Articles

Modélisation de l'efficience et de la robustesse chez les ruminants, le point de vue nutritionnel

Chapeau

L’efficience et la robustesse des animaux d’élevage suscitent un intérêt croissant, en particulier pour les ruminants dont la production et les organismes sont soumis à de nombreuses contraintes. Un défi important pour la Recherche concerne l'application des méthodes de modélisation aux questions d’efficience et de robustesse. Ainsi, dans le domaine de l’alimentation animale, les récents systèmes d’unités d’alimentation ont proposé des modèles intéressants qui sont en cours d'application sur le terrain. Les approches de modélisation systémique ont été développées avec des applications prometteuses vis à vis de l'efficience et de la robustesse1.

Introduction

Au cours des dernières décennies, les productions animales ont été principalement axées sur l'amélioration des performances, car les animaux plus productifs présentent a priori une meilleure efficience alimentaire (encadré 1) par la dilution des besoins d'entretien, et fournissent une marge de transformation plus importante. L’efficience suscite également un regain d’intérêt, notamment suite à des études de la FAO, qui montrent que l’une des principales voies pour assurer une meilleure sécurité alimentaire mondiale consiste à accroître l’efficience de la transformation des ressources alimentaires en produits animaux (Makkar et Beever, 2013). Cependant, des limites au progrès sont apparues : la sélection des animaux a permis d'obtenir de meilleures performances pour les caractères sélectionnés ; en revanche, d'autres critères non spécifiquement sélectionnés génèrent différents inconvénients, en particulier les animaux plus performant ont tendance à être plus fragiles face aux perturbations environnementales (Klopcic et Kuipers, 2009). Au-delà de ces questions d'autres défis émergents des systèmes de production animale existent, ils concernent la composition et la qualité des produits nobles élaborés, le bien-être digestif et global et les rejets d'éléments dans l'environnement. Les modèles et systèmes d'alimentation antérieurs ne prenaient pas correctement en compte la diversité des ingrédients alimentaires et des systèmes d'alimentation (fourrages tropicaux et systèmes de production intensive, par exemple), qui remettent en question l'efficience et la robustesse (encadré 2) des ruminants d'élevage. Logiquement, un débat scientifique s'est développé sur la relation pouvant associer l'efficience et la robustesse des animaux.

Nous avons choisi de nous focaliser sur les ruminants qui sont connus pour être moins efficients, quoiqu’apte à valoriser des ressources non destinées aux hommes, mais plus robustes que les monogastriques. Cette revue privilégie les modèles nutritionnels les plus récents, en particulier les systèmes d’unités d’alimentation qui ont l'intérêt d'être appliqués sur le terrain.

Encadré 1. L’efficience

L'efficience est le rapport entre les flux de sortie et d'entrée d'un système transformateur (organe, organisme entier…). Il est supposé que le flux d'entrée est divisé en plusieurs flux de sorties de matières « nobles » comestibles et en un ou plusieurs autres flux de déchets. L'efficience peut avoir plusieurs expressions, un critère fréquent de l'efficience alimentaire concerne le rapport entre un produit (lait, gain quotidien moyen, matière comestible ...) et une ingestion correspondante d'aliments ou de nutriments, ces aspects ont été examinés notamment par Wilkinson (2011). Plus récemment Laisse et al. (2018) ont montré l'intérêt d'une approche cherchant à calculer une efficience alimentaire nette basée sur l'utilisation des ressources non concurrentes à l'alimentation humaine. Le terme d'efficacité est parfois utilisé comme synonyme cependant il présente un sens plus qualitatif.

Encadré 2. La robustesse

La robustesse d'un système vivant correspond à sa capacité à maintenir sa « trajectoire de vie » malgré des perturbations externes ou internes. Cette trajectoire de vie doit être réalisée, au moins jusqu'à ce que la capacité de reproduction soit suffisante pour assurer la pérennité de l'espèce considérée. La robustesse repose sur plusieurs propriétés fonctionnelles de base des êtres vivants telles que l'élasticité, la plasticité, la rigidité, la flexibilité, la résilience, etc. (Sauvant et Martin, 2010). Au niveau biologique, la robustesse est considérée comme une propriété émergente de systèmes complexes comme le sont les organismes animaux. Il n'est donc pas possible de la mesurer et de la modéliser de façon simple en éliminant les rôles des relations mutuelles entre les éléments biologiques sous-jacents, entre les fonctions et entre les différents niveaux d’organisation. Identifier l'organisation spatio-temporelle de la robustesse constitue un premier pas. La seconde étape correspond à l’étude et à la modélisation de « points de vue » spécifiques (ex: la robustesse considérée sous l'angle de l'énergie, la longévité fonctionnelle des femelles reproductrices...) et à la réalisation de mesures expérimentales appropriées en respectant au maximum la complexité du système objet d'étude. Il existe quelques variantes dans les définitions de la robustesse dans la littérature (Strandberg, 2009). D'autre part, la robustesse des animaux a parfois été associée à la question de la durabilité des systèmes d'élevage de ruminants (Blanc et al., 2006 ; Phocas et al., 2014).

1. Comportement alimentaire et ingestion : une première composante de l'efficience et de la robustesse des ruminants

L’ingestion de Matière Sèche (MSI) est contrôlée par trois forces motrices principales interagissant chez les ruminants : i) l’effet d'encombrement des aliments, en particulier des fourrages longs et fibreux, en raison principalement de la limitation des capacités quotidiennes de mastication (max 1000 min/j, Sauvant et al., 2014) qui permet de réduire la taille des particules pour les faire transiter hors du rumen, ii) les régulations d'homéorhèse qui font que l'ingestion est largement liée au potentiel de production, et iii) les régulations d'homéostase, entraînant par exemple une réponse adaptative limitant la MSI dans le cas de rations riches en énergie.

La domestication et la sélection des ruminants ont considérablement amélioré leurs niveaux de performances et donc leur capacité d'ingestion en raison des effets pléiotropiques des gènes sélectionnés agissant par le biais des régulations homéorhétiques évoquées au point ii) ci-dessus. Cependant, il convient de souligner que le niveau maximum d'ingestion en fibres provenant des fourrages longs (NDF de fourrages) n'a pas été amélioré par la sélection et reste limité à une valeur d'environ 1,35 % en poids vif chez les bovins (Sauvant et al., 2014). En conséquence, à qualité égale de fourrages, les besoins accrus, notamment en énergie, doivent être essentiellement couverts par des aliments concentrés.

1.1. Modélisation de l'ingestion par des unités alimentaires spécifiques

Dans la majorité des systèmes d'unités d'alimentation des ruminants la prédiction de la quantité de la MSI était basée sur des critères animaux, en particulier le poids vif et le niveau de production. De tels modèles fournissent un ordre de grandeur de l'ingestion mais ils sont limités par le fait que les quantités de MSI ne sont pas additives entre les aliments, de ce fait ils ne peuvent donc pas servir d'unité de calcul des rations. Suite aux travaux de l'équipe de Demarquilly dans les années 1960-70, l'INRA a proposé les bases d'un Système d'Unités d'Encombrement (UE) qui caractérise chaque fourrage à travers des unités additives (Jarrige et al., 1978). Ce système permet de prédire avec une précision satisfaisante l'influence des aliments et du régime sur la MSI donc sur l'efficience des ruminants. Les UE s'appliquent aussi aux animaux (cf. la capacité d'ingestion). Ce système a été confirmé et affiné à mesure des actualisations successives, ainsi en 2018, Baumont et al. (2018) ont proposé d'utiliser des valeurs UE spécifiques pour les aliments concentrés et coproduits. La figure 1 présente les teneurs en UEL (UE pour les animaux producteurs de lait) en fonction des teneurs en NDF des fourrages des tables INRA2018. Les valeurs UEL les plus faibles (UEL < 1) induisent une ingestion et une efficience plus élevées. Pour les fourrages verts et les foins, il y a globalement une relation curvilinéaire positive et logique entre les teneurs en UEL et NDF; par contre à teneur en NDF égale, les ensilages sont nettement plus encombrants que les autres fourrages (figure 1). En outre la relation UEL = f(NDF) n'est pas significative au sein des ensilages.

Figure 1. Teneurs en Unité d'Encombrement Lait (UEL) et NDF des fourrages des tables INRA2018.

1.2. Modélisation de l'ingestion et du comportement alimentaire au pâturage

Différents modèles mathématiques de l'ingestion et du comportement des ruminants au pâturage ont été publiés. Les modèles les plus agrégés ignorent les détails de l'adaptation comportementale mais se concentrent principalement sur le rôle des facteurs globaux tels que temps d'accès au pâturage ou la quantité de biomasse offerte sur la MSI (Delagarde et al., 2011). Par contre, des modèles plus mécanistes prennent en compte l'influence de la hauteur du fourrage sur la masse de la bouchée et la vitesse d'ingestion (Baumont et al., 2004 ; Gregorini et al., 2015) ou bien l'impact de la profondeur de la bouchée sur les parties de fourrage prélevées (Boval et al., 2014). Une place existe pour développer un modèle plus mécaniste des ruminants au pâturage intégrant davantage de déterminants comportementaux de l'ingestion. Par exemple, la masse des bouchée et ses composantes (Boval et Sauvant, 2019) jouent un rôle clef en déterminant la vitesse d'ingestion et la MSI quotidienne, que ce soit au pâturage ou pas. Or un des déterminants animaux de la masse de la bouchée correspond à la largeur de l’arc incisif (Boval et Sauvant, 2019, figure 2a) et il a été démontré que ce critère était lié à la capacité de survie des moutons dans des conditions hivernales rigoureuses (Illius et al., 1995).

Figure 2. Influence de la largeur de l'arcade incisive sur la taille de la bouchée chez le ruminant au pâturage (2a) (Boval et Sauvant, 2019) et influence moyenne de la teneur en fibre du fourrage (fibre NDF en % MSI) sur la Matière Sèche Ingérée (MSI en % Poids vif) et le pH du rumen chez le bovin (2b) (Base de données « Bovidig », Sauvant, 2010).

1.3. Intérêt de l'ingestion résiduelle pour améliorer l'efficience alimentaire

Les équations de prédiction de la MSI en fonction des caractéristiques animales ont été également utilisées pour étudier les variations individuelles résiduelles de la MSI, ou de l'ingestion d'énergie, et de leurs composants génétiques (Yao et al., 2017). Cela a permis d'identifier des animaux plus efficients et d'établir des liens avec d'autres critères explicatifs tels que les activités de déplacement et de mastication (Fisher et al., 2018). Ce thème a été évoqué dans une publication récente de cette revue (Faverdin et Van Milgen, 2019). Cependant, l'héritabilité de la consommation alimentaire résiduelle est assez faible (Yao et al., 2017), en outre, il reste à savoir si les animaux identifiés comme les plus efficients seraient également plus ou moins robustes ?

2. Efficience digestive et robustesse

2.1. L'amélioration de l'efficience digestive et alimentaire par le choix des ressources

Le principal facteur de variation contrôlable par l'éleveur de l'efficience alimentaire des ruminants est la digestibilité de la matière organique (dMO) des aliments et des régimes ingérés qui peut très largement varier. Ainsi, avec la base de données « Bovidig » regroupant 1974 mesures de dMO chez des bovins en conditions alimentaires et zootechniques très diverses, on a observé que dMO = 69,1 ± 7,5 % (de 40 à plus de 90 %). La figure 3a, extraite des tables INRA2018 (Baumont et al., 2018), donne une idée de l'éventail des valeurs de dMO (en %) par grande catégorie d'aliments grossiers. Logiquement les ensilages (68,9 ± 4,9 %) sont un peu moins digestibles que les fourrages verts (72,1 ± 6,7 %) sachant que les foins sont encore plus faiblement digérés (62,3 ± 4,9 %). Les fourrages déshydratés présentent une dispersion élevée (65,3 ± 7,1 %) tandis que les pailles et autres coproduits culturaux présentent une dMO nettement plus faible et plus variable (52,1 ± 8,2 %).

Figure 3. Distribution des valeurs de dMO des fourrages (3a) et des aliments concentrés et coproduits (3b) dans les tables INRA2018.

Pour les aliments concentrés et coproduits, plusieurs sous-groupes peuvent aussi être distingués comme le montre la figure 3b. Les graines de céréales et légumineuses, associées aux tubercules, sont les ressources les plus digestibles mais avec un éventail assez important de valeurs (84,1 ± 7,8 %), tandis que leurs coproduits sont moins digestibles et encore plus variables (74,7 ± 12,8 %). Ce sont les coproduits autres (fruits...) qui sont en moyenne les moins digestes mais avec un éventail de valeurs de dMO très largement ouvert (65,3 ± 22,2 %).

Pour donner une idée de l'impact des variations de la dMO du régime sur l'efficience énergétique globale des ruminants placés dans un même contexte alimentaire, la figure 4 montre la relation intra-expérience positive très significative qui associe, chez les vaches et les chèvres laitières recevant des régimes variés, les valeurs mesurées de l'efficience énergétique globale (Énergie produite dans le lait en % del’Énergie brute ingérée mesurée en calorimètre) et de la dMO du régime ingéré. En moyenne pour une amélioration de 10 points de la dMO dans un contexte alimentaire donné, l'efficience énergétique de ces animaux s'accroît en moyenne de près de 4 points.

Figure 4. Relation intra-expérience entre la digestibilité de la MO et l'efficience globale de l'utilisation de l'énergie par les vaches (ronds noirs) et les chèvres (ronds blancs) en lactation. (Base de données « Rumener », Sauvant D. et Giger-Reverdin S., non publié).

2.2. Les régimes intensifs mettent au défi la robustesse digestive

Comme évoqué plus haut, pour atteindre des niveaux plus élevés d'ingestion de matière sèche et d'énergie, il faut réduire la teneur en fibres provenant du fourrage (figure 2b). Ainsi, des rations plus faciles à ingérer et à digérer permettent de mieux satisfaire les besoins énergétiques des animaux à haut potentiel. Cependant, ces rations intensives mettent à rude épreuve la robustesse digestive, car elles sont ingérées plus rapidement et sont moins mastiquées, ce qui réduit le recyclage des tampons salivaires régulateur du pH de l'écosystème du rumen (Sauvant et Giger-Reverdin, 2015). La figure 2b montre, sur un jeu cohérent de données, le compromis existant entre la MSI, le pH du rumen et la proportion de fibres alimentaires provenant du fourrage dans le régime alimentaire. Le statut subacidosique fréquemment observé chez les ruminants à haut rendement peut aboutir à altérer les performances et l'efficience par des épisodes d'ingestion et de production irrégulières, une baisse du pH du rumen et une faible teneur en matière grasse laitière, comme cela a été modélisé par Desnoyers et al. (2009).

2.3. Un nouvel intérêt pour le rôle clé du rumen

Le rumen, qui constitue un écosystème complexe dans lequel des milliards de microorganismes prolifèrent, est à l'origine d'une grande partie de la capacité d'adaptation et de la robustesse des ruminants face aux contraintes alimentaires. Au cours des deux dernières décennies, l’intérêt scientifique pour cet écosystème a été renouvelé avec l’émergence de questions environnementales, notamment la production de méthane. Plus récemment, les progrès des investigations sur le microbiote ont également contribué au renouvellement du regard sur les différentes fonctions du rumen (Zhu et al., 2018).

a. Modèles mécanistes de la digestion

La modélisation de la digestion ruminale a débuté dans les années 1970 (voir revue de Baldwin, 1995), suivie de plusieurs modèles mécanistes proposés (Dijkstra, 1993 ; Lescoat et Sauvant, 1995). Ces modèles, qui reposaient sur des principes assez comparables ont permis de simuler les principales variations de l'efficience de la digestion aux facteurs alimentaires. Cependant, ces modèles ne fournissent pas exactement les mêmes résultats lorsqu'ils sont appliqués à un même régime (Offner et Sauvant, 2004), en outre ils sont quasi incapables de traduire les variations inter-expérience. L’écosystème du rumen puise d'abord sa robustesse dans son comportement élastique efficace à court terme observé après chaque repas. Pour capturer et étudier cette capacité intéressante, il est nécessaire d'augmenter la précision des modèles de rumen pour permettre de simuler de façon mécaniste un paramètre digestif essentiel tel que le pH du rumen (Munoz-Tamayo et al., 2016) ainsi que d'autres paramètres thermodynamiques clefs. En outre, il n'existe pas encore de modèles mécanistes capables de relier certaines caractéristiques du microbiote avec des critères d'efficience ou de robustesse digestive. À l'avenir, il sera vraisemblablement de plus en plus difficile, dans certains pays, de travailler avec des ruminants porteurs de canules digestives pour investiguer et quantifier leur digestion. Sur cet aspect, les distorsions réglementaires entre pays risquent d'avoir des conséquences fortes sur les avancées des Recherches. Cette évolution va inciter le développement de méthodes alternatives parmi lesquelles les modèles ont une place importante.

b. Modélisation empirique de la digestion dans les systèmes d'unités d'alimentation.

L’un des défis des systèmes modernes d’alimentation des ruminants consiste à intégrer des modèles de digestion simples mais réalistes et aptes à prendre en compte les réponses aux régimes des événements digestifs majeurs (dégradation des substrats, production de produits terminaux, acides gras volatils et gaz, trafic et transit des particules, production de biomasse microbienne…). Les systèmes d'alimentation récents ont tenté de modéliser de façon détaillée certains aspects tels que la production de biomasse microbienne (Van Duinkerken et al., 2011) ou le flux de protéines endogènes (NorFor, 2011). Le récent système INRA2018 s'appuie sur un modèle mécaniste digestif calibré sur des "équations structurales" de flux dérivées de méta-analyses de données de la littérature (Sauvant et Nozière, 2012 ; Sauvant et Nozière, 2016). Ainsi, dans la mesure où les données des méta-analyses sont représentatives des pratiques d'alimentation rencontrées sur le terrain, ce modèle peut être appliqué à un large éventail de situations pratiques. De plus, il permet de prendre en compte de nouveaux traits liés à l'efficience et à la robustesse. Deux exemples sont résumés ci-dessous.

i) Les pertes digestives endogènes non productives de protéines et de matière organique ont souvent été évaluées de façon imprécise, en fait elles ne sont pas négligeables par rapport aux besoins d'entretien. Ainsi, les modèles empiriques de la figure 5a montrent que les pertes fécales de protéines endogènes (calculées selon Sauvant et al., 2015 ; Sauvant et al., 2018b) chez la vache laitière sont beaucoup plus importantes que les besoins stricts d'entretien, principalement liées au renouvellement des protéines dans l'organisme. En moyenne, dans la base " Bovidig " de données de digestion chez les bovins (UMR MoSAR), il y a une régression globale entre les pertes non productives protéiques fécales (0,94 ± 0,33 g MATfec/kg PV) et le niveau de MSI (29,2 ± 8,7 g MSI/kg PV) : MATfec = 0,045 + 0,031 MSI (n = 1915, nexp = 685, ETR = 0,049). D'autre part, les modèles de la figure 5b illustrent l'ampleur des pertes d'énergie non productives chez les vaches laitières, qui sont imputables aux interactions digestives (Sauvant et Nozière, 2016). Les figures 5a et 5b soulignent le fait que les pertes non productives augmentent proportionnellement au niveau d'ingestion et de production laitière, elles altèrent ainsi de façon notable le gain d'efficience que l'on peut espérer en augmentant le niveau de performance des animaux. Il n’existe aujourd’hui aucune information précise sur les variations individuelles associées à ces pertes digestives non productives et, des recherches supplémentaires sont souhaitables dans ce domaine.

Figure 5. Exemples d'accroissement des besoins d'entretien en tenant compte des dépenses non productives en protéines (a) et en énergie (b) des vaches laitières (Base de données « MoSARCO, Sauvant D., Daniel J.B., non publié).

ii) La balance protéique du rumen (BalProRu) correspond à la différence entre les flux de protéines brutes ingérées et transitant au duodénum (Sauvant et Nozière, 2016). Ce trait, assez fréquemment mesuré grâce à des animaux munis de canules duodénales, est additif et peut donc être utilisé dans des calculs de rations. BalProRu reflète l’équilibre entre le flux de recyclage de l’azote, sous forme d'urée, par la salive et à travers la paroi du rumen et l’absorption des excès d’ammoniac dans le rumen. Lorsque le recyclage de l'azote domine (BalProRu < 0), il y a une récupération intéressante d'azote qui est ensuite recyclé en protéines microbiennes disponibles pour l'animal. Ce cycle biologique vertueux contribue à l'efficience azotée et, de ce fait, à la robustesse des ruminants recevant une alimentation pauvre en azote, comme c'est le cas dans de nombreuses situations pratiques dans le monde. Cependant, dans cette situation où BalProRu < 0, la digestibilité de la matière organique et, par conséquent, la valeur énergétique du régime alimentaire sont diminuées selon une loi de réponse qui a été modélisée (Sauvant et al., 2018a). En revanche, lorsque BalProRu > 0, l'efficience digestive des protéines ingérées diminue rapidement car environ 70 % de l'azote en excès, absorbé sous forme d'ammoniac à travers la paroi du rumen, est perdu sous forme d'azote urinaire (Sauvant et al., 2015). Par conséquent, les variations entre régimes de BalProRu expliquent en grande partie celles de l'efficience globale des protéines alimentaires ingérées par les ruminants. À ce jour, les variations individuelles de BalProRu et leur contrôle génétique restent inconnus et mériteraient des investigations.

3. Efficience métabolique et robustesse

3.1. Régulation, efficience et robustesse

L'approche actuelle des systèmes INRA (INRA, 2018 ; figure 6a) repose sur l'existence de deux régulations majeures en interaction mutuelles, des flux de nutriments et de leurs partitions métaboliques. Les régulations homéorhétiques contrôlent des fonctions de reproduction en vue d'assurer la pérennité de l'espèce (gestation, lactation et croissance) et définissant ainsi les trajectoires de vie (Bauman et Currie, 1980). Sous l'angle de la nutrition appliquée, les régulations homéorhétiques déterminent les cinétiques du potentiel de production et de ce fait les besoins nutritionnels correspondants. D'autre part, les régulations homéostatiques contrôlent les fonctions d'adaptation aux contraintes de l'environnement nutritionnel (Cannon, 1939 ; Ten Napel et al., 2009 ; Sauvant et Martin, 2010). Ainsi, les contrôles homéostatiques gèrent des réponses multiples des ruminants aux pratiques alimentaires autour du pivot nutritionnel et constituent ainsi un "bassin d'attraction" autour de la trajectoire de vie suite à une perturbation (figure 6b). Ces perturbations, qui sollicitent les réponses homéostatiques, peuvent être modélisées. Par exemple, il peut s'agir d'une perturbation soudaine et limitée dans le temps (pulse); cela peut être en partie aléatoire ou bien résulter de stratégies spécifiques du rationnement appliquées pendant des périodes plus ou moins longues. Ainsi, un changement de régime alimentaire sur une période de de temps délimitée induit des réponses simultanées plus ou moins réversibles (phénomène élastique et/ou plastique, voir plus loin).

Figure 6. Organisation conceptuelle des approches quantitatives de l'efficience et de la robustesse en nutrition des ruminants (a) et représentation schématique des relations entre trajectoires de vie liées à l'homeorhèse et d'action de l'homéostase suite à une perturbation alimentaire (b).

3.2. Impact du niveau de performance sur l'efficience métabolique

Au niveau expérimental, l'utilisation métabolique de l'énergie a été le critère le plus étudié de l'efficience des animaux d'élevage. Cette efficience dépend principalement de la partition des éléments nutritifs entre les fonctions d’entretien et productives. En conséquence, il existe une relation positive systématique entre le niveau de performance et l'efficience alimentaire. Par exemple, la figure 7a illustre ce principe pour l'énergie dans le cas de divers types de ruminants en croissance dans les pays chauds qui suivent globalement une même loi générale. Le trait d'efficience utilisé est le rapport entre le gain de poids quotidien moyen/l'ingestion de matière organique digestible ingérée (GMQ/MODI). Comme autre exemple, la figure 7b montre que lorsque la performance laitière augmente, la partition du carbone (C) ingéré évolue en faveur du lait et en défaveur du C du CO2, du C fécal ainsi que du C du méthane et urinaire chez les vaches et les chèvres laitières (Sauvant et Giger-Reverdin, 2018a). La principale conséquence de cette relation importante entre performance et efficience alimentaire est que la sélection a été largement orientée vers l’amélioration des performances animales.

Figure 7. Influence intra-expérience, chez le ruminant en croissance, de la vitesse de croissance (GMQ) sur l'efficience de l'utilisation de la MOD ingérée pour le GMQ (a) ; et du niveau de production laitière des vaches et des chèvres sur la partition du carbone ingéré (en %) entre le lait, le CO2, les fèces, l'urine et le méthane (b).

3.3. Composantes de la robustesse liées au métabolisme du carbone et de l'azote

En relation avec des régulations complexes, les animaux sont plutôt bien équipés pour résister aux variations dans le temps de l'apport alimentaire en carbone (rappel: l'énergie utilisable par le vivant est contenue dans les liaisons covalente carbone-hydrogène), du fait du comportement élastique de leurs réserves corporelles et également du fait qu'il n'y a pas d'excrétion adaptative en réponse à une carence ou un excès de carbone. En revanche, il n’y a pour ainsi dire pas de stockage indifférencié de protéines (ou d'azote) dans le corps et en cas d’excès, les acides aminés sont efficacement désaminés dans le foie et leur fraction azotée est perdue sous forme d’urée urinaire. En outre, une carence de protéines alimentaires ne peut quasiment pas être compensée par l'utilisation de réserves dédiées, de sorte que les fonctions vitales liées au métabolisme des protéines sont rapidement limitées. Ces principes généraux expliquent pourquoi les animaux sont beaucoup plus robustes vis-à-vis des variations des disponibilités alimentaires en carbone et énergie par rapport à l'azote. De ce fait, il est nécessaire de se demander si la bonne voie est de se focaliser comme on le fait en général sur les aspects énergétiques dans les études visant à modéliser la robustesse ?

3.4. Différences de robustesse entre les voies métaboliques en réponse à un challenge nutritionnel

Pour évaluer la robustesse à court terme, des challenges nutritionnels par jeûne transitoire ont été appliqués aux femelles laitières depuis déjà des décennies (figure 8a, Brody, 1945). Les productions de lipides, de protéines et de lactose dans le lait, qui sont soutenues par différentes filières métaboliques, ne résistent pas de la même manière à un challenge de jeûne. Ainsi, la baisse de la production de lipides est la plus faible, traduisant ainsi la robustesse du métabolisme lipidique grâce aux réserves corporelles. En revanche, la production de protéines et en particulier de lactose sont nettement plus affectées, révélant une capacité homéostatique et une robustesse moindres de ces deux filières métaboliques. Ces résultats sont logiques dans la mesure où le corps ne dispose pas de réserves de protéines et où il n’existe pratiquement aucune réserve de glucose (sous forme de glycogène) disponible pour compenser son très faible apport digestif comme pour ses précurseurs. De plus, il convient de se rappeler que la production laitière brute dépend tout d'abord de la sécrétion du lactose (17,3 kg de lait/kg de lactose secrété) et, dans une moindre mesure, de celle des protéines (4,3 kg de lait/kg de protéines) et non des lipides (Daniel et al., 2018). Il a été montré que les variations individuelles des réponses à ce type de challenge nutritionnel de court terme sont significatives et présentent une assez bonne répétabilité dans le temps (Gross et Bruckmaier, 2015 ; Friggens et al., 2016). La question se pose de savoir si cette robustesse métabolique à court terme a du sens par rapport à la robustesse globale à long terme des ruminants.

Figure 8. Influence chez la vache laitière d'un jeûne soudain sur la production des constituants du lait (Brody, 1945) (a); et réponses de la partition de l'énergie chez la chèvre aux variations de l'apport d'aliments concentrés autour du pivot énergétique correspondant à un Bilan UFL = 0 (Daniel et al., 2016) (b).

3.5. Réponses multiples aux régimes, efficience à moyen terme et robustesse

La prévision des réponses multiples aux variations des apports de concentré, ou de nutriments énergétiques et protéiques, a été décrite dans le système INRA2018, en particulier pour les vaches laitières et les chèvres (Faverdin et al., 2018a ; Sauvant et Giger-Reverdin, 2018b). Chaque loi de réponse d'un constituent correspond à l'expression d'un "bassin d'attraction" dans lequel la capacité homéostasique est sollicitée (voir plus haut) et où la robustesse des animaux est mise à épreuve (figure 6b). Pour tous les types de ruminants, une trajectoire de vie traduisant l'évolution du potentiel de performance est maintenant proposée (INRA2018), elle correspond à un état nutritionnel de pivot correspondant au bilan énergétique net = 0 et une efficience des PDI = 0,67.

a. Modèles de réponses à l'apport énergétique

La réponse de l'efficience métabolique de la transformation de l'Énergie Métabolisable (ME) en Énergie Nette (NE) (k = ME/NE) est meilleure avec des rations plus digestibles et concentrées (valeurs plus élevées du ratio énergie métabolisable/énergie brute) car elles induisent notamment une moindre production de chaleur en raison d'un travail digestif plus faible (mastication et motricité du tube digestif…). La prise en compte de ces phénomènes est incluse systématiquement, mais de différentes manières dans la plupart des systèmes d'unités d'alimentation actuels.

La modélisation empirique de la réponse de la production laitière à l'apport énergétique n'est pas nouvelle pour les vaches laitières (Brody, 1945). Récemment, des lois de réponse multiples ont été proposées en fonction des apports en aliments concentrés (figure 8b) ou UFL et PDI (Daniel et al., 2016 ; Faverdin et al., 2018a). Fait intéressant, les différences de pente au pivot nutritionnel aux apports de concentré des productions de lipides, de protéines et de lactose (figure 8b) sont cohérentes avec le classement observé lors d'une épreuve de jeûne (voir la figure 8a). Ce résultat est également cohérent avec les données de Daniel et al. (2016) montrant qu'au pivot du Bilan UFL = 0, les réponses et efficiences marginales par unité d'énergie nette lait sont respectivement de 2,6, 13,1 et 17,1 g/Mcal lait pour les lipides, les protéines et le lactose, respectivement. Un classement assez similaire des trois secrétions est observé pour les réponses autour du pivot de l'efficience PDI = 0,67 (Daniel et al., 2016), il en est de même chez les chèvres laitières (Sauvant et Giger-Reverdin, 2018b). Pour l'énergie, comme il n'y a pas d'excrétion adaptative de carbone (voir plus haut), la réponse de l'efficience globale concerne essentiellement la partition de l'énergie entre la production laitière et les réserves. Par exemple, la figure 9b montre que les modifications de l'apport énergétique chez les chèvres laitières entraînent des réponses marginales inverses entre les flux d'énergie nette dans le lait et dans les réserves. Autour du pivot du bilan UFL = 0, la répartition marginale énergétique entre lait et réserves est d’environ 35 %. Cette valeur est inférieure, (environ 17 %) pour les vaches laitières, quel que soit le potentiel de production (Daniel et al., 2016).

L’intérêt majeur des modèles empiriques de lois de réponse aux apports énergétiques par rapports aux challenges de court terme réside dans le fait qu’ils explorent des situations plausibles de robustesse à moyen terme et qu'ils permettent de construire des logiciels susceptibles être appliqués dans le calcul des régimes alimentaires (cf. INRAtion® V5 ; https://www.inration-ruminal.fr/). Pour tous ces modèles de grandes variations peuvent être observées d’une expérience à l’autre et aussi d'un animal à un autre pour un même contexte nutritionnel. Ainsi, des études visant à identifier des animaux apparaissant comme plus robustes à travers ces réponses sont souhaitables.

b. Modèles de réponses à l'apport en PDI

Comme le montre la figure 9a, des modifications de l'apport en PDI (INRA, 2018) autour de la valeur pivot de l'efficience PDI = 0,67 entraînent des modifications simultanées de cette efficience métabolique et de la production de protéines du lait chez les vaches (des résultats similaires existent chez les chèvres) (Faverdin et al., 2018a ; Sauvant et al., 2018b). La figure 9a montre clairement que les variations de l'efficience moyenne des PDI sont la conséquence des variations concomitantes des apports et sont liées à des flux d'excrétion d'azote urinaire (Sauvant et al., 2015). Autour du pivot de l'efficience moyenne des PDI de 0,67, la partition marginale entre les protéines du lait et l'excrétion est d'environ 20 % (Daniel et al., 2017). La combinaison des influences de la balance protéique du rumen (voir plus haut) et de l'efficience des PDI (figure 9a) permet de prédire avec une précision satisfaisante l'excrétion urinaire d'azote et donc l'efficience des PDI.

Figure 9. Réponses intra-expérience (a) aux apports PDI de l'efficience des PDI, de la production de protéines du lait et des rejets azotés urinaires chez la vache laitière et (b) de la partition de l'énergie nette chez la chèvre laitière en réponse aux variations d'apport de concentré autour de la valeur pivot du bilan UFL = 0.

c. Exemples de modèles mécanistes publiés du métabolisme

De nombreuses études ont porté sur la modélisation dynamique des métabolismes. Un des problèmes soulevés pour construire ces modèles mécanistes concerne la représentation des régulations homeorhétiques et homéostasiques au sein d'un sous-système régulateur contrôlant le sous-système opérationnel (organes, voies métaboliques…). Dans les premiers modèles, les régulations étaient basées sur des couples d'hormones théoriques censées contrôler les phénomènes cataboliques et anaboliques (Neal et Thornley, 1983 ; Sauvant, 1994). Des modèles plus récents ont considéré à la fois le métabolisme énergétique et celui des protéines (Baldwin, 2005 ; Martin et Sauvant, 2007). Ces modèles représentaient essentiellement les régulations homéorhétiques au cours d'une lactation. Plus récemment, un nouveau modèle a permis de représenter des phénomènes dynamiques liés à l'énergie sur plusieurs lactations (Puillet et al., 2010). Ultérieurement, les régulations homéorhétiques et homéostasiques ont été représentées simultanément (Martin et Sauvant, 2010a ; Martin et Sauvant, 2010b) et il s'agit là du premier modèle téléonomique pouvant aborder certains aspects liés à la robustesse énergétique. Enfin, le sous-système de régulation homéorhétique a été amélioré pour tenir compte des différences entre la cinétique de production de lipides, de protéines et de lactose chez les vaches en lactation (Daniel et al., 2017). Ce fait est important car la plupart des études et modèles sur les femelles en lactation se sont concentrées sur l'efficience énergétique et les points de vue de robustesse associés se sont focalisés uniquement sur les lipides. Le récent système INRA n'intègre pas explicitement de modèle de régulation des métabolismes, cependant dans le cas des vaches et des chèvres laitières les phénomènes de mobilisation-reconstitution sous homeorhèse des réserves énergétiques sont pris en compte en intégrant les influences du potentiel de production et de la note d'état corporel à la mise bas (Faverdin et al., 2018b ; Sauvant et Giger-Reverdin, 2018b). De même, les phénomènes de régulation homéostatiques des métabolismes ne sont pas explicitement pris en compte dans ce système, cependant leurs effets résultants sont pris en compte à travers les lois de réponse multiples comme indiqué plus haut.

Conclusion

Les nombreux aspects liés aux effets de l'alimentation des ruminants sont en relation avec leur efficience nutritionnelle et leur robustesse. Ces deux propriétés n'ont pas le même statut en termes de connaissances et d'application. L'efficience a été mesurée assez fréquemment dans les études à court et à moyen terme et elle a été largement modélisée de manière empirique dans les systèmes d'unités d'alimentation récents, en particulier celui de l'INRA2018. Par contre, l'efficience à long terme a été moins étudiée et modélisée car on ne dispose pas de nombreuses données expérimentales permettant d'assoir un modèle réaliste. Il semble donc nécessaire de mieux la prendre en compte, en particulier dans le cas des femelles ruminants. À l'inverse, la robustesse souffre d'un manque de traits mesurables et pertinents, car elle correspond à une propriété émergente d'un système complexe. En outre, les caractéristiques mesurées jusqu'à présent pour évaluer la robustesse résultent davantage de possibilités techniques que d'objectifs scientifiques. Toutefois, les modèles de réponses multiples proposés dans le système INRA2018 permettent d'explorer, au moyen de méta-analyses, certaines composantes de la robustesse métabolique des ruminants autour de la satisfaction de leurs besoins.

Compte tenu de l'importance des besoins d'entretien et non productifs, l'efficience et les performances sont étroitement liées et cette relation a quelque peu caché de nombreux autres aspects biologiques qui interviennent dans l'efficience de la conversion des aliments. Celles-ci incluent des aspects liés au comportement, à l'ingestion et à la digestion qui ont été moins étudiés que les aspects métaboliques. Jusqu'à présent, la vache laitière a été un objet d'étude privilégié pour les questions d'efficience et de robustesse. Ce choix est compréhensible du fait de l’importance économique du lait et du fait que la sélection a entraîné des problèmes de robustesse plus évidents dans la pratique. Cependant, il est important de mener des études similaires sur tous les types de ruminants domestiques. De plus, il est important que les études d'efficience et de robustesse impliquent des équipes multidisciplinaires comprenant des généticiens, des nutritionnistes, des physiologistes de la reproduction et des éthologues, dans le but de développer des modèles interdisciplinaires plus à même de contribuer aux progrès futurs.

Notes

  • Cet article est une adaptation en français d’un article publié dans la revue Animal Frontiers par Sauvant (2019).

Références

  • Baldwin R.L., 1995. Modeling Ruminant Digestion and Metabolism. Editions Chapman & Hall, 578p.
  • Bauman D.E., Currie W.B., 1980.Partitioning of nutrients during pregnancy and lactation: a review of mechanisms involving homeostasis and homeorhesis. J. Dairy Sci., 63, 1514-1529.
  • Baumont R., Cohen-Salmon D., Prache S., Sauvant D., 2004. A mechanistic model of intake and grazing behaviour in sheep integrating sward architecture and animal decisions. Anim. Feed Sci. Technol., 112, 5-28.
  • Baumont R., Sauvant D., Maxin G., Chapoutot P., Tran G., Boudon A., Lemosquet S., Nozière P., 2018. Calculation of feed values in INRA system: feed tables and prediction equations. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 411-439.
  • Blanc F., Bocquier F., Agabriel J., Dhour P., Chilliard Y., 2006. Adaptive abilities of the females and sustainability of ruminant livestock systems. A review. Anim. Res., 55.489-510.
  • Boval M., Sauvant D., 2019. Ingestive behavior of grazing ruminants: meta-analysis of the components of bite mass. Anim. Feed Sci. Technol., 251, 96-111.
  • Boval M., Coppry O., Sauvant D., 2014. Mechanistic model of intake of tropical pasture, depending on the growth and morphology of forage at a vegetative stage. Anim. Prod. Sci., 54, 2097-2104.
  • Brody S., 1945. Bioenergetics and growth. With a special reference to the efficiency complex in domestic animals. Editions Rheinhold, New York, USA. 1023p.
  • Cannon W.B., 1939. The wisdom of the body. Editions Norton, New York, USA, 340p.
  • Daniel J.B., Friggens N.C., Chapoutot P., Van Laar H., Sauvant D., 2016. Milk yield and milk composition responses to change in predicted net energy and metabolizable protein: a meta-analysis. Animal, 10, 1975-1985.
  • Daniel J.B., Friggens N., Van Laar H., Ferris C.P., Sauvant D., 2017. A method to estimate cow potential and subsequent responses to energy and protein supply according to stage of lactation. J. Dairy Sci., 100, 3641-3657.
  • Daniel J.B., Friggens N., Van Laar H., Ingvarsten K.L., Sauvant D., 2018. Modelling homeorhetic trajectories of milk component yields, body composition and dry-matter intake in dairy cows: Influence of parity, milk production potential and breed. Animal, 1183-1195.
  • Delagarde R., Faverdin P., Baratte C., Peyraud J.L., 2011. GrazeIn: a model of herbage intake and milkproduction for grazing dairy cows. 2. Prediction of intake under rotational and continuously stocked grazing management. Grass Forage Sci., 66, 45-60.
  • Desnoyers M., Giger-Reverdin S., Duvaux-Ponter C., Sauvant D., 2009. Modeling of off-feed periods caused by subacute acidosis in intensive lactating ruminants: Application to goats. J. Dairy Sci., 92, 3894-3906. https://doi.org/10.3168/jds.2008-1784
  • Dijkstra J., 1993. Mathematical modelling and integration of rumen fermentation processes, Ph.D. Thesis, Department of Animal Nutrition, Wageningen Agricultural University, 221p.
  • Faverdin P., Van Milgen J., 2019. Intégrer les changements d'échelle pour améliorer l'efficience des productions animales et réduire les rejets. In : Numéro spécial, De grands défis et des solutions pour l’élevage. Baumont R. (Éd). INRA Prod. Anim., 32, 305-322.
  • Faverdin P., Sauvant D., Delaby L., Lemosquet S., Daniel J.B., Schmidely P., 2018a. Dry matter intake and milk yield responses to dietary changes. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 149-176. https://doi.org/10.3920/978-90-8686-292-4https://prodinra.inra.fr/record/421238
  • Faverdin P., Delagarde R., Lemosquet S., Boudon A., Delaby L., 2018b. Dairy Cows. In: Nozière P., Sauvant D., Delaby L. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 233-268. https://doi.org/10.3920/978-90-8686-292-4https://prodinra.inra.fr/record/421243
  • Fisher A., Delagarde R., Faverdin P., 2018. Identification of biological traits associated with differences in residual energy intake among lactating Holstein cows. J. Dairy Sci. 101, 4193-4211. https://doi.org/10.3168/jds.2017-12636
  • Friggens N.C., Duvaux-Ponter C., Etienne M.P., Mary-Huard T., Schmidely P., 2016. Characterizing individual differences in animal responses to a nutritional challenge: toward improved robustness measures. J. Dairy Sci., 99, 2704-2718. https://doi.org/10.3168/jds.2015-10162
  • Gregorini P., Villalba J.J., Provenza F.D., Beukes P.C., Forbes J.M., 2015. Modelling preference and diet selection patterns by grazing ruminants: a development in a mechanistic model of a grazing dairy cow, MINDY. Anim. Prod. Sci., 55, 360-375. https://doi.org/10.1071/AN14472
  • Gross J.J., Bruckmaier R.M., 2015. Repeatability of metabolic responses to a nutrient deficiency in early and mid-lactation and implications for robustness of dairy cows. J. Dairy. Sci., 98, 8634-8643. https://doi.org/10.3168/jds.2014-9246
  • Illius A.W., Albon S.D., Pemberton J.M., Gordon I.J., Clutton-Brock T.H., 1995, Selection for foraging efficiency during a population crash in Soay sheep. J. Anim. Ecol., 64, 481-492. https://doi.org/10.2307/5651
  • INRA, 2018. INRA Feeding System for Ruminants, Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Natherlands. 643p.
  • Jarrige R., Morand-Fehr P., Hoden A., 1978, Consommation d'aliments et d'eau. In : Alimentation des Ruminants, INRA 1978, INRA Publications. Versailles, France, 177-206.
  • Klopcic M., Kuipers A., 2009. Perception of robustness in breeding goal for dairy cattle in a new EU country. In: Breeding for Robustness in Cattle. EAAP Publication. 126, 249-263. https://doi.org/10.3920/978-90-8686-657-1
  • Laisse S., Baumont R., Dusart L., Gaudré D., Rouillé B., Benoit M., Veysset P., Rémond D., Peyraud J.L., 2018, L’efficience nette de conversion des aliments par les animaux d’élevage : une nouvelle approche pour évaluer la contribution de l’élevage à l’alimentation humaine, INRA Prod. Anim., 31, 269-288
  • Lescoat P., Sauvant D., 1995, Development of a mechanistic model for rumen digestion validated using the duodenal flux of amino acids. Reprod. Nutr. Dev., 35, 45-70.
  • Makkar H.P.S., Beever D., 2013. Optimization of feed use efficiency in ruminant production systems. Proc. FAO Symp., Bangkok, Thailand.FAO Anim. Prod. Health Proc., 16p.
  • Martin O., Sauvant D., 2007. Dynamic model of the lactating dairy cow metabolism. Animal, 1, 1143-1166.
  • Martin O., Sauvant D., 2010a. A teleonomic model describing performance (body, milk and intake) during growth and over repeated reproductive cycles throughout the lifespan of dairy cattle. 1. Trajectories of life function priorities and genetic scaling. Animal, 4, 2030-2047. https://doi.org/10.1017/S1751731110001357
  • Martin O., Sauvant D., 2010b. A teleonomic model describing performance (body, milk and intake) during growth and over repeated reproductive cycles throughout the lifespan of dairy cattle. 2. Voluntary intake and energy partitioning. Animal, 4, 2048-2056. https://doi.org/10.1017/S1751731110001369
  • Munoz-Tamayo R., Giger-Reverdin S., Sauvant D., 2016. Mechanistic modelling of in vitro fermentation and methane production by rumen microbiota. Anim. Feed Sci. Technol., 220, 1-21.
  • Neal H.D.S.C., Thornley J.H.M., 1983. The lactation curve in cattle: a mathematical model of the mammary gland. J. Agricult. Sci., 101, 389-400. https://doi.org/10.1017/S0021859600037710
  • NorFor, 2011. The Nordic feed evaluation system. EAAP Publications, No. 130, Wageningen Academic Publishers, The Netherlands, 180p.
  • Offner A., Sauvant D., 2004. Comparative evaluation of the Molly, CNCPS and LES rumen models. Anim. Feed Sci. Technol., 112, 107-130. https://doi.org/10.1016/j.anifeedsci.2003.10.008
  • Phocas F., Bobe J., Bodin L., Charley B., Dourmad J.Y., Friggens N.C., Hocquette J.F., LeBail P.Y., Le Bihan-Duval E., Mormède P., Quéré P., Schelcher F., 2014. Des animaux plus robustes: un enjeu majeur pour le développement durable des productions animales nécessitant l’essor du phénotypage fin et à haut débit. In : Phénotypage des animaux d’élevage. Phocas F. (Ed). Dossier, INRA Prod. Anim., 27, 181-194.
  • Puillet L., Martin O., Sauvant D., Tichit M., 2010. An individual-based model simulating goat response variability and long-term herd performance. Animal, 4, 2084-2098.
  • Sauvant D., 1994. Modelling homeostatic and homeorhetic regulations inlactating animals.Livest. Prod. Sci., 39, 105-113.
  • Sauvant D., 2019. Modeling efficiency and robustness in ruminants: the nutritional point of view. Anim. Frontiers, 9, 60-67.
  • Sauvant D., Martin O., 2010. Robustesse, rusticité, flexibilité, plasticité... les nouveaux critères de qualité des animaux et des systèmes d’élevage : définitions systémique et biologique des différents concepts. In : Robustesse, rusticité, flexibilité, plasticité, résilience… les nouveaux critères de qualité des animaux et des systèmes d'élevage. Sauvant D., Perez J.M. (Eds). Dossier, INRA Prod. Anim., 23, 5-10.
  • Sauvant D., Nozière P., 2012. Modèle intégratif du tube digestif intégrant les interactions digestives, les flux de nutriments d’intérêt et compatible avec les systèmes UF et PDI. Renc. Rech. Rum., 19, 181-184.
  • Sauvant D., Giger-Reverdin S., 2015. Approche quantitative de l'acidose chez les ruminants. Bull. Acad. Vét., France, 168, 260-266. https://doi.org/10.4267/2042/57937
  • Sauvant D., Nozière P., 2016. Quantification of the main digestive processes in ruminants: the equations involved in the renewed energy and protein feed evaluation systems. Animal 10, 755-770. https://doi.org/10.1017/S1751731115002670
  • Sauvant D., Giger-Reverdin S., 2018a. Modelling variations in partition of carbon balance in lactating ruminants. 644.
  • Sauvant D., Giger Reverdin S., 2018b. Dairy and growing goats. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 339-374.
  • Sauvant D., Nozière P., Baumont R., 2014. Development of a mechanistic model of intake, chewing and digestion in cattle in connection with updated feed units. Anim. Prod. Sci., 54, 2112-2120.
  • Sauvant D., Cantalapiedra-Hijar G., Delaby L., Daniel J.B., Faverdin P., Nozière P., 2015. Actualisation des besoins protéiques des ruminants et détermination des réponses des femelles laitières aux apports de protéines digestibles dans l’intestin. INRA Prod. Anim., 28, 347-368. https://doi.org/10.20870/productions-animales.2015.28.5.3038
  • Sauvant D., Cantalapiedra-Hijar G., Lemosquet S., Nozière P., Berthelot V., Faverdin, P., 2018a. Protein and amino acid expenditure, efficiency and requirements. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 119-137.
  • Sauvant D., Faverdin P., Peyraud J.L., Nozière P., 2018b. Faecal and urinary nitrogen excretion. In: INRA Feeding System for Ruminants. INRA Ed., Wageningen Academic Publishers, Wageningen, The Netherlands, 203-207.
  • Strandberg E., 2009. The role of environment sensitivity and plasticity in breeding for robustness: lessons from evolutionary genetics. In: Breeding for Robustness in Cattle. EAAP Publ., 126, 17-33.
  • Ten Napel J., Calus M.P.L., Mulder H.A., Verkamp R.F., 2009. Genetic concepts to improve robustness of dairy cows. In: Breeding for Robustness in Cattle. EAAP Publ., 126, 35-44.
  • Van Duinkerken G., Blok M.C., Bannink A., Cone J.W., Dijkstra J., Van Vuuren A.M., Tamminga S., 2011. Update of the Dutch protein evaluation system for ruminants: the DVE/OEB2010 system. J. Agric. Sci. (Camb), 149, 351-367.
  • Wilkinson J.M., 2011. Re-defining efficiency of feed use by livestock. Animal, 5, 1014-1022.
  • Yao C., de los Campos G., VandeHaar M.J., Spurlock D.M., Armentano L.E., Coffey M., de Haas Y., Veerkamp R.F., Staples C.R., Connor E.E., Wang Z., Hanigan M.D., Tempelman R.J., Weigel K.A., 2017. Use of genotype x environment interaction model to accommodate genetic heterogeneity for residual feed intake, dry matter intake, net energy in milk, and metabolic body weight in dairy cattle. J. Dairy Sci., 100, 2007-2016.
  • Zhu Z., Kristensen L., Difford G.F., Poulsen M., Noel S.J., Al-Soud W., Sørensen S.J., Lassen J., Løvendahl P., Højberg O., 2018. Changes in rumen bacterial and archaeal communities over the transition period in primiparous Holstein dairy cows. J. Dairy Sci., 101, 9847-9862.

Résumé

Cette synthèse fait le point sur la modélisation des aspects nutritionnels associés aux questions d'efficience et de robustesse chez les ruminants. Elle se focalise notamment sur la place des systèmes d'unités d'alimentation dans ces débats. Le comportement alimentaire et l'ingestion représentent des premiers critères importants à considérer compte tenu de leurs relations avec les performances des animaux. L'efficience digestive a été mesurée et modélisée depuis longtemps compte tenu qu'il s'agit d'une composante importante et largement contrôlable par l'éleveur de l'efficience alimentaire globale. L'efficience métabolique dépend largement du niveau de performance compte tenu du rôle joué par les besoins d'entretien et non productifs des animaux. En outre elle dépend assez largement du constituent organique élaboré (lipides, protéines et glucides) ainsi que de l'implication des réserves et des fonctions d'excrétion. La robustesse est une propriété émergente de système complexe, elle met en jeu les nombreuses facettes de l'homéostase des êtres vivants et ne peut pas, de ce fait, être facilement évaluée et mesurée. En pratique elle est souvent abordée à travers des challenges nutritionnels de court terme ainsi qu'à travers des lois de réponse aux apports d'aliments et de nutriments. Dans tous les domaines évoqués dans ce texte les variations individuelles restent encore mal connues ainsi que la part génétique de ces variations, ceci incite à y consacrer plus de travaux.

Auteurs


Daniel SAUVANT

Affiliation : Université Paris-Saclay, INRAE, AgroParisTech, UMR Modélisation Systémique Appliquée aux Ruminants, 75005, Paris, France

Pays : France

Pièces jointes

Pas d'informations justificatives pour cet article

##plugins.generic.statArticle.title##

Vues: 2321

Téléchargements

PDF: 552

XML: 153