Améliorer l’utilisation des graines oléo-protéagineuses par l’extrusion : un enjeu technologique pour contribuer à l’autonomie protéique des élevages bovins laitiers
Chapeau
Les graines protéagineuses (féverole, lupin…) constituent une alternative au tourteau de soja pour alimenter les ruminants à forts besoins en protéines, mais elles sont moins bien valorisées à l’état de graines crues. Dans quelle mesure les traitements thermomécaniques de type extrusion permettent-ils d’en améliorer la valorisation par les ruminants pour les rendre réellement compétitives sur le plan nutritionnel par rapport au soja ?
Introduction
Une large partie des besoins en protéines des ruminants peut être couverte par des ressources fourragères n'entrant pas en compétition avec l'alimentation humaine. Toutefois, la capacité d'ingestion des animaux les plus producteurs est limitante pour couvrir leurs besoins avec les seuls fourrages. Une complémentation est donc nécessaire pour satisfaire ces besoins (INRA, 2018). Cette complémentation, pour s'inscrire dans une perspective de durabilité, doit s'intégrer dans un contexte non compétitif avec l'alimentation humaine et/ou dans un contexte de circularité biologique (rotations culturales) ou économique (coproduits) (Mottet et al., 2017). Ainsi, l'utilisation de tourteaux de graines oléo-protéagineuses importées issues de la déforestation (Karstensen et al., 2013) ne peut être considérée comme un modèle durable. Le développement de filières de matières premières riches en protéines (graines oléo-protéagineuses) s'inscrivant dans un itinéraire cultural pérenne est plus que jamais un enjeu important.
Parallèlement, la bonne valorisation de ces ressources par les ruminants implique que les protéines soient peu dégradables dans le rumen, très digestibles dans l’intestin grêle, et avec un profil équilibré en acides aminés. En effet, d’une part, une dégradation excessive des protéines dans le rumen conduit à une perte d’azote par voie urinaire, et d’autre part, une faible digestibilité intestinale se traduit par une excrétion de protéines dans les fèces. Un déséquilibre en acides aminés peut également limiter l’efficience d’utilisation des protéines absorbées (INRA, 2018). Différentes stratégies peuvent être envisagées pour atteindre ces caractéristiques nutritionnelles, mais les plus prometteuses – en exceptant les traitements chimiques - concernent le choix des variétés, les traitements technologiques (mécaniques et/ou thermiques), et le choix de matières premières ou d’additifs contenant des composés biologiques d’intérêt (tannins, huiles essentielles). L’innovation variétale, ainsi que les évolutions techniques des procédés de traitement des graines permettent d’envisager des progrès importants dans le développement de solutions contribuant à améliorer l’autonomie protéique pour les ruminants à fort potentiel.
C'est dans ce contexte qu'a été mis en place le projet Proleval, avec un triple enjeu : i) résoudre le déficit européen en matières premières riches en protéines pour réduire les importations de soja, ii) répondre aux attentes environnementales, telles que la réduction de la déforestation, la diversification des cultures et l'amélioration de la biodiversité cultivée, la réduction de l'utilisation d'engrais azotés et de produits phytosanitaires, etc., et iii) rendre pérenne et économiquement viable ce modèle agricole et alimentaire durable. Ce texte, construit en trois parties, a pour objectif de faire le point sur les sources de matières premières riches en protéines pour l'alimentation animale et les ruminants en particulier (partie 1), de présenter les résultats disponibles dans la bibliographie sur l'effet des traitements technologiques sur les graines oléo-protéagineuses (partie 2), et de synthétiser les apports de connaissances que le projet Proleval a permis, sur l'utilisation digestive des graines protéagineuses crues ou traitées, et leur valorisation par la vache laitière (partie 3).
1. L’autonomie protéique en France
1.1. État des lieux des sources de protéines pour l’alimentation animale en France
La France est importatrice nette de MRP (Matières Riches en Protéines contenant plus de 15 % de protéines) depuis plus de 50 ans (Terres Univia, 2021). Si le secteur français de l’alimentation animale consomme depuis 2000, entre 3 et 3,5 Mt par an de protéines issues des MRP, elle importe entre 37 et 50 % de ce qu’elle consomme. Pourtant, la France dispose d’un large panel de cultures riches en protéines. En effet, avec des surfaces totales en oléo-protéagineux variant chaque année entre 2,1 et 2,6 M ha depuis 2010 (de 1,8 à 2,3 M ha en oléagineux, colza, tournesol et soja et de 190 à 400 000 ha en protéagineux, pois, féverole et lupin), la France produit, selon les années, des volumes compris entre 5 et 7 Mt de graines d’oléagineux et 0,6 et 1,6 Mt de protéagineux. Les graines de colza et tournesol, dont les teneurs en matières grasses dépassent les 40 % font l’objet d’une trituration pour en extraire l’huile de façon plus ou moins poussée et conduisant par voie de conséquence à une augmentation de la concentration en protéines des tourteaux générés (déshuilés ou expellers, éventuellement décortiqués). Les procédés de trituration permettent également de réduire la solubilité des protéines de ces MRP. La production française de graines de soja est passée de 100 à 450 000 t environ entre 2010 et 2021 et plus de 600 000 t de graines sont importées tous les ans pour être triturées en France. Par ailleurs, près de 3 Mt de tourteau de soja sont également importées. Quant aux graines de pois et féverole, leurs usages en alimentation humaine se développent, mais le solde disponible pour l’alimentation animale ne dépasse pas pour l’instant les 300 000 t par campagne. Toutes ces MRP constituent les principales sources de protéines concentrées (hors céréales) pour l’ensemble des filières animales qui les captent en fonction de leurs caractéristiques nutritionnelles, mais aussi selon leurs prix relatifs au sein d’un panier de MRP, dont les cours suivent ceux du tourteau de soja.
Ces MRP, même produites en quantités insuffisantes par rapport aux besoins, permettent à la France d’afficher une autonomie protéique en MRP proche de 50 % alors que celle de l’UE ne dépasse pas 30 %.
1.2. Les leviers pour limiter la dépendance chez les ruminants
Pour limiter la dépendance aux MRP dans l’alimentation des ruminants, plusieurs leviers existent à différents niveaux. Le premier levier se situe au niveau de l’exploitation et de la ration de base. En effet, l’accroissement de la production de protéines fourragères en élevage, en privilégiant les prairies à base de légumineuses ou les méteils composés de mélanges de céréales et protéagineux, permet de disposer de rations de base plus équilibrées et nécessitant moins de correcteurs azotés. Les autres leviers se situent au niveau du choix des MRP introduites dans les aliments concentrés pour ruminants qu’ils soient autoconsommés, achetés en l’état ou incorporés dans des aliments composés.
Depuis plus de 30 ans, des travaux ont été menés à différents niveaux – notamment en France, avec INRAE, les instituts techniques animaux et en particulier l’Idele, les fabricants d’aliments composés, le Comité National des Coproduits, mais aussi les triturateurs et l’atelier pilote de Terres Inovia – pour augmenter l’autonomie protéique nationale en réduisant l’utilisation du tourteau de soja d’importation. En effet, la filière des graines oléo-protéagineuses est freinée par le manque de connaissances sur les systèmes de production incluant ces cultures de légumineuses, et sur les conditions de transformation garantissant la valorisation des graines par les animaux. Ainsi, un des leviers est génétique, il consiste à sélectionner des variétés d’oléo-protéagineux permettant de produire des graines à plus fortes teneurs en protéines. Cependant, de tels travaux doivent s’inscrire dans la durée du fait des délais nécessaires à l’obtention de nouvelles variétés améliorées.
Un autre levier est l'étude d'itinéraires culturaux permettant d'améliorer les rendements. L'étude des traitements technologiques pour concentrer les protéines des graines oléo-protéagineuses, ou encore diminuer leur solubilité, constitue également un levier. Par exemple, des procédés de décorticage et dépelliculage de la graine de féverole ont été testés, ainsi que différentes conditions de trituration des graines, pour concentrer les protéines dans le tourteau produit obtenu. Pour diminuer la dégradabilité des protéines dans le rumen, et ainsi augmenter la part de protéines « by-pass » (qui transitent sans être dégradées dans le rumen), différents traitements mécaniques (Froidmont et al., 2008 ; Cherif et al., 2018), thermiques (Singh et al., 1995 ; Mogensen et al., 2010) ou thermomécaniques (Petit et al., 1997 ; Solanas et al., 2005) peuvent être appliqués aux graines oléo-protéagineuses. Le projet Proleval (encadré 1) s'est inscrit dans cet objectif de contribuer à la mise en place d'une filière française de production et de transformation de graines oléo-protéagineuses pour alimenter les animaux de rente.
Encadré 1. Le projet Proleval.
Le projet Proleval pour « PROtéagineux, oLEagineux, VALorisation animale », conduit par Valorex en partenariat avec INRAE (Institut National de la Recherche Agronomique et de l’Environnement) et les coopératives agricoles Terrena et Dijon Céréales, s’est inscrit dans la perspective d’améliorer significativement l’autonomie protéique dans l’alimentation des animaux d’élevage. Il a été programmé pour une durée de 6 ans (2015-2021) et un budget total de 17 millions d’euros.
Son objectif était de contribuer à la mise en place d’une filière française de production et de transformation de graines oléo-protéagineuses (féverole, lupin, pois et lin) pour alimenter les animaux de rente (monogastriques, ruminants et poissons). Pour atteindre cet objectif, les défis étaient de contribuer à la création de nouvelles sources de protéines végétales pour l’alimentation animale grâce au développement de variétés et d’itinéraires culturaux adaptés aux besoins ; d’améliorer la valeur nutritionnelle des graines oléo-protéagineuses pour la nutrition animale grâce à des procédés technologiques adaptés aux différentes espèces végétales et animales ; et enfin d’assurer un meilleur consentement à payer de la part du consommateur pour ces modes de productions végétale et animale, grâce à un bénéfice permis par l’amélioration de la qualité nutritionnelle des produits animaux pour l’homme.
Ce projet intégrait donc à la fois un volet végétal de production des graines protéagineuses (études d’itinéraires culturaux et de choix de variété) et un volet transformation (étude de procédés technologiques adaptés aux graines produites), afin d’orienter la production et la sélection en fonction des usages (espèces animales, procédés) et faire en sorte de rendre complémentaires et synergiques les choix de variétés végétales et les choix de transformation, pour optimiser les valeurs nutritionnelles des graines, et association de graines, pour l’alimentation des monogastriques et des ruminants. Un volet d’expérimentations animales complétait le dispositif afin de tester les effets des combinaisons les plus prometteuses entre ces graines et ces traitements sur les performances animales (ingestion et digestion des graines, et réponses de production des animaux).
2. Analyse bibliographique des effets des traitements technologiques sur l’utilisation des graines protéagineuses
2.1. Utilisation digestive
L'utilisation digestive des protéines des graines peut être appréciée par la mesure in situ de la dégradabilité dans le rumen et la digestibilité réelle dans l'intestin des aliments ou par la mesure in vivo de leur digestion à travers la teneur en ammoniaque dans le rumen et le flux de protéines alimentaires à la sortie du rumen. Les données disponibles dans la littérature pour la féverole, le lupin et le pois, crus ou traités, ont été regroupées dans deux bases de données (in situ et in vivo, 36 et 32 publications respectivement) décrites par Mendowski et al. (2021), et ont été complétées par les derniers résultats du projet Proleval. Les données in vivo ont été obtenues chez des vaches en pleine lactation (94 ± 44 jours) produisant en moyenne 31,5 ± 4,7 kg de lait/jour (min = 21,6 ; max = 41,0) avec des rations à base de fourrages conservés (maïs ou herbe) comprenant 44 ± 14 % de concentré. Les traitements étudiés étaient des procédés thermiques (cuisson sèche, cuisson à la vapeur, toastage/torréfaction), thermomécaniques (floconnage, expansion, extrusion, autoclavage), ou biochimiques (tannage). Les publications étant généralement ciblées sur une seule graine, les données disponibles ne permettaient pas d'étudier les interactions entre les effets de la « graine » et du « traitement ». Les données ont donc été analysées quantitativement pour chaque publication en comparant le traitement expérimental et le traitement témoin : graine crue vs tourteau de soja, et pour chacun des traitements technologiques, graine traitée vs tourteau de soja, et pour chaque graine (traitée vs crue). Le détail des résultats a été décrit par Mendowski et al. (2021). Seules les principales conclusions sont rapportées et discutées ici.
a. Digestion in situ
Les graines crues ont une dégradabilité théorique des protéines (DT6_N) plus élevée que celle du tourteau de soja (en moyenne 78 vs 61 %, respectivement, figure 1A. Les tables INRAE-CIRAD-AFZ (2021) et INRA (2018), conçues à partir d’une approche différente sur un corpus de données plus large, rapportent même des écarts plus élevés (respectivement, DT6_N = 82, 86 et 86 % pour la féverole, le lupin et le pois respectivement, vs 63 % pour le tourteau de soja).
La plupart des traitements des graines permettent de diminuer la dégradabilité des protéines dans le rumen (figure 1B). Cette diminution est en moyenne de 14 points, avec un effet plus marqué de l'autoclavage, de l'extrusion et du toastage. Les tables INRA 2018 rapportent des effets de l'extrusion encore plus marqués, qui peuvent s'expliquer par la variabilité des modalités mises en œuvre pour extruder les graines (cf. § 3.1.), mais ces modalités sont malheureusement très peu décrites dans les publications. La réponse de la dégradabilité des protéines de lupin aux traitements thermiques ou hydrothermiques semble être plus élevée que celle des autres graines, ce qui, couplé avec sa teneur en protéines plus élevée, a un impact positif notable sur le flux de protéines entrant dans l'intestin d'origine alimentaire (PIA, encadré 2), c'est-à-dire échappant à la dégradation dans le rumen (+ 55 g PIA/kg MS, n = 61). Le bénéfice semble moins marqué sur la féverole (+ 18 g, n = 25), et on manque cruellement de données sur le pois (n = 6). Cette comparaison indirecte rejoint les résultats de comparaisons directes : la réponse de la dégradabilité des protéines est plus marquée pour le lupin que pour la féverole avec l'autoclavage (Aguilera et al., 1992), l'extrusion (Chapoutot et al., 2016) et le toastage (Goelema, 1999), et plus marquée pour le lupin que pour le pois avec l'extrusion (Aufrère et al., 2001) et le toastage (Goelema et al., 1998 ; Goelema, 1999).
Figure 1. Variations de la dégradabilité (DT6_N) et de la digestibilité réelle (dr_N) de l'azote des graines protéagineuses (A : graine comparée au tourteau de soja ; B : graine traitée comparée à la graine crue), (Synthèse des données publiées, d'après Mendowski et al., 2021).
Chaque symbole vide (○) correspond à une comparaison ; les symboles pleins (●) correspondent à la moyenne des comparaisons, et la barre horizontale à l’écart-type ; les étoiles (*) correspondent aux comparaisons issues du projet Proleval.
Les données de digestibilité réelle (dr_N) sont plus éparses, mais permettent de conclure que si la dr_N est plus faible pour les graines crues que pour le tourteau de soja (figure 1A), les traitements thermiques permettent de l’augmenter (en moyenne + 10, + 12 et + 4 points de dr_N pour la féverole, le lupin et le pois, respectivement, figure 1B), ce qui suggère que les traitements protègent les protéines de la dégradation dans le rumen par des mécanismes réversibles dans la caillette, favorisant ainsi l’hydrolyse intestinale et donc l’absorption des acides aminés dans l’intestin grêle.
Certaines combinaisons « graine × traitement » permettent d’atteindre une dégradabilité des protéines similaire ou inférieure à celle du tourteau de soja (figure 1A). C’est le cas en particulier des graines de féverole et de lupin extrudées, de féverole, de lupin et de pois autoclavées, et des graines de lupin torréfiées. Mais, en raison de la teneur en protéines des protéagineux largement plus faible, leur valeur PIA reste inférieure à celle du tourteau de soja (écart de – 66 g/kg MS en moyenne) ; les rares comparaisons sur la digestibilité réelle conduisent à des valeurs de dr_N des graines traitées comparables à celle du tourteau de soja, de sorte que les écarts sur les PDIA (en moyenne – 60 g/kg MS) restent quand même favorables au tourteau de soja.
Encadré 2. Rappel sur l’estimation de la valeur PDIA des aliments.
MAT : matières azotées totales (N ⨯ 6,25 dans les aliments)
DT_N : dégradabilité théorique de l’N (%) mesurée in situ dans le rumen
DT6_N : DT_N calculée avec un taux de renouvellement des particules de 6 %/h
PIA : protéines alimentaire arrivant dans l’intestin
PIA = MAT ⨯ (1-DT_N/100)
dr_N : digestibilité réelle des PIA (%) mesurée in situ dans l’intestin
PDIA : protéines alimentaires digestibles dans l’intestin
PDIA = PIA ⨯ dr_N/100 = MAT ⨯ (1-DT_N/100) ⨯ dr_N/100
b. Digestion in vivo
Les comparaisons sont basées sur des essais chez des vaches laitières recevant des régimes iso-protéiques, pour la plupart ad-libitum ou sub ad-libitum. La substitution entre le régime expérimental et le régime témoin correspond en moyenne à 39 % des MAT de la ration. Cette substitution n’induit pas de variation de l’ingestion, ce qui sous-tend que les graines protéagineuses, y compris traitées, n’induisent pas de problème de palatabilité.
Dans ces conditions de comparaison de régimes iso-protéiques, la teneur en ammoniaque du jus de rumen est un bon indicateur de la dégradation des protéines. La substitution du tourteau de soja par des graines protéagineuses crues se traduit comme attendu par une augmentation de la teneur en ammoniaque du jus de rumen (figure 2A), cette augmentation étant d'autant plus importante que la proportion des protéines substituées est élevée (en moyenne, + 75 mg NH3/litre par point– % des MAT de la ration apportées par la graine crue, Mendowski et al., 2021). Ce résultat traduit la plus forte dégradabilité des protéines des graines protéagineuses crues. Ce phénomène est confirmé par d'autres indicateurs comme l'augmentation de la proportion d'Acides Gras Volatils (AGV) ramifiés observée avec la féverole. Le traitement des graines permet de limiter cette augmentation d'ammoniaque dans le rumen (figure 2B). Même si quelques résultats épars indiquent une réponse inverse (floconnage du pois, Focant et al., 1990), cet effet est assez systématique, en particulier avec l'extrusion qui est le traitement le plus documenté. La teneur en ammoniaque du jus de rumen reste toutefois plus élevée avec les graines traitées qu'avec le tourteau de soja (figure 2A) ; seuls deux essais, avec du pois extrudé et du pois expansé, permettent de ramener les teneurs en ammoniaque au niveau de celui observé avec le tourteau de soja.
Les mesures directes de flux d'azote non ammoniacal non microbien transitant au duodénum (correspondant à la somme de l'azote alimentaire non dégradé dans le rumen, c'est à dire aux PIA estimés in situ, et de l'azote endogène) sont rares et peu précises. Les données disponibles permettent toutefois de valider les tendances prévues à partir des mesures in situ ou des mesures in vivo de l'ammoniaque dans le rumen. En effet, ce flux tend à diminuer lorsque le pois cru se substitue au tourteau de soja (Khorasani et al., 2001), et à augmenter lorsque la graine extrudée se substitue à la graine crue pour la féverole (Benchaar et al., 1994b), le lupin (Benchaar et al., 1994a) ou le pois (Focant et al., 1990).
Figure 2. Variations de la teneur en ammoniaque (NH3) du rumen, et de la quantité d'azote (N) sécrété dans le lait de vache (Comparaisons iso-MAT : A : graine comparée au tourteau de soja ; B : graine traitée comparée à la graine crue), (Synthèse des données publiées, d'après Mendowski et al., 2021).
Chaque symbole vide (○) correspond à une comparaison ; les symboles pleins (●) correspondent à la moyenne des comparaisons, et la barre horizontale à l’écart-type ; les étoiles (*) correspondent aux comparaisons issues du projet Proleval.
2.2. Production laitière
La synthèse des données disponibles indique qu'en substituant du tourteau de soja par de la féverole crue, la production laitière tend à diminuer (– 0,5 kg/j). Par contre, dans les autres essais de substitution du tourteau de soja par de la féverole extrudée, lupin cru, extrudé ou cuit, pois cru, extrudé ou expansé, il n'apparaît pas de différence significative. De même, dans les comparaisons entre graines de féverole ou de pois crues et traitées, la production laitière n'augmente pas significativement. La production laitière augmente dans les rares essais où le lupin expansé ou tanné remplace le lupin cru (Emile et al., 1991 ; Pieper et al., 2006).
a. Les protéines du lait
La synthèse des données disponibles permet de dégager quelques tendances intéressantes cohérentes avec les variations d'apport PDI induites par la substitution du soja par les graines crues (diminution), et par le traitement des graines (augmentation). La substitution du tourteau de soja par des graines crues (n = 32, figure 2A) conduit à une diminution des protéines sécrétées dans le lait (– 28 g/j en moyenne) et de l'efficience d'utilisation de l'azote (azote du lait/azote ingéré, – 0,57 g/100 g en moyenne), qui s'accompagne d'une légère diminution du taux protéique (– 0,76 g/kg en moyenne). Lorsque les graines sont traitées (n = 27, figure 2B), les protéines sécrétées dans le lait et l'efficience d'utilisation de l'azote tendent à augmenter (respectivement, + 26 g/j et 0,43 g/100 g en moyenne). Les résultats les plus significatifs concernent l'extrusion de la féverole et du lupin : le transfert des protéines dans le lait augmente avec la proportion de protéines traitées dans la ration. L'augmentation est en moyenne de 6 g/jour de protéines dans le lait, quand la proportion des MAT de la ration apportées par la graine traitée augmente de 10 g/100 g (Mendowski et al., 2021). Comme observé sur les valeurs PDI, la sécrétion de protéines dans le lait et l'efficience d'utilisation de l'azote restent cependant plus faibles avec les graines traitées qu'avec le tourteau de soja (respectivement, – 15 g/j et – 0,36 g/100 g en moyenne, n = 16), en particulier en raison d'un taux protéique du lait plus faible (– 1,2 g/kg en moyenne).
D'une manière générale, les essais de substitution entre tourteau de soja, graines crues et graines traitées, comportent deux biais potentiels qu'il est difficile de quantifier précisément à partir des informations disponibles dans les publications. Le premier concerne l'effet de l'apport énergétique. En effet, si les comparaisons sont systématiquement en situation iso-protéique, elles ne sont pas systématiquement iso-énergétiques, en particulier en raison du rapport UFL/MAT plus élevé pour les graines protéagineuses que pour le tourteau de soja. Le deuxième concerne la fourniture d'acides aminés indispensables. Les graines protéagineuses sont particulièrement pauvres en méthionine (et en lysine dans le cas du lupin), ce qui peut rendre les rations riches en ces graines limitantes en ces acides aminés. De plus, le traitement de ces graines, en accroissant leur valeur PDI, diminue leurs valeurs MetDI (voire LysDI), exprimées en % des PDI, ce qui peut accentuer ce phénomène. Ainsi, Pereira et al. (2017) ont mis en évidence que la supplémentation en lysine et méthionine protégées d'un régime riche en pois permet d'accroître le taux protéique du lait. De même, Joch et Kudrna (2020) ont observé que la substitution du tourteau de soja par du lupin cru supplémenté avec de la méthionine protégée n'induit pas de chute du taux protéique. Cependant, les teneurs en MetDI des rations par rapport aux recommandations (2,4 % des PDI, INRA, 2018) sont rarement rapportées dans les publications. Pour les données disponibles, on peut estimer que ces biais liés au niveau énergétique ou ces incertitudes sur les apports MetDi dans la ration peuvent avoir un impact de l'ordre de 15 g de protéines sécrétées dans le lait par jour (INRA, 2018).
b. Les matières grasses du lait
Les graines oléo-protéagineuses se différencient à la fois par leur teneur en Matières Grasses (MG) et leur composition en Acides Gras (AG), (Halmemies-Beauchet-Filleau et al., 2018 ; INRA-CIRAD-AFZ, 2021). Ainsi, le lupin est plus riche en extrait éthéré que la féverole et le pois (respectivement, 96, 15 et 14 g/kg MS), et son AG majoritaire est l'acide oléique (C18:1cis9, 49 vs 26 et 25 % des AG totaux pour le lupin, la féverole et le pois, respectivement). La féverole et le pois se caractérisent par leur richesse en acide linoléique (C18:2n-6) par rapport au lupin (respectivement, 51 et 49 vs 15 % des AG totaux). Enfin, le lupin et le pois sont plus riches en acide linolénique (C18:3n-3) que la féverole (respectivement, 8 et 9 vs 3,5 % des AG totaux).
Les données disponibles dans la bibliographie présentent des comparaisons entre régimes iso-protéiques, mais les teneurs de ces régimes en extrait éthéré ou en AG totaux sont très rarement renseignées. Ainsi, il est fort probable que les régimes comparant tourteau de soja et graines ne soient pas iso-lipidiques, en particulier avec le lupin (ratio MG/MAT = 3, 5, 25 et 6 g MG/100 g MAT respectivement, pour le tourteau de soja, et les graines de féverole, lupin et pois).
Il ressort de la synthèse de la littérature que la substitution du tourteau de soja par de la féverole ou du lupin (figure 3A) ne modifie pas le taux butyreux, que ce soit avec une graine crue ou traitée (n = 10 et n = 2 pour la féverole crue et extrudée, n = 10, n = 2 et n = 13 pour le lupin cru, extrudé et cuit). En revanche, le remplacement de la graine crue par la graine extrudée diminue le taux butyreux (figure 3B) : respectivement, – 2,7 et – 4,7 g/kg pour la féverole (n = 5) et le lupin (n = 4). Ces derniers résultats sont issus du projet Proleval et seront donc détaillés dans le paragraphe suivant. Le taux butyreux diminue si la féverole est toastée ou cuite (respectivement, – 2,7 g/kg, n = 5, ou – 1,6 g/kg, n = 4).
Parmi les études regroupées dans la synthèse, il existe peu de données relatives aux profils en AG du lait. La substitution du tourteau de soja par du lupin diminue dans le lait la proportion du C16:0 et augmente celle des AG longs (C20:0 et C22:0) (Froidmont et Bartiaux-Thill, 2004). Le toastage de la féverole (par rapport à la graine crue) a un effet mineur sur la composition en AG du lait, mais favorise l'acide oléique au détriment des acides stéarique et linolénique (Mogensen et al., 2010). Enfin, un lupin extrudé (par rapport à la graine crue) diminue les AG saturés et augmente les AG monoinsaturés et polyinsaturés (Brunschwig et al., 2003). Il ressort de ces essais que la substitution du tourteau de soja par la féverole ou les comparaisons entre graines crues et traitées induisent peu d'effet sur la composition du lait en AG, et que l'extrusion ou un traitement thermique ne limite pas la biohydrogénation ruminale des AG polyinsaturés (production d'AG intermédiaires porteurs de liaison trans sur le carbone 11, en particulier les AG C18:1trans11 et C18:2cis9,trans11 en conditions normales de pH du rumen). S'il y a une baisse du pH ruminal, la biohydrogénation empruntera une autre voie avec production d'AG trans10.
Figure 3. Variations de la Production de Lait (PL) et du Taux Butyreux (TB) chez la vache laitière alimentée avec des graines protéagineuses (Comparaisons iso-MAT : A : graine comparée au tourteau de soja ; B : graine traitée comparée à la graine crue), (Synthèse des données publiées, d'après Mendowski et al., 2021).
Chaque symbole vide (○) correspond à une comparaison ; les symboles pleins (●) correspondent à la moyenne des comparaisons, et la barre horizontale à l’écart-type ; les étoiles (*) correspondent aux comparaisons issues du projet Proleval.
3. Les résultats du projet Proleval
La synthèse des résultats publiés montre qu’au-delà des tendances mises en évidence, les effets observés sont quantitativement variables en fonction des traitements, et que les informations sur les procédés employés, nécessaires pour comprendre l’efficacité des traitements, restent rares. Un intérêt majeur du projet Proleval a donc été d’étudier différents traitements d’extrusion finement décrits, pour tenter de mieux comprendre leurs effets sur la dégradation in situ, et sur les réponses productives des animaux selon les combinaisons « graines ⨯ traitement technologique »
3.1. Les traitements technologiques appliqués
Les essais étaient focalisés sur l’effet de la température d’extrusion des graines de féverole (essai 1A) et de lupin (essai 1B, essais 3A et 3B) et sur l’effet de la maturation avant extrusion avec apport de sucres réducteurs ou d’enzymes pour la féverole (essai 2), et avec des sucres réducteurs pour le lupin (essai 3). L’objectif des conditions de maturation (prétraitement) testées dans ces essais (12 à 34 minutes à une température de 45 à 60°C) était de favoriser les réactions de Maillard induites par la température d’extrusion (formation de Nɛ-carboxyméthyl-lysine, CML, produit terminal des réactions de Maillard induites par les traitements thermiques), grâce à une source accrue de sucres réducteurs exogènes (ajoutés) ou endogènes (libérés par le cocktail enzymatique), afin d’augmenter le niveau de protection des protéines des graines de la dégradation ruminale. Outre les facteurs expérimentaux retenus, une des originalités de ce dispositif a été d’étudier le rôle des composés de Maillard dans les réponses digestives et productives aux traitements d’extrusion.
Encadré 3. Principes de l’extrusion.
L’extrusion est un procédé complexe d’une durée très courte inférieure à 30 secondes, (Kaysi et Melcion, 1992), qui allie cuisson et texturation des produits. Les graines subissent des forces de compression et de cisaillement du fait de l’action d’une ou deux vis sans fin dans un fourreau composé de différents fûts, séparés par des écluses (disques entre les fûts qui réduisent l’espace disponible pour le passage du produit). Ces forces sont dues aux frottements entre la vis et le fourreau dans le cas d’un extrudeur à une seule vis, mais aussi entre les deux vis dans le cas d’un extrudeur à deux vis. Ces frottements entraînent l’échauffement du produit, jusqu’à une température de 160-170°C sans apport extérieur de chaleur en fonction des caractéristiques physico-chimiques du produit et des contraintes physiques appliquées, voire même dépasser les 200°C si de la vapeur ou de la chaleur extérieure est apportée au produit. La pression peut atteindre 200 bars à l’intérieur d’un extrudeur (Kaysi et Melcion, 1992). La transformation subie par le produit lors de l’extrusion peut se résumer en trois étapes distinctes :
i) compression du produit sortant de la cuve de prétraitement contre le fourreau du fait de l’augmentation du diamètre de la vis ;
ii) fusion du produit par échauffement suite aux forces de compression et de cisaillement ;
iii) expansion lorsque le produit, après avoir été comprimé fortement lors du process, sort de l’extrudeur et repasse à la pression atmosphérique.
Pour chaque fabrication, le procédé technologique est composé de deux phases :
i) le produit subit dans un premier temps un pré-traitement thermique, de température variable (60 à 90°C) et de durée souvent courte (2 à 3 minutes). Une spécificité propre au procédé utilisé par l’entreprise Valorex repose sur l’allongement de la durée de préparation thermique, incluant une étape de maturation d’une durée de 15 minutes à 1 h) ;
ii) la seconde phase du procédé consiste en un traitement thermomécanique (l’extrusion en tant que telle), durant un temps très bref (moins d’une minute).
Les résultats dépendent des paramètres appliqués aux différentes combinaisons « graine ⨯ procédé » testées. En effet, les paramètres d’entrée du procédé d’extrusion sont nombreux et dépendent de différents facteurs : le produit extrudé (composition chimique et viscosité), la configuration de l’extrudeur (diamètre et nombre des fûts, diamètre et nombre des écluses, forme et diamètre de sortie de l’extrudeur), de la configuration de la ou des vis (vitesse de rotation, filetage simple ou double) et du choix du processus d’extrusion (apport ou non de chaleur et/ou d’humidité, débit d’alimentation). Ces différents paramètres d’entrée influent sur l’intensité du traitement, qui peut être caractérisée par des indicateurs de sortie. Les indicateurs d’entrée et de sortie des procédés technologiques mis en place pour les 3 essais in vivo Proleval sont renseignés dans le tableau 1 pour chacun des échantillons des trois essais.
Afin de bien comprendre les différents résultats obtenus lors des essais, il convient d’abord de décrire les paramètres d’entrée et de sortie des procédés technologiques appliqués aux différentes combinaisons « graines ⨯ procédés » testées (tableau 1). Les graines protéagineuses utilisées dans les essais 1 et 2 étaient associées à 10 % de graine de lin : 90 % de féverole et 10 % de lin (essais 1A et 2) et 90 % de lupin et 10 % de lin (essai 1B). L’essai 3 a concerné la seule graine de lupin.
Tableau 1. Description des traitements technologiques mis en place pour réaliser les échantillons des essais in vivo sur vaches laitières du projet Proleval.
Essai |
Aliment testé |
Code |
Prétraitement |
Paramètres extrudeurs |
||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Durée (min) |
Tempé- |
Intensité |
Température |
Température |
Index d’énergie |
|||
1A |
Féverole crue |
FC |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
1A |
Féverole |
FE1 |
21 |
45 |
92 |
154 |
143 |
60 |
1A |
Féverole |
FE2 |
19 |
45 |
92 |
172 |
160 |
55 |
1B |
Lupin cru |
LC |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
1B |
Lupin extrudé |
LE1 |
21 |
45 |
82 |
143 |
143 |
54 |
1B |
Lupin extrudé |
LE2 |
34 |
45 |
77 |
160 |
145 |
62 |
2 |
Féverole crue |
FC |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
2 |
Féverole |
FE |
13 |
60 |
70 |
134 |
125 |
56 |
2 |
Féverole |
FES |
12 |
60 |
73 |
142 |
132 |
55 |
2 |
Féverole |
FEZ |
20 |
68 |
70 |
138 |
127 |
45 |
3A |
Lupin cru |
LC |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
3A |
Lupin extrudé |
LE1 |
20 |
55 |
68 |
90 |
115 |
43 |
3A |
Lupin extrudé |
LE2 |
29 |
55 |
67 |
91 |
130 |
62 |
3A |
Lupin extrudé |
LE3 |
27 |
55 |
71 |
125 |
157 |
59 |
3B |
Lupin cru + |
LSC |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
3B |
Lupin extrudé |
LSE1 |
24 |
55 |
67 |
90 |
115 |
50 |
3B |
Lupin extrudé |
LSE2 |
25 |
55 |
67 |
90 |
135 |
53 |
3B |
Lupin extrudé |
LSE3 |
32 |
55 |
74 |
127 |
161 |
75 |
*Graine : F : féverole ; L : lupin
Traitement : C : graines crues ; E : graines extrudées
Essai 1. E1 : extrusion à 140°C ; E2 : extrusion à 160°C
Essai 2. E : extrusion à 140°C ; S : maturation avec 2,5 % de sucres réducteurs ; Z : maturation avec 0,07 % de cocktail enzymatique
Essai 3. S : maturation avec 1,25 % de sucres réducteurs ; E1 : extrusion à 115°C ; E2 : extrusion à 135°C ; E3 : extrusion à 150°C
Les températures-cibles (précisées dans la colonne « aliment testé » ou en note de bas de tableau 1) ont été atteintes pour la majorité des traitements, que ce soit dans l’avant-dernier ou dans le dernier fût de l’extrudeur, preuve que les contraintes mécaniques paramétrées ont été suffisantes. L’ajout de graine de lin dans les mélanges utilisés lors des deux premiers essais a permis d’augmenter la fluidité (réduire la viscosité) des mélanges (notamment pour la féverole, pauvre en matières grasses) lors de leur passage dans les fûts des extrudeurs. Sans cet apport de matière grasse, le traitement d’extrusion aurait été trop difficile à réaliser, comme l’indique l’intensité de l’extrudeur qui atteint 92 % de sa capacité totale sur l’essai 1A (vs 80 % pour le lupin sur l’essai 1B). Cependant, fluidifier le mélange implique d’ajuster les paramètres de l’extrudeur afin d’obtenir une contrainte mécanique suffisante pour obtenir un niveau correct de protection des protéines (notamment avec le lupin, qui contient déjà de la matière grasse), et ce d’autant plus que la température cible à atteindre est élevée. Cela est illustré (figure 4) par l’index d’énergie mécanique qui augmente lorsque la température-cible (et la température atteinte) de l’aliment testé augmente pour la graine de lupin (+ 1,5°C/(Wh/kg)). Pour la graine de féverole, les variations d’index d’énergie mécanique entre les traitements peuvent également être dues à des changements de viscosité du fait des modifications de la structure de l’amidon causées par les contraintes mécaniques (Lai et Kokini, 1991).
Figure 4. Effets de l’index d’énergie mécanique développée lors de l’extrusion sur la température du dernier fût (A) et sur la dégradabilité ruminale in situ des protéines (DT6_N) des graines de féverole et de lupin extrudées (B).
Ces paramètres, qui décrivent les traitements d’extrusion ne sont à notre connaissance, jamais publiés, de sorte que leurs effets respectifs sur la protection des aliments ne sont pas connus. Cependant, plus la contrainte mécanique est forte (donc plus l’index d’énergie mécanique augmente), plus on peut s’attendre à une efficacité élevée quant à la protection des protéines de la dégradation ruminale.
Toute modification des conditions d’extrusion peut s’avérer avoir un impact important sur la contrainte mécanique. Ainsi, dans l’essai 2, l’index d’énergie mécanique était plus faible pour le produit féverole extrudée avec enzymes (FEZ) que pour les produits Féverole Extrudée (FE) et féverole extrudée avec sucres réducteurs (FES), du fait de la nécessité d’augmenter l’humidité du produit FEZ pour maintenir l’activité enzymatique. De ce fait, ce produit était plus fluide, et donc la contrainte mécanique un peu moins importante. De même, dans l’essai 3, pour des températures cibles identiques, l’ajout de sucres réducteurs diminue l’index d’énergie mécanique de l’extrusion à 135°C, et l’augmente à 150°C.
D’une manière générale, ce relevé fin des paramètres d’entrée et de sortie des machines permet de bien comprendre l’interaction entre le procédé et la matrice traitée, afin de pouvoir reproduire le traitement d’extrusion sur une matière première (ou un mélange) de même nature, ou de pouvoir adapter le traitement d’extrusion sur une matière première de nature différente.
3.2. La dégradabilité ruminale et la digestibilité intestinale mesurées in situ
Les 19 échantillons des 3 essais in vivo du projet Proleval ont fait l’objet de mesures in situ de dégradation de l’azote dans le rumen et de digestibilité réelle de l’azote dans l’intestin grêle. La composition chimique des aliments est donnée dans le tableau 2, la dégradabilité enzymatique 1 h de l’azote (DE1) ainsi que les résultats des mesures in situ sont présentés au tableau 3.
Tableau 2. Composition chimique des aliments expérimentaux utilisés dans les essais in vivo sur vaches laitières du projet Proleval.
Essai |
Aliment |
MS |
MO |
MAT |
NDF |
ADF |
Amidon |
MG |
CML1 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1 |
TS |
87,8 |
933 |
521 |
139 |
81 |
19 |
123,2 |
|
1A |
FC |
86,4 |
961 |
276 |
176 |
117 |
63 |
10,1 |
|
1A |
FE1 |
90,2 |
956 |
285 |
172 |
112 |
65 |
33,4 |
|
1A |
FE2 |
90,6 |
959 |
279 |
181 |
117 |
62 |
47,0 |
|
1B |
LC |
89,7 |
958 |
329 |
216 |
144 |
115 |
14,4 |
|
1B |
LE1 |
93,0 |
957 |
339 |
206 |
134 |
112 |
52,1 |
|
1B |
LE2 |
95,8 |
957 |
344 |
244 |
142 |
119 |
75,1 |
|
2 |
FC |
87,9 |
959 |
299 |
151 |
96 |
327 |
11,1 |
|
2 |
FE |
91,6 |
955 |
314 |
145 |
103 |
300 |
35,1 |
|
2 |
FES |
91,0 |
956 |
304 |
136 |
90 |
331 |
49,2 |
|
2 |
FEZ |
86,6 |
956 |
311 |
139 |
99 |
297 |
47,6 |
|
3A |
LC |
87,6 |
958 |
352 |
235 |
99 |
7,0 |
||
3A |
LE1 |
90,2 |
958 |
361 |
8,9 |
||||
3A |
LE2 |
90,7 |
957 |
350 |
10,7 |
||||
3A |
LE3 |
93,3 |
957 |
328 |
12,8 |
||||
3B |
LSC |
87,7 |
958 |
326 |
219 |
107 |
5,6 |
||
3B |
LSE1 |
90,3 |
958 |
349 |
10,4 |
||||
3B |
LSE2 |
90,8 |
958 |
334 |
11,4 |
||||
3B |
LSE3 |
93,3 |
956 |
335 |
24,4 |
Les valeurs non renseignées correspondent à des critères non mesurés.
* Tourteau de Soja : TS ; Graine : F : féverole ; L : lupin ; Traitement : C : graines crues ; E : graines extrudées
Essai 1. E1 : extrusion à 140°C ; E2 : extrusion à 160°C
Essai 2. E : extrusion à 140°C ; S : maturation avec 2,5 % de sucres réducteurs ; Z : maturation avec 0,07 % de cocktail enzymatique
Essai 3. S : maturation avec 1,25 % de sucres réducteurs ; E1 : extrusion à 115°C ; E2 : extrusion à 135°C ; E3 : extrusion à 150°C
1 : Nɛ-carboxyméthyl-lysine
Tableau 3 : Dégradabilité enzymatique 1 h de l’azote1, paramètres de dégradation de l’azote dans le rumen2 et digestibilité réelle de l’azote dans l’intestin3 des aliments expérimentaux utilisés dans les essais in vivo sur vaches laitières du projet Proleval.
Essais in vivo |
Aliment * |
DE1 (%) (1) |
Dégradabilité ruminale in situ (2) |
dr_N (%) (3) |
|||
---|---|---|---|---|---|---|---|
aN (%) |
bN (%) |
kdN (h-1) |
DT6_N (%) |
||||
1 |
TS |
27,6 |
7,9 |
92,1 |
0,117 |
68,8 |
95,7 |
1A |
FC |
81,2 |
56,3 |
43,7 |
0,100 |
83,4 |
64,2 |
1A |
FE1 |
35,5 |
37,9 |
61,9 |
0,052 |
66,4 |
88,0 |
1A |
FE2 |
34,6 |
42,7 |
57,3 |
0,047 |
67,6 |
89,1 |
1B |
LC |
83,6 |
81,7 |
17,9 |
0,095 |
92,4 |
64,9 |
1B |
LE1 |
47,9 |
33.0 |
67.0 |
0,062 |
66,7 |
95,5 |
1B |
LE2 |
53,1 |
33,1 |
66,9 |
0,060 |
66,7 |
96,8 |
2 |
FC |
81,8 |
76,8 |
22,6 |
0,102 |
91,1 |
72,4 |
2 |
FE |
38,7 |
32,7 |
67,3 |
0,057 |
63,3 |
94,1 |
2 |
FES |
39,8 |
41,2 |
58,7 |
0,053 |
68,7 |
94,5 |
2 |
FEZ |
46,0 |
42,2 |
57,8 |
0,058 |
70,5 |
91,9 |
3A |
LC |
74,0 |
80,7 |
18,4 |
0,157 |
93,9 |
|
3A |
LE1 |
56,4 |
69,3 |
30,2 |
0,099 |
87,9 |
|
3A |
LE2 |
45,7 |
46,5 |
52,8 |
0,071 |
75,1 |
|
3A |
LE3 |
33,3 |
32,8 |
67,4 |
0,051 |
63,9 |
|
3B |
LCS |
76,2 |
82,4 |
17.0 |
0,128 |
94,2 |
|
3B |
LES1 |
54,0 |
60,4 |
39,8 |
0,081 |
83,1 |
|
3B |
LES2 |
47,2 |
46,7 |
54,3 |
0,064 |
74,5 |
|
3B |
LES3 |
35,8 |
23,8 |
77.0 |
0,045 |
56,8 |
|
Les valeurs non renseignées correspondent à des critères non mesurés.
* Tourteau de Soja : TS ; Graine : F : féverole ; L : lupin ; Traitement : C : graines crues ; E : graines extrudées
Essai 1. E1 : extrusion à 140°C ; E2 : extrusion à 160°C
Essai 2. E : extrusion à 140°C ; S : maturation avec 2,5 % de sucres réducteurs ; Z : maturation avec 0,07 % de cocktail enzymatique
Essai 3. S : maturation avec 1,25 % de sucres réducteurs ; E1 : extrusion à 115°C ; E2 : extrusion à 135°C ; E3 : extrusion à 150°C
1 La dégradabilité enzymatique 1 h de l'azote (DE1, %) a été mesurée selon Aufrère et al. (1989) après protéolyse en solution tampon par action d'une protéase bactérienne pendant 1 h.
2 La dégradation in situ de l’azote dans le rumen a été mesurée sur 3 vaches taries au cours de 2 séries successives, durant 6 temps d’incubation (Michalet-Doreau et al., 1987). Les cinétiques de dégradation ont été ajustées par répétition selon Ørskov et McDonald (1979) pour déterminer les fractions soluble (aN, %) et dégradable (bN, %), et le taux de dégradation de la fraction bN (kdN, h-1). La dégradabilité théorique de l’azote (DT6_N, %) a été calculée avec un taux de sortie des particules du rumen (kp) de 0,06 h-1 : DT6_N = aN + (bN.kdN)/(kdN + kp).
3 La digestibilité réelle de l'azote dans l'intestin grêle (dr_N, %) a été mesurée selon la technique des sachets mobiles (Peyraud et al., 1988). Les sachets incubés 16 h dans le rumen de 3 vaches, ont ensuite subi une attaque pepsique (2 h 30) puis ont été réintroduits par la canule du duodénum pour être récupérés dans les fèces. La dr_N a été calculée selon la partition entre les quantités d'azote non dégradées dans le rumen et non digérées dans les intestins.
Les valeurs individuelles de dégradation ruminale et de digestibilité réelle ont été ajustées par analyse de variance-covariance pour tenir compte dans chaque essai des facteurs expérimentaux, aliment, vache et série, puis les effets graine et/ou traitement ont été testés sur ces valeurs ajustées.
a. Effets de la température d’extrusion
En moyenne, la dégradabilité de l'azote du lupin est apparue supérieure à celle de la féverole. L'extrusion – tous types de traitements confondus – a conduit à une réduction de la DT6_N par rapport aux graines crues, et cette baisse a été plus forte pour le lupin que pour la féverole. Les valeurs de DT6_N atteintes pour les 10 produits extrudés des essais 1 et 2 ont été voisines de celle du tourteau de soja, quel que soit le traitement appliqué. En revanche, l'augmentation de température entre les deux traitements d'extrusion de l'essai 1, n'a pas permis de diminuer la DT6_N, que ce soit pour le lupin ou la féverole, comme l'indiquent les index d'énergie mécanique relevés (tableau 1) ou les puissances décrites par Dhumez et al. (2020), qui diffèrent peu entre les 2 traitements dans cet essai. Cependant, dans l'essai 2, bien que les températures relevées dans l'extrudeur et les puissances appliquées aient été plus faibles que celles observées dans l'essai 1, la baisse de DT6_N entre les graines de féverole crues et extrudées a été plus importante que dans l'essai 1, en raison d'une valeur initiale pour la graine crue plus élevée et une valeur finale atteinte après extrusion légèrement plus faible que celles observées dans l'essai 1. Toutefois, dans l'essai 3, l'augmentation de la température d'extrusion du lupin a conduit à une baisse de dégradabilité de l'azote, qui a été proportionnelle au niveau de température mesurée dans le dernier fût de l'extrudeur (– 5,7 points de DT6_N pour + 10°C en moyenne).
Par ailleurs, en comparaison des graines crues qui présentent de faibles valeurs de digestibilité réelle de l’azote, l’extrusion – tous traitements confondus – a permis d’augmenter la dr_N de ces graines, pour atteindre une valeur plus élevée pour le lupin que pour la féverole, mais sans effet marqué du niveau de température au sein de chaque essai. Ainsi, les protéines ayant subi l’extrusion sont à la fois moins dégradables dans le rumen (ce qui favorise leur entrée dans l’intestin) et plus digestibles dans l’intestin (ce qui favorise l’absorption de leurs acides aminés). Ceci suggère que la protection des protéines par l’extrusion est réversible, mais ne permet pas de conclure si la nature des protéines dégradées varie entre graines crues et extrudées. Cependant, compte-tenu du fait que les réactions de Maillard portent sur les fonctions amines libres des protéines, et engagent donc les acides aminés diaminés comme la lysine, le traitement d’extrusion pourrait entraîner également une teneur plus importante en lysine des protéines alimentaires by-pass, et pourrait ainsi mieux contribuer à la couverture des besoins en LysDI des ruminants.
b. Effets des conditions de maturation avant extrusion
Contrairement aux hypothèses initiales (cf. § 3.1), l’ajout de sucres ou d’enzymes au cours de la phase de maturation de la féverole n’a pas permis de réduire la dégradabilité de l’azote par rapport aux conditions de maturation classiques, les valeurs DT6_N restant même significativement plus élevées. En revanche, l’incorporation de sucre lors de la maturation du lupin a en moyenne légèrement diminué la DT6_N comparée à la graine seule, avec un écart plus marqué pour le traitement au plus haut niveau de température. Ainsi, l’apport de sucres exogènes à la graine, notamment pour le lupin qui accumule une partie de ses réserves sous forme d’huile, peut favoriser la création de réactions de Maillard et ainsi contribuer à l’accroissement du flux de protéines by-pass. Cependant, l’ajout de sucre n’a pas modifié l’impact quantitatif de la température sur la DT6_N décrit plus haut.
c. Relations entre les paramètres mesurés
Les variations de la dégradabilité de l’azote sont associées à des variations de la teneur en CML, qui augmente pour les aliments extrudés (figure 5). Ainsi, ce composé peut servir de témoin de l’intensité de protection des protéines vis-à-vis de la dégradation dans le rumen. Les valeurs DT6_N peuvent être estimées selon la relation entre échantillons au sein des différents essais, même si sa précision reste faible :
DT6_N = 0,63 DE1 + 42,0 (n = 18, R2 = 0,87, ETR = 5,1)
Les hiérarchies entre échantillons observées sur la dr_N dans les essais 1 et 2 sont globalement les mêmes que celles constatées sur la DT6_N, mais les tendances sont inversées. Ainsi, la digestibilité intestinale est d’autant plus importante que la dégradabilité dans le rumen est faible. En effet, suite à une forte dégradation dans le rumen, les protéines arrivant dans l’intestin pourraient être moins digestibles car probablement associées à d’autres fractions non dégradées indigestibles (parois, complexes chimiques…).
Figure 5. Évolution de la dégradabilité in situ de l’azote (DT6_N, %) des aliments, en fonction de leur teneur en Nɛ-carboxyméthyl-lysine (CML, µg/g MS).
Les codes des aliments sont présentés au tableau 1.
d. Bilan des mesures in situ
Les résultats obtenus in situ sur les échantillons du projet Proleval sont cohérents avec les données de la bibliographie et s’inscrivent dans les plages de variations observées (cf. § 2.1.a). Les DT6_N mesurées, quel que soit le traitement d'extrusion, sont équivalentes à celle du tourteau de soja, avec même des valeurs numériquement plus faibles pour certains. De plus, ces essais ont permis de mieux décrire l’impact des paramètres technologiques – rarement précisés dans la bibliographie – notamment l’influence de la température et de l’énergie mécanique appliquées lors de l’extrusion ou des conditions de maturation avant extrusion, qui peut varier selon la nature de la graine. Ainsi, l’incidence de la température d’extrusion sur la dégradabilité de l’azote semble beaucoup moins marquée pour la féverole, contrairement au lupin qui réagit fortement à ce paramètre. En revanche, l’indice d’énergie mécanique semble être un bon prédicteur de la DT6_N pour les deux types de graines : la tendance au sein de chaque essai, illustrée à la figure 4 montre qu’un accroissement de 10 Wh/kg appliqué lors de l’extrusion conduit à réduire de 8,5 points en moyenne la dégradabilité de l’azote des graines de féverole et lupin. L’adjonction de sucres ou d’enzymes à la maturation n’a pas eu d’effet dans le cas de la féverole, contrairement à ce qui a été observé avec l’ajout de sucre au lupin. Par ailleurs, ces essais ont clairement montré que les teneurs en CML ont augmenté dans les produits extrudés, pouvant partiellement expliquer les écarts de dégradabilité de l’azote dans le rumen par rapport aux graines crues. Comme décrit dans la bibliographie, l’extrusion dans les essais du projet Proleval n’a pas pénalisé l’utilisation digestive de l’azote, mais a permis au contraire une amélioration de la digestibilité de l’azote dans l’intestin grêle par rapport aux graines crues. Ainsi, non seulement les protéagineux extrudés génèrent un flux plus important de protéines alimentaires à l’entrée du duodénum que les graines crues, mais ces protéines sont également plus digestibles, conduisant à une augmentation du flux d’acides aminés absorbables dans l’intestin. À titre d’illustration, pour une graine ayant une teneur en MAT de 320 g/kg MS, si l’extrusion conduit en moyenne à une réduction de 20 points de la DT6_N (de 90 à 70 % environ dans nos essais) et à un accroissement de 25 points de la dr_N (de 65 à 90 % dans nos essais), la valeur PDIA de la graine extrudée augmente de + 66 g/kg MS, ce qui représente une teneur trois fois plus importante que celle de la graine crue.
3.3. L’utilisation des protéines mesurée in vivo
Les résultats complets des essais in vivo ont été publiés par Mendowski et al. (2019) (essai 1), Mendowski et al. (2020) (essai 2), et Manzocchi et al. soumis (essai 3). Les dispositifs expérimentaux et les rations utilisées sont résumés dans le tableau 4.
Tableau 4 : Description des dispositifs expérimentaux1 et des rations2 des essais in vivo chez des vaches laitières dans le projet Proleval.
Essai 1A |
Essai 1B |
Essai 2 |
Essais 3A et 3B |
|
---|---|---|---|---|
Composition (% de la MS) |
||||
Ensilage de maïs |
33 |
33 |
28 |
30 |
Ensilage d’herbe |
17 |
17 |
13 |
24 |
Foin de prairie naturelle |
10 |
10 |
15 |
15 |
Pulpe de betterave |
11 |
11 |
9 |
0 |
Maïs grain broyé |
4 |
10,5 |
0 |
0 |
Concentré de production3 |
0 |
0 |
0 |
11 |
Féverole crue ou extrudée |
25 |
0 |
30 |
0 |
Lupin cru ou extrudé |
0 |
18,5 |
0 |
20 |
Composition chimique (g/kg MS) |
||||
MAT |
146 |
146 |
172 |
153 |
NDF |
388 |
394 |
354 |
404 |
Amidon |
230 |
190 |
166 |
155 |
MG |
33 |
45 |
nd |
41 |
Valeurs nutritives INRA 2018 (/kg MS)4 |
||||
PDI, g |
[80 ; 99] |
[80 ; 100] |
[78 ; 98] |
[82 ; 95] |
PDIA, g |
[30 ; 51] |
[30 ; 52] |
[25 ; 47] |
[32 ; 45] |
BPR, g |
[– 2 ; 15] |
[– 3 ; 16] |
[24 ; 39] |
[8 ; 21] |
Énergie nette, UFL |
0,95 |
0,97 |
0,94 |
0,92 |
LysDi (% des PDI) |
7,1 |
6,6 |
7,2 |
6,6 |
MetDi (% des PDI) |
2,4 |
2,5 |
2,9 |
2,4 |
1 Les essais ont été conduits en Carré Latin 4 × 4 sur vaches multipares Holstein en pleine lactation, avec 1 animal/bloc (essais 1A et 1B), 2 animaux/bloc (essais 3A et 3B), ou 4 animaux/bloc (essai 2). Chacune des périodes a duré 4 semaines, avec 3 semaines de mise en régime ad libitum, et une semaine de mesures sub-ad libitum. Un animal/bloc (essais 1A, 1B, 3A, 3B) ou 2 animaux/bloc (essai 2) ont fait l’objet de mesures de bilan azoté (collecte totale des fèces et des urines sur 6 jours consécutifs/période).
2 Les rations étaient constituées d’un mélange d’ensilage de maïs, d’ensilage d’herbe et de foin de prairie naturelle. Les concentrés ajoutés étaient de la pulpe de betterave, du maïs broyé ou un concentré de production. Le reste de la ration était la graine protéagineuse testée, sous forme crue ou extrudée. Tous les traitements ont reçu une supplémentation identique en méthionine de manière se placer à minimum 2,3 % des PDI.
3 30 % pulpe de betterave, 22,7 % blé, 20 % orge, 15 % tourteau de colza, 7,9 % tourteau de soja, 1,5 % mélasse de canne, 2,9 % minéraux
4 Les valeurs entre crochets correspondent à la plage de variation des valeurs des régimes au sein de l’essai
a. Effets de la température d’extrusion (essais 1 et 3)
Les indicateurs de la dégradation des protéines dans le rumen, teneurs en ammoniaque (figure 6A) et proportion d’AGV ramifiés (données non montrées) confirment que la dégradation des protéines de la féverole et du lupin diminue avec l’extrusion, et avec l’augmentation de la température. Ces effets sont visibles numériquement sur l’ammoniaque et significativement sur les AGV ramifiés dans les essais 1A et 1B, et essentiellement sur les AGV ramifiés dans les essais 3A et 3B (variations significatives). En fonction de la graine et du critère considéré, cet effet n’est pas systématiquement relié à la température d’extrusion. Cela peut être rapproché du fait que la réponse de la dégradabilité à la teneur en CML atteint un plateau (figure 5), et suggère que les paramètres d’extrusion mis en œuvre pour atteindre cette température cible, qui varient d’une graine à l’autre, ont également un rôle. Les protéines échappant à la dégradation dans le rumen semblent bien valorisées dans l’intestin lorsqu’elles sont extrudées à 140°C, mais aucun bénéfice n’est observé au niveau des acides aminés indispensables plasmatiques (indicateurs de l’absorption intestinale, figure 6B) et de la sécrétion de protéines dans le lait (figure 6C) lorsque les graines sont extrudées à 160°C (essais 1A et 1B). Ceci peut être rapproché du fait que les teneurs en lysine et CML des fèces tendent à augmenter avec la température d’extrusion (données non montrées). Les essais 3A et 3B, conduits à des températures un peu plus basses, permettent de confirmer cette tendance, avec un gain possible entre 115 et 150°C, en particulier avec du lupin sans ajout de sucres réducteurs.
Figure 6. Évolution des teneurs en ammoniaque (NH3) dans le rumen, en Acides Aminés (AA) indispensables dans le plasma et de la sécrétion de protéines dans le lait chez la vache laitière recevant du tourteau de soja (TS, en rouge), de la féverole ou du lupin crus (FC, LC, en vert) ou extrudés (en bleu) ; les conditions d’extrusion sont décrites dans le tableau 1.
b. Effets des conditions de maturation avant extrusion (essais 2 et 3)
Les effets de l’extrusion de la féverole à 140°C avec un traitement de maturation classique ont été retrouvés dans l’essai 2 sur les indicateurs de la digestion : diminution de la teneur en ammoniaque (figure 6A) et de la proportion d’AGV ramifiés (données non montrées) dans le rumen en lien avec les augmentations des teneurs en composés de Maillard dans les aliments (tableau 2), et de la teneur en acides aminés indispensables dans le plasma (figure 6B). Ces effets étaient toutefois moins marqués que dans l’essai 1A, en raison des contraintes d’extrusion atteintes moins élevées (voir partie 3.1), et n’ont pas conduit à augmenter la sécrétion de protéines dans le lait (figure 6C). Par rapport à l’extrusion avec prétraitement de maturation classique, la maturation avec sucres réducteurs ou cocktail enzymatique avant extrusion, malgré une augmentation des teneurs en composés de Maillard - en particulier en CML - de la graine (tableau 2), n’a apporté aucun effet bénéfique sur les indicateurs de la digestion, ni sur la sécrétion de protéines dans le lait, dans les conditions de maturation telles qu’appliquées dans cette étude (figure 6). Contrairement aux hypothèses, une augmentation de la teneur en ammoniaque dans le rumen avec les régimes FES et FEZ par rapport à FE a même été observée ; elle s’est toutefois accompagnée d’une diminution de la teneur en acides aminés indispensables dans le plasma uniquement avec le régime FES. Bien qu’indirecte, la comparaison des essais 3A et 3B conduit également à nuancer l’intérêt de l’ajout des sucres réducteurs dans les conditions testées, les effets bénéfiques de l’extrusion n’étant pas plus marqués dans l’essai 3B que dans l’essai 3A.
c. Limites des approches
Les réponses de production aux variations de la dégradabilité des protéines des aliments concentrés, sont difficiles à mettre en évidence sur le plan expérimental. En effet, pour avoir du sens en pratique, d'une part, les comparaisons sont iso-protéiques et ne concernent qu'une partie des protéines de la ration (de l'ordre de 40 % en moyenne), ce qui rend difficile l'induction de fortes variations des teneurs en PDI entre traitements. D'autre part, les comparaisons sont généralement réalisées sur des animaux nourris autour de leur potentiel, situation dans laquelle le rendement marginal des PDI disponibles, pour la synthèse des protéines du lait, est relativement faible (en moyenne 19 %, Daniel et al., 2016). Enfin, les essais analytiques visant à déterminer la partition de l'azote ingéré entre les fèces, les urines et le lait, sont entachés de défauts de bilan non négligeables (Spanghero et Kowalski, 1997 ; Spanghero et Kowalski, 2021), bien que quantifiables (33 ± 24 g N/j, soit 5,9 ± 4,0 % de N ingéré, sur les 39 traitements de la base de données ; 50 ± 36 g N/j, soit 8,5 ± 5,4 % de N ingéré sur les 96 mesures individuelles du projet Proleval). Ce défaut de bilan peut excéder l'amplitude des variations attendues entre traitements. D'une manière générale, les réponses de sécrétion de protéines dans le lait ont été significativement et positivement corrélées à la proportion de MAT de la ration apportée par les graines traitées (Mendowski et al., 2021) et à la teneur en AA indispensables plasmatiques (figure 7), ce qui en fait un indicateur intéressant pour consolider les résultats zootechniques.
Figure 7. Réponse au sein de chaque essai de la sécrétion de protéines dans le lait aux teneurs en Acides Aminés (AA) indispensables dans le plasma chez la vache laitière recevant du tourteau de soja (en rouge), de la féverole ou du lupin crus (en vert) ou extrudés en bleu selon différentes modalités pour chaque essai (en bleu) ; les conditions d’extrusion sont décrites dans le tableau 1.
3.4. La matière grasse du lait
Un des objectifs du projet Proleval était de contrôler l’effet de l’apport de graines oléo-protéagineuses crues ou traitées sur la qualité nutritionnelle lipidique du lait. Pour cela, les effets des traitements technologiques ont été étudiés in vitro et les réponses du taux butyreux, de la matière grasse sécrétée et de la composition en AG du rumen et du lait à l’apport de ces graines ont été étudiées in vivo et sont discutées dans les paragraphes suivants.
a. Effets de la température d’extrusion (essais 1 et 3)
L’essai 1 a été caractérisé par des taux butyreux très faibles (en moyenne 30,7 g/kg) quel que soit le régime (incluant les régimes témoins). Ceci pourrait s’expliquer par le mode de distribution du concentré (non mélangé aux fourrages), qui favorisait l’ingestion rapide d’amidon apporté par la féverole ou de lipides apportés par le lupin. Ces conditions sont des facteurs susceptibles d’induire des chutes de pH ruminal. Ceci a été observé pour les traitements lupin (pas de variation pour les traitements féverole), produisant des modifications de la biohydrogénation ruminale des AG alimentaires. Ainsi, dans les deux essais utilisant du lupin (1B et 3), la graine extrudée a diminué le taux butyreux (respectivement de – 4,3 et – 2,4 g/kg) sans modification de la production laitière, probablement par une plus grande disponibilité des lipides des graines extrudées (90 % de lupin et 10 % de lin) dans le rumen, avec une production probable d’intermédiaires porteurs de la double liaison trans10. En revanche, les températures d’extrusion les plus élevées tendent à diminuer le taux butyreux par rapport à des températures plus faibles. Dans l’essai 1 pour la féverole, l’effet de la température d’extrusion a très peu d’effet avec seulement une diminution de la production laitière avec le traitement FE2 vs FE1.
b. Effets des conditions de maturation avant extrusion (essais 2 et 3)
Par rapport à la graine de féverole extrudée avec maturation classique, la maturation avec sucres réducteurs n’a rien modifié, sauf une très légère augmentation de la teneur de l’acide linolénique dans le lait. La maturation avec le cocktail enzymatique avant extrusion (en comparaison avec la maturation classique) a augmenté la sécrétion des matières grasses dans le lait (+ 70 g/j) et le taux butyreux (+ 1,6 g/kg) sans effet sur la production laitière. La composition en AG du lait a peu varié entre ces deux régimes : FEZ a diminué la proportion des CLA et a augmenté celle de l’acide linolénique dans le lait par rapport à FE, suggérant une moindre biohydrogénation ruminale de l’acide linolénique. Ces modifications pourraient être liées à l’apparition de composés de Maillard lors de l’extrusion de la graine de féverole, sachant que leurs teneurs sont plus importantes dans le concentré FEZ vs FE. L’hypothèse que les complexes sucres-protéines induits par les traitements thermiques et reflétés par la présence des composés de Maillard limiteraient la biohydrogénation peut être avancée. Toutefois, il est difficile de conclure car très peu de données sont disponibles sur l’interaction des composés de Maillard avec la biohydrogénation ruminale.
La maturation du lupin avec sucres réducteurs a eu tendance à augmenter la production laitière (+ 1,9 kg/j) et à diminuer le taux butyreux (– 3,9 g/kg) entre les régimes LSC et LSE3. Ces écarts ne sont pas suivis de modification de la quantité de matière grasse sécrétée dans le lait.
Conclusion et perspectives
Ce travail combinant synthèse bibliographique et nouvelles mesures expérimentales a permis de quantifier l’effet bénéfique de traitements thermiques, et en particulier de l’extrusion, sur l’utilisation de l’azote des graines protéagineuses : diminution de la dégradabilité ruminale, augmentation de la digestibilité intestinale, de la fourniture d’acides aminés indispensables, et de la sécrétion de protéines dans le lait. Les graines protéagineuses traitées sont donc des alternatives intéressantes à l’utilisation du tourteau de soja pour améliorer l’autonomie protéique dans l’alimentation des vaches laitières. Les effets observés sont toutefois quantitativement variables en fonction des traitements, et les informations requises pour comprendre l’efficacité des traitements restent rares. Les mesures réalisées dans le projet Proleval montrent que la maîtrise du degré de développement des composés de Maillard au cours de l’extrusion semble être un point-clé pour prévoir l’utilisation digestive des graines traitées. Une telle maîtrise des traitements reste délicate pour assurer la répétabilité des résultats des produits finis en fonction des lots de graines. Ceci ouvre de nouvelles perspectives d’innovation pour la filière.
Il s’agira d’aller plus loin dans l’étude des composés de Maillard, afin de mieux comprendre les conditions de leur développement au cours de l’extrusion, leurs effets sur l’utilisation digestive des protéines, et leur devenir au sein de l’organisme (site de digestion, métabolisme, partition entre les urines, le lait et les tissus). Des travaux sont d’ores et déjà en cours pour approfondir ces connaissances. Ils permettront d’optimiser les traitements d’extrusion permettant d’aboutir au meilleur compromis technologique pour maximiser la synthèse de protéines microbiennes, l’utilisation de l’azote et de l’énergie respectivement issus de la dégradation des protéines et de l’amidon. Dans ce domaine, poursuivre l’étude des modalités d’ajouts de sucres réducteurs ou d’enzymes comme prétraitement préalable à l’extrusion du lupin, de la féverole ou du pois (également riche en amidon), constitue une piste d’innovation intéressante, afin de déterminer quelles sources et quelles doses permettraient la meilleure valorisation des protéines et de l’amidon des graines.
Remerciements
Les auteurs remercient : les agents du site « Les Cèdres » de l’Unité expérimentale Herbipôle (INRAE), pour le bon déroulement des essais in vivo ; les agents des ateliers techniques de l’UMR Herbivores (INRAE), et en particulier Vincent Largeau, Lucette Genestoux et Cyril Labonne, techniciens référents des 3 essais in vivo Proleval ; les agents du site Arvalis Institut du Végétal à La Jaillière (44) et de l’installation expérimentale « Méjusseaume » de l’UMR Pegase (INRAE) pour le bon déroulé des séries d’incubations in situ ; Ophélie Dhumez (UMR MoSAR, INRAE), technicienne référente des essais in situ ; Elisa Manzocchi (UMR Herbivores) qui a assuré la responsabilité scientifique du 3ème essai in vivo ; bpi france pour le financement du projet Proleval, dans le cadre du Programme d’Investissement d’Avenir (PIA)
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Résumé
Dans le but d’assurer une meilleure autonomie protéique pour alimenter les animaux d’élevage, différents leviers, dont le développement de filières de protéagineux à graines, sont envisageables. Le projet Proleval s’inscrivait dans cette perspective. Les effets de traitements technologiques sur la valorisation des graines oléo-protéagineuses par les vaches laitières ont été évalués dans le cadre de ce projet. Une synthèse de la littérature a permis de quantifier l’effet bénéfique quasi-systématique des traitements thermiques ou thermomécaniques des graines sur l’utilisation de l’azote : diminution de la dégradabilité ruminale, augmentation de la digestibilité intestinale, de la fourniture d’acides aminés indispensables, et de la sécrétion de protéines dans le lait. Les effets observés sont toutefois quantitativement variables en fonction des traitements. Les essais expérimentaux conduits dans le cadre du projet ont permis de préciser les effets de certaines modalités d’extrusion des graines de féverole et de lupin : la température d’extrusion et la maturation par des procédés innovants intégrant des sucres réducteurs ou un cocktail enzymatique. Les résultats obtenus par différentes approches (mesures de dégradabilité et de digestibilité in situ, mesures in vivo du bilan azoté chez les vaches laitières) montrent que la température d’extrusion doit être limitée pour éviter une surprotection des protéines et que les prétraitements de maturation testés ne sont pas systématiquement efficaces. Les rares résultats publiés sur la fraction lipidique du lait rapportent une diminution du taux butyreux avec les graines traitées par rapport à la même graine crue. Peu d’études présentent des profils en acides gras du lait, mais les données du projet Proleval indiquent que les graines extrudées favorisent la production d’acides gras trans au niveau du rumen et du lait. La maîtrise des conditions d’extrusion permettant d’aboutir de façon répétable à un produit aux caractéristiques nutritionnelles optimales, qui semble passer par la maîtrise du développement des composés de Maillard, reste un enjeu.
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