Réduction de l’usage des antibiotiques en filières monogastriques : état d’avancement et perspectives (Full text available in English)
Chapeau
L’usage des antibiotiques en filières monogastriques a fortement baissé au cours des années passées. Cet article analyse la mobilisation mise en œuvre pour y parvenir, les actions entreprises et les résultats obtenus, et présente les perspectives d’évolution de la situation.
Introduction
Face au développement du phénomène d'antibiorésistance, des efforts très importants ont été conduits depuis plus de dix ans pour optimiser l'usage des antibiotiques dans le secteur de l'élevage. Un précédent article (David et al., 2019) avait abordé la situation dans les filières bovines. Dans les élevages des filières monogastriques (porcs, volailles et lapins), les indicateurs de suivi des ventes de médicaments vétérinaires ont montré (Anses, 2021a) que l'exposition des animaux aux antibiotiques avait augmenté jusqu'au milieu des années 2000. Face à ce constat, les acteurs de la santé et des filières animales se sont mobilisés. Un ensemble d'actions coordonnées ont été entreprises dans le cadre du premier plan EcoAntibio 2012-2017
Les espèces monogastriques sont principalement élevées en bâtiment dans des systèmes intensifs de production standardisés, dans lesquels l’utilisation d’antibiotiques était autrefois devenue un outil efficace de contrôle des maladies d’élevage courantes, notamment lors des phases délicates (installation d’un lot de poussins ou sevrage des porcelets par exemple). Les antibiotiques ont été ainsi utilisés par le passé de façon régulière dans une approche métaphylactique (traitement du lot entier d’animaux quand certains sont malades), voire prophylactique (traitement à titre préventif, dans une période à risque, pour les maladies intervenant à âge précis et de façon récurrente dans certains élevages). Changer cette vision de l’usage des antibiotiques a pu se heurter à certaines contraintes techniques (parc de bâtiments vieillissant), économiques (rapport coût-bénéfice de l’antibiothérapie et des approches alternatives), et au poids des habitudes.
L’évolution des pratiques nécessite de lever des blocages et de faire évoluer, parallèlement aux progrès techniques accomplis, les perceptions des éleveurs et de leur encadrement technico-sanitaire sur la santé des animaux, leur compréhension de l’antibiothérapie et de son impact, et leur appréhension à en supprimer l’usage assimilé à une certaine ‘assurance sécurité’. Néanmoins, la structuration de ces filières organisées fait que des incitations ou actions entreprises à l’échelle de toute la filière ou d’organisations de production peuvent avoir un impact efficace et rapide.
L’objectif de cet article est de faire le point sur l’usage des antibiotiques et son évolution dans les filières monogastriques en France, de présenter la mobilisation mise en œuvre et les différentes approches développées depuis les années 2000 en matière de prévention des troubles de santé et d’évolution des pratiques d’antibiothérapie, et d’envisager les perspectives.
1. Évolution de l’usage des antibiotiques dans les filières monogastriques
1.1. Suivi national des ventes d’antibiotiques
Le tonnage d'antibiotiques vendus (Anses, 2021a) a considérablement diminué depuis 1999, début du suivi des ventes d’antibiotiques sur la base des déclarations des fabricants. Cependant, ces tonnages ne traduisent pas précisément leur niveau d’utilisation. Pour suivre précisémment les usages, il est nécessaire de considérer l’exposition des animaux aux antibiotiques, en prenant en compte la posologie et la durée d’administration des différents antibiotiques, mais aussi l’évolution de la population animale au cours du temps. L’ALEA (Animal Level of Exposure to Antimicrobials), qui rapporte le poids vif des animaux traités à celui de l’ensemble des animaux — population potentiellement exposée — constitue l’indicateur d’exposition le plus fréquemment utilisé en France. Entre 2011 et 2020, il a ainsi diminué, toutes classes d’antibiotiques confondues, de 56 % pour les porcs, de 64 % pour les volailles et de 40 % pour les lapins. Les porcs et les volailles sont traités principalement par voie orale. Les prémélanges médicamenteux sont de moins en moins utilisés et l'ALEA de cette forme pharmaceutique a diminué de 78, 69 et 55 % en 2020 par rapport à 2011 pour les porcs, les volailles et les lapins respectivement (Anses, 2021a).
Les classes d’antibiotiques utilisées et les changements associés diffèrent selon les espèces. Selon les valeurs de l'ALEA en 2020, les porcs sont traités majoritairement avec des tétracyclines, pénicillines, polymyxines, puis avec des macrolides, sulfamides et triméthoprime. Les volailles sont traitées principalement avec des polymyxines, pénicillines et tétracyclines, puis sulfamides et triméthoprime. Les lapins sont traités principalement avec des tétracyclines, sulfamides et triméthoprime, puis avec des aminoglycosides, polypeptides et pleuromutilines.
L’exposition aux antibiotiques d’importance critique — car étant une des seules alternatives pour le traitement de certaines maladies infectieuses chez l’homme — a diminué de façon spectaculaire par rapport aux données de 2013. En 2020, pour les fluoroquinolones, la baisse est de 92 % chez le porc et de 76 % chez la volaille, et pour les céphalosporines de 3ème et 4ème générations (non autorisées pour les volailles), la baisse est de 96 % chez le porc. L’exposition à la colistine, qui n’est pas inscrite sur la liste des antibiotiques d’importance critique mais fait l’objet d’une surveillance renforcée, a diminué de 75 % pour les porcs et de 63 % pour les volailles, par rapport à l'exposition moyenne calculée pour 2014 et 2015. L'objectif fixé par le plan EcoAntibio 2 2017- 2021 de réduire de 50 % sur cinq ans l'exposition à cet antibiotique a donc été dépassé pour les filières porcine et avicole, ces deux filières en étant les principales utilisatrices.
1.2. Dispositifs mesurant l’usage d’antibiotiques
Différents dispositifs permettent de compléter le panorama obtenu à partir du suivi des ventes d’antibiotiques (Anses, 2021a), en étudiant des données à une échelle plus fine (élevages) et en apportant d’autres informations (stade physiologique, motif d’utilisation…). En plus du suivi des ventes, trois types de dispositifs peuvent être recensés en France (tableau 1).
Les panels et observatoires portés par les interprofessions et instituts techniques, et initiés avec le concours de l'Anses, visent à fournir des données de référence en matière d'usages d'antibiotiques, à partir d'un échantillon d'élevages sur lequel sont calculés différents indicateurs d'exposition en suivant une méthode commune. Le panel INAPORC (Hémonic et al., 2019) permet de mesurer les usages d'antibiotiques sur un échantillon représentatif d'élevages porcins tirés au sort. Les données, collectées de manière périodique (en 2010, 2013, 2016, 2019) permettent de décrire les évolutions d'usages d'antibiotiques par molécule, forme pharmaceutique, stade physiologique, affection visée et type de traitement (préventif, métaphylactique, curatif). Le réseau RefA²vi (Rousset et al., 2019) vise des objectifs similaires pour les filières avicoles (dindes et poulets de chair, tous types de production confondus). En 2018 a ainsi été réalisée une première phase pilote de collecte de données auprès de 11 organisations de production volontaires. En production de volailles Label Rouge, un dispositif de collecte initié par le SYNALAF (Syndicat National des Labels Avicoles de France) permet d'obtenir chaque trimestre un indicateur de fréquence d'utilisation des antibiotiques, en distinguant les différentes phases de production et certaines familles d'antibiotiques. La filière cunicole s'est dotée depuis 2010 d'un outil de suivi quantitatif des usages d'antibiotiques au travers de l'enregistrement pour chaque bande des IFTA (Index de Fréquence de Traitement Antibiotique) (Fortun-Lamothe et al., 2011), dans le cadre d'un plan national impulsé par le CLIPP (Comité interprofessionnel du lapin de chair).
Les études et enquêtes ponctuelles, réalisées à partir de données collectées en élevages ou auprès des vétérinaires, permettent d'obtenir une analyse fine des usages d'antibiotiques et d'étudier l'effet de différents déterminants sur ces usages. Ainsi, dans le cadre du projet Minapig, l'étude des usages d'antibiotiques dans 227 élevages porcins répartis dans quatre pays européens a montré que de nombreux facteurs sont associés à l'usage et qu'il est difficile d'identifier des éléments explicatifs génériques. Un des déterminants principaux était l'occurence de signes cliniques respiratoires ou nerveux chez les porcs en croissance (post-sevrage et engraissement) (Collineau et al., 2018).
Les logiciels de suivi des usages en élevage permettent aux éleveurs et aux vétérinaires de suivre en temps réel et en continu les usages de médicaments vétérinaires (antibiotiques, mais aussi vaccins, vermifuges…). Les initiatives purement privées sont nombreuses pour collecter les données qui proviennent soit des vétérinaires d’après leurs prescriptions (logiciels INDICAVET, COOPERL, EVELUP, Certiferme pour le Groupe Michel à titre d’exemples) soit des éleveurs à partir de l’enregistrement des traitements qu’ils ont administrés. La démarche GVET (Gestion des traitements vétérinaires), développée en élevage porcin par l’IFIP, l’ANSES et l’ISAGRI, est une version informatisée du registre des traitements en élevage (quantités de traitement administrées, dates, motifs et animaux concernés) qui vise à remplacer la saisie sur format papier.
Tableau 1. Dispositifs mesurant l’usage des antibiotiques en élevage.
Forces |
Faiblesses |
|
---|---|---|
Anses-ANMV – |
Exhaustivité des données collectées |
Faible niveau de détail |
Panels et observatoires |
Représentativité |
Vision ponctuelle (bilan trimestriel, |
Études, enquêtes |
Représentativité |
Vision ponctuelle (transversale |
Logiciels de suivi |
Collecte en continu des données à partir |
Hétérogénéité du mode de calcul |
1.3. Variabilité des usages d’antibiotiques en élevage
a. Production de volailles : diversité des trajectoires d’évolution entre les espèces et productions
Les filières avicoles françaises sont caractérisées par une grande diversité d’espèces et de modes de production (poulets de chair, dindes, poules pondeuses, palmipèdes, pintades, pigeons, cailles…), avec ou sans accès extérieur et signe de qualité. Une des principales limites des données du suivi des ventes de l’Anses-ANMV est l’agrégation des données concernant toutes ces espèces et modes de production dans une même catégorie ‘volaille’. En complément, les données de l’observatoire RefA²vi montrent une différence d’exposition entre les deux espèces principalement élevées pour la chair (poulet et dinde) (RefA2vi, 2019).
En dinde de chair, une étude pharmaco-épidémiologique (Vove, 2019) conduite sur 1 209 lots mis en place de janvier 2015 à décembre 2017 révèle que, quel que soit le type de production (standard, certifiée baby), l’ensemble des lots étudiés a reçu au moins un traitement antibiotique. Les familles d’antibiotiques les plus utilisées étaient les bétalactamines (amoxicilline, ampicilline et pénicilline), les cyclines et les polypeptides (colistine). L’exposition à la colistine a considérablement baissé, le pourcentage de lots traités passant de 79 à 39 % en trois ans.
En poulet de chair standard, l’observatoire RefA²vi, prenant en compte les données équivalant à 37 % de la production, montre entre 2018 et 2020 une diminution de l’exposition aux antibiotiques de 30 à 32 % selon les indicateurs retenus (NDDkg
b. Production porcine : des différences marquées entre les stades physiologiques
En production porcine, il est largement reconnu que les usages d'antibiotiques ne sont pas répartis de manière homogène entre les différents stades de production (Sjölund et al., 2016, Hemonic et al., 2019). Les données du panel INAPORC (figure 1) montrent de quelle manière les trajectoires d'évolution des usages diffèrent entre ces stades physiologiques (Hemonic et al., 2019). En 2016, les porcelets en post-sevrage restaient le stade physiologique utilisant le plus d'antibiotiques (47 % du total des jours de traitement sur l'élevage), principalement pour des problèmes digestifs (52 % de la durée totale d'exposition des porcelets) devant les problèmes respiratoires (20 % du total). Cependant, l'usage global d'antibiotiques sur ce segment de la production a baissé de 70 % entre 2010 et 2016, avec une évolution plus prononcée entre 2013 et 2016 (– 63 %) qu'entre 2010 et 2013 (– 19 %). Le résultat marquant est la forte baisse des usages de prémélanges, en particulier à base de colistine. Le taux d'élevages utilisateurs est passé de 84 à 32 % entre 2010 et 2016, et la durée d'exposition des porcelets a été réduite de 83 %. Cela s'explique notamment par la décision de la Commission Européenne, en mars 2015, de supprimer les indications d'usage préventif de la colistine orale et de limiter les traitements à sept jours (EMA, 2015). Cette baisse des prémélanges de colistine ne s'est pas traduite par un report des usages vers les autres voies orales, ni vers d'autres antibiotiques à visée digestive. La compensation par le prémélange d'oxyde de zinc, autorisé en France depuis janvier 2016 puis interdit à nouveau, n'a été que peu répandue (16 % des élevages concernés). Ce résultat tend à montrer que les problèmes digestifs ont été gérés par d'autres mesures préventives, comme la vaccination, l'alimentation, la biosécurité ou d'autres aspects de la conduite d'élevage.
L'usage global d'antibiotiques chez les porcs en engraissement a également baissé de 71 % entre 2010 et 2016, avec une baisse plus prononcée entre 2013 et 2016 qu'entre 2010 et 2013 (Hemonic et al., 2019). Ont ainsi baissé les durées d'exposition par animal et le pourcentage d'élevages concernés par chaque type de traitement. Les troubles respiratoires constituent le motif de traitement largement majoritaire.
Figure 1. Évolution de l’exposition des porcs aux antibiotiques (Source Panel INAPORC, 143 exploitations).
Chez les truies en maternité, qui représentaient 29 % de la durée totale d'exposition aux antibiotiques dans les élevages en 2016 (Hemonic et al., 2019), l'usage global d'antibiotiques a baissé de 7 % entre 2010 et 2016. Le motif d'utilisation majeur correspond aux troubles de la sphère urogénitale. Les usages ont également baissé chez les porcelets en maternité (baisse de 28 % entre 2010 et 2016). Cette baisse a eu lieu sur la période 2010 - 2013, les usages étant restés stables entre 2013 et 2016 (+ 1 %). Pour les truies et les porcelets en maternité, la baisse d'usage des antibiotiques d'importance critique (AIC) est très nette en six ans (respectivement – 80 et – 83 % pour les fluoroquinolones et – 100 et – 98 % pour les céphalosporines de dernières générations). Les deux explications sont le moratoire établi par les vétérinaires et les éleveurs dès 2010 pour les céphalosporines (Verliat et al., 2021), puis le décret publié en 2016, élargissant la restriction d'usage aux autres AIC que sont les fluoroquinolones (Décret n° 2016-317). Pour les porcelets en maternité, l'autre résultat majeur est l'arrêt de l'administration d'antibiotiques par prémélange, qui était une pratique à risque en termes de sous-dosage des antibiotiques en raison des faibles quantités d'aliment solide « premier âge » ingérées par ces animaux.
c. Production cunicole : un usage initial peu différent d’un élevage à l’autre
La plupart des élevages cunicoles en France sont naisseurs-engraisseurs. Une étude réalisée en 2009 et 2010 sur 113 élevages (Chauvin et al., 2011) montre une exposition plus importante des lapines aux antibiotiques que celle des lapereaux, avec une cible principalement respiratoire pour les lapines tandis qu'elle est principalement digestive pour les lapereaux – la période autour du sevrage constituant une étape critique pour ces derniers. Cette même étude révèle un usage initial élevé, mais également une nette baisse entre les deux années de l'étude : une diminution de 15 % de la masse de substance active est ainsi notée entre 2009 et 2010 dans 91 élevages.
Depuis cette étude, l’interprofession a suivi les indicateurs IFTA, de façon à mesurer l’usage des antibiotiques sur les reproducteurs (IFTAr) et sur les animaux en croissance (IFTAc). Ces indicateurs sont calculés à partir des traitements effectués sur les animaux, que les spécialités aient une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le lapin ou pour d’autres espèces. Les courbes (figure 2) montrent une baisse de 47 % pour l’IFTAr et de 44 % pour l’IFTAc entre 2012 et 2020 ; un plateau net est observé entre 2014 et 2017, à relier à un contexte sanitaire très défavorable (épizootie de Maladie Hémorragique Virale due à un nouveau génotype viral) ; toutefois la baisse reprend après 2017. Il est à noter, néanmoins, une stabilité de l’exposition des lapins aux antibiotiques depuis quelques années selon l’indicateur ALEA utilisé par l’ANMV (Anses, 2021a) à l’échelle nationale, calculé sur les ventes avec des clefs de répartition par espèce déclarées par les laboratoires pharmaceutiques.
Figure 2. évolution des usages d’antibiotiques chez les lapins entre 2012 et 2020 (IFTAr pour les reproductrices et IFTAc pour les animaux en croissance) (Données ITAVI-CLIPP).
2. Moteurs du changement dans l’usage des antibiotiques : rôle de la réglementation et des initiatives privées
Des études sociologiques (Ducrot et al., 2018) montrent que différents contextes personnels (par exemple succession, problème sanitaire dans l'élevage, problème de santé dans la famille) amènent les éleveurs à réfléchir autrement l'usage des antibiotiques et à mieux le raisonner dans leur exploitation. C'est d'abord une décision personnelle qui est à l'initiative d'un processus de changement. Plusieurs facteurs ont néanmoins été moteurs au cours des années passées pour faciliter ce cheminement de pensée et d'action.
Depuis 2012, le contexte général du plan EcoAntibio a créé un espace d'enjeux partagés entre tous les acteurs concernés par l'usage des antibiotiques en élevage (Ducrot et al., 2018). Il est une forme d'obligation de moyens faite aux productions animales dans la lutte contre la résistance aux antibiotiques, qui a permis une large concertation entre acteurs. Néanmoins, des initiatives collectives avaient déjà commencé avant la mise en place de ce plan. À titre d'exemple, la filière cunicole avait engagé une action collective dès 2011 (lancement d'un plan interprofessionnel de médication raisonnée, signature d'une charte interprofessionnelle par tous les acteurs de la filière), avec un engagement à tout mettre en œuvre pour diminuer la consommation d'antibiotiques, à mettre en place des indicateurs de suivi, à adopter les bonnes pratiques d'usage recommandées, à mettre en œuvre les actions de progrès technique ; cette démarche a reçu un bon écho dans l'encadrement technique, qui a permis dans un second temps d'entraîner les éleveurs dans une démarche de mobilisation collective.
En parallèle, la réglementation a été durcie sur certains points (Rostang et al., 2022, ce numéro), concernant notamment les règles d'utilisation des aliments médicamenteux, des antibiotiques d'importance critique et de la colistine. En filière porcine, l'évolution de la réglementation sur les antibiotiques critiques a été devancée par une initiative conjointe en 2010 des éleveurs et des vétérinaires d'un « moratoire sur l'usage des C3G et C4G » (céphalosporines de 3eme et 4eme générations), action décisive pour faire changer les comportements, en particulier vis-à-vis de l'usage métaphylactique dans les phases ‘clés' de l'élevage, et préventif dans le cas des arthrites du porcelet sous la mère (Verliat et al., 2021).
Enfin, depuis le début des années 2010, en réponse à la demande des consommateurs, une forte pression a été exercée sur le maillon production par l'aval des filières - grande distribution et certaines chaines de restauration internationales - pour réduire les usages d'antibiotiques en élevage (Ducrot et al., 2019 ; Hercule et Rousset, 2021). En réponse à ces évolutions et dans une démarche de positionnement concurrentiel, les cahiers des charges et filières « sans antibiotique» se sont multipliés (Roguet et Hémonic, 2021 ; Hercule et Rousset, 2021 ; Roguet et Hémonic, 2022).
Modifier l’usage des antibiotiques représente une prise de risque pour l’éleveur, en particulier dans le cas des traitements à visée préventive. Ceci interroge sur la manière d’accompagner les éleveurs dans une démarche de réduction des usages d’antibiotiques sans pénaliser la santé, le bien-être des animaux et les performances technico-économiques. Différentes actions ont été conduites par les éleveurs, les vétérinaires, les conseillers d’élevage et les coopératives. Les deux chapitres suivants en présentent une analyse synthétique.
3. Développement et perfectionnement des actions préventives
Différentes approches préventives ont été expérimentées et déployées dans les filières monogastriques, dans le cadre de démarches de recherche-action ou d’actions entreprises par les acteurs eux-mêmes, indépendemment des activités de recherche. Elles reposent sur une approche multifactorielle de la santé, l’établissement d’un bon diagnostic des principaux problèmes sanitaires de l’élevage, et un travail sur leurs causes sous-jacentes pour définir des mesures préventives adaptées au contexte sanitaire de l’élevage.
3.1. Approche multifactorielle et participative
Les travaux des projets européens MINAPIG et EFFORT fournissent un éclairage sur les facteurs clés de la réussite d'une démarche de réduction des usages d'antibiotiques en élevage porcin (Collineau et al., 2016 ; Sanders et Chauvin, 2019). Dans ces deux projets, un plan d'intervention spécifique à chaque élevage a été défini visant à réduire les traitements antibiotiques et à mettre en place des mesures alternatives. Pour le projet EFFORT, l'inventaire des 293 mesures décrites dans les 41 plans d'actions documentés a montré que ces mesures se répartissaient entre des éléments de conduite d'élevage (50 % - e.g. gestion des bandes, de la ventilation, de l'alimentation, de l'eau), de gestion des affections (34 % - e.g. prévention des infections, vaccination, amélioration du diagnostic), de gestion des traitements antibiotiques (12 % - e.g. modification de traitements et proposition d'alternatives) et de formation du personnel (5 %). Dans ce projet, l'analyse des plans d'action de 54 élevages de poulets de chair (français, belges et espagnols) montre que 98 % comportaient des améliorations de la conduite d'élevage et 50 % de ces actions avaient trait à la qualité de l'ambiance (ventilation) ; les autres étaient relatives à la distribution et la qualité de l'alimentation, de l'eau, de la litière, et 60 % des élevages ont reçu une proposition d'alternative aux antibiotiques (prébiotique, probiotique, acide organique…). La formation des éleveurs, notamment à la surveillance et à l'enregistrement des signes de qualité ou cliniques des poussins et poulets, était aussi fréquemment conseillée. Enfin dans 18 élevages des mesures d'amélioration de la biosécurité, du nettoyage-désinfection, des pratiques d'hygiène étaient recensées. Dans le projet MINAPIG, suite à une étude d'intervention dans 19 élevages français de porcs naisseurs-engraisseurs, les facteurs clés de la réussite d'un plan de réduction des usages d'antibiotiques ont été identifiés (Collineau et al., 2016), parmi lesquels : i) établir un bon diagnostic des principaux problèmes sanitaires de l'élevage et de leurs causes ; ii) s'assurer que l'éleveur est prêt à s'engager dans la démarche d'amélioration de la santé du troupeau ; iii) avoir une situation sanitaire maitrisée et stabilisée ; iv) définir la marche à suivre en cas de réapparition de signes cliniques malgré les mesures mises en œuvre (e.g. utilisation d'une pompe doseuse) et v) évaluer le risque perçu par l'éleveur qui s'engage à réduire ses traitements antibiotiques. En complément à ces données, une analyse des leviers d'action possibles est présentée par Fortun-Lamothe et al. (2022), ce numéro.
3.2. Innovations vaccinales
Pour les productions porcine, avicole ou cunicole, la baisse d'utilisation des antibiotiques des dix dernières années s'est opérée dans un contexte de développement d'innovations vaccinales. Dans le secteur porcin par exemple, en plus d'un arsenal vaccinal déjà étoffé (Mycoplasmes, SDRP (Syndrome Dysgénésique et Respiratoire du Porc), Circovirus, Actinobacillus pleuropneumoniae, Lawsonia intracellularis…), l'arrivée sur le marché entre 2013 et 2015 de nouveaux vaccins anticolibacillaires pour les porcelets en post-sevrage a permis une avancée dans la maîtrise des problèmes digestifs ou liés à la maladie de l'œdème. Une étude évaluant dans 45 élevages l'effet d'un vaccin pour prévenir la colibacillose du sevrage a montré une augmentation de la vitesse de croissance, une diminution de la mortalité en post-sevrage après mise en place du vaccin, et une réduction forte (– 65 %) de l'utilisation des antibiotiques à visée digestive (Gauvrit et al., 2021). Les résultats montrent que les effets du vaccin étaient d'autant plus favorables que la situation sanitaire dégradée impactait les performances techniques avant vaccination, illustrant l'importance d'un diagnostic précis préalablement à la mise en œuvre de mesures préventives adaptées. En élevage de poulets et de dindes, un vaccin vivant anticolibacillaire en nébullisation ou eau de boisson a été mis sur le marché ces dernières années ; il est de plus en plus utilisé, y compris hors AMM (autorisation de mise sur le marché) pour d'autres espèces de volailles, surtout dans des productions avec une durée de vie assez longue. La vaccination en développement contre les coccidioses permet aussi de contrôler une infestation parasitaire propice aux infections bactériennes.
Le développement des autovaccins permet également aujourd'hui de mieux maîtriser des maladies ayant un fort impact sur les animaux ; gestion d'Escherichia coli dans toutes les productions longues en volailles, Pasteurella multocida et Riemerella anatipestifer chez le canard, Ornitobacterium rhinotracheale chez la dinde, Streptococcus suis et Glaesserella parasuis chez le porc, ou Staphylococcus aureus (souches Highly Virulent) chez le lapin. Cette approche « sur mesure », utilisant une souche et un protocole vaccinal spécifiques à l'élevage, repose sur un diagnostic précis et un accompagnement, car son efficacité est variable et peut dépendre de la maîtrise d'autres facteurs d'élevage telle que l'efficacité de la prise colostrale par exemple (Rémond et al., 2021) et de facteurs sanitaires intercurrents (maladies virales contre lesquelles, là aussi, les plans de prophylaxie vaccinale se sont renforcés).
3.3. Utilisation des substances alternatives : prébiotiques, probiotiques, acides organiques, extraits de plantes
Par ailleurs, des développements sont également en cours par rapport au recours aux flores dites « positives », à l'ajout d'ingrédients bénéfiques pour la santé digestive comme les prébiotiques, probiotiques, acides organiques ou encore extraits de plantes. Certains travaux montrent des effets bénéfiques sur la santé intestinale des porcelets mais pas toujours de réelles propriétés préventives ou curatives. Des travaux sur le microbiote intestinal permettront peut être de mieux comprendre les mécanismes d'action de ces solutions alternatives (Guevarra et al., 2019 ; Luise et al., 2021). Une revue approfondie de la littérature existante a néanmoins montré récemment qu'il restait extrêmement difficile de se prononcer sur l'efficacité de ces différents produits (prébiotiques, probiotiques, acides organiques ou encore extraits de plantes) en tant qu'alternatives aux antibiotiques, faute d'éléments bibliographiques suffisants (Anses, 2018). Cela ne signifie pas forcément que ces produits sont inefficaces, mais souligne la nécessité d'encourager les recherches dans ce domaine, afin de pouvoir identifier les produits prometteurs, caractériser leurs effets, et mieux analyser leur innocuité. Le travail de recensement conduit en 2018 par un groupe d'experts soulignait également des difficultés de positionnement de ces produits d'un point de vue réglementaire, de nombreuses allégations conduisant à classer les produits concernés dans la catégorie des médicaments vétérinaires, alors que leur fonction en est éloignée (Anses, 2018).
3.4. Conduite d’élevage
Outre les innovations précédemment citées, différents leviers relevant de la conduite d'élevage et de la zootechnie ont été mobilisés afin d'améliorer la santé des animaux en élevage et, ainsi, diminuer le recours aux antibiotiques. Une étude cas-témoins conduite en élevage de poulet label a par exemple montré que le recours à un traitement antibiotique était significativement plus faible dans les élevages utilisant du papier démarrage à l'arrivée des poussins (Adam et al., 2019). Ce dispositif est utilisé par les éleveurs pour attirer les poussins à un endroit du bâtiment où sont regroupés tous les éléments indispensables à leur survie (chauffage, aliment, eau). L'importance du démarrage et la satisfaction des besoins physiologiques des poussins est unanimement reconnue comme un facteur important de bonne réussite du lot : performance technique du lot, mortalité, etc. (Yassin et al., 2009)).
L'amélioration des plans de nutrition joue également un rôle favorable dans la réduction des usages d'antibiotiques en élevage. Ainsi, différentes actions fondées sur l'optimisation de la nutrition ont été mises en place pour gérer les troubles digestifs lors de la phase de sevrage des porcelets, qui constitue une étape critique au regard de l'utilisation des antibiotiques chez le porcelet. Une meilleure connaissance des besoins nutritionnels a permis d'améliorer la qualité des aliments au sevrage et d'utiliser des aliments dits « sécurisés » pour cette phase (baisse du taux de protéines) (Sauzea et al., 2020). Par ailleurs, pour limiter la période d'anorexie à cette période et le risque de diarrhée qui en découle ensuite, mais également pour améliorer les performances des porcelets, il a été montré l'intérêt de distribuer de l'aliment solide aux porcelets pendant la période de lactation (développement du tube digestif et de ses capacités enzymatiques, limitation de la prolifération des bactéries pathogènes (Lalles et al., 2004 ; Pluske et al., 2007).
Dans les filières porcines, avicoles et cunicoles, un effort particulier a porté sur la qualité de l'eau de boisson (qualité microbiologique et biochimique), qui est aussi unaniment reconnue comme un facteur important pour la gestion de la santé. Ceci porte sur une meilleure application des traitements de l'eau ou des procédés de nettoyage-désinfection des canalisations (Leblanc-Maridor et al., 2019). Les mesures visant à vérifier l'absence de biofilm le long des lignes d'eau sont aujourd'hui largement employées en élevage. De plus, l'acidification de l'eau en vue de stabiliser la flore digestive des animaux est une pratique courante (Sauzea et al., 2020). Enfin des efforts tout particuliers ont porté sur les équipements et techniques d'élevage associées, avec une amélioration du confort grâce à une maîtrise de l'ambiance et de la ventilation ou l'utilisation de sols bétonnés en aviculture.
3.5. Biosécurité et assainissement des élevages
Outre l'amélioration des conditions d'élevage des animaux (densité, ventilation, conduite de troupeau, stratégies alimentaires), d'importants efforts ont été conduits sur la biosécurité et l'assainissement des exploitations vis à vis de certains agents pathogènes. Ces efforts ont tout particulièrement été renforcés ces dernières années, suite à de nouvelles obligations réglementaires (Arrêté Biosécurité 8 février 2016 pour les élevages de volailles
La littérature montre que l'efficacité des mesures de biosécurité dépasse largement le cadre des seules maladies réglementées, et permet de prévenir et limiter l'impact d'un ensemble d'agents pathogènes, y compris endémiques. Lorsqu'elles sont bien appliquées, les mesures de biosécurité sont associées, sur le long terme, à une diminution des coûts (traitements) et des pertes (mortalité) générés par l'apparition de maladies (Gifford et al., 1987 ; Fasina et al., 2012). Des travaux menés en élevage porcin ont montré que les pratiques de biosécurité permettent de réduire le risque infectieux et les consommations d'antibiotiques sans affecter négativement les paramètres de production d'un élevage ou les gains économiques (Rojo-Gimeno et al., 2016 ; Postma et al., 2017 ; Collineau et al., 2017 ; Stygar et al., 2020). En élevage de volailles, les résultats suggèrent une tendance similaire entre biosécurité et réduction des usages d'antibiotiques (Gelaude et al., 2014).
La bonne observance - respect des recommandations - des mesures de biosécurité est indispensable à l'efficacité de ces mesures. Cependant, les études évaluant l'observance de la biosécurité en élevage mettent en évidence, dans différents pays et pour différentes espèces, une grande hétérogénéité des pratiques, certaines mesures étant mieux ou moins bien respectées que d'autres (Brennan et Christley, 2012 ; Backhans et al., 2015 ; Racicot et al., 2011). La mise en œuvre efficace de la biosécurité en élevage, et notamment son observance au quotidien, nécessite un diagnostic de chaque situation et la définition d'un plan d'action ciblé sur les spécificités de l'élevage. Avec pour thème en 2020-2021 la biosécurité, la Visite Sanitaire Porcine a été l'occasion d'un échange à ce propos entre le vétérinaire sanitaire et l'éleveur, conduisant, suite à un audit, à élaborer un plan d'amélioration. Trois axes ont été mis en œuvre en élevage porcin en matière de biosécurité. L'amélioration des statuts sanitaires des schémas génétiques permet aujourd'hui d'avoir de nombreux élevages de sélection et de multiplication indemnes des principales maladies bactériennes, notamment pour les différents sérovars de l'agent de l'actinobacillose (Actinobacillus pleuropneumoniae) et Mycoplama hyopneumoniae. Des démarches volontaires d'éradication du SDRP sont de plus en plus fréquentes, cette maladie ayant un impact fort sur les dépenses de santé curatives. À l'occasion de rénovation ou de réorganisation d'élevage, le repeuplement est conduit de plus en plus souvent de manière à éradiquer certaines maladies bactériennes chroniques responsables de nombreux traitements antibiotiques. Enfin, en élevage de porc, l'attention a également porté sur les mélanges d'animaux de bandes ou d'origines différentes, les sites d'élevage peuvant être sectorisés par stade physiologique (séparation du naissage et de l'engraissement).
Dans les filières avicoles, des efforts majeurs ont été entrepris ces dernières années pour améliorer la biosécurité des élevages. Ces efforts ont clairement été renforcés sous la menace des épizooties d’influenza aviaire hautement pathogène. Des plans d’action ont été construits en concertation étroite entre les professionnels et les services de l’état, et déclinés dans les différentes espèces et sous-filières de production. La survenue répétée des épizooties rend pour l’instant difficile l’évaluation de l’effet de ces mesures sur les performances techniques et le recours aux antibiotiques. Globalement, l’application de ces mesures préventives a été fortement renforcé dans les filières monogastriques du fait du contexte sanitaire propre à chacune, et un certain nombre de mesures sont désormais obligatoires, ce qui concourt à une meilleure prévention sanitaire.
4. évolution des pratiques d’antibiothérapie
4.1. évolution des pratiques de prescription des vétérinaires
L'élevage de grands effectifs d'animaux permet depuis longtemps dans certaines productions le recours à des examens bactériologiques qui sont complémentaires du diagnostic d'orientation (clinique, lésionnel) pour les maladies bactériennes. L'isolement bactérien est interprété par des bactériologistes expérimentés à la lumière des éléments cliniques de suspicion et des caractéristiques de la croissance bactérienne (culture pure, abondante…). Il est complété par un antibiogramme pour les germes jugés d'intérêt par le vétérinaire. Une étude qualitative conduite en France auprès de vétérinaires exerçant dans différents secteurs (animaux de production, de compagnie et de sport) a souligné les spécificités des filières monogastriques au regard de l'utilisation de l'antibiogramme (Bourély et al., 2018). Il ressort de cette étude que, dans ces filières qui nécessitent une approche collective des maladies, le rapport entre le coût de l'examen complémentaire et le bénéfice attendu d'investiguer la cause pour sauver le reste du lot ou de la bande est largement favorable. En filière avicole et dans une moindre mesure en filière porcine, le lien historique entre laboratoire d'analyse et cabinet vétérinaire contribue à faciliter le recours aux antibiogrammes, particulièrement dans les zones de forte production.
Sur la base de ces résultats d'analyse et de l'évolution clinique du lot, un traitement antibiotique peut être prescrit et mis en œuvre ; il est alors assorti d'un suivi de l'évolution de l'état de santé du lot et des paramètres techniques par le vétérinaire, en cours et à la fin du traitement. En filières avicole et porcine, au contraire d'autres secteurs, le recours à l'antibiogramme n'implique pas systématiquement l'utilisation d'un antibiotique par la suite (Bourély et al., 2018). Les statistiques annuelles sur la sensibilité des bactéries aux antibiotiques, réalisées sur plusieurs milliers d'antibiogrammes et compilées par les laboratoires, peuvent également être utilisées pour guider la mise en place d'un traitement antibiotique de première intention après diagnostic clinique et lésionnel, si l'état de santé du lot justifie une réaction très rapide. Les bilans annuels fournis par le réseau national de surveillance de l'antibiorésistance (Resapath), qui collecte les données d'antibiogrammes des bactéries pathogènes d'origine animale en France (Anses, 2021b), constituent également une source d'information utile pour guider le praticien vétérinaire dans ses choix thérapeutiques (Bourely et al., 2020). Pour les maladies dont le traitement est basé exclusivement sur l'examen clinique (maladies dues à des bactéries non cultivables ou très difficiles à cultiver), et pour lesquelles les antibiothérapies sont réputées nécessaires, la prescription est faite si nécessaire.
La profession vétérinaire a été très dynamique pour mettre en place une réflexion approfondie et prendre des décisions consensuelles sur les démarches et protocoles à dérouler dans différents contextes, ce qui se traduit par des règles de décision, la nécessité d'examens complémentaires et la réalisation d'antibiogrammes. Cette volonté de consensus se retrouve dans les « Recommandations de bonnes pratiques d'utilisation des antibiotiques» qui ont été éditées par la SNGTV pour chaque filière. En production porcine, le moratoire sur l'usage des céphalosporines de 3ème et 4ème générations ainsi que la limitation des traitements antibiotiques via l'aliment ont contribué à une diminution des traitements métaphylactiques de l'ensemble du troupeau, les éleveurs s'orientant vers un traitement plus ciblé à l'auge ou à la case. La profession vétérinaire a également adopté une position prudente sur l'usage de l'oxyde de zinc, utilisé pour prévenir la diarrhée au post sevrage chez le porcelet. Cette substance a été prescrite en France avec parcimonie pour limiter le risque d'écotoxicité, à la différence de plusieurs pays européens. En filières avicole et porcine, les vétérinaires ont également accompagné les éleveurs dans ces changements, notamment via l'utilisation de nouveaux dispositifs permettant de mieux gérer les traitements collectifs tels que la pompe doseuse (Fortané et al., 2014) (figure 3). Parallèlement, un travail a été réalisé pour un meilleur usage des spécialités disponibles. L'administration des antibiotiques à la bonne dose est primordiale pour éviter les échecs thérapeutiques et l'apparition de résistance aux antibiotiques. Or, des sous-dosages sont parfois réalisés en élevage pour différentes raisons : mauvaise appréciation du poids des animaux, erreurs de calcul, mauvaise conservation ou préparation des médicaments. Certaines erreurs sont faciles à corriger, tandis que d'autres méritent encore des études complémentaires.
Figure 3. Installation de pompe doseuse permettant la distribution d’antibiotiques dans l’eau de boisson (photo Anne Hemonic). Plus souple et réactive que l’administration dans l’aliment, l’administration d’antibiotiques dans l’eau de boisson grâce à la pompe doseuse a permis de réduire l’usage d’antibiotiques dans les filières monogastriques.
4.2. Dispositifs de suivi de la santé
L’évolution des pratiques d’antibiothérapie doit également s’appuyer sur de meilleurs outils de pilotage de la santé, qui permettent de suivre précisément et précocement l’état de santé des animaux, réagir en cas d’alerte, et servir de support de discussion avec l’éleveur. La réglementation concernant la prescription des antibiotiques hors examen clinique impose la réalisation, par le vétérinaire, d’un Bilan Sanitaire d’Elevage (BSE) annuel accompagné de la rédaction d’un protocole de soin pour les affections prioritaires dans cet élevage, ainsi que d’une ou plusieurs visites supplémentaires de suivi (Arrêté du 24 Avril 2007, voir article sur la pharmacie vétérinaire dans ce numéro spécial). Le BSE et les visites associées constituent un moment privilégié d’échange entre l’éleveur et le vétérinaire, qui permet de balayer l’ensemble des problématiques et d’aborder la gestion de la santé à une échelle globale. Ainsi, ce dispositif offre un cadre propice pour aborder la réduction de l’usage des antibiotiques et les moyens d’y parvenir compte tenu des spécificités de l’élevage visité. Le bilan sanitaire offre par exemple l’opportunité à l’éleveur et au vétérinaire d’échanger sur les stratégies de maîtrise optimales. Ainsi, en filière porcine, l’évolution d’un protocole « antibiotique » de maîtrise d’une maladie bactérienne vers la mise en place d’une vaccination sur l’ensemble des animaux peut être envisagée, en particulier pour des maladies chroniques comme la leptospirose sur les truies ou l’iléïte proliférative sur les porcs. Par ailleurs, des démarches globales pour répondre aux attentes sociétales, notamment sur les questions d’usage d’antibiotiques et de bien-être animal, sont entreprises par la majorité des structures impliquées en productions animales organisées, par exemple l’approche Alterbiotique
En production avicole de chair, la nécessité d’être plus réactifs et proactifs a donné de l’intérêt à des bilans « fin de lot », réalisés de manière tripartite avec l’éleveur, l’organisation de producteurs et le vétérinaire. Ces bilans, pilotés par le vétérinaire, permettent la mise en œuvre rapide d’actions correctives en aviculture pour le lot suivant ou des mesures d’accompagnement des éleveurs pour inciter au changement de pratiques. Outre ces différents bilans, des approches de modélisation prédictive ont été développées à titre pilote en filière poulet de chair. Des modèles prédictifs, construits à partir de larges bases de données rétrospectives, permettent de reconstruire la courbe de mortalité lors de la première semaine de vie (Gall, 2015). Associées à un examen nécropsique (poids par rapport au standard, état d’hydratation et consommation de remplissage digestif, lésions infectieuses), ces références constituent des garde-fous contre un éventuel recours trop rapide à un traitement antibiotique.
5. Accompagnement des éleveurs dans la réduction d’usage des antibiotiques
5.1. Dispositifs de sensibilisation et de formation aux approches préventives
Les actions préventives sont d'autant plus efficaces qu'elles sont mises en place de façon concertée entre le triptyque d'acteurs éleveur, vétérinaire et technicien, facilitant l'adhésion et l'observance de l'éleveur. Ces actions sont accompagnées par des démarches collectives de sensibilisation, formation, incitation et appui technico-économique, avec recherche d'une valorisation des produits. Pour cela, différents dispositifs d'accompagnement individuel et collectif sont mis à la disposition des éleveurs (Sulpice et al., 2005 ; Kling-Eveillard et Frappat, 2010 ; Ruault, 2015). Ces accompagnements se font par le biais de trois canaux privilégiés : l'information, la formation et l'échange (Ruault et al., 2016).
Les réunions participatives et les groupes d'échange de pratiques sont de plus en plus fréquemment proposés aux éleveurs et mobilisés par ces derniers (Ruault, 2015 ; Ruault et al., 2016) dans un but d'amélioration continue des pratiques. C'est dans ce cadre que le projet multi-partenarial UniFilAnim Santé (Union des Filières Animales pour la Santé), co-financé par la région Pays de la Loire et l'Europe a été mis en place. C'est un projet multi-filières (filières ruminants et monogastriques) ayant pour but de développer et d'ouvrir de nouvelles perspectives aux éleveurs et à leurs intervenants dans le pilotage de la santé des animaux en prenant en compte les besoins et attentes des éleveurs en termes d'accompagnement (Gambara, 2020 ; Manoli et al., 2020). De même des outils pédagogiques sont proposés sur la biosécurité en élevage de porc (rassemblés dans un même site internet[7]), en aviculture (modules de e-learning, outils d'audit, fiches techniques, vidéos de témoignages d'éleveurs ayant réussi à baisser leurs usages d'antibiotiques, simulateur économique du coût de la biosécurité) et en cuniculture (Jeu de 21 fiches biosécurité issues d'une collaboration ITAVI CLIPP SNGTV).
La formation des éleveurs et des techniciens est un point de départ permettant un discours cohérent entre tous les acteurs, notamment pour un meilleur usage des antibiotiques (Piel et al., 2019a ; Piel et al., 2019b) ; elle peut porter sur différents sujets impliquant la santé des animaux (bien-être animal, biosécurité, qualité de l'eau…) mais également sur des outils de suivi des consommations d'antibiotiques. Plusieurs études soulignent que la réduction des usages d'antibiotiques n'entraine pas de dégradation des performances techniques (Lopez et al., 2017 ; Piel et al., 2019a, 2019b ; Poissonnet et al., 2021). Ce résultat contre-intuitif est probablement la résultante d'actions combinées comme la mise en place de mesures préventives plus efficaces. Ce résultat constitue en tout cas un argument de poids dans la discussion entre vétérinaires et éleveurs lors d'un processus de réduction des usages d'antibiotiques.
5.2. Facteurs favorisant l’adhésion de l’éleveur à l’évolution des pratiques d’antibiothérapie
Au sein de toutes les filières de production étudiées, les éleveurs identifient le vétérinaire comme l'interlocuteur privilégié vis-à-vis de la santé et c'est ce dernier qui est le mieux placé pour mettre en place avec l'éleveur un plan de suivi personnalisé avec un accompagnement par le technicien. Une clé de la réussite pour l'amélioration des pratiques d'antibiothérapie est l'évolution des relations de travail au sein du trio constitué par l'éleveur, le vétérinaire et le conseiller d'élevage, pour une construction collective de solutions (Ducrot et al., 2019). En effet, outre l'établissement d'un bon diagnostic des problèmes sanitaires de l'élevage, et de la définition de la démarche à suivre en cas de réapparition de signes cliniques, il faut également s'assurer que l'éleveur est prêt à s'engager dans la démarche et évaluer le risque qu'il perçoit à réduire les traitements antibiotiques. Ce dernier point mérite d'être exploré davantage pour donner aux acteurs des outils permettant d'accompagner au mieux la démarche de réduction des usages d'antibiotiques (Collineau et al., 2014). Une étude de Gery-Choquet et al. (2019) a analysé les freins et motivations des éleveurs à mettre en place des mesures préventives contre la colibacillose aviaire. L'analyse a permis de révèler différents profils d'éleveurs pouvant se distinguer par leur motivation à changer leurs pratiques et suggère l'adaptation du conseil en fonction de cette typologie. Divers facteurs motivants pour les éleveurs, issus d'études dans les différentes filières animales, sont rapportés par Ducrot et al (2019) : adéquation de la réduction des usages d'antibiotiques avec la représentation du « bien faire » ; notion de contrôle perçu par l'éleveur, à savoir la confiance qu'il a en l'existence d'alternatives possibles aux antibiotiques, thérapeutiques ou autres ; perception du stress comme élément moteur dans le travail (défis à relever) ; et les incitations financières.
La réduction des antibiotiques en élevage entre dans le cadre de mutations organisationnelles complexes. La qualité de la relation éleveur-vétérinaire, notamment la confiance accordée par l'éleveur, est un point clé pour obtenir son adhésion à une démarche de réduction d'usage des antibiotiques ou plus généralement d'observance des recommandations (Racicot et al., 2012 ; Fortané et al., 2015 ; Collineau et al., 2017). En médecine humaine, la confiance accordée au praticien par le patient a fait l'objet de nombreux travaux conduisant à établir des grilles d'évaluation de cette confiance, validées et robustes (Hillen et al., 2012 ; Muller et al., 2014). En revanche, en médecine vétérinaire, ce domaine est pour l'instant peu exploré. Le projet européen ROADMAP (“Rethinking of antimicrobial decision-systems in the management of animal production”) explore ainsi un nouveau front de recherche sur l'importance de la confiance entre l'éleveur et ses conseillers en santé animale pour une meilleure observance des recommandations en élevage porcin. Les résultats devraient contribuer à améliorer la connaissance sur les facteurs sociologiques et psychologiques de la relation de confiance et son implémentation dans une relation de travail éleveur-vétérinaire-technicien (Drouet et al., 2020).
6. Discussion et perspectives
Les démarches mises en œuvre pour rationnaliser l'usage des antibiotiques mettent l'accent conjointement sur des approches préventives adaptées au contexte de chaque exploitation et un usage raisonné des antibiotiques en cas de nécessité. La réduction d'usage des antibiotiques a pu susciter des inquiétudes de la part des éleveurs, par rapport au risque perçu de dégradation du statut sanitaire de leur élevage, du bien-être des animaux et d'une baisse de leurs performances technico-économiques. En réalité, plusieurs études ont montré l'efficacité technique et économique des plans d'intervention entrepris par les éleveurs avec l'appui des vétérinaires (Poisonnet et al., 2021). Ce type d'action nécessite néanmoins plus de technicité, un suivi régulier de la situation avec des adaptations permanentes, et une relation de confiance forte entre l'éleveur, le vétérinaire, les autres encadrants techniques et les organisations de production.
Il existe cependant une possibilité de dérive de la démarche vers l’insuffisance de traitements antibiotiques même en cas de nécessité, par autocensure de certains éleveurs et vétérinaires. L’expérience de terrain montre notamment que la segmentation du marché autour des cahiers des charges « sans antibiotique » peut également avoir des effets pervers en terme de bien-être et de souffrance animale. Dans certaines situations, éleveurs et vétérinaires optent pour l’euthanasie des animaux malades, ce qui peut s’avérer une meilleure stratégie comparée à un acharnement thérapeutique parfois vain ou à une non action totale laissant les animaux souffrir.
À l'avenir, le développement de modes d'élevage alternatifs en phase avec certaines attentes sociétales (accès des animaux à l'air libre, apport de paille….) aura vraisemblablement des impacts très hétérogènes sur la santé des animaux et les usages d'antibiotiques (Delsart et al., 2020). À titre d'exemple, les porcs élevés sur litière tirent certains bénéfices en termes de bien-être, avec un meilleur confort que le béton (moins de blessures aux pieds) et une plus grande surface par animal ; en revanche, la paille est à risque en termes de mycotoxines (avec les conséquences délétères sur l'immunité et la résistance aux maladies), de rongeurs (porteurs de germes pathogènes), de coups de chaleur et enfin d'hygiène quand elle n'est pas apportée en quantité suffisante ou renouvelée suffisamment souvent. Divers projets en cours visent à réaliser une évaluation multi-critères des nouveaux systèmes d'élevage en étudiant à la fois l'impact sur le bien-être animal, la santé, l'environnement, l'économie et l'ergonomie au travail (exemple des projets Pigal, BP 2022[8] et Physior ).
Il paraît aujourd'hui difficile d'imaginer poursuivre la baisse des quantités d'antibiotiques utilisés en élevages monogastriques. Peu d'éleveurs pensent pouvoir encore diminuer leur utilisation, ce qui a été révélé en filière porcine par l'analyse des bilans de la visite sanitaire 2018-2019 consacrée aux antibiotiques et à l'antibiorésistance (Pandolfi et al., 2021). Ainsi, dans ces bilans, seuls 28 % des éleveurs pensaient pouvoir encore diminuer leur utilisation d'antibiotiques (résultats pour 1480 élevages tirés au sort sur les 11465 visites réalisées). Des progrès sont néanmoins possibles au travers de l'amélioration de l'observance des traitements (dose, durée), et de l'application de mesures ciblées sur les exploitations les plus utilisatrices d'antibiotiques. Après une phase de « réduction massive » des usages d'antibiotiques, on s'achemine maintenant vers une analyse qualitative et un ajustement des usages d'antibiotiques à même de maintenir un bon niveau de santé tout en garantissant le respect du bien-être des animaux, ce qui nécessite d'avoir une échelle fine de suivi des usages et d'analyse de la situation, adaptée à chaque situation d'élevage.
Avancer dans cette direction nécessite une bonne coordination entre acteurs concernés, des ajustements dans les pratiques pouvant impliquer différents acteurs de la chaîne de production, et l'enrôlement des acteurs dans ces évolutions. Pour cela, des approches participatives s'avérent intéressantes à considérer. À titre d'exemple, le projet de recherche européen ROADMAP[9] aborde les pistes possibles pour continuer à affiner et réduire l'usage des antibiotiques en élevage. Il est basé sur un dispositif de recherche participative (Living Lab) impliquant les principaux acteurs des filières porcine et avicole. L'objectif est de définir une vision commune aux différents partenaires impliqués — vétérinaires praticiens, représentants des filières, instituts techniques, administration — sur ce qu'on veut atteindre en matière d'usage d'antibiotiques, de définir le chemin pour s'en rapprocher, et de mettre en place des actions ou des recherches pour lever les obstacles (Belloc et al., 2022, ce numéro). Selon les directions prises, les acteurs de la grande distribution et des représentants des citoyens et des consommateurs pourront aussi être mobilisés. Ces réflexions devraient inspirer les partenaires pour contribuer à définir les objectifs et les moyens d'action du prochain plan EcoAntibio.
En parallèle, des recherches et nouvelles initiatives abordent différentes problématiques. Certaines portent sur les risques d’antibiorésistance : risque de sélection de résistances lié à l’usage de l’oxyde de zinc ou des désinfectants, orientation du microbiote intestinal, recherche de compromis entre usage minimal d’antibiotiques et préservation de la santé et du bien-être des animaux, relation entre usage d’antibiotiques en production animale et résistance des bactéries aux antibiotiques, efficacité et innocuité des solutions alternatives. D’autres concernent le pilotage de la santé : analyse de données en continu pour le suivi de la santé et réflexion sur les indicateurs de pilotage et de prise de décision, évaluation de la situation sanitaire dans les systèmes d’élevage innovants qui se dessinent (jardins d’hiver — accès à un espace extérieur type véranda ou préau —, perchoirs en volailles de chair, zones différenciées, paille et accès à l’air libre en porc) et leur pression de sélection sur la résistance aux antibiotiques. Plus généralement, sont posées les questions de la compatibilité entre la naturalité des modes d’élevage et la réduction d’usage des antibiotiques ; du financement des changements de trajectoire pour les acteurs de l’élevage (bâtiments plus chers, litières, coût des mesures alternatives…) ; de la question récurrente du financement du service vétérinaire et du maillage territorial des vétérinaires praticiens ; ainsi que celle de l’équilibre entre bien-être et santé des animaux, et bien-être, santé et satisfaction au travail des éleveurs.
Notes
- https://agriculture.gouv.fr/plan-ecoantibio-2012-2017-lutte-contre-lantibioresistancehttps://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecoantibio-2-2017-2021
- NDDkg et NCDkg sont des indicateurs d’exposition aux antibiotiques : NDDkg est le poids vif traité-jour, représentant la quantité de matière active recommandée par jour de traitement d’un kilo de poids vif ; NCDkg est le poids vif traité pour un traitement, qui intègre la durée du traitement.JORF n°0034 du 10 février 2016 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032000273JORF n°0240 du 17 octobre 2018 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000037501487https://groupecristal.fr/alterbiotique/la-solution-alterbiotique/
- http://biosecurite.ifip.asso.fr/
- https://opera-connaissances.chambres-agriculture.fr/doc_num.php?explnum_id=154052]
- https://www.legouessant.com/actualites/rd-un-elevage-porc-pilote-dici-fin-2021/]
- https://www.roadmap-h2020.eu/
Références
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- Anses, 2018. Avis de l'Anses relatif à l’état des lieux des alternatives aux antibiotiques en vue de diminuer leur usage en élevage, 208 p. https://www.anses.fr/fr/system/files/ALAN2013SA0122Ra.pdf
- Anses, 2021a. Suivi des ventes de médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France en 2020, Rapport annuel. Rapport 92pp. https://www.anses.fr/fr/system/files/ANMV-Ra-Antibiotiques2020.pdf
- Anses, 2021b. Résapath - Réseau d'épidémiosurveillance de l'antibiorésistance des bactéries pathogènes animales, bilan 2020, Lyon et Ploufragan-Plouzané-Niort, France, novembre 2021, rapport, 39 pp. https://www.anses.fr/fr/system/files/LABO-Ra-Resapath2020.pdf
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Résumé
La quantité d’antibiotiques utilisés dans les filières monogastriques (porcs, volailles et lapins) a chuté fortement à partir des années 2000, et connaît une relative stabilisation depuis quelques années. Les plans EcoAntibio successifs ont renforcé la dynamique et contribué à réduire drastiquement l’usage des antibiotiques critiques. Cette évolution est la résultante combinée d’évolutions réglementaires, d’actions volontaires privées mises en œuvre dans les filières de production, et de démarches professionnelles collectives et individuelles. Différentes actions ont été mises en place, reposant sur une approche multifactorielle de la santé, l’établissement d’un diagnostic fin des troubles sanitaires de l’élevage, et un travail sur leurs causes sous-jacentes pour définir des mesures préventives adaptées. L’accent est mis sur la conduite d’élevage, l’assainissement vis à vis d’agents pathogènes particuliers, la biosécurité, la vaccination, la nutrition, et l’usage de substances alternatives. Les pratiques d’antibiothérapie ont aussi évolué, avec la mise en place de guides de bonnes pratiques consensuels, la généralisation de l’examen bactériologique et de l’antibiogramme, la bonne observance des posologies, et le suivi précis de la santé pour adapter les traitements. La mise en place de ces évolutions repose par ailleurs sur un bon rapport de confiance entre éleveur, vétérinaire et technicien d’élevage, l’accompagnement des éleveurs ayant aussi été renforcé via des dispositifs de sensibilisation et de formation. La poursuite de la rationalisation des usages reposera sur le ciblage des exploitations à risque au regard des usages d’antibiotiques et la mise en place d’actions sur-mesure.
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