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État des lieux des pertes alimentaires et potentiel d'utilisation des sous-produits animaux par les filières animales

Chapeau

Quel est le devenir des pertes alimentaires issues des filières animales en France ? Ces matières initialement destinées à mais écartées de la consommation humaine représentent de 3 à 8 % selon les espèces, et sont majoritairement valorisées dans la filière « pet food » avec d’autres sous-produits animaux. Une part modeste donne lieu à une valorisation en alimentation du bétail.

Introduction

La réduction des pertes et gaspillages alimentaires a indéniablement trouvé une place dans les réflexions stratégiques des dernières années visant à nourrir l’humanité durablement (Godfray et al., 2012 ; Esnouf et al., 2013 ; Garnett, 2014). Ainsi, dans les travaux prospectifs (Paillard et al., 2010 ; Solagro, 2016 ; Müller et al., 2017), la variable « réduction des pertes et gaspillages alimentaires » agit par une baisse de la demande sur la production alimentaire, augmentant ainsi l’efficience des systèmes alimentaires.

À côté de la réduction des pertes et gaspillages alimentaires, les chercheurs s’intéressent aussi à une autre forme d’efficience : la possibilité de nourrir les animaux à partir de matières écartées de la consommation humaine, limitant ainsi la concurrence entre l’Homme et l’animal pour des ressources alimentaires. Il s’agit, dans ces travaux, d’explorer dans quelle mesure céréales, oléagineux et protéagineux peuvent être remplacés en alimentation du bétail par des ressources que l’Homme ne consomme pas (pâtures, coproduits agricoles et alimentaires). Le contexte d’une population mondiale en croissance et les manifestations de dérèglements environnementaux, comme le changement climatique, la rupture du cycle d’azote et la perte progressive de la biodiversité rappellent l’impératif d’innover dans des systèmes alimentaires plus sobres sur le plan environnemental.

Explorer les pistes de réduction de la concurrence entre l’Homme et l’animal nécessite une bonne connaissance des ressources non consommées par l’Homme, de leur potentiel alimentaire et de leurs limites, du point de vue de l’alimentation du bétail. Parmi ces ressources figurent les denrées écartées de la consommation humaine (pertes et gaspillages) et les matières jugées d’emblée inconsommables, désignés couramment comme co- ou sous-produits agricoles et alimentaires.

Pourtant, les lacunes de connaissances sur ces produits sont importantes. Selon le rapport du projet européen FUSIONS dédié à la quantification des pertes et gaspillages au niveau européen, « l’absence de données était particulièrement remarquée pour les stades de la production primaire et de la transformation – il n’existe que très peu de mesures sur les déchets dans l’agriculture, l’horticulture, l’aquaculture, la pêche ou d’autres activités de la production primaire, et les différences dans la définition de ce qui est pertes et gaspillages sont importantes pour ce secteur » (Stenmarck et al., 2016). En outre, les auteurs signalent que parmi tous les stades analysés, la production primaire était le stade le plus difficile à analyser et à quantifier et qu’une raison majeure consiste en la forte diversité de ce stade.

Considérant qu’il est nécessaire, pour pouvoir les réduire, de disposer d’une base de connaissances solides sur les pertes et gaspillages, l’INRA a confié à ses « groupes filières »1 , tant végétales qu’animales, une étude (2015-2016) 2 visant à les analyser et à les quantifier aux stades faisant jusqu’à présent peu objet d’analyses : la production agricole et la transformation.

Le présent article synthétise le travail réalisé sur les filières animales. Notre étude répond aux lacunes de connaissances sur ces pertes. En parallèle, elle fournit un aperçu des quantités de sous-produits animaux issus des filières animales (à l’exclusion des sous-produits sans usage alimentaire comme les cuirs, peaux…) que l’étude a pu estimer grâce à la construction de la méthodologie. En effet, l’approche par bilan de masse a permis d’analyser le devenir des deux types de retraits pratiqués : les denrées alimentaires écartées de la consommation humaine et les matières inconsommables pour l’Homme, lesquelles contribuent ensemble à la production des sous-produits animaux.

1. Cadrage de l’étude réalisée

En l’absence d’un cadre d’analyse et d’une définition universels des pertes et gaspillages alimentaires, les groupes filières de l’INRA se sont appropriés les méthodes de quantification existantes et les ont adaptées au cas d’étude présent.

1.1. La définition des pertes alimentaires utilisée dans l’étude

Dans la littérature sur le sujet, majoritairement anglophone, et en absence d’une définition consensuelle, un ensemble de termes est utilisé pour nommer les pertes et gaspillages alimentaires : « food waste », « food loss and waste », ou encore « food wastage » par exemple. Dans l’étude INRA, nous utilisons le terme pertes alimentaires à la place de pertes et gaspillages alimentaires. L’INRA a retenu une définition des pertes alimentaires composée des trois éléments suivants :

i) On appelle pertes alimentaires les denrées destinées à la consommation humaine, mais qui sont écartées ou perdues ou retirées tout au long des filières ;

ii) les denrées écartées (perdues, retirées…) de la consommation humaine mais valorisées auprès d’animaux d’élevage destinés à la production de denrées alimentaires (alimentation du bétail ) et revenant indirectement, après conversion par l’animal, à la consommation humaine, ne sont pas considérées comme pertes alimentaires dans cette étude ; a contrario, des denrées alimentaires initialement destinées à être consommées par l’Homme, mais valorisées auprès d’animaux de compagnie (« pet food ») sont des pertes alimentaires ;

iii) les parties inconsommables pour l’Homme (« inedible » en anglais), par définition non destinées à l’alimentation humaine, ne sont pas considérées comme pertes alimentaires (les coquilles d’œuf par exemple, ou la partie inconsommable du cinquième quartier des animaux).

L’alignement avec la définition du projet FUSIONS (Östergren et al., 2014) ou avec d’autres études et une présentation du cadre méthodologique de l’étude sont détaillés dans une publication dédiée (Redlingshöfer et al., 2015).

a. Consommable et inconsommable

Bien que le règlement (CE) n° 178/2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire précise que « l’on entend par denrée alimentaire (ou « aliment »), toute substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain », pour certaines parties d’une denrée, cette aptitude à l’ingestion peut être difficile à établir dans l’absolu. À titre d’illustration, selon les personnes et selon les préparations, certaines parties du cinquième quartier de l’animal sont consommables, d’autres non : si les abats rouges sont encore consommés en France, d’autres parties, comme les abats blancs, le sont beaucoup moins ou plus du tout. Dans le cadre de l’étude, nous avons donc retenu une acception culturelle plus qu’une acception physiologique du caractère consommable. L’existence ou non de marchés destinés à l’alimentation humaine a permis de guider ce choix. Le tableau 1 présente un aperçu de la caractérisation des denrées alimentaires et de leurs parties inconsommables issues des filières animales analysées dans l’étude.

Pour des raisons techniques, les parties inconsommables sont exclues de la quantification lorsqu’elles ont été séparées lors de la transformation. Cela veut dire inversement que les quantités de pertes obtenues contiennent la partie inconsommable tant qu’elle fait partie du produit, par exemple l’os de la côtelette de porc ou la coquille de l’œuf vendu en boîte. À la différence d’autres filières, dans les filières viande, la séparation des parties inconsommables est effectuée progressivement le long des différentes étapes d’abattage et de découpe de l’animal.

Tableau 1. Caractérisation des denrées alimentaires et de leurs parties inconsommables issues des filières animales analysées dans l’étude.


Filière

Produit primaire,
non transformé a

Produit obtenu au cours de transformations

Produits de 1ère
transformation

Produits de 2ème
transformation

Produits de 3ème
transformation

Parties
inconsommables

Ponte

Œuf en coquille

Ovoproduits

Produits et Plats
prêt-à-consommer

Coquille

Viande
(bovine,
porcine,
de volaille,
ovine)

Animal sur pied

Carcasse
d’animaux,
carcasse prête à
cuire (volaille)

Pièces de viande
avec ou sans os,
parties
consommées
du 5ème quartier
(abats rouges et,
dans une moindre
mesure, blancs)

5ème quartier de
l’animal (cuirs,
phanères et
abats) à
l’exception des
abats pour
lesquels un
marché
alimentaire pour
l’Homme existe ;
os et tendons…

Poisson de
pisciculture

Poisson entier

Poisson évidé

Filets et chair
de poisson

Tête et peau, squelette, viscères…

Produits
laitiers

Lait

Lait standardisé
ou écrémé, UHT
ou pasteurisé

Produits laitiers
transformés
(fromage, yaourt,
lactoserumb…)

a Excluant les opérations de conditionnement non considérées comme transformation.

b Le développement important des poudres infantiles ne justifie plus selon nous de considérer le lactosérum comme un sous- ou coproduit dans la mesure où il constitue un ingrédient majeur de ces poudres, et ce bien que sa destination en alimentation du bétail reste majoritaire (Mollea et al., 2013).

b. Les stades de la chaîne analysés et les limites de l’étude

L’objectif initial de l’étude était d’analyser les pertes aux stades de la production primaire jusqu’à la distribution. Une partie seulement de la production primaire est inclue dans le périmètre de l’étude. À partir du moment où la production est prête, dans le cas des filières viande, à être abattue, traite pour la filière laitière, ramassée pour la filière œuf et pêchée pour la filière piscicole, des pertes font partie du concept des pertes alimentaires. Les pertes à la distribution n’ont pu être abordées que très partiellement, et essentiellement sur le plan qualitatif en raison du caractère confidentiel des données. La 3ème transformation n’a pas pu être intégrée non plus. Des résultats quantitatifs ne sont donc disponibles que pour les stades de la production primaire et la 1ère et 2ème transformation.

Indépendamment de la confidentialité des données, l’organisation des groupes filières autour des principales filières agricoles françaises perd sa pertinence progressivement avec l’avancement de l’analyse dans les filières. En effet, au fur et à mesure des stades de transformation, des ingrédients de différentes filières sont combinés dans des produits et plats prêt-à-consommer. À la 3ème transformation et en distribution, une distinction des denrées par mode de transformation ou de conservation (par exemple produits frais, produits surgelés, conserves), par durée de vie ou selon des aspects organisationnels (par exemple lignes de production dans les entreprises de transformation) serait pertinente. Or, les groupes filières de l’INRA ont été constitués par rapport à l’expertise sur l’amont de la chaîne.

c. Exportations et importations

Le principe du territoire a été retenu dans l’étude. Des pertes survenant à l’importation de denrées ont été considérées à partir de l’entrée des denrées sur le territoire français, de même que celles à l’exportation ont été considérées jusqu’à ce que les denrées quittent le territoire français.

1.2. Choix des filières et des productions analysées

Les principales filières d’origine animale ont été analysées dans le cadre de l’étude (tableau 2). Certaines filières n’ont pas été prises en compte dans la présente étude transversale, soit parce que leur contribution à la consommation alimentaire française est modeste - cas du cheval et du lapin -, soit dans le cas des poules pondeuses (et reproducteurs) de réforme, parce qu’il s’agit d’un coproduit économiquement secondaire de la ponte d’œufs de consommation (ou à couver)3 malgré les volumes concernés.

Au sein des filières, les productions ont été sélectionnées sur la base de leur importance ou de leur caractère illustratif. Les viandes les plus couramment consommées ont été retenues. Ainsi, les productions analysées représentent entre 65 et 100 % respectivement des productions dans les filières viande françaises.

Tableau 2. Choix des filières d’origine animale et des productions analysées dans le cadre de l’étude Inra sur les pertes alimentaires (Source : Agreste, 2015 sauf a) données 2013 : CNIEL, 2015 ; b) données 2011 de Elliès et Dumont, 2014 ; c) données CIPA, 2014).


Filière

Productions
considérées

Représentativité (%)

Volume
de production
française (2013)

Productions non considérées

Lait

Lait de vache

97

23 750 millions de litres collectés a)

Lait de chèvre,
de brebis*

Œuf

Œuf de poules

100

890 kteoc

Œuf de caille

Viande bovine

Tous veaux et gros
bovins allaitants
et laitiers

100

Viande de gros bovins :
1 413 ktec (86 %
des viandes bovines produites) ;
Viande de veau :
227 ktec (14 % des
viandes bovines
produites)

Viande porcine

Porc charcutier

96

Viande porcine dont
truies de réforme :
2 210 ktec

Truie de réforme

Viandes de volaille

Poulet de chair

65

Viande de volailles de
chair (toutes espèces) :
1842 ktec ; dont Poulets
1141 ktec ; dont Poules :
73 ktec

Poules
(et reproducteurs)
de réforme **
Dinde, Canards
et espèces de
diversification

Viandes ovine et caprine

Agneaux allaitants
et laitiers

80

Viande ovine : 97,8 ktec
Chevreau : (4,1 ktec
Abattu b)) Caprin de
réforme : (3,3 tec abattu b))

Ovins et caprins
de réforme *

Piscicole

Truite arc-en-ciel

73

Poissons de
Pisciculture c) : 45 kt
dont truite : 33 kt

Autres espèces
de pisciculture *

tec = tonne équivalent-carcasse ; teoc = tonne équivalent-œuf coquille ; * sauf mention de leurs spécificités dans les études par filière ; ** étude spécifique non rapportée dans l’étude transversale.

Les denrées issues des filières animales ont comme destination quasi unique la consommation alimentaire humaine, même si des applications industrielles dans des secteurs non-alimentaires (ex : pharmaceutique pour le lysozyme d’œuf, cosmétique pour le lactosérum, etc.) ont été développées. Ces applications ne sont pourtant pas considérées comme des pertes alimentaires puisqu’il ne s’agit pas de réorientation de produits initialement prévus pour la consommation alimentaire humaine, mais d’une diversification des débouchés concernant des destinations non-alimentaires.

1.3. La collecte de données

De façon générale, les données de pertes sont rares. Des données de sources variées ont été utilisées dans la quantification des pertes. Elles sont pour la plupart issues de rapports techniques et d’interviews d’experts techniques et professionnels. Une partie des données a pu être utilisée directement pour quantifier les pertes, tandis que d’autres données nécessitaient une conversion ou un calcul moyennant des hypothèses. Des experts techniques et professionnels ont été associés à l’étude dans le but de fournir des données et/ou de juger la plausibilité des données collectées.

Les différentes sources utilisées ont été amplement détaillées par filière dans la publication (Redlingshöfer et al., 2017). Ici, seule une synthèse des calculs détaillés des proportions de pertes pour les filières animales est présentée. Pour de plus amples informations sur l’analyse effectuée dans chaque filière, les articles publiés par chaque groupe filière (références bibliographiques résumées en tableau 11 et disponibles dans la revue Innovations agronomiques Vol 48) peuvent être consultés.

2. Résultats

2.1. Les causes des retraits

Les causes des retraits, multiples, sont résumées dans le tableau 3. Ce tableau ne donne pas d’indication de l’importance de chaque cause, mais seulement un inventaire de leur diversité.

Tableau 3. Causes des retraits par filière ou groupes de filières (viande et poisson).


Viande et poisson

Lait

Œuf

Conditions météorologiques

Surmortalité en transport
(en cas de températures extrêmes)

n.p.

n.p.

Bioagresseurs, maladies, prédateurs

Prédation par la faune sauvage
(en élevage plein-air)
ou les oiseaux (poissons)

Parasitisme (d’où saisies sanitaires)

Mammites

n.p.

Outils, matériel, équipement de récolte

Problème de maîtrise de la chaîne
du froid, hygiène

n.p.

Œufs restant 
dans la litière
(si accès au sol)

Cahier des charges, normes techniques
et commerciales

Aspects visuels, DLC

Carcasses hors gabarit (poulet)

Nombre
de cellules (lait),
DLC (produits
laitiers)

Œufs trop sales,
DCR

Normes réglementaires sanitaires

Sensibilité aux EST (ruminants)
Animal jugé inapte à l’abattage
ou saisie de viande dangereuse
post-abattage

Résidus
d’antibiotiques

Présence
de salmonelles
(impact très
marginal)

Manipulations, transport, nettoyage, stockage,
procédés de transformation

Hématomes, fractures, défaut de
saignée (d’où saisies sanitaires)
Absence d’équipements permettant :
i) la séparation mécanique de viande
(ex : poulet) ou la récupération de
fractions valorisables du 5ème quartier
(ex : sang de porc) ;
ii) la récupération de sous-produits C3
utilisables en alimentation du bétail
après traitement

Nettoyage des
équipements de
transformation ;
Non valorisation
de fractions
utilisables en
alimentation
du bétail
(ex : lactosérum)

Bris des œufs

Habitudes et pratiques alimentaires

Désintérêt pour les morceaux moins
nobles (abats) et moins rapides
à cuisiner/préparer

n.p.

n.p.

n.p. = non pertinent ; EST = Encéphalopathies spongiformes transmissibles ; DLC = date limite de consommation ; DCR = date de consommation recommandée.

2.2. La quantification des retraits dans les filières animales lait, œuf, viande et poisson

a. Filières lait et œuf

Dans le cas du lait et de l’œuf, il s’agit de produits soit intégralement consommables (lait), soit comportant une fraction prédéterminée de produits consommables (œuf). Dans le second cas, il est en effet possible d’établir des bilans matière sans prise en compte du poids des coquilles d’œuf.

Un bilan précis reste difficile à établir compte tenu du caractère fragmentaire des données disponibles. C'est particulièrement le cas en filière laitière du fait de la grande diversité des produits obtenus et de la spécificité de leurs procédés d’obtention, hormis la phase de « pousse » (chasse à l’eau permettant la vidange des produits laitiers présents dans les installations lors de leur nettoyage) commune à tous les produits laitiers. Ces procédés d’obtention induisent en effet des retraits de matière spécifiques de la fabrication de tel ou tel type de produit laitier. À titre d’illustration, la transformation fromagère pourra donner lieu à l’élimination d’une fraction du lactosérum qui en est issu mais pas aux pertes induites par le conditionnement de yaourts. Un bilan global au niveau de la filière nécessiterait donc de déterminer les taux de retrait associés à chaque grand type de produit laitier puis de pondérer ces taux par l’importance relative de chaque grand type de produits laitiers. En pratique, dans la mesure où deux types de fabrications seulement ont pu être au moins partiellement documentés (yaourt et fromage), les proportions mentionnées au tableau 4 doivent être considérées comme de simples ordres de grandeur. Les fourchettes de valeurs renvoient aux taux de retraits estimés pour les deux types de fabrication documentés et sont rapportées aux seules quantités de lait utilisées pour ces deux types de production et non à la production laitière totale. Dans le cas de l’œuf par contre, les taux de retrait sont rapportés directement à la production totale, les proportions valorisées respectivement sous forme d’œufs en coquille (soit 60 %) ou d’ovoproduits (soit 40 %) ayant été prises en compte.

Tableau 4. Quantification des retraits de matière de la chaîne alimentaire en filières lait et œuf (proportions rapportées aux quantités traitées par type de produit dans le cas du lait ou à la production totale dans celui de l’œuf).


Stades de la filière

Filière lait

Filière œuf

Origine des retraits

Ampleur (approx.) en %

Origine des retraits

Ampleur (approx.) en %

Production

Résidus d’antibiotiques

3,2

Déclassement en œufs ICH

0,5

Transformation

Phases de pousse et de
nettoyage (tous produits
laitiers)

Retraits spécifiques par type
de produit (ex :
conditionnement, élimination
de lactosérum…)

2,4* à 5,0** env.

Déclassement ICH et bris
des œufs

Phases de pousse et de
nettoyage (ovoproduits)

4,0

ICH = Impropres à la consommation humaine ; * cas de la production fromagère : borne minimale (soit 1 %) de la fourchette de pertes en phase de pousse/nettoyage + élimination de lactosérum valorisable (soit 1,4 %) ; ** cas du yaourt : borne maximale (soit 3 %) de la fourchette de pertes en phase de pousse / nettoyage + retraits au conditionnement (soit 2 %).

b. Filières viande et poisson

Contrairement aux cas du lait et de l’œuf, en filière viande, la proportion de produits réellement consommables par l’Homme varie considérablement selon les fractions objet des retraits (de 100 % pour des abats à 0 % pour des plumes…). En revanche, ces filières sont très similaires en termes d’organisation et de procédés industriels mis en œuvre, du moins jusqu’à la seconde transformation.

Depuis le stade du ramassage en élevage jusqu’à celui de la découpe de carcasse, les motifs de retrait sur la chaîne sont strictement homologues. La seule nuance d’importance concerne le pourcentage de découpe, une fraction significative des poulets et truites étant commercialisée en prêts-à-cuire ou entières éviscérées, respectivement.

La quantification des retraits de matière sur la chaine alimentaire en filières viande est synthétisée au tableau 5. Le détail des motifs et pourcentages de retraits est fourni en annexe 1 pour les stades transport /abattage et découpe carcasse.

Tableau 5. Retraits progressifs de matière de la chaîne alimentaire en filières de production de viande (proportions rapportées au poids vif puis au poids de carcasse selon le stade de la filière).


Stade de la filière

Origine des retraits

Ampleur par filière (approx.)

Bovins

Ovins

Porc

Poulet

Truite

Proportions en % du poids vif

Production

Mortalités au ramassage

-

-

-

NQ

?

Transport/abattage

Mortalités en transport
Saisies (dont MRS)
Parties inconsommables
du 5ème quartier
(dont contenus digestifs)
Retrait d’abats et parties
consommables du 5ème
quartier

34,5

> 38,6

14,5

27,0

> 14

Proportions en % du poids de carcasse4

(part de découpe estimée)

100

100

100

60

50

Découpe carcasse

Parties inconsommables
de la carcasse
Retrait de fractions
partiellement consommables

31,2

20,0

< 12,1

10,9

42,6

Dans le cas des bovins, ovins et porcins, la mortalité au ramassage est si exceptionnelle qu’elle n’est jamais quantifiée ni même mentionnée ; NQ = non quantifiées à part (inclus dans la mortalité en élevage) ; MRS = matériels à risque spécifié vis-à-vis des encéphalopathies spongiformes transmissibles dont l’ESB.

2.3. Les destinations des retraits pratiqués dans les filières animales

a. Les destinations des retraits pratiqués dans les filières lait et œuf

L’identification des pratiques les plus courantes a montré que les retraits étaient majoritairement détruits, et pour le restant presque exclusivement utilisés en alimentation animale dans le cas de la filière laitière, et au contraire, en « pet food » dans le cas de la filière œuf. Le bilan approximatif des différentes destinations des retraits pratiqués jusqu’au stade de la transformation et du conditionnement est présenté par filière au tableau 6.

Tableau 6. Pourcentages de réutilisation en alimentation humaine (directe et indirecte) des retraits et pourcentages de pertes alimentaires jusqu’au stade de la transformation et du conditionnement en filières lait et œuf.


Destinations

Ampleur approximative

Filière lait

Filière œuf

Alimentation humaine directe

0 à 0,5 %

-

Alimentation humaine indirecte
(veaux / alimentation du bétail)

2,2 à 2,7 %

-

Total alimentation humaine

2,2* à 3,2** % env.

0 %

« Pet food »

0 %

0,9 %

Fertilisants ou autres destinations

3,4 à 5,0 %

3,6 %

Total pertes alimentaires

3,4* à 5** % env.

4,5 % env.

* cas de la production fromagère : distribution aux veaux de 2,2 % du lait avec résidus d’antibiotiques au niveau de l’élevage

** cas du yaourt : i) distribution aux veaux de 2,2 % du lait avec résidus d’antibiotiques au niveau de l’élevage : ii) hypothèse de répartition des 2 % de retrait au conditionnement = ¼ dons ou revente déstockeurs (sauf produits sous MDD), ¼ alimentation des porcs et ½ destruction

L’estimation des pertes alimentaires est à considérer avec précaution compte tenu des nombreuses incertitudes déjà mentionnées ainsi que des hypothèses formulées sur les proportions relatives de certaines destinations des produits ou de produits transformés ou dérivés (coproduits). Il semble néanmoins que dans les filières lait et œuf, les pertes soient du même ordre de grandeur, d’importantes variations étant cependant à attendre en filière laitière en fonction du type de produit élaboré.

b. Les destinations des retraits pratiqués dans les filières viande et poisson

L’analyse des destinations des retraits a été effectuée en plusieurs étapes. D’abord, ils ont été affectés aux catégories de sous-produits animaux C1, C2 et C3 et ont été analysés par rapport à leurs destinations après transformation. À noter que la catégorie C3 comporte des produits transformés5 qui peuvent trouver un usage, avant leur déclassement en C3, en alimentation humaine selon le règlement européen (CE) n° 852/2004 (EC, 2004). Toutefois, la proportion de cette fraction alimentaire, qui reste très minoritaire par rapport au C3 stricto sensu, n’est pas documentée dans les tableaux d’entrées de matières publiés par le SIFCO. De ce fait, les estimations présentées ci-après ont été établies pour l’ensemble de ces deux sous-catégories. Le croisement des destinations des PAT et graisses et de la répartition des retraits selon leur statut initial (consommable vs inconsommable par l’Homme) permet de dresser un bilan global des destinations des retraits pratiqués jusqu’au stade de la découpe.

Le devenir des retraits pratiqués en filière viande est étroitement réglementé. Trois catégories de Sous-Produits Animaux (SPA) sont distinguées en fonction du niveau de risque qu’ils présentent en termes de sécurité sanitaire. Les usages qui pourront en être faits après transformation par l’industrie des coproduits animaux découlent strictement de leur affectation à l’une ou l’autre de ces trois catégories :

C1 : animaux ou parties d’animaux (ruminants) présentant un risque sanitaire en relation avec les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) (à l’élevage : cadavres de ruminants ; à l’abattoir : MRS et déchets de dégrillage d’abattoirs de ruminants). Ces matières doivent suivre un processus stérilisant de transformation en farines et en graisses. Les farines doivent être incinérées et les graisses peuvent être transformées en biodiésel.

C2 : animaux ou parties d’animaux qui présentent un risque sanitaire hors EST (à l’élevage : cadavres de monogastriques ; à l’abattoir : saisies sanitaires, déchets de dégrillage des abattoirs spécialisés en monogastriques) ; contenus de l’appareil digestif. Ils sont valorisables comme engrais.

C3 : sous-produits issus d’animaux sains, aptes à la consommation humaine. Ils sont valorisables en alimentation animale (ou pour tous usages non destinés à l’alimentation humaine).

Les motifs de retrait détaillés en annexe 1 ont servi de base à l’affectation des retraits aux trois catégories de sous-produits animaux C1, C2 et C3 (dont alimentaire). Par ailleurs, au sein de chacune de ces trois catégories, les retraits ont été distingués selon leur caractère a priori consommable ou non par l’Homme (nécessaire ensuite pour l’application de la définition et l’identification des pertes). Il en découle le bilan intermédiaire présenté au tableau 7.

Tableau 7. Répartition des retraits par catégories de sous-produits animaux C1, C2 et C3 (dont alimentaire) et selon leur statut initial vis-à-vis de la consommation humaine (proportions rapportées en % du poids vif, y compris en découpe de carcasse pour la fraction de carcasses découpées).


Types de SPA

Statut initial des retraits

Devenir des
retraits

Ampleur par filière (approx.) (en % du poids vif)

Bovins

Ovins

Porc

Poulet

Truite

C1 et C2

Consommable

Fertilisants
ou autres destinations

2,9

ND

0,25

0,5

ND

Inconsommable

13,1

8,3

7,9

-

-

C3

Consommable

Valorisation
via l’industrie
des coproduits
animaux

5,9

> 2,8

< 7,2

5,3

> 9,5

Inconsommable

30,4

37,1

8,5

25,8

22,9

ND = non documenté ; trait = correspondant aux matières stercoraires (contenus digestifs), non traitées séparément chez les petites espèces

Les retraits considérés comme consommables comprennent :

i) les abats rouges (ex : foie) et blancs (ex : ris) ainsi que les parties consommables du cinquième quartier (ex : sang de porc), dont le total représente de 2 à 6 % du poids vif selon les espèces ;

ii) les matériels à risque spécifiés issus de ruminants (ex : cervelle), lesquels représentent 2,5 % du poids vif chez les bovins ;

iii) la fraction potentiellement consommable de pièces de carcasses de petit format (ex : viande séparable mécaniquement à partir de cous de poulet) en cas de découpe de celles-ci.

Les retraits considérés comme inconsommables comprennent les fractions inconsommables du cinquième quartier (ex : contenus digestifs, plumes) et celles de la carcasse après découpe (ex : os). Leur proportion varie de 16 à 44 % du poids vif selon les espèces.

L’industrie des coproduits animaux valorise les sous-produits de type C3 en produisant des Protéines Animales Transformées (PAT) et des graisses animales. Cette valorisation concerne indistinctement l’ensemble des SPA de type C3, qu’ils soient issus de retraits considérés a priori comme consommables ou non.

Afin d’obtenir un bilan approximatif des différentes destinations de la matière brute C3 en fonction des filières de provenance, une estimation séparée des graisses et des protéines issues des sous-produits animaux C3 a été réalisée à partir des données 2014 de l’industrie des coproduits animaux (SIFCO, 2015). Ces données comportent :

i) En entrée, les quantités respectives de matière brute C3 par filières de provenance : ruminants (majoritairement bovins) ; porcs ; volailles ; poissons (majoritairement de pêche) ;

ii) En sortie, les quantités commercialisées selon les différentes destinations pour chacun des deux grands types de produits obtenus : PAT (protéines animales transformées, dont farines d’os) ; graisses.

Un bilan global des entrées / sorties a été établi sur la base des rendements de transformation respectifs des protéines et graisses (tableau 8) (Académie d’agriculture de France, 2010).

Tableau 8. Rendements de transformation respectifs des protéines et graisses.


Fractions de la matière brute (C3)

Produits obtenus

Nature

Part relative

Rdt déshy. (%)

Nature

Part relative

Protéines et minéraux

83,5 %

27

PAT

59 %

Matières grasses

16,5 %

100

Graisses

41 %

Toutefois, un bilan précis de ce type ne peut être établi au niveau de chacune des filières de provenance des matières brutes, car si certaines des PAT ou graisses produites sont spécifiques d’une unique filière de provenance, d’autres sont multi-espèces.

Des bilans approximatifs des destinations par filière de provenance ont néanmoins été établis séparément pour les PAT et les graisses, en recourant à des hypothèses simplificatrices : proportions de protéines/minéraux et graisses dans la matière brute C3 supposées invariables d’une filière de provenance à l’autre, ce qui constitue une approximation grossière ; PAT ou graisses multi-espèces réparties arbitrairement entres les filières de provenance au prorata de la contribution de chaque filière au total de la matière brute C3. Les hypothèses sous-jacentes et bilans partiels pour les PAT et graisses sont fournis dans l’annexe 2.

Les bilans partiels « protéines / minéraux » et « graisses » restent indicatifs compte tenu des nombreuses approximations pratiquées mais ils fournissent néanmoins des tendances claires sur les variations des destinations des PAT et graisses produites en fonction de leur filière de provenance. Un bilan unique consolidé a donc été produit en agrégeant les deux fractions selon leurs proportions respectives dans la matière brute C3 objet des retraits et selon la filière de provenance des matières brutes (tableau 9).

Tableau 9. Bilan approximatif des destinations de PAT et graisses issues des sous-produits C3 (dont alimentaire) selon la filière de provenance des matières brutes.


Destination

Ampleur par filière (ordre de grandeur) (en % du poids vif)

Multi-espèces
dont ruminants*

Porcins

Volailles

Poissons**

PATa dont farines d’os

Alimentation humaine

0,3

0,4

0,4

0,4

Alimentation du bétail

4,4

6,3

12,0

59,4

Pet food

83,6

81,1

76,3

31,0

Fertilisants ou autres destinations

11,7

12,1

11,4

9,2

Graissesb

Alimentation humaine

7,0

19,2

9,2

-

Alimentation du bétail

3,5

28,4

35,1

92,4

Pet food

0,5

10,0

29,7

-

Fertilisants ou autres destinations

89,1

42,3

26,2

7,6

Moyenne consolidée PATa et graissesb

Alimentation humaine

1,4

3,5

1,8

0,3

Alimentation du bétail

4,2

9,8

15,7

64,7

Pet food

70,3

69,7

68,8

26,1

Fertilisants ou autres destinations

24,1

16,9

13,7

9,0

* Matière brute multi-espèces à forte dominante bovine ; ** Matière brute à forte dominante pêche

a 83,5 % de la matière brute traitée pour 59 % des produits secs obtenus

b 16,5 % de la matière brute traitée pour 41 % des produits secs obtenus

Hormis le cas de la filière poisson, les retraits des sous-produits C3 restent valorisés très majoritairement par les animaux de compagnie. Si les graisses sont significativement utilisées en alimentation du bétail (et même marginalement en alimentation humaine), il n’en va pas de même des PAT. La contribution des différentes destinations reflète bien la situation européenne actuelle. La pratique de la valorisation des PAT est interdite en Europe depuis 2001 (« feed ban ») (EC, 2001) suite à la crise d’ESB dite de la « vache folle ». Par la suite, leur utilisation est strictement encadrée par différents règlements européens (EC, 2009 ; EC, 2011). Cette interdiction a été en partie levée en 2013 en faveur d’une utilisation en aquaculture de PAT issues de filières excluant les ruminants (EC, 2013).

Le croisement des deux tableaux sur les destinations des graisses et des PAT (tableau 9) et sur la répartition des retraits selon leur statut initial vis-à-vis de l’alimentation humaine (tableau 7) permet de dresser un bilan global des destinations des retraits pratiqués jusqu’au stade de la découpe de la carcasse (tableau 10).

Tableau 10. Taux des utilisations en alimentation humaine (directe et indirecte) et autres destinations jusqu’au stade de découpe en filières viande et poisson (en % du poids vif).


Statut initial des retraits*

Destinations

Origine des retraits

Ampleur par filière (approximations)
(en % du poids vif)

Bovins

Ovins

Porc

Poulet

Truite

Cons.

Alimentation humaine directe

C3

0,1

PM

< 0,2

0,1

PM

Alimentation humaine indirecte
via aliment du bétail

C3

0,2

> 0,1

< 0,7

0,8

> 6,1

Sous total alimentation
humaine (1)

0,3

> 0,1

< 0,9

0,9

> 6,1

Pet food

C3

4,1

> 2,0

< 5,0

3,6

> 2,5

Fertilisants ou autres usages

C1/C2 C3

4,3

> 0,70

< 1,05

1,20

> 0,90

Sous total pertes alimentaires

8,4

> 2,7

< 6,0

4,8

> 3,4

Non Cons.

Alimentation humaine directe

C3

0,4

0,5

0,3

0,5

0,1

Alimentation humaine indirecte
via aliment du bétail

C3

1,3

1,6

0,8

4,1

14,8

Sous total récupéré
alimentation humaine (2)

1,7

2,1

1,1

4,6

14,9

Pet food

C3

21,4

26,1

5,9

17,8

6,0

Fertilisants ou autres usages

C2 C3

20,4

17,2

9,30

3,5

2,1

Sous total autres usages
fraction non alimentaire

41,8

43,3

15,2

21,3

8,1

* vis-à-vis de l’alimentation humaine

S’agissant de la fraction considérée comme consommable, le bilan est dominé par la valorisation des retraits en « pet food », quoique dans une moindre mesure en filière bovine, en lien avec sa sensibilité aux encéphalopathies spongiformes transmissibles notamment. Le bilan est très légèrement amélioré du fait d’une valorisation modeste de retraits de type C3 en alimentation du bétail (graisses, majoritairement) et encore plus marginalement en alimentation humaine directe.

S’agissant de la fraction considérée comme inconsommable, dont les taux importants sont intrinsèques aux filières viande et poisson, l’alimentation du bétail et le « pet food » jouent un rôle différent selon les filières de provenance et selon les deux types de produits issus des sous-produits animaux, PAT et graisses. Une part modeste mais non négligeable donne lieu à une valorisation en alimentation du bétail (de 1 à 5 % chez les espèces terrestres, 15 % chez les poissons). En outre, et de façon paradoxale, une fraction, certes minime (inférieure ou égale à 0,5 %) retrouve une utilisation directe en alimentation humaine : couennes de porc, os de porc et de bovin transformés en gélatine ; suif issu du gras de bovins d’avant fente de l’animal, saindoux de porc, graisse de volaille.

Le bilan pourrait être significativement amélioré si certaines PAT et graisses valorisées en « pet food » pouvaient être intégrées aux aliments du bétail. Cela concerne en principe les deux fractions, consommable et inconsommable. Toutefois, quantitativement la fraction inconsommable (représentant de 6 à 25 % selon les filières) peut contribuer bien plus comparée à la fraction consommable qui serait en priorité à réorienter à l’alimentation humaine.

2.4. Bilan des pertes alimentaires dans les filières animales

Sur la base des destinations identifiées pour les retraits de la fraction consommable (tableaux 6 et 10), les taux de pertes, selon la définition de l’étude INRA, atteignent entre 3 et 8 % environ dans les filières animales, en lien avec les particularités d’espèces (sensibilité aux encéphalopathies spongiformes transmissibles, notamment) (figure 1, partie rouge des barres).

Figure 1. Taux de retraits6, valorisation en alimentation humaine ou du bétail, et pertes alimentaires dans les filières animales aux stades de la production primaire et de la transformation (Bareille et al., 2015 ; Coudurier, 2015 ; Agabriel et Veysset, 2015 ; Prache et Nozières, 2015 ; Dourmad et al., 2015 ; Malher et al., 2015 ; Vandeputte et al., 2015).

Les taux de retrait sont affichés par les chiffres isolés au-dessus des barres. Les drapeaux indiquent la contribution de la production primaire aux taux de pertes (rouge) et de valorisation dans l’alimentation humaine ou du bétail (bleu). L’absence de drapeau veut dire que la production n’y contribue que de façon marginale, n’a jamais été quantifiée voire mentionnée. En filière laitière, nous présentons les deux exemples traités, à savoir fromage et yaourt (voir § 2.2.a).

De légères différences existent dans les filières animales par rapport aux taux de pertes qu’elles générèrent. Globalement, le stade de la production primaire (jusqu’à la sortie de la ferme) est très peu concerné, à l’exception de la filière laitière. Celle-ci pratique certes la valorisation du lait en alimentation des veaux et réduit ainsi les pertes alimentaires, mais elle affiche toutefois un taux de retrait pour raison sanitaire qui paraît élevé en comparaison aux autres filières animales. La valorisation des retraits en alimentation du bétail est aussi largement pratiquée par la filière piscicole, grâce à une réglementation qui autorise les retraits de transformation de poissons en alimentation des animaux terrestres.

À part pour les filières lait et poisson, notre étude montre que la valorisation par des animaux de rente de denrées retirées de la consommation humaine joue un rôle relativement modeste dans la réduction des pertes aux stades de la production primaire et de la transformation. Le choix de ne pas considérer, dans notre étude, la valorisation en alimentation du bétail comme pertes alimentaires n’impacte donc les résultats, dans le cas des filières animales, que dans les filières lait et poisson.

Le bilan serait très différent si, comme cela a été fait dans le cas de l’alimentation du bétail, la valorisation en « pet food » des retraits de la fraction consommable n’était pas considérée comme perte alimentaire, et ceci en particulier dans les filières viande : En pourcentage, 47, 71, 72, 63 et 26 % de ces retraits issus des filières bovine, ovine, porcine, poulet et truite respectivement sont valorisés en « pet food ». Dans la filière œuf, l’impact serait moindre du fait que le « pet food » contribue à moins d’un quart à la valorisation des retraits qui, à la base, sont d’une faible ampleur (soit 0,9 % rapportés à 4,5 %).

Selon les filières, le fait de considérer le « pet food » comme une façon de réduire les pertes alimentaires, à l’instar de la définition européenne FUSIONS (Östergren et al., 2014), conduirait à une réduction drastique des taux de pertes alimentaires, sauf dans les filières de ruminants où elle serait néanmoins divisée par deux (existence d’une fraction C1 à destruction obligatoire).

3. Discussion

Pour la première fois, une étude fournit une estimation, pour la France, des pertes alimentaires dans les principales filières animales (les résultats pour les filières végétales ont été publiés dans Redlingshöfer et al., 2017), aux stades de la production primaire et de la transformation.

Au-delà des résultats quantitatifs, l’étude a permis de mettre en évidence des limites sur le plan méthodologique lorsqu’il s’agit de quantifier les pertes aux stades amont des filières. Ces limites sont détaillées ci-dessous.

3.1. Qualité de données, robustesse et incertitudes dans les résultats

En raison du grand nombre de sources de données et de méthodes de collecte de données mobilisées dans l’étude, une vraie évaluation de la robustesse des données et des incertitudes dans les résultats, tel que pratiquée couramment dans la communauté des analyses de cycle de vie (Frischknecht et Jungbluth, 2007), n’a pas pu être faite. Nous avons toutefois adopté une approche qualitative à l’évaluation de la qualité de données utilisées dans l’étude, basée sur l’avis des experts mobilisés. Nous constatons que :

À la production primaire (jusqu’à la sortie de la ferme) :

Les enquêtes nationales conduites par les instituts techniques et les organisations professionnelles sur les pertes, comme la santé animale et la performance technico-économique, sont une source de données importante et souvent publiquement accessible. Ces enquêtes sont basées, soit sur des échantillons représentatifs, soit sur la totalité d’un secteur de production. La qualité des données est considérée comme élevée pour les filières lait et viande (bovine, ovine et porcine). Pour les autres espèces, il n’y avait pas de données.

À la transformation (jusqu’à la seconde transformation) :

Les données de pertes obtenues par les experts professionnels sont considérées comme de bonne qualité pour les filières œuf et viande. Les filières viande présentent des situations « technico-économiques » relativement homogènes, utilisant un ensemble de procédés peu différenciés et marquées par une forte concentration des acteurs (p.ex. l’étude de FranceAgriMer, 2013 au sujet de la destination des sous-produits animaux couvre 50 % des abattages en France).

En revanche, la qualité des données est considérée comme faible dans la filière laitière. Sa forte hétérogénéité dans les procédés, le fort degré de spécialisation des entreprises et le nombre important de produits finaux n’ont pu être que peu pris en compte dans la collecte des données. La qualité de données est considérée comme faible aussi dans la filière piscicole du fait de l’absence de données à certains stades de la chaine de production et surtout de son amalgame avec la filière pêche, très majoritaire au niveau du traitement et de la valorisation des coproduits C3.

3.2. Des difficultés dans l’application de la définition des pertes alimentaires

Nous avons rencontré des obstacles dans l’application de la définition des pertes alimentaires. Dans les filières animales, et notamment pour les viandes, il s’agissait essentiellement de la difficulté de distinguer les parties consommables et inconsommables. En raison de la définition des pertes alimentaires appliquée dans notre étude, il est nécessaire, bien que parfois difficile, de suivre l’aliment au cours des différents procédés de transformation afin d’identifier, pour les retraits, le statut « consommable » vs « inconsommable ». Tandis que la distinction n’a pas de raison d’être dans la filière laitière (100 % du lait et de ses produits sont consommables selon notre méthode) et est facile à effectuer dans la filière œuf (la coquille représente 10 % du poids de l’œuf), la situation est complexe dans la filière viande : la proportion de la part consommable, à prendre en compte dans la quantification, varie tout au long des opérations successives d’abattage et de découpe d’un animal. Par exemple, dans le cas d’un bovin de 700 kg de poids vif, la partie consommable peut être identifiée à hauteur de 257 kg (37 %) de viande et de 43 kg (6 %) d’abats et d’autres pièces consommables du cinquième quartier (FranceAgriMer, 2013). Cette information sur la proportion de la part consommable dans les filières viande n’est pas connue de façon standardisée.

3.3. Comparaison avec d’autres études transversales sur pertes et gaspillages en Europe

Du fait d’une situation où les données sur les pertes sont rares ou difficiles d’accès, en France comme dans d’autres pays européens, la comparaison avec d’autres analyses transversales multi-filières se limite à quatre références (Beretta et al., 2013 ; Gustavsson et al., 2011 ; Income Consulting AK2C, 2016 ; Hartikainen et al., 2018). Ces références incluent deux rapports (Gustavsson et al., 2011 ; Income Consulting AK2C, 2016) et deux publications scientifiques (Beretta et al., 2013 ; Hartikainen et al., 2018). Les critères d’inclusion dans la comparaison étaient d’une part une approche filière partant de la production primaire, d’autre part une analyse sur plusieurs filières tant végétales (non présentées ici) qu’animales. Bien que la publication de (Hartikainen et al., 2018) se soit cantonnée au stade de la production primaire, nous l’avons retenue pour son analyse approfondie.

Comme la définition utilisée dans notre étude diffère sur le cas des retraits valorisés en alimentation animale, il importe de comparer les retraits issus de notre étude avec les pertes issues des trois autres études. Toutefois, la définition n’est qu’un point parmi d’autres qui limitent la comparaison, tels que la méthode de collecte de données ou encore le périmètre des études. Gustavsson et al. (2011) par exemple, incluent dans les pertes en production primaire la mortalité des animaux pendant l’élevage et l’engraissement (filière viande) ou pendant la période de ponte (filière œuf), ainsi que des pertes de rendement de lait liées aux mammites (filière laitière). Beretta et al. (2013) distinguent des pertes inévitables et potentiellement évitables, qui réfèrent en partie aux fractions considérées comme inconsommables dans notre étude (tableau 1), et donc par définition exclues des pertes alimentaires.

De façon générale, les taux de retrait de notre étude présentent de légères différences avec ceux des autres études. En production primaire, dans les filières viande, les pertes (toutes productions confondues) s’élèvent à 3,1 % (incluant les mortalités en élevage) dans l’étude de Gustavsson et al. (2011), à 0,2-1,0 % dans celle d’Hartikainen et al. (2018), et à 1 et 2 % pour les viandes bovine/porcine et volaille respectivement dans l’étude Income Consulting AK2 (2016), comparé aux taux de retrait marginaux, liés à une mortalité au ramassage exceptionnelle, dans notre étude.

Dans la filière laitière, toujours au stade production, le taux de retrait de 3,2 % obtenu dans notre étude est bien plus élevé que celui (0,3 %) d’Hartikainen et al. (2018). Gustavsson et al. (2011) obtiennent un taux de retrait similaire (3,5 %), mais contrairement à notre étude, celui-ci prend en compte la perte de rendement laitier liée aux mammites. Dans la filière œuf, notre taux de retrait de 0,5 % est inférieur au taux de 3,6 % de Hartikainen et al., (2018) et de 4 % dans Gustavsson et al. (2011).

En transformation, dans l’étude Income Consulting AK2C (2016), la filière viande présente un taux de pertes relativement faible pour les viandes bovine/porcine (1 %) comparé à notre étude (viande bovine 8,7 % et porcine 6,9 %). Les taux sont cohérents dans les filières lait et œuf (3 % respectivement) selon la même étude Income Consulting AK2C, mais supérieurs aux résultats de Gustavsson et al. 2011 (1,2 et 0,5 % respectivement).

Conclusion : Perspectives de réduction des pertes alimentaires et de valorisation des sous-produits par les filières animales françaises

En termes de réduction des pertes, les éviter à la source parait pertinent essentiellement dans la filière lait. En effet, à l’étape de la production primaire, les pertes de lait de vache sont essentiellement générées par les traitements médicamenteux de lutte contre les mammites : 3,2 % du lait produit est ainsi retiré de la consommation humaine directe, mais environ les deux tiers de ce lait non-conforme sont actuellement utilisés pour l’alimentation des veaux. La lutte contre les mammites, déjà considérée comme essentielle pour la performance économique des exploitations bovines laitières, constitue donc un pilier pour la réduction des pertes dans cette filière ; et ce d’autant que la pratique consistant à distribuer aux veaux du lait contenant des antibiotiques pourrait être interdite à terme, suite à des recommandations récentes de la Commission Européenne pour limiter le risque d’antibiorésistance.

Dans les filières viande, un premier levier, fortement lié au stade de la production, peut être mobilisé : la réduction des saisies partielles en abattoir résultant du parasitisme des animaux ainsi que de défauts anatomiques (hématomes et blessures ; fractures en filière avicole).

Un second levier consiste à agir sur la part effectivement consommée de la fraction consommable du cinquième quartier : l’encouragement à la consommation d’abats par l’information des consommateurs comme des restaurateurs sur l’intérêt nutritionnel des abats et sur les modes de préparation culinaire. De même, en transformation, les parties consommables mais peu prisées des consommateurs peuvent trouver une utilisation dans des nouveaux produits.

Toutefois, le principal levier de réduction des pertes réside dans la valorisation maximale des sous-produits animaux de type C3 en alimentation du bétail, laquelle est pratiquée aujourd’hui quasi exclusivement en filière poissons. Qui plus est, cette valorisation s’applique également à la fraction non consommable. La conversion par l’animal permet ainsi de redonner de la valeur aux produits retirés de la consommation humaine. Toutefois, sur la base des leçons du passé en lien avec la maladie de l’ESB, des questions sur les risques sanitaires et l’acceptation par les consommateurs persistent. Dans le cadre d'une « feuille de route » relative à la révision de la règlementation sur les EST, la Commission européenne a proposé un assouplissement des règles d'interdiction des PAT pour l'alimentation de certains animaux de rente : utilisation de PAT de volailles dans l’alimentation des porcs et vice versa. Toutefois, suite à sa dernière saisine, l’ANSES a considéré que malgré les progrès réalisés, les conditions n’étaient pas totalement réunies en matière d’étanchéité des filières de collecte et de traitement des sous-produits C3, ainsi que de mise au point d’un test fiable de détection de l'espèce d'origine des PAT (ANSES, 2011). À ce jour, l’assouplissement de la réglementation européenne sur les PAT n’a pas eu lieu.

La discussion sur les leviers de réduction des pertes montre en effet, que des arbitrages seront nécessaires entre le coût économique et environnemental de leur mise en place, le potentiel de réduction des pertes, tout en assurant un niveau de sécurité sanitaire satisfaisant. La perception et les attentes des acteurs professionnels et des consommateurs sont un aspect important à prendre en compte, par exemple sur la réintroduction de retraits (telles les viandes séparées mécaniquement) dans des nouveaux produits dans un contexte de méfiance grandissante des consommateurs vis-à-vis de pratiques industrielles (« pureté », « naturalité » des aliments).

Notre étude a permis de voir que les animaux d’élevage, et en particulier les monogastriques, ne sont pas que concurrents de l’Homme sur les ressources alimentaires. Ils rendent service par la valorisation des sous-produits animaux et de ce fait, par la « non-mobilisation » de ressources. Certaines étant sous forte contrainte, elles peuvent ainsi trouver d’autres destinations. Rappelons enfin que ce sont aussi les filières animales qui valorisent la quasi-totalité des coproduits de transformation des filières végétales (Juin, 2015 ; Fine et al., 2015 ; Duc et al., 2015) : les issues qui représentent environ 20 % du blé transformé (soit 1,13 millions de tonnes pour la campagne 2012/2013), les tourteaux de tournesol (environ 40 %) et ceux du colza (55 % du volume de graines trituré), les coproduits des filières d’amidonnerie, de brasserie, de protéagineux et bien encore d’autres. Laisse et al. (2018) ont présenté récemment des résultats détaillés, et complémentaires aux nôtres, sur la valorisation des coproduits d’origine végétale en alimentation du bétail, obtenus dans le cadre des travaux du GIS élevage demain.

Annexe 1 : Détail des motifs de retraits présentés au tableau A1 pour les stades transport /abattage et découpe carcasse

Première transformation :

Mortalités au ramassage (cas des volailles de chair) : animaux chétifs, accidentés ou morts pendant le ramassage, qui ne sont pas enlevés mais comptabilisés dans les pertes globales en phase d’élevage

Mortalités en transport et attente d’abattage : saisies totales pratiquées avant abattage (saisies ante mortem)

Saisies sanitaires après abattage : saisies totales ou partielles pratiquées après abattage sur la carcasse ou les abats (saisies post mortem)

Retrait MRS : Matériels à risque spécifié vis-à-vis des encéphalopathies spongiformes transmissibles dont l’ESB

Matières stercoraires : contenus de tube digestif

Autres parties non consommables 5ème quartier : fractions non consommables (ex : cuirs, plumes…) y compris sang (bovins, ovins et poulet) ; cuirs et peaux non considérés (bovins et ovins)

Retrait d’abats et parties consommables du 5ème quartier : retrait de la consommation humaine directe de fractions considérées comme consommables (ex : tripes, sang de porc…)

Deuxième transformation :

Parties non consommables de la carcasse (ex : os)

Retrait de fractions partiellement consommables : non récupération de parties consommables sur des pièces de découpe de carcasses de petit format (ex : viande séparable mécaniquement à partir de cous de poulet).

Tableau A1. Taux des retraits par motif (en % du poids vif) pour les stades transport /abattage et découpe carcasse.


Stade de la filière

Origine des retraits

Ampleur par filière (approx.) (en % du poids vif)

Bovins

Ovins

Porc

Poulet

Truite

Proportions en % du poids vif

1ère
transformation

Mortalités en
transport/attente
abattage et saisies
avant abattage

0,4a1

Non documenté

0,25c1

0,33

Non documenté

Saisies sanitaires
après abattage

1,6a2

0,75c2

1,07

Retrait MRS

2,5

Inclus dans retraits d’abats

-

-

-

Matières stercoraires

13,1

8,3

7,9c3

-

-

Autres parties non
consommables
5ème quartier

12,6

27,5

-

23,5

14

Retrait d’abats
et parties
consommables
5ème quartier

4,3a3

2,8b1

5,6c4

2,1d2

Proportions en % du poids de carcasse (part de découpe estimée)

100

100

100

60

50e1

2nde
transformation

Parties non
consommables
de la carcasse

31,2a4

20,0b2

10,9c5

5,5d3

20,6e2

Retrait de fractions
partiellement
consommables

< 1,2c4

5,4d4

22,0e3

a1 approximé comme la proportion de saisies totales ; mortalité au transport négligeable

a2 approximé comme la proportion de saisies partielles

a3 soit 63 % des abats non valorisés en alimentation humaine (lesquels représentent 6,8 % du poids vif) en considérant les quantités exportées comme valorisées en alimentation humaine

a4 totalité des os et autres fractions non consommables

b1 soit 50 % des abats non valorisés en alimentation humaine (lesquels représentent 5,5 % du poids vif)

b2 totalité des os et autres fractions non consommables

c1 approximé comme la proportion de morts et saisies totales

c2 approximé comme la proportion de saisies partielles

c3 généralement traité comme effluent

c4 soit 49 % des abats et du sang non valorisés en alimentation humaine (lesquels représentent 11,5 % du poids vif), en considérant les quantités exportées comme valorisées en alimentation humaine

c5 totalité des os uniquement (en supposant valorisés les 6 % de couenne et les 22,9 % de gras sous-cutané des pièces de découpe)

c6 déchets de découpe incluant une fraction susceptible d’entrer dans des préparations

d1 les animaux chétifs, accidentés ou morts pendant le ramassage restent sur place et sont comptabilisés dans les pertes globales en phase d’élevage

d2 soit 30 % des abats et des cous supposés non valorisés en alimentation humaine (lesquels représentent 6,9 % du poids vif) ; valorisation via la production d’une fraction de viandes séparées mécaniquement (VSM)

d3 soit la totalité des croupions et coffres, non consommables

d4 soit 30 % des dos avant et arrière, peaux de poitrine et lambeaux de découpe supposés non valorisés (lesquels représentent 18,0 % du poids de carcasse) ; valorisation via la production d’une fraction de VSM

e1 moyenne rapportée aux tonnages vifs (la découpe ne concernant pas la truite portion mais seulement la grande truite (> 350 g) dont 70 % des tonnages vifs sont découpés)

e2 fraction peu valorisable via la production de pulpes (tête, parage extra et peau) ; moyenne rapportée aux tonnages respectifs de filet standard et de filet parage extra pelé (cru ou fumé)

e3 arêtes théoriquement valorisables via la production de pulpes (rendement de l’ordre de 50 %) à incorporer dans les préparations ; moyenne rapportée aux tonnages respectifs de filet standard et de filet parage extra pelé (cru ou fumé)

Annexe 2 : Modalités d’estimation de la provenance spécifique ou multi-espèces des PAT et des graisses par filière de provenance

Des bilans approximatifs des usages par filière de provenance ont été établis séparément pour les PAT et les graisses en recourant à des hypothèses simplificatrices :

i) Les proportions de protéines/minéraux et graisses dans la matière brute C3 ont été supposées invariables d’une filière de provenance à l’autre, ce qui constitue une approximation grossière ;

ii) Les PAT ou graisses multi-espèces ont été réparties arbitrairement entres les filières de provenance au prorata de la contribution de chaque filière au total de la matière brute C3.

Bilan partiel de la fraction « protéines/minéraux » de la matière brute C3

Les données utilisées sont celles du tableau « protéines – année 2014 » qui croise les différents types de PAT avec leurs destinations (destinations). Les quantités produites ont été affectées soit intégralement à une filière de provenance (si mono-spécifique ou assimilé) soit au prorata (si multi-espèces), comme récapitulé ci-après (tableau A2):

Tableau A2. Filières de provenance des différents types de PAT.


Type de protéines

Spécifiques

Multi-espèces

Ruminants*

Porcins

Volailles

Poissons**

Os à gélatine dégraissé / Gélatine

X

Farine d’os

X

Phosphate dicalcique

X

PAT multi-espèces dont ruminant

X

Farine de plumes/soies

X

PAT de volaille

X

PAT de porc

X

Cretons

X

Farine de poisson

X

PAT de sang / Produits sanguins

X

Pet food humide***

X

* Matière brute multi-espèces à forte dominante bovine ; ** Matière brute à forte dominante pêche ; *** ramené en équivalent sec

Ces modalités d’affectation restent approximatives, puisque la proportion de PAT spécifiques varie de 47 à 82 % selon la filière de provenance. Néanmoins, après ajout d’un prorata de contribution non spécifique, les quantités de PAT reconstituées par filière de provenance constituent des ordres de grandeur acceptables puisqu’elles évoluent de 79 à 114 % de l’attendu (tableau A3). La valeur par excès correspond à la filière de provenance dont la définition reste la plus imprécise (majoritairement ruminants avec fraction indéterminée d’autres espèces).

Tableau A3. Proportions de PAT spécifiques et non-spécifiques par filière de provenance.


Proportions (%) rapportées aux tonnages
de PAT attendus*

Ruminants

Porcins

Volailles

Poissons

PAT spécifiques

82

47

67

68

PAT non spécifiques**

32

32

32

32

Total reconstitué

114

79

99

100

* soit : total de la matière brute C3 x contribution respective de chaque filière de provenance (pour une proportion identique de protéines et minéraux par rapport à la matière brute C3 d’une filière de provenance à l’autre, ce qui constitue une approximation grossière)

** au prorata de la contribution respective de chaque filière de provenance

Bilan partiel de la fraction « graisses » de la matière brute C3

Les données utilisées sont celles du tableau « corps gras animaux – année 2014 » qui croise les différents types des graisses avec leurs destinations. Les quantités produites ont été affectées à une ou plusieurs filières selon les mêmes modalités que précédemment, comme récapitulé ci-après (tableau A4):

Tableau A4. Filières de provenance des différents types de graisses.


Type de graisses

Spécifique

Multi-espèces

Ruminants

Porcins

Volailles

Poissons

Graisse d'osa

Xa

Graisses multi-espècesb

Xb

Graisse de volaille

X

Graisse de porc

X

Huile de poisson

X

Fontec

Xc

a sauf ruminants (cf. interdiction d’utilisation en alimentation animale dont pet food) et poissons

b majoritairement ruminants (cf. absence d’utilisation en alimentation animale dont pet food suite à interdiction dans le cas des ruminants)

c sauf poissons

La proportion de graisses spécifiques varie de 40 à 83 % selon la filière de provenance. Après ajout d’un prorata de contribution non spécifique, les quantités de graisses reconstituées par filière de provenance constituent des ordres de grandeur acceptables puisqu’elles évoluent de 84 à 116 % de l’attendu, mis à part le cas des poissons (tableau A5) :

Tableau A5. Proportions de graisses spécifiques et non-spécifiques par filière de provenance.


Proportions (%) rapportées aux tonnages
de graisses attendus*

Ruminants

Porcins

Volailles

Poissons

Graisses spécifiques

82

83

51

40

Graisses non spécifiques**

29

33

33

-

Total reconstitué

111

116

84

40

* total de la matière brute C3 x contribution respective de chaque filière de provenance (pour une proportion identique de graisses par rapport à la matière brute C3 d’une filière de provenance à l’autre, ce qui constitue une approximation grossière)

** au prorata de la contribution respective de chaque filière de provenance

REDLINGSHÖFER B., COUDURIER B., BAREILLE N., 2019. État des lieux des pertes alimentaires et potentiel d'utilisation des sous-produits animaux par les filières animales. INRA Prod. Anim., 32

Notes

  • Groupes constitués de chercheurs et d’ingénieurs de l’Institut et des agents d’organismes professionnels de la recherche-développement et du développement qui ont une mission de veille scientifique et stratégique ainsi que de partage des résultats de recherche et recherche-développement.
  • Ce travail a mobilisé la plupart des groupes filières végétales et animales, dont les résultats par filière sont publiés dans la revue Innovations agronomiques (vol 48) et ont fait l’objet d’une synthèse dans le même numéro de la revue (Redlingshöfer et al., 2017).
  • L’analyse figure dans (Coudurier, 2015)
  • Pour l’ensemble des filières, les proportions de retraits sont rapportées ici en % du poids de carcasse, dans le but de faciliter la compréhension, car dans les filières poulet et truite une fraction est commercialisée en carcasse entière et le solde après découpe. Toutefois, les % de retraits mentionnés dans la suite du texte seront estimés en % du poids vif, après prise en compte des fractions carcasse entière vs découpe.
  • Principalement les graisses (d’avant fente dans le cas des bovins), os à gélatine
  • Rapportés aux quantités de lait, de contenu d’œuf ou de poids vif animal produit

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Résumé

L’INRA a confié à ses groupes « filières » une étude (2015-2016) visant à analyser et à quantifier les pertes alimentaires aux stades de la production agricole et de la transformation. Cet article synthétise le travail sur les filières animales. Grace à la construction d’une méthodologie par bilan de masse, l’étude a permis d’analyser le devenir des deux types de retraits pratiqués : les denrées alimentaires écartées de la consommation humaine et donc susceptibles, selon la définition de l’étude, d’induire des pertes alimentaires, d’une part, et les matières inconsommables par l’Homme d’autre part, lesquelles contribuent ensemble à la production des Sous-Produits Animaux (SPA). Les taux des pertes alimentaires varient de 3 à 8 % environ dans les filières animales, en lien avec les particularités d’espèces (sensibilité aux encéphalopathies spongiformes transmissibles, notamment). Les pertes alimentaires sont majoritairement liées à la valorisation des SPA en « pet food », sauf dans la filière bovine où la fraction incinérée est importante. En ce qui concerne les parties inconsommables pour l’Homme, l’alimentation du bétail et le « pet food » jouent un rôle différent selon les filières de provenance. Une part modeste (de 1 à 5 % chez les espèces terrestres, 15 % chez les poissons) donne lieu à une valorisation en alimentation du bétail et de façon indirecte à l’alimentation humaine. Cette partie serait beaucoup plus élevée encore si la part dédiée au « pet food » (laquelle varie de 6 à 25 % selon les filières) était réorientée au moins en partie vers les aliments du bétail. Notre étude a permis de montrer que les animaux d’élevage, et en particulier les monogastriques, ne sont pas que concurrents de l’Homme pour les ressources alimentaires, mais rendent service par la valorisation des sous-produits animaux et de ce fait, par la « non-mobilisation » de ressources.

Auteurs


Barbara REDLINGSHÖFER

barbara.redlingshofer@inra.fr

Affiliation : 1UMR SADAPT, INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, 16 rue Claude Bernard, 75005, Paris, France

Pays : France


Bernard COUDURIER

Affiliation : 2INRA CODIR, 147 rue de l’Université, 75338 Paris cedex 07, France

Pays : France


Nathalie BAREILLE

Affiliation : BIOEPAR, INRA, Oniris, Université Bretagne Loire, 44307, Nantes, France

Pays : France

Pièces jointes

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