Alimentation des vaches laitières : Que penser des normes étrangères ?
Résumé
Les trois articles qui suivent correspondent aux trois conférences que leurs auteurs ont faites le 27 février dernier à Tours, dans le cadre d’une journée organisée par le CAAA (Cycle Approfondi d’Alimentation Animale) et l’AFTAA (Association Française des Techniciens de l’Alimentation Animale). Le thème de cette journée était "Que penser des normes étrangères pour les VHP ?" Ce sujet avait été retenu parce que, grâce aux progrès des circuits d’information, les différents partenaires des filières animales ont un accès facile aux systèmes alimentaires pratiqués à l’étranger. De ce fait, un certain nombre d’entre eux s’interrogent, en toute logique, sur les qualités respectives des systèmes d’unités proposés dans différents pays et quelques uns d’entre eux ont même décidé "d’adopter" un système étranger, comme on achète un téléviseur japonais ou une voiture allemande. Ce type de comportement, admissible au niveau de l’individu ou au niveau de l’entreprise, pour un matériel par exemple, peut avoir des effets pervers lorsqu’il s’agit des unités d’alimentation. En effet, les règles d’usage et légales appliquées dans un pays ne peuvent s’appuyer que sur un langage clair et commun. En outre, on imagine le désarroi de l’éleveur, déjà sollicité à consommer de multiples intrants aux différents niveaux de son exploitation, qui verrait défiler des partenaires se recommandant chacun de tel ou tel système étranger. De grâce, soyons sérieux et raisonnables, l’élevage laitier français de 1992 n’a pas besoin d’un tel facteur de pertubation supplémentaire. Au cours des dernières décennies les chercheurs de l’INRA ont, sous l’impulsion de R. Jarrige, réalisé un effort coordonné unique au monde pour mettre au point, en 1978, et réviser, en 1988, des systèmes d’unités d’alimentation originaux et intégrant les dernières avancées de la recherche. Les chercheurs étrangers qui se sont penchés sur les systèmes INRA sont unanimes pour en reconnaître la qualité. Voici deux illustrations concrètes récentes, prises parmi d’autres, de leurs avis : D. Mertens, chercheur américain connu pour ses travaux et recommandations sur l’ingestion, s’est déclaré enchanté fin 1991 par "l’intelligence et la richesse" du système des unités d’encombrement. Il réfléchit actuellement sur la manière d’en intégrer les concepts dans des recommandations "made in USA". Les chercheurs des Pays-Bas, en particulier S. Tamminga, qui ont toujours conduit une recherche soutenue et de qualité en nutrition des ruminants, viennent de décider d’adopter le système PDI à quelques modifications mineures près. En cela ils suivent des décisions comparables des collègues espagnols, italiens, suisses, belges,... et il est probable qu’un système commun européen d’unités azotées qui, nous l’espérons, verra le jour avant l’an 2000, sera à forte coloration PDI !
Les articles de P. Faverdin, M. Vermorel et J.B. Coulon, F. Meschy et L. Guéguen, réalisent des études comparées des différents systèmes proposés pour raisonner l’ingestion, les apports énergétiques et en minéraux dans le cas des vaches laitières. Ces approches sont originales et ont été conduites avec une grande rigueur et une parfaite objectivité. Leur lecture permet donc de bien faire le point de la situation internationale vis-à-vis de ces systèmes ; elle permet également de se rendre compte que la situation actuelle n’a rien de figé, que l’effort de recherche se poursuit et que des progrès sont encore à venir d’ici la fin du siècle. Les chercheurs ont d’ailleurs déjà dans leurs cartons d’autres systèmes d’unités d’alimentation. Ainsi, une journée d’information était organisée le 26 février 1992, avec le même public, sur le futur "système acides aminés" qui permettra d’être encore plus précis que les PDI. D’autre part, si le besoin s’en fait sentir, en particulier en raison de la nouvelle PAC, les chercheurs de l’INRA pourraient mettre au point des systèmes permettant de mieux raisonner des problèmes tels que la supplémentation en matières grasses ou la fibrosité des rations. Ces différents aspects montrent clairement que dans le monde des sciences agronomiques appliquées, la France se place en fait en position d’exportateur et non d’importateur de systèmes d’unités d’alimentation. Une force motrice essentielle des progrès futurs sera vraisemblablement la diversité croissante des contraintes et des critères d’évaluation de la production animale. En effet, partant d’une situation où l’efficacité alimentaire était l’objectif dominant, on est amené à intégrer progressivement d’autres paramètres : la composition et la qualité du produit élaboré, le rejet de matières d’origine nutritionnelle susceptible de contribuer à la pollution de zones à forte densité d’élevage, le risque pathologique, le bien-être de l’animal... Tout ceci signifie que l’usage classique des systèmes d’unités consistant à calculer la ration à partir des besoins alimentaires, eux-mêmes étroitement dépendants des niveaux de production, devra être à l’avenir progressivement complété par une meilleure prise en compte des lois de réponse des vaches laitières aux variations de leur régime alimentaire.
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