estimés dans une ration de base par le NRC (2012) sont d’environ 50 mg.kg-1 MS d’aliment. Ce besoin peut varier en fonction de différents critères qui modifient la biodisponibilité du Zn : la nature de l’aliment, sa teneur en calcium (Ca) et en phytate, et l’incorporation de phytase (Revy, 2003 ; Spears et Hansen, 2008).
Les besoins stricts du porcelet en Cu sont estimés à 5-6 mg.kg-1 MS d’aliment et ils ne dépassent pas cette valeur pour les stades physiologiques plus avancés (National Research Council, 2012). Toutefois ce besoin ne prend pas en compte les effets bénéfiques d’apports plus élevés observés sur les performances de croissance ou la santé digestive à certaines phases critiques de la vie de l’animal, comme au moment du sevrage, ou chez la truie reproductrice. De même que pour le Zn, le besoin en Cu peut varier en fonction de différents critères qui modifient la biodisponilité de ce dernier, comme l’ajout plus important de Zn dans l’aliment.
b. Effet de carence
Les principaux symptômes d’une carence en Zn sont, dans un premier temps, une perte d’appétit, l’apparition de diarrhées et un retard de croissance. L’anorexie est un des premiers signes observés et entraîne la réduction de la taille et de la solidité du fémur chez les porcelets carencés (Suttle, 2010). La diarrhée émergeante est due à une réduction du renouvellement des entérocytes (Revy, 2003). De plus, une diminution du niveau de Zn dans le plasma ou dans le sérum est observée ainsi que de celui en phosphatase alcaline et en albumine (Suttle, 2010 ; National Research Council, 2012). Les animaux répondent toutefois à une déficience en Zn en régulant les différents transporteurs du Zn intestinaux, mais ce n’est pas suffisant pour couvrir le déclin prématuré de la concentration en Zn dans le plasma et le sérum des porcelets carencés (Suttle, 2010). Le symptôme le plus marquant d’une déficience en Zn et le dernier signe apparaissant est une hyperkératinisation de la peau appelée parakératose (Suttle, 2010 ; National Research Council, 2012).
Les situations de carence en Cu chez le porc sont rarement observées et peuvent apparaître chez un porcelet sevré alimenté avec environ 100 mg.kg-1 MS de Fe, 130 mg.kg-1 MS de Zn et 2 mg.kg-1 MS de Cu (Jondreville et al., 2002). Les signes apparents d'une carence en Cu sont une anémie, une inclinaison des membres, l'apparition de fractures spontanées et de problèmes cardiaques et vasculaires et une dépigmentation (National Research Council, 2012). Des résultats récents (Dalto et al., 2021) indiquent toutefois un risque d'apparition d'une carence en Cu dans le cas d'un apport de Zn à des doses pharmacologiques (2 500-3 000 mg.kg-1 MS), confirmant ainsi la réduction du Cu plasmatique observée par Hill et al. (2001) dans cette situation (voir partie 1.3.d).
c. Effet d’excès
Le Zn est peu toxique pour la plupart des mammifères. Toutefois, un excès de Zn (voir figure 1) dans l'aliment entraîne une diminution de son absorption, une augmentation de son stockage dans les os et dans les entérocytes après liaison aux métallothionéines et donc une augmentation du turn-over dans les tissus et des sécrétions endogènes du Zn. À des doses pharmacologiques (cf. encadré 1), l'excès d'apport en Zn peut s'accompagner d'une réduction de l'ingestion d'aliment et donc de la vitesse de croissance (Hahn et Baker, 1983). Cette situation s'accompagne d'une altération du métabolisme du Cu et du Fe, avec des risques de carences si la situation d'excès se prolonge (Dalto et al., 2021). Par ailleurs, la susceptibilité de l'animal à l'excès de Zn dépend aussi des teneurs de l'aliment en Ca, en Fe, en Cu et en cadmium (Revy, 2003).
Les cas d'intoxication au Cu sont rares chez le porc (Jondreville et al., 2002). Une distribution de plus de 250 mg.kg-1 MS de Cu sur du long terme peut toutefois amener à un effet toxique et les signes observés sont une réduction du niveau d'hémoglobine et une jaunisse (National Research Council, 2012). Cela peut amener à une réduction du stockage du Fe dans le foie et donc une anémie, due à une réaction négative du Cu sur le Fe, dont l'absorption est limitée (Jondreville et al., 2002). La tolérance du porc à de fortes doses alimentaires de Cu dépend de l'apport de Zn dans l'aliment et des interactions du Zn et du Cu avec les métallothionéines (Jondreville et al., 2002).
Finalement, la capacité d’un aliment à couvrir les besoins en Zn et en Cu du porc et le potentiel effet toxique de ces éléments dépendent de leur concentration mais également de leur biodisponibilité (Hahn et Baker, 1983 ; Suttle, 2010) ; le taux d’absorption et l’efficience correspondante modifient les besoins totaux des animaux en ETM (Männer, 2008).
1.3. Apports alimentaires de zinc et de cuivre
a. Réglementation
Les réglementations européennes concernant les teneurs maximales autorisées en Zn et en Cu dans l’alimentation du porc ont évolué depuis 2003 (figure 2).
Figure 2. Réglementations européennes concernant les teneurs maximales autorisées en zinc et cuivre dans l'alimentation du porc en croissance (Regulation (EC) N° 1334/2003 ; Regulation (EU) 2016/1095 ; Regulation (EU) 2018/1039 of 23 July 2018 ; Regulation (EU) 2019/4 ; Regulation (EU) 2019/6).
Dès le 28 janvier 2022, l'utilisation de l'oxyde de zinc (ZnO) sur prescription vétérinaire sera interdit en Europe. Cette réglementation vise à réduire l'excrétion de Zn dans les déjections (Revy, 2003) et son accumulation dans le sol, et à limiter le développement de phénomène d'antibiorésistance chez les animaux et les humains auxquels contribuent les apports élevés de Zn (Ciesinski et al., 2018).
b. Composition des matières premières
La ration de base des porcs est composée principalement de céréales (principalement maïs et blé, mais aussi orge, triticale…), des tourteaux (principalement de soja, mais aussi de colza et de tournesol), d’oléo-protéagineux (pois, féverole…), de co-produits céréaliers (sons, remoulages, drèches…), et de compléments minéraux vitaminés (additifs alimentaires).
Les céréales et protéagineux contiennent en moyenne de 20 à 30 mg.kg-1 MS de Zn, les co-produits de céréales présentant une teneur plus élevée en Zn (entre 70 et 90 mg.kg-1 MS, figure 3). Les graines d’oléo-protéagineux et les tourteaux en contiennent entre 30 et 90 mg.kg-1 MS de Zn (figure 3).
Les céréales, leurs co-produits, les oléo-protéagineux et tourteaux contiennent entre 5 et 15 mg de Cu par kg MS (figure 3).
Figure 3. Teneur en Zn des matières premières de la ration de base des porcs en fonction de leur teneur en Cu (d’après INRA-AFZ, 2004)
c. Différentes formes de supplémentation
Une supplémentation en Zn est indispensable dans l’alimentation porcine afin de couvrir les besoins de l’animal, car l’apport par les matières premières seules n’est pas suffisant. De plus, la variation de la biodisponibilité du Zn alimentaire due aux différents composants de la ration doit également être prise en compte (Revy, 2003).
Contrairement au Zn, un aliment non supplémenté peut théoriquement couvrir les besoins en Cu des porcs en croissance (environ 6 mg.kg-1). Toutefois, en pratique, une supplémentation en Cu dans les aliments est généralement appliquée afin de prendre en compte l'imprécision de l'estimation des besoins totaux et de contrebalancer les effets antagonistes de certains éléments de la ration, qui affectent la biodisponibilité du Cu et donc les besoins du porc. La supplémentation en Cu de l'aliment sert de marge de sécurité (Jondreville et al., 2002).
Le Zn et le Cu apportés comme additifs, peuvent provenir de différentes sources. Les sulfates (ZnSO4 et CuSO4) sont généralement considérés comme les sources de référence dans les études comparatives de biodisponibilité. Cependant, le fait que ces sources soient fortement solubles signifie qu’elles peuvent également être plus facilement liées à d’autres éléments de la ration, en particulier les phytates contenus dans de nombreuses matières premières, réduisant ainsi leur biodisponibilité (Revy, 2003). Il existe d’autres sources de supplémentation (oxydes, chlorures, chélates) qui présentent des caractéristiques physico-chimiques et de biodisponibilités très variables. En pratique, le ZnO et le CuSO4 sont les sources les plus fréquemment utilisées pour l’alimentation animale (Revy, 2003).
d. Biodisponibilité du cuivre et du zinc de l’aliment et facteurs de variabilité
Deux approches expérimentales existent pour mesurer la biodisponibilité d’un minéral. La première consiste à mesurer la réponse de différents critères physiologiques à des apports croissants du minéral, tout en restant en dessous du besoin (zone en rouge dans la figure 1). La deuxième consiste à mesurer cette réponse avec des apports bien supérieurs aux besoins et à mesurer leur accumulation dans le sang ou dans différents tissus comme l’os ou le foie (Spears et Hansen, 2008). Dans les deux cas, ces réponses sont évaluées relativement à une source de référence (CuSO4 et ZnSO4) dont la biodisponibilité est fixée à 100 %. La biodisponibilité est alors calculée en comparant les pentes de réponse des différentes sources testées. D’une façon générale, la biodisponibilité des minéraux est influencée par le type de supplémentation minérale apportée, par des facteurs tels que le statut physiologique de l’animal ou son statut minéral, et également par des effets d’interactions avec d’autres éléments de la ration, agonistes ou antagonistes (O′Dell, 1989 ; Männer, 2008). Les différents types d’interactions possibles sont la formation de complexes non absorbables dans l’intestin, la compétition entre cations pour le transport de cations divalents non spécifiques ou encore l’induction de protéines par des métaux non spécifiques (Suttle, 2010). La différence de biodisponibilité du Zn et du Cu entre les sources pourrait s’expliquer en grande partie par ces phénomènes qui affectent l’absorption, ainsi que leurs différentes propriétés physico-chimiques qui affecte leur solubilité.
Les phytates forment avec le Zn des complexes non absorbables, ce qui diminue la biodisponibilité du Zn (Suttle, 2010). L'hydrolyse des phytates permet la libération du Zn, mais les monogastriques ne produisent pas naturellement de phytase, ou en quantité très limitée. Un ajout de phytase microbienne à la ration permet ainsi d'améliorer la disponibilité du Zn. Revy et al. (2004) ont montré que 700 unités de phytase peuvent ainsi remplacer 32-43 mg de Zn sous forme de sulfates. De même, Bikker et al. (2012) ont estimé que 500 unités de phytase peuvent remplacer 27 mg de Zn sous forme de sulfate. Selon la méta-analyse conduite par Schlegel et Jondreville (2011), seul le Zn naturellement présent dans les aliments est influencé par les phytates et la phytase, et non celui ajouté à la ration sous forme de supplémentation minérale ou organique. Cet effet antagoniste des phytates est augmenté après ajout de Ca à la ration (Suttle, 2010). Un complexe phytate-Ca-Zn se forme et précipite le Zn dans le tube digestif (Revy, 2003). L'effet antagoniste des phytates sur le Zn est d'autant plus important chez les jeunes animaux, qui reçoivent des régimes plus riches en Ca que leurs besoins (Suttle, 2010).
Le Cu est moins affecté par les phytates et le Ca de la ration, du fait de sa plus forte affinité pour des acides aminés libres, avec lesquels il forme des chélates, ce qui permet au Cu de conserver sa solubilité (Jondreville et al., 2002). Toutefois, les sources solubles de Cu peuvent interagir dans le tube digestif avec les phytates et former des complexes zinc-calcium-cuivre-phytate ou cuivre-calcium-phytate (Oberleas, 1973), résistants à l'activité hydrolytique de la phytase.
Le Zn a un effet antagoniste sur le Cu, c’est-à-dire qu’il inhibe son absorption. Cet effet est dû à l’effet inducteur du Zn sur la synthèse des métallothionéines, qui présentent une forte affinité avec le Cu, empêchant son transfert au niveau de l’épithélium intestinale (Revy, 2003).
2. Excrétion de zinc et de cuivre par les porcs et gestion des déjections
Le Zn et le Cu sont peu retenus par les animaux. Ils se retrouvent donc majoritairement excrétés dans les déjections, principalement dans les fèces. Les concentrations de ces ETM peuvent alors constituer des facteurs limitant la valorisation agronomique de ces déjections. La maîtrise de ces teneurs est donc importante pour optimiser les stratégies d’apport selon la filière de valorisation des effluents.
2.1. Rétention du zinc et du cuivre et composition moyenne des déjections
a. Rétentions corporelles de zinc et cuivre par les porcs
De nombreuses études ont déterminé la rétention corporelle du Zn et du Cu par le porc, ce qui permet de calculer, par différence avec l'ingestion, les quantités excrétées et leur teneur dans les effluents. La rétention est relativement faible et est estimée d'après la bibliographie chez le porcelet et le porc en croissance à environ 22 mg.kg-1 de gain de poids pour le Zn (Dourmad et al., 2002) et à moins de 2 mg.kg-1 de gain de poids pour le Cu (Jondreville et al., 2002). En cas d'apport proche du besoin, près de 80 à 90 % du Zn et du Cu ingérés par les porcs se retrouvent dans les déjections porcines dont entre 1 et 2 % seulement sont excrétés dans les urines (Dourmad et al., 2002).
b. Composition moyenne des déjections
La composition des lisiers va principalement dépendre de la composition des aliments distribués aux porcs. La digestibilité de la MS et de la Matière Organique (MO) des aliments étant de l'ordre de 70-80 %, et donc plus élevées que celles du Zn et du Cu (de l'ordre de 1 à 2 %), ces ETM sont beaucoup plus concentrés dans les déjections que dans l'aliment. Les lisiers peuvent ainsi contenir jusqu'à 2 000 mg de Zn par kg MS et 1 000 mg de Cu par kg MS, en considérant tous types et stades d'animaux et d'alimentation (Dourmad et al., 2002 ; Jondreville et al., 2002 ; Marcato, 2007).
c. Référence de rejet de cuivre et zinc des porcs
En 2016, les références officielles (CORPEN, 2016) fixant les quantités de N, P, Zn et Cu excrétés par les porcs ont été mises à jour (RMT Élevage et Environnement, 2015). Elles sont rapportées dans le tableau 1, en intégrant des valeurs calculées en tenant compte des réglementations les plus récentes de l’UE relatives aux teneurs maximales autorisées dans les aliments (Regulation (EU) 2016/1095, Regulation (EU) 2018/1039).
Tableau 1. Rejets de zinc et cuivre des porcs selon les références du CORPEN (2016), calculés selon le RMT Élevage et Environnement (2015) et nouvelles estimations en tenant compte des nouvelles réglementations de l’UE (Regulation (EU) 2016/1095, Regulation (EU) 2018/1039).
Stades physiologiques |
Zn ingéré |
Zn excrété |
Cu ingéré |
Cu excrété |
---|---|---|---|---|
Truie reproductrice, g/an |
180 |
173 |
30,0 |
29,7 |
Post-sevrage, g/porc |
5,8 |
5,3 |
6,6 |
6,6 |
Post sevrage avec 3 000 mg /kg aliment |
19,2 |
18,7 |
6,6 |
6,6 |
Engraissement, g/porc |
36 |
34,1 |
6,0 |
5,9 |
1Selon les nouvelles réglementations (EU) 2016/1095, (EU) 2018/1039.
Les teneurs en Zn et Cu excrétées par les porcs, calculées en tenant comptes des nouvelles réglementations, sont inférieures aux références CORPEN actuelles, qui ont été définies en tenant compte de l’ancienne réglementation (Regulation (EC) N° 1334/2003). Cela est dû à la réduction des teneurs maximales autorisées dans l’aliment suite aux nouvelles réglementations de 2016 et 2018. Une mise à jour de ces références pourrait prendre en compte ces nouvelles valeurs.
2.2. Levier alimentaire et réduction de l’excrétion de cuivre et de zinc
Il existe différents leviers alimentaires pour réduire l'excrétion de Zn et Cu. Il est en effet possible de faire varier soit la forme de supplémentation, soit la quantité de Zn et Cu ajoutée dans l'aliment, soit les deux simultanément. En utilisant l'approche décrite par Dourmad et al. (2013), nous avons calculé l'excrétion de Zn et Cu des porcs entre le sevrage et l'abattage (de 8 à 118 kg PV) selon différentes hypothèses d'alimentation concernant les teneurs en Zn et Cu et prenant en compte l'évolution de la réglementation dans l'UE depuis 2003 et des perspectives pour le futur. Les résultats présentés à la figure 4A et 4B montrent clairement que l'évolution de la réglementation a conduit à une forte réduction de l'excrétion aussi bien pour Zn que pour Cu.
Figure 4. Influence de l’évolution de la réglementation relative aux teneurs en zinc (Zn) et cuivre (Cu) des aliments sur leurs excrétions et leurs teneurs dans les effluents : quantité de Zn (A) et de Cu (B) excrétés par porc entre 8 et 118 kg de poids vif (PV), et teneurs moyennes en Zn (C) et en Cu (D) des déjections et des digestats de méthanisation ; FC, 0FC : avec ou sans le Zn comme facteur de croissance.
Les perspectives correspondent à 100 ppm de Zn pour les porcelets en post-sevrage et 80 ppm de Zn pour le porc à l’engraissement, et à 100 ppm de Cu pour la première période de post-sevrage, à 80 ppm de Cu pour la fin du post-sevrage et à 15 ppm de Cu dans l’aliment des porcs à l’engraissement.
Pour le Zn et avec la réglementation en vigueur à partir de 2022, on observe, comparativement à la situation avant 2003, une réduction de 63 % de l’excrétion par porc entre 8 et 118 kg de PV (31,5 vs 85,4 g/porc). Pour le Cu l’évolution est encore plus marquée puisqu’avec la réglementation actuelle l’excrétion est réduite de 80 % par rapport à la situation avant 2003 (7,6 vs 38,1 g/porc entre 8 et 118 kg de PV).
Cette évolution de l'excrétion s'est également accompagnée d'une forte réduction de la teneur des déjections. Pour le Zn, cette teneur passe ainsi de 2 100 à 1 000 mg.kg-1 MS et pour le Cu de 1 100 à 250 mg.kg-1 MS. Des perspectives de réduction plus poussées peuvent être envisagées (figure 4.C et 4.D), mais elles nécessitent d'affiner les connaissances sur les besoins des animaux et la biodisponibilité des sources (Dourmad et al., 2013).
Figure 5. Teneurs en Zn et en Cu des lisiers (mg.kg-1 MS) en fonction de la teneur des aliments en Zn ou en Cu et des sources d'apport (d'après Levasseur et Texier, 2001 ; Creech et al., 2004 ; Van Heugten et al., 2004 ; Hernández et al., 2008 ; Liu et al., 2016).
Bleu foncé : truies gestantes ; Bleu clair : truies allaitantes ; Vert : porcelet en post-sevrage ; Jaune : porc à l’engraissement.
Losange : sans supplémentation ; Rond : source inorganique de Zn ou Cu ; Triangle : source organique de Zn ou Cu.
La composition des lisiers dépend également des stades physiologiques des animaux élevés (figure 5). Les teneurs en Zn et en Cu exprimées relativement à la MS, dépendent à la fois de leur teneur dans l'aliment et de la composition de l'aliment, en particulier sa teneur en fibres qui influence la digestibilité de la MO. De nombreuses études se sont intéressées à l'effet d'une modification de la teneur en Zn et/ou Cu de l'aliment sur leurs concentrations dans les déjections. Après réduction des teneurs de ces ETM dans l'aliment (à environ 70 mg.kg-1 MS de Zn et 10 mg.kg-1 MS Cu, comparé à des teneurs respectant la réglementation européenne soit respectivement 150 et 25 mg.kg-1 MS), aucun effet sur les performances des porcs à l'engraissement ni sur la qualité des carcasses n'est observé (Paboeuf et al., 2001 ; Creech et al., 2004 ; Van Heugten et al., 2004 ; Liu et al., 2016 ; Villagómez-Estrada et al., 2020b). Toutes ces études mettent en évidence une réelle efficacité des régimes à teneurs réduites en Zn et Cu sur la diminution des concentrations en Zn et Cu des lisiers. Différentes sources minérales ont également été testées afin de diminuer l'excrétion du Zn et du Cu (figure 5).
2.3. Gestion des déjections porcines et impact sur le zinc et le cuivre
La gestion des effluents d’élevage est une opportunité de mieux contrôler la distribution des ETM des déjections des porcs avant leur retour aux sols et ainsi réduire leur impact environnemental. Le traitement des effluents n’élimine pas les métaux mais influence leur concentration, du fait de la dégradation de la MO et/ou des séparations de phases, et leur spéciation (cf. encadré 1), du fait de différents mécanismes chimiques et biochimiques (adsorption, chimiosorption, précipitation…) (Couturier, 2002).
a. Les filières de gestion des déjections porcines
Bien que la conduite la plus courante pour gérer les effluents d’élevage soit le stockage suivi de l’épandage (Nicholson et Chambers, 2008), près de 12 % des exploitations porcines françaises utilisait déjà une technique de traitement des déjections alternatives ou complémentaire au « stockage – épandage » en 2008 (Loyon, 2017). Les traitements appliqués peuvent être regroupés en différentes catégories, les traitements mécaniques (séparation de phases), biologiques (traitement aérobie ou digestion anaérobie, compostage), chimiques et thermiques. Ces différentes technologies peuvent se combiner entre elles de différentes manières et viennent s’insérer dans la filière globale de gestion des déjections (figure 6 et tableau 2).
Figure 6. Les effluents produits en élevage et leur devenir possible (d'après Møller et al., 2007 Nicholson et Chambers, 2008 ; Loyon, 2017).
Tableau 2. Les principales filières de gestion des effluents issus d'élevage porcin (d'après Møller et al., 2007 ; Nicholson et Chambers, 2008 ; Loyon, 2017).
Type de traitements |
Type d'effluents traités |
Produits obtenus |
Traitement suivant possible |
---|---|---|---|
Traitements Mécaniques |
|||
Séparation de phases |
Lisier |
Phase solide |
Digestion anaérobie |
Phase liquide |
Traitement aérobie |
||
Traitements Biologiques |
|||
Traitement aérobie |
Lisier |
Effluent épuré |
Séparation de phases |
Digestion anaérobie |
Lisier |
Digestat |
Séparation de phases |
Compostage |
Phase solide issue d’une |
Compost |
|
Traitements thermiques |
Phase solide issue d’une |
Cendre résiduelle |
|
Traitements chimiques |
Lisier |
b. Effet des traitements sur le zinc et le cuivre des effluents
Le tableau 3 synthétise les principaux effets observés sur le Zn et le Cu lors des traitements.
Tableau 3. Effets des différents gestions et traitements des effluents porcins sur les éléments Zn et Cu.
Gestion/Traitement |
Effets du traitement sur le Zn et le Cu |
Paramètre à prendre en compte |
Références |
---|---|---|---|
Stockage |
- Augmentation de l’influence la distribution |
Type de stockage |
|
Séparation de phases |
- Concentration du Zn et du Cu dans la phase |
Modalité de raclage |
|
Type de séparateur |
Møller et al. (2007) |
||
Traitement aérobie |
- Augmentation de la concentration du Zn et du Cu, par rapport à la MO et la MS |
Type de séparateurs |
|
Méthanisation / Digestion anaérobie |
- Augmentation de la concentration du Zn et du Cu, par rapport à la MO et de la MS |
Température |
Marcato (2007) |
Traitement thermique (incinération) |
- Accumulation du Cu dans la cendre résiduelle |
||
Compostage |
- Augmentation de la concentration |
Humidité |
Hsu et Lo (2001) |
- Séparation de phases en bâtiment
La séparation de phase directement en bâtiment, par exemple par le procédé de raclage en V, est assez récente et la caractérisation des produits obtenus est encore peu documentée. Le Zn et le Cu suivent majoritairement la fraction solide (entre 90 et 95 %) et cette fraction est principalement traitée par compostage ou par digestion anaérobie. (Loussouarn et al., 2014 ; Likiliki et al., 2020).
- Durée et type de stockage
Peu d’études existent sur l’effet du stockage sur le Zn et le Cu. Selon Popovic et Jensen (2012), le stockage n’a pas significativement d’effet sur les concentrations de Zn et de Cu mais il augmente la liaison du Zn et du Cu à des particules solides moins solubles.
- Séparation mécanique de phases
Comme seulement environ 10 % du Zn et du Cu sont solubles, ces éléments sont principalement retrouvés dans la fraction solide après séparation du lisier (Nicholson et Chambers, 2008). Cette redistribution va toutefois dépendre du type de séparateur ou de la combinaison de processus de séparation utilisés (Møller et al., 2007 ; Pantelopoulos et Aronsson, 2020). La séparation du Zn et du Cu vers la phase solide est plus élevée pour le traitement chimique avec filtration (99,5 % Zn et 94,9 % Cu dans la phase solide) suivi de la centrifugation (38,1 % Zn et 31,1 % Cu) puis de la vis compacteuse (7,1 % Zn et 6,6 % Cu) (Møller et al., 2007 ; Popovic et al., 2012 ; Pantelopoulos et Aronsson, 2020). Plusieurs études évaluent l'effet de la combinaison de différents types de séparation associés à une station de traitement biologique aérobie (Levasseur, 2003 ; Béline et al., 2004). Il résulte de la séparation une baisse des concentrations dans la phase liquide, permettant donc de réduire la charge annuelle des sols en Zn et Cu après utilisation comme fertilisant de cette fraction liquide par épandage, comparativement à l'épandage d'un lisier brut (Béline et al., 2004 ; Møller et al., 2007 ; Popovic et al., 2012). La fraction solide peut ensuite être exportée et utilisée comme fertilisant organique, généralement après un autre traitement (séchage ou compostage).
- Méthanisation
Plusieurs éléments nutritifs comme N, P, K, Zn, Cu étant conservés au cours de la méthanisation, le digestat issu de ce traitement peut être valorisé comme fertilisant (Marcato, 2007 ; Marcato et al., 2009 ; Amaral et al., 2014). Toutefois, la transformation d'une partie de la MO en biogaz entraine une augmentation des teneurs en Zn et en Cu par rapport à la MS et un effet sur leur spéciation (cf. encadré 1) dont il est important de tenir compte. Par ailleurs, le Zn et le Cu peuvent également stimuler ou inhiber les bactéries responsables de la digestion anaérobie (Matheri et al., 2016), modifiant ainsi la production de biogaz.
- Séchage par incinération
Après incinération de la fraction solide du lisier ou du digestat de méthanisation, deux cendres sont obtenues, une cendre résiduelle (qui tend à être plus riche et à accumuler le Cu) et une cendre dite « volante » (Møller et al., 2007).
- Compostage
Le compostage conduit à la production d'acide humique, constituant principal de l'humus, et le Cu a une meilleure affinité pour cet acide humique que le Zn, ce qui influence leur distribution (He et al., 2009) dans le produit final du compostage : le compost. Hsu et Lo (2001) observent une augmentation de la part soluble de Cu les 18 premiers jours du processus de compostage (jusque 16 % du Cu sous cette forme) puis une diminution de cette part jusqu'à atteindre 3 % du Cu sous forme soluble dans le compost final. Un effet moindre est observé sur la part soluble du Zn qui atteint un maximum de 2 %. Le compostage semble donc avoir un effet important sur le risque de lessivage du Cu, mais moins sur celui du Zn. Hsu et Lo (2001) ont observé que la plus grande partie du Zn et du Cu se trouvait dans la fraction peu biodisponible du compost. Un ajout de matériel, comme de la paille ou d'autres substrats organiques, ou d'additifs minéraux, permet de réduire la disponibilité des métaux lourds pendant le compostage et facilite leur transfert vers des formes plus stables. Ceci est lié à la formation de composés ayant une affinité avec la matière humique du compost (Santos et al., 2018 ; Li et al., 2019). Par ailleurs l'ajout de MO s'accompagne également d'une réduction des teneurs en Zn et Cu par dilution.
Une des finalités de ces différents traitements est la production d’engrais ou amendements organiques (cf. encadré 1) qui sont exportés en dehors des exploitations d’élevage dans des systèmes de cultures dans lesquels la MO fait défaut, comme par exemple le maraîchage. Ceci permet d’atténuer les risques d’accumulation des éléments, tels que le Zn et le Cu dans les sols des exploitation porcines en optimisant leur valorisation. Toutefois ceci nécessite que ces produits soient normalisés et prennent en compte l’impact de ces traitements sur la spéciation des ETM et donc leur biodisponibilité pour les plantes.
3. Épandage des effluents porcins et conséquences sur les sols
3.1. Apport de Zn et Cu sur les sols et réglementation
En France, 78 % du Zn et 50 % de Cu apportés en surface des sols agricoles proviennent de l'épandage des effluents d'élevage (Belon et al., 2012).
a. Plusieurs sources d’apports
Le Zn et le Cu présents dans les sols peuvent provenir de sources naturelles ou exogènes (apport de fertilisants par exemple). En effet, des métaux se retrouvent naturellement dans les sols après altération de la roche mère (Legros, 2008 ; Kumar et al., 2021). La composition en Zn et Cu et leur comportement dépendent du type de sol et de la roche mère sur lequel il se développe (Legros, 2008). Des apports exogènes sont aussi sources d'enrichissement des sols en Zn et Cu : engrais phosphatés, apports de fumiers et de lisiers, épandages de boues d'épuration, composts « urbains » et traitements phytosanitaires (Baize, 1997). Il est alors important de contrôler les apports en Zn et Cu, qui peuvent devenir toxiques pour les plantes ou les micro-organismes du sol.
b. Réglementation sur l’épandage des effluents d’élevage
Compte tenu des risques associés à l’apport de Zn et de Cu par l’épandage des engrais et amendements organiques, des teneurs maximales en ces éléments ont été fixées pour leur commercialisation (tableau 4). Toutefois ces normes ne s’appliquent pas aux effluents d’élevage bruts épandus dans le cadre d’un plan d’épandage.
Tableau 4. Teneurs maximales autorisées (mg.kg-1 MS) dans les fertilisants selon différentes réglementations ou normes.
Type de fertilisant |
Zinc |
Cuivre |
---|---|---|
Engrais organique |
||
Ecolabel1 |
300 |
100 |
Afnor2 |
600 |
300 |
Digestat de méthanisation3 |
1 500 |
600 |
1 Décision (UE) 2015/2099. 2Norme AFNOR NF U44-051 (avril 2006). 3Arrêté du 13 juin 2017 (NF U44-051 d'avril 2006)
Le lisier de porc à l’engraissement contient environ 955 mg.kg-1 MS de Zn et 300 mg.kg-1 MS de Cu quand ce type d’animaux reçoit un aliment respectant la réglementation européenne en vigueur actuellement (120 mg.kg-1 Zn et 25 mg.kg-1 Cu), ces valeurs étant un peu plus élevées si l’on considère la totalité de la période post-sevrage/engraissement (figure 5). Mais les traitements des effluents vont généralement fortement concentrer ces éléments et donc augmenter leur teneur. Ainsi, compte tenu des teneurs actuelles en Zn et en Cu dans les aliments, ces teneurs dépassent les normes Afnor et encore plus l’Ecolabel Européen pour les produits issus de certains traitements. Une règle spécifique a ainsi été établie récemment pour les digestats de méthanisation avec des seuils plus élevés fixés à respectivement 1 500 et 600 mg.kg-1 de MS pour Zn et Cu (NF U44-051). Toutefois, même avec ces différentes réglementations, les quantités de Zn et Cu épandues demeurent supérieures aux besoins des cultures.
3.2. Formes et réactivités du Zn et Cu dans les effluents
Les effluents sont généralement valorisés par épandage sur les sols et la détermination de la spéciation du Zn et du Cu (cf. encadré 1) dans ces effluents est nécessaire afin de mieux prédire la mobilité et la disponibilité de ces éléments au niveau des sols (Legros et al., 2017). Plusieurs méthodes analytiques existent afin de déterminer la spéciation des éléments dans une matrice : la spectroscopie d'absorption des rayons X (XAS), permet par exemple de connaître l'environnement atomique autour d'un atome et son degré d'oxydation (Legros, 2008). Des méthodes d'extractions (extraction sélective, extraction séquentielle…) existent également, afin d'isoler plusieurs fractions présentant une biodisponibilité et mobilité plus ou moins élevée dans les sols (He et al., 2009).
3.3. Impacts de l’apport exogène de Zn et de Cu
Le Zn et le Cu sont des éléments traces essentiels pour la bonne croissance des plantes, mais ce sont également des métaux lourds avec un haut potentiel de pollution environnementale (Kickinger et al., 2009). En forte concentration dans les effluents, le Zn et le Cu peuvent s'accumuler dans les sols et devenir toxiques pour les plantes ou les micro-organismes et présentent également des risques pour les ecosystèmes aquatiques (cf. 3.3.b). Leur concentration excessive dans le sol peut entraîner des baisses de rendement à l'hectare sur certaines cultures comme les légumineuses ou les céréales à paille (McGrath, 1981), les formes libres du Zn et du Cu étant les plus phytotoxiques (Suttle, 2010 ; Kumar et al., 2021). Généralement, le lisier de porc est épandu sur les sols en considérant un épandage de N à hauteur de 170 kg.ha-1.an-1. Cela correspond à des flux de Zn d'environ 2,38 kg.ha-1.an-1 et de Cu d'environ 1,53 kg.ha-1.an-1. Ces apports dépassent très largement les besoins des cultures (Marcato, 2007) puisque l'on estime, par exemple pour le blé, les exportations de Zn et de Cu par les plantes à environ 50 et 200 g.ha-1.an-1 respectivement. Par ailleurs, le microbiote du sol est également très sensible à une augmentation de la teneur en ETM. Le Zn et le Cu une fois épandus peuvent présenter différents comportements : ils peuvent s'accumuler dans les sols, être prélevés par les plantes ou être lessivés. Cela va dépendre de leur spéciation, du type de sol et du type de plante (Jondreville et al., 2002 ; Legros, 2008).
a. Prélèvement par les plantes
Le Zn et le Cu sont des minéraux essentiels à la bonne croissance des plantes et sont donc prélevés par ces dernières. Les plantes contiennent entre 10 et 100 mg.kg-1 MB de Zn (Gräber et al., 2005). Elles requièrent en moyenne entre 5 et 20 mg.kg-1 MB de Cu (Legros, 2008 ; Kumar et al., 2021). Une carence en Cu des plantes entraîne une réduction de la croissance des plantes, favorise la chlorose des feuilles et est cause de cytotoxicité (Kumar et al., 2021). Dans certaines régions il existe des risques de carence en Zn et Cu (GIS Sol, 2001), avec une variabilité importante selon la présence d'élevages de porcs ou de volailles et de viticulture. Des amendements riches en Zn et Cu peuvent alors présenter un intérêt. Les lisiers de porcs ont une plus grande teneur en Zn qu'en Cu, ce qui entraîne un accroissement plus rapide de la teneur des sols en Zn qu'en Cu (De Conti et al., 2016). Il n'existe pas de risque de contamination de Cu dans la chaîne alimentaire humaine, car il est peu mobile dans la plante et atteint donc rarement les parties consommables des plantes (Marcato, 2007).
b. Flux vers les nappes
Le Zn et le Cu accumulés dans les sols après épandage peuvent par la suite être lessivés et être transférés vers le réseau hydrographique. Cela dépend de la spéciation de ces éléments qui seront plus ou moins solubles selon les caractéristiques physico-chimiques du milieu. Ces transferts vers les écosystèmes aquatiques sont également favorisés par les phénomènes d'érosion, le Zn et le Cu étant transféré avec les particules de sol ou de MO. De cette manière, le Zn et le Cu peuvent être prélevés par les organismes marins et contribuer à la contamination de la chaîne alimentaire (Jondreville et al., 2002 ; Legros et al., 2013).
c. Accumulation dans les sols
De nombreuses études mettent en avant le fait que le Cu est un élément beaucoup moins accessible et moins mobile que le Zn (Gräber et al., 2005 ; Mallmann et al., 2014 ; Marszałek et al., 2019). En effet, le Cu a une plus grande affinité pour la MO (Kumar et al., 2021) et est donc plus sensible aux propriétés du sol telles que la teneur en MO ou le pH. Il peut donc devenir plus ou moins mobile lorsque ces caractéristiques varient, mais il va principalement s'accumuler dans le sol. Le Zn est également un élément peu mobile dans les sols, mais il est moins sensible aux variations des caractéristiques du sol (Marszałek et al., 2019). Dans la solution du sol (eau qui circule dans les espaces libres du sol), le Zn sera majoritairement sous forme libre Zn2+ tandis que le Cu sera majoritairement sous forme complexée avec de la MO (De Conti et al., 2016 ; Kumar et al., 2021).
Le Zn et le Cu provenant des effluents d'élevage épandus s'accumulent en grande majorité dans la couche arable (0-20cm), c'est-à-dire la couche superficielle des sols (Jondreville et al., 2002 ; Revy, 2003 ; Marszałek et al., 2019). Selon McGrath (1981), seuls 2 à 10 % du Cu amené par épandage sont ensuite lessivés ou prélevés par les plantes. Dans des sols ayant reçu du lisier de porcs pendant de nombreuses années, De Conti et al. (2016) ont observé une accumulation de carbone dans la couche superficielle, ayant une forte affinité avec les métaux, en particulier avec le Cu. Ceci peut expliquer l'accumulation de ces éléments dans cette couche de sol. De plus, étant peu mobiles, le Zn et le Cu sont donc transférés en faible quantité dans les couches plus profondes du sol. Le Zn et le Cu peuvent être transportés par l'acide humique après formation de complexes chélatés et ces complexes sont plus stables quand ils sont formés avec le Cu plutôt qu'avec le Zn (Gräber et al., 2005). Cette complexation du Zn et du Cu dans les sols réduit la teneur de ces éléments sous forme libre et donc leur phytotoxicité (De Conti et al., 2016). Le pH du sol est également un facteur qui a une forte influence sur la solubilité du Zn et du Cu. Son augmentation améliore l'adsorption des minéraux sur la MO et donc diminue leur mobilité (Levasseur, 1998 ; De Conti et al., 2016). Les sols acides, comme c'est souvent le cas en Bretagne, présentent donc une solubilité plus importante du Zn et du Cu. Mallmann et al. (2014) ont évalué l'effet des pratiques de travail du sol sur la répartition du Zn et du Cu suite à des apports de lisier de porcs sur une longue période. Ils ont montré que les pratiques de cultures sans labour amplifient le phénomène d'accumulation du Zn et du Cu à la surface des sols et réduit leur mobilité vers des profondeurs dépassant 20 cm.
De nombreuses études ont évalué l'effet d'une application à long terme de lisier de porcs sur l'accumulation de Zn et Cu (Coppenet et al., 1993 ; L'Herroux et al., 1997 ; McGrath et al., 2000 ; Gräber et al., 2005 ; De Conti et al., 2016 ; Formentini et al., 2016 ; Benedet et al., 2019 ; Benedet et al., 2020). Selon Coppenet et al. (1993), entre 1973 et 1988, soit après 15 ans d'épandage régulier de lisier de porcs, les sols du Finistère (France) se sont enrichis en Zn de près de 0,37 mg.kg-1.an-1 et en Cu de près de 0,22 mg.kg-1.an-1. Ils ont également montré que cette augmentation est d'autant plus élevée que la quantité de lisier épandue est importante. L'Herroux et al. (1997) se sont intéressés à la spéciation du Zn et du Cu dans les sols de Bretagne (France), après 6 ans d'application de lisier de porcs, et à leur distribution dans les différentes fractions déterminées selon leur biodisponibilité : sur le long terme, le Cu est principalement retrouvé dans la fraction peu biodisponible et avec le temps la part de Zn augmente dans des fractions légèrement plus biodisponibles. Ces observations sur la spéciation du Zn et du Cu ou sur leur comportement dans les sols sont importantes afin de prédire leur effet sur l'environnement (Formentini et al., 2016). En effet, l'effet toxique du Cu dans les sols est un problème environnemental de long terme (López Alonso et al., 2000). De Conti et al. (2016) ont évalué cet effet de l'accumulation du Zn et du Cu sur les sols et ont mis en évidence que l'effet phytotoxique du Zn et du Cu n'apparait pas même après plusieurs années d'épandage de lisier de porcs, car les plantes modifient les conditions du sol de sorte que les espèces chimiques peuvent se complexer avec du carbone organique dissous. Une certaine stabilité du Zn et du Cu est alors observée. Les plantes tolèrent généralement des teneurs en Zn allant de 10 à 100 mg.kg-1 MS et en Cu des sols allant de 2 à 40 mg.kg-1 MS (Gräber et al., 2005). Selon Coppenet et al. (1993), certaines plantes sensibles au Zn, comme le maïs, peuvent subir des carences en cet élément quand la teneur du sol est inférieure à 1,5 mg.kg-1 MS et un effet phytotoxique est observé quand cette teneur dépasse 120 mg.kg-1 MS. Sur les sols bretons, à pH proche de 6, cet effet phytotoxique est observé quand la teneur accumulée en Zn et Cu dépasse 120 mg.kg-1 MS. Le Cu a tendance à s'accumuler dans les tissus racinaires et peut être transférés à la tige ; la toxicité du Cu sur les plantes affecte ainsi la croissance racinaire et la morphologie de la plante (Kumar et al., 2021). McGrath et al. (1995) ont rapportés que l'activité microbienne du sol est perturbée lorsque les teneurs du Zn du sol dépassent 100 à 200 mg.kg-1 MS. Zhang et al. (2016) ont étudié l'effet de l'épandage de lisier de porcs sur la communauté microbienne du sol et ont mis en avant que le Zn et le Cu peuvent améliorer la fertilité des sols en permettant le développement de la biomasse du sol. Selon eux, c'est le Zn qui a le plus d'influence sur le microbiote du sol.
L'activité des vers de terre dans les sols est réduite quand la concentration en Cu dépasse 50 mg.kg-1 MS (Gräber et al., 2005). La toxicité du Zn et du Cu peut aussi toucher les espèces animales après épandage de lisier de porcs sur des pâtures. López Alonso et al. (2000) ont démontré que dans des régions où l'élevage de porc est intensif, plus de 20 % du bétail présentent des concentrations hépatiques en Cu excédant la concentration potentiellement toxique de 150 mg.kg-1. En particulier les ovins sont extrêmement sensibles aux excès de Cu et des cas d'empoisonnement de moutons ayant pâturé des prairies fertilisées avec du lisier de porc riche en Cu ont été relatés (Poulsen, 1998).
3.4. Cas spécifique du retour au sol des produits issus du traitement des effluents porcins
Comme indiqué précédemment, le traitement des effluents porcins n'élimine pas le Zn et le Cu mais le concentre dans certaines fractions. Møller et al. (2007) indiquent que l'épandage de la phase solide issue d'une séparation de phases par centrifugation entraîne une moins grosse charge sur les sols en Zn et en Cu que le lisier pur, mais il est probable que ce soit en fait très dépendant des règles de fertilisation généralement basées sur N. Des études évaluent l'indice de germination de graines après fertilisation avec du compost, ce qui permet de déterminer la phytotoxicité et la maturité de ce dernier. Selon He et al. (2009), cet indice augmente durant le processus de compostage : cela signifie que ce type de traitement entraîne une diminution de la phytotoxicité et améliore la croissance racinaire. De plus, cet indice de germination peut notamment être prédit par la teneur totale en Zn et en Cu et en autres métaux (plomb).
Figure 7. Flux de cuivre (Cu) et de zinc (Zn) à travers la filière porcine et les filières de gestion de ses effluents. Exemple du porc à l’engraissement. Approche de bioéconomie circulaire.
Conclusion
Le Zn et le Cu sont des ETM indispensables chez le porc mais potentiellement toxiques pour l’environnement, et ce sont des ressources limitées. Il est alors essentiel de bien caractériser leur flux tout au long de la filière porcine, afin de limiter leur utilisation et leur épandage sur les terres agricoles. La figure 7 résume ce continuum aliment-animal-déjection-sol dans le contexte de bioéconomie circulaire.
La réduction du Zn et du Cu alimentaires, tout en respectant les besoins de l’animal, constitue la piste principale de réduction de la teneur de ces deux éléments dans les déjections porcines. Ceci est possible en adaptant au plus près les apports selon l’évolution des besoins et en ayant recours à des sources plus biodisponibles. Le traitement des effluents permet ensuite de mieux gérer le retour au sol du Zn et du Cu en modifiant leur spéciation et leurs teneurs par rapport à la MS. Les traitements séparatifs permettent une redistribution de ces éléments entre deux phases et facilitent leur exportation vers des régions avec des sols moins riches en Cu et en Zn, voir carencés, et sur des cultures qui présentent un besoin élevé.
Contributions des auteurs
Emma Gourlez, Fabrice Beline, Jean-Yves Dourmad, Alessandra Monteiro, Francine De Quelen ont participé à la définition et au contenu de l’article. Emma Gourlez a écrit le manuscrit et a pris en compte les corrections réalisées par les autres auteurs. Francine De Quelen est la coordinatrice du projet finançant cette étude qui a été réalisée dans le cadre d’une thèse dirigée par Fabrice Beline. Tous les coauteurs ont lu et approuvé la version finale de l’article.
Remerciements
Cette synthèse a été conduite dans le cadre du projet RECUIZ « Optimisation du recyclage du cuivre et du zinc, depuis leur apport en alimentation animale jusqu’à leur retour au sol », financé par l’appel à projet GRAINE de l’ADEME et de la thèse CIFRE d’Emma Gourlez co-financée par Animine.
Notes
- Cet article est adapté de la communication présentée aux Journées de la Recherche Porcine en 2022 (Gourlez et al., 2022).
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Résumé
Le zinc et le cuivre sont des éléments-traces métalliques (ÉTM) qui peuvent présenter à plus ou moins long terme un risque environnemental pour les sols agricoles sur lesquels sont valorisées les déjections porcines. Ces ÉTM sont essentiels pour la croissance et la santé des porcs en élevage, ils sont donc ajoutés dans l’aliment sous forme de supplémentation. Cependant, du fait de leur faible taux de rétention chez le porc, ils se retrouvent très majoritairement excrétés dans les déjections. De plus, ce sont des ressources minérales naturelles limitées. Il est alors essentiel de caractériser leurs flux le long du continuum aliments-déjections-traitements-sols afin de maîtriser au mieux leur utilisation. Un état des lieux des connaissances sur ces flux montre que l’alimentation est le principal levier pour limiter les rejets de ces ETM vers l’environnement. La réglementation européenne fixe actuellement des teneurs limites des aliments en zinc et en cuivre (e.g. pour un porc en engraissement, 120 et 25 mg.kg- 1 MS respectivement). Le traitement des déjections est un second levier pour optimiser la valorisation de ces effluents d’élevage et mieux gérer la redistribution de ces ÉTM sur les sols, en les concentrant dans certains produits plus facilement exportables vers des zones en déficit. Une meilleure connaissance de leur forme chimique tout au long de la filière est aussi nécessaire pour mieux maîtriser leur devenir et préciser les risques pour l’environnement. Des recherches restent nécessaires pour affiner les stratégies d’apport dans les aliments, tout en conservant les performances et la santé des animaux et en prenant en compte les différentes modalités de gestion des effluents dans le cadre d’une bioéconomie circulaire.
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