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Le revenu agricole des agriculteurs et des éleveurs en France : une forte variabilité interannuelle (2010-2022) et de grandes disparités

Le début de l’année 2024 a été marqué par de retentissantes manifestations agricoles. Parmi les nombreux et parfois inextricables arguments déployés pour justifier de cette colère, la faiblesse des revenus agricoles a souvent été mise en avant. L’ambition poursuivie ici est de faire le point sur l’évolution des revenus agricoles en France depuis 2010 et sur leur importante dispersion entre exploitations agricoles.

Introduction

En France, comme dans plusieurs États membres de l’Union européenne (UE), des manifestations agricoles fortement médiatisées se sont tenues au début de l’année 2024. Les arguments déployés par les agriculteurs en colère étaient pour le moins hétérogènes, à tel point qu’il était parfois difficile, même pour des experts de l’agriculture et des mouvements syndicaux, de bien se repérer dans la hiérarchie des attentes et des revendications. Ces tensions, qui s'expriment toujours sur le terrain en cette fin 2024, ont été pour partie influencées par le calendrier politique du moment, avec notamment les élections au Parlement européen de juin 2024, les élections aux Chambres d’agriculture de janvier 2025, la mise en œuvre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) sur la période 2023-2027 et le projet de loi d'orientation agricole en cours d’élaboration portant sur la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations. De nombreux slogans ont occupé une place de choix lors de ces manifestations, tels que : « agriculteur, enfant on en rêve, adulte on en crève » ; « qui sème la misère récolte la colère » ; « on vous nourrit, mais nous, on crève » ; « pas de pays sans paysans » ; « on est sur la paille » ; « Mercosur, destruction de l’agriculture française » ; « taxes, charges, paperasses, trop c’est trop », etc. Derrière ces derniers, souvent accrochés aux cabines des tracteurs dans les convois de manifestants, force est de constater que la question du revenu des agriculteurs était l’une des composantes (mais pas la seule) de cette colère.

Dans ce cadre et en utilisant les données du Réseau d’information comptable agricole (RICA) sur une longue période (2010 à 2022), et à plus court terme (2020 à 2022), cet article présente une analyse portant sur l’évolution des revenus agricoles en France et de leur hétérogénéité. Il s’inscrit dans la continuité de travaux menés dans le cadre du projet de recherche dit Agr’Income conduit pour le ministère en charge de l’agriculture (Chatellier, 2021 ; Delame, 2021 ; Jeanneaux & Velay, 2021 ; Laroche-Dupraz & Ridier, 2021 ; Piet et al., 2021a, 2021b ; Piet & Desjeux, 2021 ; Veysset & Boukhriss, 2021). Il complète les analyses développées dans plusieurs publications récentes issues du ministère en charge de l’agriculture (Agreste, 2023 ; Devauvre, 2023), du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER, 2022) ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Bordet-Gaudin et al., 2021 ; INSEE, 2024). Au fil des dernières décennies, le thème des revenus agricoles a suscité de nombreux rapports et articles scientifiques, dont notamment, dans un ordre décroissant des dates : Chassard & Chevalier (2007), Institut de l’élevage (2005), Bourgeois (1994), Boussard (1994), Brangeon et al. (1994), Cordellier (1987), Tarditi (1985), Blogowski et al. (1983), Carles & Nanquette (1977), Klatzmann (1959).

Cet article est structuré en trois parties. La première présente quelques éléments de méthode indispensables à une bonne compréhension du travail réalisé. Elle apporte des précisions sur l’outil statistique pris en référence et discute des atouts et limites des indicateurs économiques retenus pour aborder la question des revenus en agriculture. La deuxième partie est conduite toutes orientations technico-économiques (OTEX) confondues. Elle traite de l’évolution des revenus dans les exploitations agricoles françaises et de leur dispersion au cours de la période 2010 à 2022. Elle propose ensuite une grille typologique permettant de répartir les exploitations agricoles françaises selon trois indicateurs préalablement définis, à savoir « la productivité du travail », « l’efficience productive » et « la capacité d’une exploitation à faire face à ses engagements financiers » (en se focalisant sur la période plus récente de 2020 à 2022). La troisième partie traite des revenus agricoles en prenant les OTEX comme première clé d’entrée. En combinant les trois indicateurs précités, une méthode est enfin proposée pour répartir les exploitations de deux OTEX (bovins-lait et bovins-viande) selon huit classes dites de « performances économiques ».

1. Quelques éléments méthodologiques essentiels

Cette première partie présente les principales caractéristiques du RICA et précise la nomenclature utilisée pour les OTEX. Elle rappelle ensuite le mode de calcul du revenu agricole via un rapide rappel de la construction des soldes intermédiaires de gestion (SIG).

1.1. L’outil statistique utilisé (RICA) et la nomenclature des OTEX

Le RICA français utilisé ici est un outil statistique bien adapté pour traiter des revenus en agriculture (Chantry, 2003). Cette enquête annuelle, harmonisée au niveau européen, collecte depuis plus de 50 ans, des données structurelles, économiques et financières auprès d’un échantillon d’exploitations agricoles (7 322 en France en 2022 en incluant la France métropolitaine, la Guadeloupe et la Réunion). Pour chaque exploitation de cet échantillon, un coefficient d’extrapolation est appliqué pour obtenir un « univers » d’environ 290 000 exploitations agricoles. La méthodologie utilisée pour déterminer ces coefficients de pondération vise à fournir des données représentatives selon trois critères : la région administrative, l’OTEX et la dimension économique (mesurée par la production brute standard ou PBS1). Toutes les données renseignées ci-après dans les illustrations sont déterminées après application de ce coefficient d’extrapolation, c’est-à-dire en considérant l’ « univers RICA ». Le RICA couvre l’ensemble des exploitations agricoles dont la PBS est supérieure ou égale à 25 000 euros. Il s’intéresse donc aux exploitations dites « moyennes et grandes », lesquelles regroupent en France plus de 88 % des emplois agricoles totaux, 93 % de la superficie agricole et 98 % de la PBS.

Chaque exploitation agricole du RICA est classée dans une OTEX (encadré 1) en fonction de la structure de sa PBS (ce qui traduit un niveau de spécialisation)2. Une exploitation est spécialisée dans un domaine si la PBS de la, ou des productions concernées, dépasse les deux tiers du total.

Encadré 1. Nomenclature des 15 OTEX utilisées

No OTEX

Exploitations

1500

spécialisées en céréales et oléoprotéagineux

1600

spécialisées en autres grandes cultures*

2800

spécialisées en légumes ou champignons

2900

spécialisées en fleurs ou horticulture diverse

3500

spécialisées en viticulture

3900

spécialisées en fruits et autres cultures permanentes

4500

spécialisées en bovins-lait

4600

spécialisées en bovins-viande

4700

spécialisées en bovins-mixte

4813

spécialisées en ovins-caprins

4840

spécialisées en équidés et autres herbivores

5100

spécialisées en porcins

5200

spécialisées en volailles

5374

diversifiées de granivores (porcs et volailles)

6184

de polyculture et/ou polyélevage

* cette OTEX diffère de la précédente par une plus grande diversification de l’assolement avec souvent plusieurs cultures en plus des céréales et des oléagineux telles que des betteraves sucrières, des pommes de terre, des légumes de plein champ, etc.

1.2. La définition du revenu agricole et les soldes intermédiaires de gestion

L’analyse qui suit s’intéresse au revenu agricole généré dans les exploitations agricoles françaises. Contrairement à d’autres approches, il ne s’agit pas ici de porter un diagnostic sur le revenu des ménages agricoles. Cette notion est en effet plus vaste car elle considère simultanément tous les revenus du ménage et pas uniquement ceux qui découlent des activités inhérentes à l’exploitation (Brangeon & Jégouzo, 1992 ; Butault et al., 2005). Cela concerne par exemple les revenus issus d’autres activités professionnelles (revenus d’activité salariée perçus par l’exploitant ou les autres membres de son ménage), les revenus issus du patrimoine (biens immobiliers, loyers des terres louées…) ainsi que les éventuelles pensions ou prestations sociales. Ainsi, le revenu d’une exploitation agricole, même en le déterminant sur une longue période, ne dit pas tout de la situation économique ou du niveau de vie de l’agriculteur et de son ménage. Cela est d’autant plus le cas que le revenu généré sur l’exploitation ne correspond pas toujours au montant des prélèvements privés de l’exploitant. À revenus identiques, les agriculteurs n’ont pas tous les mêmes stratégies quant à l’arbitrage à conduire entre la rémunération du travail et l’autofinancement de certains investissements.

En se basant sur des statistiques de 2020, l’INSEE a présenté lors du Salon international de l’Agriculture (SIA) à Paris, en 2024, une estimation du revenu disponible des « ménages agricoles », c’est-à-dire les ménages dont au moins un des membres est considéré comme exploitant agricole tel que défini au recensement agricole. Ce calcul intègre des exploitations qui ne sont pas considérées dans le spectre du RICA en ce sens qu’elles ont, du moins pour certaines d’entre elles, une PBS inférieure aux 25 000 euros susmentionnés. Au sein des ménages agricoles, l’activité agricole n’est pas la seule source de revenus des exploitants et de leur famille. En prenant en compte l’ensemble des ressources financières des exploitants agricoles et des personnes qui résident habituellement avec eux, déduction faite des impôts directs payés, le revenu disponible des ménages agricoles s’élève en moyenne, en 2020, à 49 600 euros (INSEE, 2024). Un tiers seulement de ce montant provient des revenus issus de l’exploitation (au sens des bénéfices agricoles déclarés à l’imposition sur les revenus). Cette étude souligne une forte dispersion de ce montant lorsqu’il est rapporté à chaque personne (ou unité de consommation) du ménage : situé en moyenne à 22 800 euros (soit un niveau voisin de celui calculé sur l’ensemble de la population), ce montant est inférieur à 10 900 euros dans 10 % des cas et supérieur à 44 600 euros dans 10 % des cas. Par ailleurs, ces travaux indiquent que 16 % des personnes relevant d’un ménage agricole (contre 14 % dans la population globale) sont en situation de pauvreté monétaire (c’est-à-dire lorsque le niveau de vie du ménage est inférieur au seuil de pauvreté). Cette proportion est plus forte pour les maraîchers et les éleveurs d’ovins, de caprins ou de bovins à viande.

Ces calculs visant à estimer le revenu des ménages agricoles et leur niveau de vie sont utilement complétés par une approche visant à rendre compte de leur patrimoine (Bessière et al., 2011). Ainsi, selon les dernières données disponibles qui remontent à 2018 (INSEE, 2021), il ressort que les ménages, dont la personne de référence est agriculteur, détiennent en moyenne un patrimoine brut de 920 500 euros, soit un niveau moyen nettement supérieur à celui de la moyenne des ménages français (276 000 euros). Les ménages agricoles sont cependant plus endettés (186 900 euros en moyenne) que les ménages toutes catégories confondues (79 200 euros). Ainsi, la moitié des ménages, dont la personne de référence est un exploitant agricole en activité, avait en 2018 un patrimoine (net des emprunts personnels ou professionnels) supérieur à 438 000 euros (contre 117 000 euros pour l’ensemble des ménages résidant en France).

Ces premiers éléments de cadrage étaient utiles avant de se focaliser désormais sur le revenu des seules exploitations agricoles (et non pas des ménages). Pour ce faire, il convient de recourir aux soldes intermédiaires de gestion (SIG) tels qu’ils sont définis dans le plan comptable agricole (Laroche-Dupraz & Ridier, 2021). Parmi les SIG, il est souvent fait référence à la production de l’exercice, à la valeur ajoutée brute (VAB), à l’excédent brut d’exploitation (EBE) et au résultat courant avant impôt (RCAI). Les modalités de calcul de ces SIG sont indiquées dans la figure 1.

Figure 1. Les soldes intermédiaires de gestion et le calcul du RCAI.

Dans l’analyse qui suit, l’indicateur de « revenu agricole » pris en référence est le RCAI. Ce choix ne signifie pas que cet indicateur soit parfait (chaque SIG ayant des atouts et des limites), mais il constitue un bon compromis, d’autant qu’il est fréquemment utilisé par les services du ministère en charge de l’agriculture dans ses publications (Agreste, 2023). Le RCAI permet de mesurer les performances liées à l’activité opérationnelle d’une entreprise en tenant compte de sa politique financière (donc de son endettement et de ses placements financiers), mais en excluant l’impact des charges et produits exceptionnels (par exemple : charges sur opérations de gestion, amendes fiscales, cession des éléments d’actifs…). Le RCAI, qui additionne le résultat d’exploitation et le résultat financier, est déterminé juste avant la déduction des cotisations sociales de l’exploitant et des impôts. Ainsi, le RCAI est un indicateur où tous les facteurs de production ont été rémunérés, à l’exception du travail non salarié et des apports en capitaux. Cet indicateur ne correspond pas à la rémunération effective des exploitants car le montant des prélèvements privés est plus ou moins ajusté sur le niveau du RCAI (Piet et al., 2021b). Il s’agit, en effet, d’un indicateur comptable de performance calculé et non pas d’un flux monétaire réel. Les cotisations sociales et impôts dont les exploitations sont redevables étant calculés à partir du RCAI, les agriculteurs cherchent parfois (principalement quand les années sont économiquement bonnes) à le minimiser par l’emploi de certaines stratégies dites « d’optimisation ». Il s’agit, par exemple, de recourir à la déduction pour épargne de précaution qui permet (sous conditions) de lisser le bénéfice agricole ou à l’amortissement dégressif qui permet d’assurer une déduction de charge plus importante que l’amortissement linéaire, etc.

Si le RCAI est calculé au niveau global d’une exploitation agricole, il est préférable, pour opérer des comparaisons entre exploitations agricoles, de le rapporter, pour chaque exploitation, à la main-d’œuvre non salariée disponible, mesurée en Unité de travail agricole non salariée (UTANS). Une UTA correspond à une estimation basée sur l'équivalent du temps de travail d'une personne à temps complet pendant un an3. Les charges salariales (salaires des employés et cotisations sociales liées) étant déjà déduites dans le RCAI, il convient de rapporter cet indicateur aux seules UTA non salariées et non pas aux UTA totales.

Si le RCAI par UTANS présente de nombreux atouts pour rendre compte de la performance économique des exploitations agricoles, une prudence s’impose dans son utilisation. Compte tenu de la forte variabilité interannuelle des prix des produits agricoles et des intrants et de la sensibilité de l’offre agricole aux aléas climatiques, cet indicateur du bas du compte de résultat est sensible aux effets de conjoncture. Il importe donc de ne pas limiter l’analyse aux seuls résultats d’une année civile donnée mais de s’inscrire, comme cela est proposé ci-après, dans une perspective pluriannuelle. Ainsi, dans l’analyse qui suit, certains résultats sont présentés pour chacune des 13 années et d’autres sont déterminés en moyenne sur la période 2010 à 2022 (pour une approche robuste de long terme) ou sur la période 2020 à 2022 (pour une approche plus récente des performances). Les valeurs sont calculées en euros constants de 2022, ce qui permet de tenir compte de l’inflation intervenue depuis 2010 (le déflateur utilisé est celui du produit intérieur brut). Les calculs sont réalisés sur les échantillons complets du RICA et non sur un échantillon constant qui aurait entraîné une perte importante des effectifs.

2. Le revenu agricole dans les exploitations agricoles françaises, toutes OTEX confondues

Pour les principaux SIG, un calcul de la valeur moyenne annuelle (en euros constants de 2022) est réalisé sur l’ensemble des exploitations agricoles françaises (toutes OTEX), ce pour trois périodes distinctes : 2010-2019, 2020-2022 et 2010-2022 (tableau 1). Ce calcul permet de rendre compte des principales étapes qui conduisent à la formation du revenu des agriculteurs français, tout en soulignant le rôle important joué par les aides directes. En moyenne sur l’ensemble de la période étudiée, ces dernières ont représenté 34 100 euros par exploitation, 385 euros par hectare de SAU, 15 % de la valeur de la production agricole et 74 % du RCAI.

Tableau 1. Valeur moyenne annuelle des principaux soldes intermédiaires de gestion dans les exploitations agricoles françaises (toutes OTEX) pour plusieurs périodes (valeurs exprimées en euros constants de 2022 et en %) (Sources : RICA France 2010-2022/Traitement de l’auteur).

2010-2019

2020-2022

2010-2022

Production de l’exercice/exploitation (€)

221 000

239 600

225 300

Production de l’exercice/UTA (€)

107 600

119 200

110 300

EBE (€)

83 900

94 600

86 400

EBE/UTANS (€)

58 800

69 100

61 200

EBE/production de l’exercice (%)

38

39

38

RCAI (€)

45 400

57 600

48 200

RCAI/UTANS (€)

31 800

42 100

34 100

RCAI/production de l’exercice (%)

21

24

21

Aides directes/exploitation (€)

34 000

34 500

34 100

Aides directes/UTA (€)

16 600

17 200

16 700

Aides directes/hectare de SAU (€)

388

377

385

Aides directes/production de l’exercice (%)

15

15

15

Aides directes/RCAI (%)

77

64

74

À l’échelle nationale et toutes OTEX confondues, la production de l’exercice d’une exploitation agricole s’est élevée, en moyenne annuelle sur la période 2010-2022, à 225 300 euros, soit 110 300 euros par UTA. Représentant environ 38 % de la production de l’exercice, l’EBE était, sur cette même période, de 86 400 euros par exploitation, soit 61 200 euros par UTANS. De son côté, le RCAI moyen a été de 48 200 euros par exploitation et de 34 100 euros par UTANS.

Si ces données offrent un premier cadrage sur la situation économique à long terme des exploitations agricoles françaises (dans une dimension très agrégée), l’analyse qui suit a pour ambition de montrer que ces valeurs moyennes ont non seulement été sensibles à des effets de conjoncture, mais aussi qu’elles cachent une grande dispersion.

2.1. Une forte variation interannuelle des revenus, avec une période récente plus favorable

En se focalisant sur l’indicateur du RCAI par UTANS, un calcul de la valeur moyenne (France entière et toutes OTEX confondues) a été réalisé pour chaque année de la période 2010-2022 (tableau 2). La moins bonne année a été 2016, avec une moyenne de 21 300 euros de RCAI par UTANS. La faible récolte céréalière, de l’ordre de –35 % par rapport à la moyenne des cinq années antérieures, et le niveau modeste des prix internationaux avaient, à cette époque, considérablement affecté les performances économiques des exploitations. La meilleure année pour le revenu des agriculteurs français a été 2022 (Devauvre, 2023) avec une moyenne de 55 800 euros. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, et malgré la hausse du prix des intrants, l’augmentation des prix internationaux des denrées agricoles a été le premier facteur explicatif de cette situation. Au final, le montant moyen du RCAI par UTANS de la période 2020-2022 (42 100 euros) a été supérieur d’un tiers à celui de la période 2010-2019 (31 800 euros).

Tableau 2. Dispersion du résultat courant avant impôt par UTA non salariée et par an sur la période 2010 à 2022 en France (toutes OTEX, en euros constants de 2022) (Sources : RICA France 2010-2022/Traitement de l’auteur).

P10

P30

Médiane

(ou P50)

Moyenne

P70

P90

P70 – P30

P90 – P10

2010

1 000

16 100

27 600

35 800

42 500

81 200

26 400

80 200

2011

1 500

17 800

30 400

39 600

46 600

91 300

28 800

89 800

2012

2 800

17 000

29 900

40 500

48 000

95 000

31 000

92 200

2013

–8 300

10 100

21 100

28 400

35 100

70 400

25 000

78 700

2014

–7 100

10 700

21 500

28 100

34 400

64 300

23 700

71 400

2015

–6 100

11 000

21 900

29 300

35 200

68 800

24 200

74 900

2016

–16 800

4 800

16 100

21 300

29 000

57 500

24 200

74 300

2017

–5 500

11 500

23 000

30 000

36 800

68 300

25 300

73 800

2018

–5 600

11 500

22 800

32 500

37 100

76 200

25 600

81 800

2019

–5 000

12 000

23 500

32 200

38 600

75 400

26 600

80 400

2020

–9 100

9 000

20 500

27 900

34 200

67 300

25 200

76 400

2021

–900

17 600

31 700

42 500

51 600

98 300

34 000

99 200

2022

–400

19 000

37 700

55 800

65 000

129 600

46 000

130 000

2010-2022

–4 600

12 900

25 200

34 100

41 100

80 300

28 200

84 900

2020-2022

–3 500

15 200

30 000

42 100

50 300

98 400

35 100

101 900

2010-2019

–4 900

12 300

23 800

31 800

38 300

74 800

26 000

79 700

Note de lecture : « P30 » signifie la valeur du 3e décile de l’indicateur « RCAI par UTANS ». Ainsi, en 2022, 30 % des exploitations agricoles françaises ont dégagé un RCAI par UTANS inférieur à 19 000 euros.
P10 : valeur du 1er décile ; P70 : valeur du 7e décile ; P90 : valeur du 9e décile.

Cette amélioration du niveau des revenus au cours de la période 2020-2022 n’a pas permis d’atténuer la montée en puissance récente de la colère de nombreux agriculteurs. Cette dernière n’est cependant pas uniquement le reflet de l’existence de difficultés économiques dans le secteur, mais la traduction d’un malaise plus profond suscité notamment par la complexité administrative croissante du métier, le renforcement des normes, le renouvellement délicat des générations en agriculture (Confédération nationale de l’élevage, 2023), le devenir incertain de l’agriculture familiale (Séronie, 2014 ; Pouch, 2023), la perte de sens sur la place de l’agriculture dans la société (Purseigle & Hervieu, 2022), les incompréhensions sur les orientations de la PAC (Détang-Dessendre & Guyomard, 2023) et l’impact de la concurrence étrangère sur les productions agricoles domestiques.

2.2. Des écarts de revenus plus élevés en valeur absolue quand la conjoncture des prix agricoles est bonne

Outre cette forte variabilité interannuelle des revenus, la question de leur dispersion entre exploitations doit également être étudiée. Pour ce faire, une analyse a été conduite (toujours toutes OTEX confondues) pour chaque année de la période étudiée, et ce en déterminant les valeurs déciles. En 2022, par exemple, le RCAI par UTANS a été inférieur à –400 euros pour 10 % des exploitations agricoles françaises alors que, dans le même temps, il a dépassé 129 600 euros pour 10 % d’entre elles. L’écart entre les valeurs de P10 et de P90 atteignait 130 000 euros en 2022, soit le plus haut écart observé (en valeur absolue) au cours des 13 années étudiées (il a été en moyenne de 84 900 euros sur la période 2010-2022). Le constat est identique si l’on considère l’écart entre le P70 et le P30 (46 000 euros en 2022 contre 28 200 euros en moyenne sur la période). La dispersion du revenu entre agriculteurs a donc été, du moins en valeur absolue, plus grande en 2022 (meilleure année pour le revenu moyen) car les exploitations les plus performantes ont bénéficié de revenus record en raison surtout du niveau élevé des prix des produits agricoles.

Au-delà de l’écart entre deux valeurs déciles, exprimé en valeur absolue, une autre façon de considérer la dispersion des revenus est de rapporter cet écart à la valeur de la médiane. Ainsi, le ratio [(P90 – P10)/médiane] s’est élevé 3,43 en moyenne sur la période 2010-2022. Dans ce cas, l’année qui se distingue le plus est 2016 (avec un ratio de 4,61) car le niveau de la médiane des revenus était particulièrement faible (16 100 euros). Pour toutes les années étudiées, la valeur médiane du RCAI par UTANS a été inférieure à la valeur moyenne car certains très hauts niveaux de revenus ont tiré la valeur moyenne vers le haut.

2.3. Une grille typologique en 64 cases basée sur le croisement de trois indicateurs clés

Un travail méthodologique conduit dans le cadre du projet de recherche Agr’Income (Piet et al., 2021a) a permis de mettre au point une grille typologique ayant pour but principal de rendre compte de la diversité des niveaux de revenus entre agriculteurs français. Partant de cette méthode et sans revenir ici sur tous les choix qui ont présidé à sa conception (Chatellier, 2021), une application est proposée ici en se basant sur les données de la période 2020 à 2022.

Pour chaque année de la période considérée, cette méthode permet de répartir chaque exploitation agricole de l’échantillon du RICA dans une grille typologique comportant 64 cases. Ces dernières sont générées par le croisement de trois indicateurs économiques avec, pour chacun d’eux, quatre classes.

Les trois indicateurs (ou ratios R) utilisés sont les suivants :

i) Le premier indicateur (R1) correspond à une évaluation de « la productivité du travail ». Il est déterminé en rapportant la valeur cumulée de la production agricole4 et des subventions d’exploitation à la main-d’œuvre totale d’une exploitation (exprimée en UTA). Sans création de valeur en amont dans une exploitation, il est évidemment impossible d’obtenir un revenu au final. Néanmoins, l’obtention d’un niveau élevé de productivité du travail ne signifie pas forcément que le revenu sera confortable. Le terme « productivité du travail » s’entend ici sous un angle économique en ce sens qu’il est exprimé en valeur ce qui cumule un effet volume et un effet prix.

ii) Le deuxième indicateur (R2) correspond à une estimation de « l’efficience productive ». Il est calculé en rapportant la valeur cumulée de la production agricole et des subventions d’exploitation au montant des consommations intermédiaires (CI). Il concerne, d’une certaine façon, la capacité managériale de l’exploitant relativement à l’efficience du système : tout gaspillage de consommations intermédiaires réduit les espérances de gains. Dans ce cadre, une exploitation qui est capable de produire des biens agricoles en ayant un recours limité aux consommations intermédiaires est considérée comme plus « efficiente » qu’une exploitation qui en utilise plus pour un même niveau de production.

iii) Le troisième indicateur (R3) correspond à une mesure de « la capacité de l’exploitation à faire face à ses engagements financiers (dettes) ». Il est calculé en rapportant l’EBE au montant des annuités (c’est-à-dire aux charges liées au remboursement du capital des emprunts et aux intérêts de ceux-ci). Contrairement aux deux indicateurs précédents, celui-ci est souvent affecté par le cycle de vie. En effet, un jeune exploitant qui vient de s’installer aura plus de difficulté à être bien positionné sur cet indicateur qu’un agriculteur en phase de croisière ayant déjà procédé au remboursement d’une partie de ses investissements.

Pour chacun de ces trois indicateurs, quatre classes ont été définies. Pour le premier indicateur (R1), il s’agit des classes suivantes : moins de 70 000 euros, entre 70 000 et 100 000 euros, entre 100 000 et 150 000 euros et plus de 150 000 euros. Pour le deuxième indicateur (R2), les classes sont définies de cette façon : moins de 1,60 ; entre 1,60 et 1,90 ; entre 1,90 et 2,20 et plus de 2,20. Pour le troisième et dernier indicateur (R3), il s’agit des classes qui suivent : moins de 1,5 ; entre 1,5 et 2,5 ; entre 2,5 et 5 ; et plus de 5. Le choix des seuils donnant lieu à ces classes a été déterminé en poursuivant deux objectifs : i) retenir des valeurs qui soient arrondies pour faciliter une appropriation/mémorisation des classes ; ii) disposer d’un nombre d’exploitations dans chaque classe qui ne soit pas trop déséquilibré. De même, le choix de retenir quatre classes pour chaque indicateur, et non pas moins ou plus, résulte là aussi d’un arbitrage : celui de procéder à un éclatement suffisant de la population pour mettre en avant la diversité des situations et celui ne pas générer trop de cases pour que chacune allie pertinence et représentativité.

Partant de cette grille typologique, et pour chaque année de la période 2020-2022, une répartition des exploitations agricoles du RICA (toujours toutes OTEX) selon les 64 cases a été effectuée (tableau 3). Une moyenne sur trois ans du RCAI par UTANS a ensuite été calculée pour chacune de ces cases en privilégiant des valeurs exprimées en euros constants de 2022 (tableau 4). Entre les trois années étudiées, les exploitations ne restent pas nécessairement toujours dans les mêmes cases.

Tableau 3. Nombre d’exploitations agricoles en France (toutes OTEX, effectif après extrapolation) en moyenne sur la période 2020-2022 selon l’articulation de trois indicateurs (R1, R2 et R3) (Sources : RICA France 2020-2022/Traitement de l’auteur).

R1 =

Production

(avec aides)

/UTA

R2 =

Production

(avec aides)/

Cons.

intermédiaires

R3 = EBE/Annuités

< 1,5

de 1,5 à 2,5

de 2,5 à 5

> 5

Total

< 70 k€

< 1,60

11 700

1 580

1 360

3 600

18 250

de 1,60 à 1,90

2 900

1 720

1 850

4 870

11 340

de 1,90 à 2,20

1 810

2 130

2 490

4 580

11 010

> 2,20

2 250

3 280

5 610

14 280

25 420

Total

18 660

8 710

11 330

27 330

66 020

de 70 à 100 k€

< 1,60

4 840

1 690

1 680

2 400

10 620

de 1,60 à 1,90

2 240

2 840

2 860

4 120

12 060

de 1,90 à 2,20

1 750

2 300

3 440

3 860

11 360

> 2,20

990

3 050

5 860

10 890

20 790

Total

9 820

9 890

13 840

21 270

54 820

de 100 à 150 k€

< 1,60

5 440

3 170

2 100

2 120

12 830

de 1,60 à 1,90

3 180

4 980

5 730

3 640

17 530

de 1,90 à 2,20

1 410

3 670

5 440

4 490

15 010

> 2,20

1 250

3 920

7 490

11 120

23 770

Total

11 280

15 740

20 760

21 370

69 150

> 150 k€

< 1,60

8 370

7 040

6 080

3 380

24 870

de 1,60 à 1,90

3 510

7 660

9 840

4 970

25 980

de 1,90 à 2,20

1 270

4 710

9 460

5 630

21 070

> 2,20

900

3 220

10 520

15 170

29 820

Total

14 050

22 630

35 900

29 160

101 730

Total

< 1,60

30 350

13 490

11 230

11 510

66 570

de 1,60 à 1,90

11 830

17 200

20 280

17 590

66 900

de 1,90 à 2,20

6 240

12 820

20 830

18 570

58 450

> 2,20

5 390

13 470

29 480

51 460

99 800

Total

53 810

56 970

81 820

99 120

291 730

Selon les résultats obtenus à partir de cette approche, il apparaît que la productivité du travail (R1) a un lien fort avec le niveau de revenu des agriculteurs (tableau 4). En effet, en moyenne sur les trois années étudiées (2020-2022), les 66 020 exploitations ayant pour l’indicateur R1 une valeur inférieure à 70 000 euros dégagent, en moyenne, un RCAI par UTANS de seulement 9 200 euros ; celui-ci s’élève à 71 500 euros pour les 101 730 exploitations relevant de la classe supérieure de R1 (plus de 150 000 euros). Cet écart moyen de revenu entre les deux classes extrêmes (de 1 à 7,8) s’accentue lorsque la conjoncture des prix est favorable. Ce constat ne veut pas dire pour autant que toutes les exploitations bénéficiant d’une faible productivité du travail ne parviennent pas à rémunérer convenablement leur main-d’œuvre. Derrière ces moyennes, il existe toujours des exemples pour contredire, au moins un peu, la tendance générale observée.

Dans le même esprit, mais avec des écarts moindres (rapport de 1 à 5,9), la comparaison des niveaux de revenus entre les deux classes extrêmes du deuxième indicateur (R2) est instructive. En effet, les 66 570 exploitations ayant une efficience productive inférieure à 1,60 dégagent, en moyenne, un RCAI par UTANS de seulement 11 500 euros alors qu’il culmine à 67 500 euros pour les 99 800 exploitations de la classe supérieure au seuil de 2,20. Là aussi, ces moyennes cachent quelques disparités internes.

Concernant le troisième et dernier indicateur (R3), le gradient de revenu est également net entre les quatre classes considérées. Le RCAI par UTANS passe, en effet, de –1 200 euros en moyenne pour les 53 810 exploitations de la première classe (R3 inférieur à 1,5) à 60 300 euros pour les 99 120 exploitations de la dernière classe (R3 supérieur à 5). Ces résultats confirment l’idée selon laquelle l’obtention d’un niveau élevé de revenu passe souvent par une bonne adéquation entre les performances économiques de l’entreprise et son niveau d’endettement.

Si, pris séparément, les trois indicateurs sélectionnés ont déjà du sens pour analyser la dispersion des revenus entre les actifs agricoles non salariés en France, le croisement entre eux apporte une plus-value supplémentaire. Ainsi, par exemple, et de façon peu surprenante, le niveau le plus élevé de RCAI par UTANS (160 700 euros) parmi les 64 cases typologiques est obtenu par les 15 170 exploitations qui parviennent à se positionner dans la classe 4 pour chacun des trois indicateurs. Ces exploitations, qui représentent environ 5 % des effectifs totaux, sont, tout à la fois, très productives à l’unité de main-d’œuvre, très efficaces dans l’utilisation des consommations intermédiaires et faiblement contraintes par leur endettement. À l’opposé, et de façon non surprenante non plus, le niveau de RCAI par UTANS le plus faible (–25 100 euros) est obtenu dans la case typologique extrême, à savoir celle qui regroupe des exploitations agricoles répertoriées dans la première classe de chacun des trois indicateurs. Bien qu’il puisse être considéré que ces 11 700 exploitations, pas productives, pas efficientes et lourdement contraintes par l’endettement, ont peu de chance de survie à moyen terme, une prudence s’impose toujours (sans connaissance fine des cas réels).

Tableau 4. Résultat courant avant impôt par UTA non salariée (toutes OTEX en France) selon le croisement entre trois indicateurs (R1, R2 et R3) et quatre classes pour chacun (moyenne 2020-2022 en euros constants 2022) (Sources : RICA France 2020-2022/Traitement de l’auteur).

R1 =

Production

(avec aides)

/UTA

R2 =

Production

(avec aides)/

Cons.

intermédiaires

R3 = EBE/Annuités

< 1,5

1,5 à 2,5

2,5 à 5

> 5

Ensemble

< 70 k€

< 1,60

–25 100

4 600

6 100

5 200

–14 300

de 1,60 à 1,90

–13 300

7 600

10 900

11 200

4 600

de 1,90 à 2,20

–6 700

11 500

15 400

17 200

12 200

> 2,20

–400

17 600

24 900

29 700

24 500

Ensemble

–18 400

12 000

18 400

21 600

9 200

de 70 à 100 k€

< 1,60

–17 300

6 100

10 300

11 900

–2 100

de 1,60 à 1,90

–1 100

13 100

18 300

22 700

15 000

de 1,90 à 2,20

2 200

19 300

24 400

34 000

23 300

> 2,20

16 400

28 100

45 500

51 300

44 700

Ensemble

–6 500

18 100

30 600

39 000

25 300

de 100 à 150 k€

< 1,60

–9 100

10 400

20 200

23 800

6 800

de 1,60 à 1,90

7 100

21 500

29 100

39 600

25 700

de 1,90 à 2,20

17 000

27 900

38 700

46 700

36 100

> 2,20

37 100

42 600

62 300

80 200

65 400

Ensemble

4 600

26 100

42 600

60 500

38 300

> 150 k€

< 1,60

2 800

36 000

57 400

61 200

35 600

de 1,60 à 1,90

28 400

47 400

60 100

71 900

54 500

de 1,90 à 2,20

46 100

54 200

71 200

82 900

68 800

> 2,20

95 900

80 500

108 800

160 700

127 500

Ensemble

21 300

49 600

75 300

115 600

71 500

Ensemble

< 1,60

–13 600

23 100

38 700

27 700

11 500

de 1,60 à 1,90

6 600

30 700

41 900

37 000

32 500

de 1,90 à 2,20

13 200

33 400

48 700

47 900

41 800

> 2,20

27 200

41 900

66 900

78 800

67 500

Ensemble

–1 200

32 200

52 200

60 300

42 100

Parmi les exploitations peu productives à l’unité de main d’œuvre (classe 1 de R1), certaines parviennent, en dépit de ce handicap, à dégager un RCAI par UTANS proche des 30 000 euros, mais à la condition de bénéficier simultanément d’une bonne position sur les deux autres indicateurs. Parmi les exploitations qui bénéficient d’une haute efficacité productive (classe 4 de R2), ce sont de loin les plus productives d’entre elles à l’unité de main d’œuvre qui sortent gagnantes. Celles qui, en revanche, cumulent cette qualité (une forte efficacité productive) avec un mauvais positionnement sur les deux autres indicateurs ne parviennent pas à dégager un revenu satisfaisant. Les exploitations lourdement contraintes par les dettes (classe 1 de R3) ne sont pas toutes condamnées à l’obtention de bas revenus. Ainsi, par exemple, les exploitations de ce type qui se classent en classe 4 pour les deux autres indicateurs sont parvenues à dégager un RCAI par UTANS de 95 900 euros. Cette performance doit être un facteur d’encouragement pour les jeunes agriculteurs qui, bien souvent, ne sont pas en mesure d’être bien positionnés dans la hiérarchie de l’indicateur R3, du moins au cours des premières années qui suivent l’installation.

Cette grille typologique est non seulement un outil (parmi d’autres possibles) permettant de rendre compte de la diversité des niveaux de revenus dans l’agriculture française à une date donnée, mais elle peut aussi servir de support à une réflexion stratégique. Partant de celle-ci, un agriculteur peut, par exemple, s’interroger sur son propre positionnement et sur ses ambitions (ou non) de progrès à moyen et long terme pour chacun des trois indicateurs. Pour souligner le fait que la rentabilité d’une exploitation agricole tient pour une large part aux capitaux mobilisés (Bourgeois, 2023), à l’importance économique de la structure et à l’efficacité dans l’utilisation des intrants, il a été volontairement écarté le fait d’entrer dans cette réflexion d’abord par le canal des OTEX. L’objet de la troisième partie, qui suit, est désormais d’explorer les écarts de revenus selon les orientations de production et de discuter de l’hétérogénéité interne à chacune d’elles.

3. Le revenu agricole selon les orientations de production (OTEX)

Cette troisième partie discute de la situation des revenus agricoles en France pour les 15 OTEX de la nomenclature. Dans une première section, et moyennant un raisonnement sur une longue période (2010-2022), une présentation des niveaux de revenus et de leur dispersion est réalisée. Dans une deuxième section, un travail approfondi conduisant à répartir les exploitations selon huit classes dites de « performances économiques » est proposé pour les deux OTEX bovins-lait et bovins-viande.

3.1. De plus faibles revenus et une dépendance aux subventions pour les exploitations d’herbivores

En moyenne annuelle sur les 13 années de la période 2010 à 2022 (en euros constants de 2022), les meilleurs niveaux de revenus (RCAI par UTANS) sont obtenus par les exploitations spécialisées en grandes cultures (56 100 euros), en viticulture (52 000 euros) et en production porcine (47 200 euros). À l’opposé, les exploitations qui souffrent des revenus les plus faibles sont orientées vers l’élevage d’herbivores (tableau 5) : 29 500 euros pour les exploitations bovins-lait, 21 700 euros pour celles d’ovins-caprins et 20 200 euros pour celles de bovins-viande. Les exploitations spécialisées en volailles (34 000 euros), en céréales et oléo-protéagineux (33 600 euros) et en fruits et cultures permanentes (32 800 euros) occupent une position intermédiaire dans cette hiérarchie.

Tableau 5. Résultat courant avant impôt par UTA non salariée et sa dispersion selon les OTEX en moyenne sur la période 2010 à 2022 en France (en euros constants de 2022). Classement par ordre décroissant de la moyenne (Sources : RICA France 2010-2022/Traitement de l’auteur).

No OTEX

Production

P10

P30

P50

Moyenne

P70

P90

P90 – P10

1600

Autres grandes cultures

1 700

23 900

43 100

56 300

69 600

126 700

125 000

3500

Viticulture

–9 600

15 000

34 300

52 000

62 100

135 800

145 400

5100

Porcins

–9 300

17 900

39 700

47 200

61 800

113 600

122 900

2800

Légumes ou champignons

–8 400

10 800

22 900

39 300

41 000

109 400

117 800

5200

Volailles

200

14 900

27 100

34 000

41 600

71 600

71 400

1500

Céréales, oléo-protéagineux

8 000

13 000

27 200

33 600

44 900

83 000

75 000

3900

Fruits et cult. permanentes

–9 100

8 400

21 200

32 800

39 600

86 900

96 000

5374

Combinaisons de granivores

4 000

17 900

28 900

32 400

41 000

63 300

59 300

2900

Fleurs et/ou horticulture

–3 900

12 000

22 800

30 400

36 000

71 100

75 000

6184

Polyculture - polyélevage

–6 700

11 400

24 000

29 900

38 800

68 200

74 900

4500

Bovins-lait

3 200

16 800

26 800

29 500

38 300

57 800

54 600

4700

Bovins mixte

2 100

16 100

25 400

27 900

36 500

56 900

54 800

4813

Ovins ou caprins

–1 100

11 800

19 000

21 700

28 700

44 700

45 800

4600

Bovins-viande

–2 500

10 700

18 800

20 200

27 300

43 100

45 600

4840

Autres herbivores

–8 900

4 400

14 400

19 100

23 200

37 200

46 100

Ensemble

–4 600

12 900

25 200

34 100

41 100

80 300

84 900

Note de lecture : « P30 » signifie la valeur du 3e décile de l’indicateur « RCAI par UTANS ». Ainsi, sur la période 2010-2022, la valeur moyenne du 3e décile du RCAI par UTANS a été, pour les exploitations françaises spécialisées bovins-lait, de 16 800 euros.
P10 (valeur du 1er décile) ; P50 (valeur du 5e décile) ; P70 (valeur du 7e décile) ; P90 (valeur du 9e décile) ; P90 – P10 (écart entre les valeurs des deux déciles extrêmes).

Pour chaque OTEX, il existe une forte dispersion du RCAI par UTANS. En prenant pour indicateur de dispersion l’écart moyen entre les valeurs des deux déciles extrêmes (P90 – P10), ce sont les exploitations spécialisées en viticulture qui occupent la première place. En effet, en moyenne sur 13 ans, cet écart a été de 145 400 euros (contre 84 900 euros toutes OTEX confondues), le P90 se situant à 135 800 euros (soit le niveau le plus élevé des 15 OTEX) contre –9 600 euros pour le P10 (le niveau le plus faible des 15 OTEX). La dispersion des revenus est logiquement plus forte dans les spécialisations agricoles où les exploitations les plus performantes dégagent de très hauts niveaux de RCAI par UTANS, comme cela est le cas également pour les exploitations de grandes cultures et de porcins. Inversement, dans les exploitations spécialisées en élevage d’herbivores, la dispersion est moins grande car les exploitations les plus rentables (P90) dégagent des revenus plus modestes que dans les cas précités. La valeur du dernier décile du RCAI par UTANS plafonne en effet à 43 100 euros en bovins-viande et à 57 800 euros en bovins-lait.

Le montant moyen du RCAI par UTANS, calculé sur longue période, cache des évolutions interannuelles plus ou moins fortes selon les OTEX. D’une façon générale, celles-ci ont été plus intenses pour les exploitations spécialisées en productions végétales que pour celles spécialisées en productions animales, à l’exception cependant du cas particulier (et bien connu) des exploitations porcines (figure 2).

Figure 2. Résultat courant avant impôt par UTA non salariée pour une sélection* d’OTEX entre 2010 et 2022 (en euros constants de 2022) (Sources : RICA France 2010-2022 / Traitement de l’auteur).
(*) : 1500 : céréales et oléoprotéagineux ; 1600 : autres grandes cultures ; 3500 : viticulture ; 4500 : bovins-lait ; 4600 : bovins-viande ; 5100 : porcins ; 6184 : polyculture et/ou polyélevage.

Les exploitations porcines détiennent le record des écarts de RCAI par UTANS entre deux années civiles (112 900 euros), avec 12 300 euros en 2014 et 125 200 euros en 2022 ; cette dernière année bénéficiant de prix très élevés dans un contexte de contraction de l’offre porcine (FranceAgriMer, 2024). Cette forte variabilité des niveaux de revenus justifie, pour les producteurs de porcs, comme pour les autres OTEX concernées d’ailleurs, le déploiement de stratégies d’optimisations fiscales et l’inscription des investissements dans une vision de long terme. La variabilité des revenus au cours de la période étudiée a également été conséquente pour les exploitations spécialisées en céréales et en oléoprotéagineux. Pour cette OTEX, où l’année record a été 2022 (66 500 euros en moyenne nationale), le RCAI par UTANS a été négatif en 2016 (–3 700 euros), une situation jamais observée pour les autres OTEX. La chute spectaculaire des rendements en 2016 et les prix bas expliquent ce décrochage. Pour les exploitations spécialisées en bovins-lait, les deux années extrêmes ont été les mêmes : 2016 pour le niveau le plus bas, en raison de la crise sur les marchés internationaux de produits laitiers, et 2022 pour l’année record (IDELE, 2024). L’écart entre les deux dates extrêmes (38 000 euros) a été nettement supérieur à celui observé pour les exploitations bovins-viande et ovins-caprins, deux secteurs productifs où le RCAI par UTANS n’a jamais dépassé, en moyenne nationale, les 27 000 euros tout au long de la période étudiée.

Selon les OTEX, et compte tenu des décisions prises au fil du temps dans le cadre de la PAC (Chatellier et al., 2024), les aides directes (ou subventions) ont joué un rôle plus ou moins important dans la formation du revenu agricole (Chatellier & Guyomard, 2023). En moyenne nationale (toutes OTEX confondues) sur la période 2010-2022, les aides directes ont représenté 74 % du revenu des agriculteurs français (figure 3).

Figure 3. Montant des aides directes en % du résultat courant avant impôt selon les OTEX (% moyen sur les périodes 2010-2022 et 2020-2022) (Sources : RICA France 2010-2022/Traitement de l’auteur).

La dépendance aux subventions est nettement plus élevée pour les exploitations bovins-viande (200 %) et ovins-caprins (154 %). Dans ces cas, cela signifie que les coûts de production sont supérieurs à la valeur de la production agricole. De même, la rémunération de la main-d’œuvre ne serait pas possible, du moins en moyenne, en l’absence de ces aides. La dépendance est également substantielle pour les exploitations spécialisées en céréales et oléoprotéagineux (115 %) et en bovins-lait (84 %). Tout au long de la période étudiée, les aides directes ont joué un rôle de stabilisation des revenus dans la mesure où les montants alloués par exploitation varient assez peu d’une année à l’autre (Chatellier et al., 2021). Il s’agit donc d’un facteur de stabilité, surtout pour les exploitations fragiles et peu performantes économiquement.

3.2. Une méthode pour mesurer les écarts de performances économiques

Sur la base de travaux méthodologiques développés antérieurement (Chatellier, 2021), cette section propose de répartir les exploitations de deux OTEX – bovins-lait et bovins-viande – selon huit classes dites de « performances économiques » (sans que cela soit présenté ici, cette méthode a été appliquée aux 15 OTEX de la nomenclature).

Pour présenter l’esprit de la méthode utilisée, l’exemple des exploitations spécialisées en bovins-lait est pris en référence. Le principe est ensuite identique pour toutes les autres OTEX et années considérées. Ainsi, dans un premier temps, un calcul détermine la valeur médiane sur l’ensemble des exploitations françaises spécialisées en bovins-lait et pour l’année 2022 des trois indicateurs précités.

Dans ce cas :

– [Production agricole (avec aides directes)/UTA] = 177 500 euros (R1m) ;

– [Production agricole (avec aides directes)/Consommations intermédiaires] = 1,89 (R2m) ;

– [EBE/Annuités] = 3,16 (R3m).

Les valeurs médianes de ces trois indicateurs selon le couple OTEX/années sont précisées dans le tableau 6.

Tableau 6. Valeur médiane (calculée à l’échelle nationale) des trois indicateurs pour les OTEX bovins-lait et bovins-viande en 2020, 2021, 2022 (Sources : RICA France 2020-2022/Traitement de l’auteur).

Année

R1 = Production Agricole

(avec aides directes)

/UTA (€)

R2 = Production agricole

(avec aides directes)/

Consommations

intermédiaires

R3 = EBE

/Annuités

Exploitations bovins-lait

2020

134 900

1,77

2,34

2021

142 200

1,84

2,68

2022

177 500

1,89

3,16

Exploitations bovins-viande

2020

86 200

1,92

2,32

2021

94 970

2,02

2,65

2022

100 200

2,03

3,05

Dans un deuxième temps, les exploitations de l’OTEX sont réparties selon huit classes dites de « performances économiques » (tableau 7) selon leur positionnement vis-à-vis de ces valeurs médianes. Ainsi, une exploitation est positionnée en classe 1 si la valeur observée dans l’exploitation pour chacun de ses trois indicateurs (R1e, R2e, R3e) est inférieure à la médiane de l’OTEX (R1m, R2m, R3m). Ces exploitations sont alors dites « faiblement productives » (–), « faiblement efficaces » (–) et « endettées » (–). Inversement, une exploitation relève de la classe 8 dans le cas strictement inverse. Ces exploitations sont dites « productives » (+), « efficaces (+) » et « faiblement endettées » (+).

Tableau 7. Détermination des classes de « performances économiques » selon leur positionnement par rapport aux valeurs médianes des indicateurs R1, R2 et R3.

Classe

Productivité

Efficacité

Endettement

1

2

+

3

+

4

+

+

5

+

6

+

+

7

+

+

8

+

+

+

Productivité : « – » (faiblement productive) si R1e < R1m ; « + » (productive) si R1e > R1m ;
Efficacité : « – » (faiblement efficace) si R2e < R2m ; « + » (efficace) si R2e > R2m ;
Endettement : « – » (endettée) si R3e < R3m ; « + » (peu endettée) si R3e > R3m.

En utilisant les valeurs médianes précisées dans le tableau 6, cette méthode est appliquée ici pour deux OTEX et pour chaque année de la période 2020 à 2022. Une moyenne annuelle est ensuite déterminée sur cette période de trois ans pour donner davantage de robustesse aux résultats (ou être moins sensible aux effets de conjoncture).

3.3. Les exploitations bovins-lait réparties selon huit classes de performances économiques

L’utilisation de cette méthode permet de mettre évidence l’existence d’une forte hétérogénéité de situations économiques parmi les 37 970 exploitations françaises spécialisées en bovins-lait (tableau 8).

Tableau 8. Caractéristiques structurelles et résultats économiques des exploitations françaises spécialisées en bovins-lait selon huit classes de performances économiques (moyenne 2020-2022 ; en euros constants 2022) (Sources : RICA France 2020-2022/Traitement de l’auteur).

Classes de performances économiques

Ensemble

1

2

3

4

5

6

7

8

Nombre d'exploitations

5 190

3 440

3 980

6 370

7 470

2 940

3 160

5 420

37 970

Unité de travail agricole (UTA)

2,00

1,61

2,47

2,12

2,03

1,95

2,11

1,80

2,02

UTA salariée/UTA totales (%)

18

12

29

17

20

17

19

11

18

Superficie agricole utile (ha)

88

66

100

86

122

112

129

114

103

SAU/UTA (ha)

44

41

40

41

60

58

61

63

51

UGB herbivores

92,0

72,6

102,9

82,7

148,9

132,8

143,4

127,6

113,5

UGB herbivores/SFP (UGB/ha)

1,29

1,28

1,18

1,15

1,67

1,67

1,45

1,43

1,41

Nombre de vaches laitières

55,8

45,6

64,0

51,8

88,3

79,1

87,3

75,1

68,6

Production (avec aides) (€)

222 100

177 100

269 200

226 400

445 200

422 100

443 600

378 700

324 000

Production (avec aides)/UTA (€)

111 100

110 200

108 800

107 000

219 300

216 800

210 300

210 400

160 600

Production (avec aides)/CI*

1,55

1,64

2,19

2,22

1,61

1,63

2,06

2,17

1,83

EBE (€)

54 700

53 900

107 700

100 600

130 600

132 500

188 000

174 000

116 900

EBE/UTA non salariée (€)

33 400

38 300

61 500

57 500

81 000

82 000

110 000

108 500

71 300

EBE/Annuités (%)

1,43

4,39

1,94

5,08

1,70

4,07

1,82

4,35

2,47

RCAI/exploitation (€)

16 800

32 500

53 100

66 700

59 400

86 500

92 300

120 200

65 200

RCAI/UTA non salariée (€)

10 200

23 100

30 300

38 100

36 800

53 500

54 000

75 000

39 800

Aides directes (€)

35 600

28 300

42 900

38 300

41 400

38 900

46 400

40 700

39 200

Aides directes/UTA (€)

17 800

17 600

17 400

18 100

20 400

20 000

22 000

22 600

19 400

Aides directes/SAU (€/ha)

404

426

429

443

339

348

359

356

381

Aides directes/RCAI (%)

212

87

81

57

70

45

50

34

60

* CI : consommations intermédiaires

Les 5 190 exploitations de la classe 1 sont très fragiles. En effet, elles dégagent un RCAI par UTANS (10 200 euros) sept fois inférieur à celui des 5 420 unités de la classe 8 (75 000 euros). Avec 2 UTA, 88 hectares, 56 vaches laitières et un faible niveau d’intensification (1,29 UGB herbivore par hectare), ces exploitations sont pénalisées surtout par une faible productivité du travail (R1 = 111 100 euros contre 210 400 euros pour la classe 8). Elles sont, en revanche, bénéficiaires d’un montant d’aides directes voisin (35 600 euros contre 40 700 euros), ce qui constitue un soutien déterminant à leur maintien en activité. Les 5 420 exploitations bovins-lait les plus performantes (classe 8) ont, en moyenne, 114 hectares, 75 vaches laitières et un niveau d’intensification proche de la moyenne de l’OTEX.

Les exploitations de la classe 4 bénéficient d’un meilleur RCAI par UTANS (38 100 euros) que les exploitations de la classe 5 (36 800 euros) en dépit pourtant d’une productivité du travail (R1) nettement inférieure (107 000 euros contre 219 300 euros). Parmi ces exploitations peu productives, mais efficaces et peu endettées, certaines d’entre elles relèvent de systèmes herbagers de montagne bénéficiant de modèles techniques économes et de montants élevés d’aides directes (via notamment les indemnités compensatoires de handicaps naturels). Les exploitations bovins-lait de la classe 2, qui sont faiblement productives, faiblement efficaces et peu endettées sont parfois détenues par des actifs en fin de carrière qui ont de réelles difficultés à séduire des repreneurs. En effet, pour des raisons sociales et économiques, les jeunes préfèrent souvent s’installer dans des structures sociétaires plus productives, plus modernes (présence de robotisation) et ayant démontré une plus grande efficacité technique.

3.4. Les exploitations bovins-viande réparties selon huit classes de performances économiques

Bien qu’il soit conséquent, l’écart moyen de RCAI par UTANS entre les 5 150 exploitations bovins-viande de la classe 1 (400 euros) et les 5 220 exploitations de la classe 8 (43 100 euros) est moins important en valeur absolue que pour d’autres OTEX étudiées. Dans ce secteur productif, il est souvent difficile d’atteindre des hauts niveaux de revenus. Cela s’explique surtout par le fait que la productivité du travail demeure basse comparativement aux autres OTEX. Avec en moyenne 1,47 UTA, 141 hectares et 82 vaches allaitantes, les exploitations de la classe 8 dégagent 133 400 euros de production agricole (avec aides) par UTA (tableau 9).

Tableau 9. Caractéristiques structurelles et résultats économiques des exploitations françaises spécialisées en bovins-viande selon huit classes de performances économiques (moyenne 2020-2022 ; en euros constants 2022) (Sources : RICA France 2020-2022/Traitement de l’auteur).

Classes de performances économiques

Ensemble

1

2

3

4

5

6

7

8

Nombre d'exploitations

5 150

3 380

2 860

6 140

6 250

2 710

3 290

5 220

35 010

Unité de travail agricole (UTA)

1,32

1,31

1,39

1,37

1,35

1,33

1,55

1,47

1,38

UTA salariée/UTA totales (%)

6

4

8

5

10

6

14

7

7

Superficie agricole utile (ha)

85

77

98

85

145

133

167

141

116

SAU/UTA (ha)

64

59

71

62

107

100

108

96

84

UGB herbivores

81

71

82

72

160

146

162

143

114

UGB herbivores/SFP (UGB/ha)

1,04

1,08

0,90

1,00

1,28

1,27

1,12

1,19

1,14

Nombre de vaches allaitantes

51

44

52

46

93

82

95

82

68

Production (avec aides) (€)

87 000

86 200

96 500

92 700

200 300

202 900

213 600

195 600

146 000

Production (avec aides)/UTA (€)

65 700

66 000

69 400

67 800

148 400

152 500

137 800

133 400

105 800

Production (avec aides)/CI

1,59

1,70

2,34

2,57

1,65

1,74

2,28

2,43

1,97

EBE (€)

19 400

26 200

40 400

45 600

54 000

66 500

89 800

92 200

53 600

EBE/UTA non salariée (€)

15 600

20 800

31 500

35 200

44 600

52 900

67 000

67 500

41 900

EBE/Annuités (%)

1,15

5,32

1,60

6,69

1,35

4,16

1,69

4,76

2,38

RCAI/exploitation (€)

500

12 400

16 000

31 000

15 000

38 800

43 800

58 800

26 600

RCAI/UTA non salariée (€)

400

9 900

12 500

23 900

12 400

30 900

32 700

43 100

20 800

Aides directes (€)

39 300

37 600

47 300

43 100

61 100

58 400

70 400

63 400

52 300

Aides directes/UTA (€)

29 700

28 800

34 100

31 500

45 300

43 900

45 400

43 300

37 900

Aides directes/SAU (€/ha)

464

490

481

506

421

439

422

450

452

Aides directes/RCAI (%)

>1 000

303

295

139

406

151

161

108

197

Pour les exploitations bovins-viande, les aides directes représentent plus de 100 % du RCAI pour toutes les classes de performances économiques, avec même plus de 290 % pour les exploitations des classes 1, 2, 3 et 5. Si les exploitations bovins-viande des classes 6, 7 et 8 parviennent à rémunérer un minimum leur main-d’œuvre (RCAI par UTANS supérieur à 30 000 euros), une baisse soudaine des aides directes aurait de graves répercussions économiques et sociales, sauf à considérer que celle-ci donne lieu en contrepartie à une amélioration des prix de vente des produits commercialisés.

Conclusion

Ce travail portant sur le revenu des agriculteurs français sur une période longue (2010-2022) a permis, tout d’abord, de mettre en évidence l’existence d’écarts importants de revenus entre les orientations de production. Les exploitations spécialisées dans les productions d’herbivores (bovins-viande, ovins-caprins et bovins-lait) dégagent en moyenne des revenus par UTA salariée nettement inférieurs aux exploitations les mieux positionnées que sont celles de grandes cultures, de viticulture ou de production porcine. Ces moyennes ne doivent pas masquer le fait que cette hiérarchie peut parfois être différente pour une année civile donnée.

Cette analyse a ensuite permis de mettre en évidence le rôle clé de trois indicateurs sur le niveau des revenus, à savoir la productivité du travail (R1 = production agricole avec les aides/UTA), l’efficience productive (R2 = production agricole avec les aides/consommations intermédiaires) et la capacité de l’exploitation à faire face à ses engagements financiers (EBE/annuités). Les écarts de revenus sont appréciés ici toutes OTEX confondues dans une grille typologique permettant de répartir les exploitations agricoles françaises au sein de 64 cases. Cette grille est non seulement un moyen de discuter de l’hétérogénéité des performances, mais elle peut aussi être utilisée par un agriculteur pour réfléchir à son propre chemin de progrès. Si son ambition est d’obtenir un très haut niveau de revenu, c’est-à-dire être positionné dans le meilleur décile de son OTEX, il lui faudra nécessairement atteindre un haut niveau de productivité du travail. Au demeurant, de nombreux agriculteurs ne cherchent pas nécessairement à atteindre ce meilleur décile car une moindre productivité du travail présente aussi quelques avantages au quotidien. Le spectre des sources de satisfaction professionnelle est, comme dans tous les métiers, large et ne peut se limiter à la seule recherche de l’optimisation du profit.

Cette réflexion a enfin offert l’opportunité de mettre en lumière et de discuter de la grande hétérogénéité des résultats économiques au sein de chaque OTEX. La méthode proposée pour ce faire se révèle être efficace pour identifier des écarts de revenus et les relier au positionnement des exploitations sur les trois indicateurs précités. Il en ressort notamment que, lorsque les exploitations agricoles ont une faible productivité du travail (R1 inférieur à la médiane de l’OTEX), elles ne peuvent parvenir à dégager un revenu « convenable » que lorsque le positionnement est bon sur les deux autres indicateurs (R2 et R3 supérieurs à la médiane de l’OTEX). Sans surprise, les exploitations qui parviennent à se situer simultanément du bon côté de la médiane pour les trois indicateurs dégagent de « bons niveaux » de revenus.

Les écarts de revenus entre les exploitations agricoles ont plutôt augmenté, et pour chaque OTEX, au cours de la période étudiée si l’on considère, pour en juger, l’écart de RCAI par UTA non salariée entre le premier et le dernier décile (écart exprimé en valeur absolue). L’année 2022, qui correspond à la meilleure année des 13 années considérées (2010 à 2022) pour le revenu moyen des agriculteurs français, est aussi celle où l’écart entre les deux déciles précités a été le plus grand. En effet, quand les prix agricoles sont élevés, les exploitations productives et performantes creusent nettement l’écart avec les autres. Les écarts de revenus entre les déciles extrêmes ou entre les huit classes de performances économiques identifiées précédemment sont moins importants pour les exploitations spécialisées dans les productions d’herbivores, les plus performantes d’entre elles (dernier décile ou classe 8) ayant un revenu moyen nettement inférieur à celui de leurs homologues relevant des autres OTEX.

La crise agricole observée au début de l’année 2024 a donné lieu, dans les médias, au sein des organisations agricoles et dans les instances politiques, à de nombreuses réflexions et prises de parole, plus ou moins bien calibrées. Pour les citoyens qui connaissent mal le secteur agricole, son économie et ses indicateurs comptables, il doit d’ailleurs souvent être difficile de se forger une opinion sur la réalité de la situation économique des agriculteurs. Cette difficulté peut s’expliquer de différentes manières : i) le revenu agricole dégagé dans une exploitation ne correspond ni aux prélèvements privés de l’exploitant (cette notion étant plus proche de celle du salaire pour un employé), ni au revenu du ménage agricole (notion plus large qui intègre tous les revenus du ménage dont ceux issus de l’exploitation) ; ii) le revenu agricole peut varier considérablement d’une année à l’autre, si bien que rares sont les années où un secteur productif en particulier n’est pas en crise. Or, comme l’on parle le plus souvent de ces secteurs en crise, on peut avoir le sentiment – ce qui est une erreur – que l’agriculture au sens large serait toujours en crise ; iii) pour aller à l’essentiel dans l’expression médiatique, il est trop fréquemment fait référence aux revenus moyens des agriculteurs ou aux situations les plus dramatiques, sans que l’on insiste suffisamment, comme cela est fait ici, sur les écarts de revenus entre eux.

Ce texte n’avait pas pour ambition de juger ou de qualifier le niveau de revenu des agriculteurs français. Chacun peut d’ailleurs se faire, sur cette notion, sa propre opinion. Pour certains actifs agricoles, un RCAI par UTA non salariée de 40 000 euros sera jugé trop faible alors que, pour d’autres, il sera jugé satisfaisant. Cette perception dépend de nombreux paramètres dont les origines sociales, la structure du ménage, l’âge, le montant des capitaux investis, l’intensité du travail au quotidien, etc. Pour autant, et alors que de très nombreux agriculteurs vont partir à la retraite d’ici dix ans, il serait hasardeux d’imaginer que la France sera en capacité de maintenir une agriculture vivante, performante et soucieuse de son environnement sans un minimum de bonne rémunération de ses agriculteurs. Dans cet esprit, et sans trancher sur les réponses à y apporter, trois questions émergent. Est-il possible de réduire les écarts de revenus en agriculture en accompagnant davantage les agriculteurs les plus fragiles par le développement agricole (amélioration des performances techniques), le ciblage des aides directes ou le refus de financer les projets d’installation peu crédibles ? Est-il nécessaire de mieux communiquer auprès des jeunes agriculteurs sur les indicateurs clés qui déterminent un bon chemin de performances économiques à long terme ? Est-il possible de payer un peu mieux les produits agricoles commercialisés par les agriculteurs français sans que cela ne s’accompagne d’une hausse des importations et d’une baisse des exportations de produits agricoles et agroalimentaires ?

Remerciements

Cet article s’inscrit dans le cadre du Réseau mixte technologique Filarmoni (économie des filières alimentaires). Mes remerciements aux collègues membres du projet de recherche Agr’Income (https://smart.rennes.hub.inrae.fr/contrats-de-recherche/agr-income) pour les travaux et échanges portant sur la question des revenus en agriculture.

Notes

  • 1. Dans une exploitation donnée, la PBS totale est déterminée en multipliant chacune de ses données de structure, exprimées en hectare (exemple : hectare de blé tendre, hectare de maïs grain…) et/ou en tête d'animal (nombre de vaches laitières, nombre de vaches allaitantes…) par un coefficient de production standard (CPS). Ce coefficient, qui représente la valeur de la production potentielle (hors aide), est exprimé en euros selon un montant qui diffère en fonction des régions (du moins quand cette régionalisation a un sens). Ces CPS correspondent donc à une estimation et ne constituent pas des résultats économiques observés.
  • 2. Entre 2010 et 2022, la valeur des CPS a parfois été réajustée par les services statistiques compétents ce qui induit une certaine rupture de série, en ce sens que certaines exploitations peuvent, du fait de cette modification, changer d’OTEX. Dans ce travail, il n’a pas été privilégié pour définir les OTEX de raisonner à CPS constant sur l’ensemble de la période étudiée (2010-2022).
  • 3. Selon Eurostat, la durée minimale du travail pour que le travail soit considéré à plein temps est définie dans les dispositions nationales régissant les contrats de travail. Si aucun nombre d’heures n’est précisé par la législation nationale, le nombre minimal d’heures de travail par an est réputé être de 1 800 heures, soit 225 journées de travail de huit heures chacune. Aucune personne ne peut représenter plus d'une UTA. Pour les personnes, y compris salariées, qui réalisent moins de 1 800 heures par an, un prorata est appliqué. Le calcul des UTANS ne tient donc pas compte du fait que certains agriculteurs (souvent les éleveurs) travaillent au-delà de ce seuil.
  • 4. La « production agricole » étant définie comme la somme de la production vendue (ventes d’animaux, de produits d’animaux, de produits végétaux bruts, de produits végétaux transformés, de produits horticoles), des variations de stocks de produits, de la production immobilisée, de la production autoconsommée, des travaux à façon, des pensions d’animaux, des terres louées prêtes à semer, des produits liés à des locations et des produits issus de l’agritourisme. Les achats d’animaux viennent, quant à eux, en déduction.

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Résumé

En utilisant les données du Réseau d’information comptable agricole (RICA) sur la période 2010 à 2022, cet article présente une analyse de l’évolution des revenus des exploitations agricoles françaises et de leur dispersion. L’indicateur utilisé pour en rendre compte est le résultat courant avant impôt (RCAI) par unité de travail agricole (UTA) non salariée. Dans un premier temps, l’analyse est conduite toutes orientations de production confondues. Elle met en évidence une forte variabilité interannuelle du revenu moyen des agriculteurs français, avec un pic à 55 800 euros en 2022 et un creux à 21 300 euros en 2016 (pour une moyenne de 34 100 euros par an sur la période 2010-2022). Une grille typologique distinguant 64 cases est ensuite proposée pour démontrer l’influence de trois indicateurs essentiels sur le niveau des revenus, à savoir « la productivité du travail », « l’efficience productive » et « la capacité de l’exploitation à faire face à ses engagements financiers ». Dans un deuxième temps, l’analyse est menée selon les orientations de production. Tout en rendant compte des écarts internes à chacune d’elles, ce travail démontre que le revenu moyen dégagé dans les exploitations spécialisées en productions de ruminants est, dans une approche de long terme, clairement inférieur à celui obtenu dans d’autres orientations de production telles que les grandes cultures, la viticulture ou la production porcine. En combinant les trois indicateurs précités, une méthode permet enfin de répartir les exploitations bovins-lait et bovins-viande selon huit classes dites de « performances économiques ».

Auteurs


Vincent CHATELLIER

vincent.chatellier@inrae.fr

Affiliation : INRAE, UMR SMART, 44300, Nantes

Pays : France

Pièces jointes

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