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Organisations nationales et instruments de gestion de l’amélioration génétique des bovins laitiers : une comparaison entre la France, l’Irlande et les Pays-Bas

Chapeau

Le développement de la sélection génomique des bovins laitiers a entraîné des changements dans l’organisation des dispositifs nationaux d’amélioration génétique mais aussi dans les pratiques des acteurs de la sélection selon des modalités qui diffèrent entre pays. Après l’entrée en application du nouveau règlement zootechnique européen le 1er novembre 2018, ces dispositifs vont à nouveau évoluer en 20191.

Introduction : l’organisation des dispositifs nationaux et les instruments de gestion au cœur de l’étude comparative

La sélection génomique a révolutionné les techniques de sélection (Bidanel et al., 2008 ; Guillaume et al., 2011 ; Institut de l’Élevage et INRA, 2011 ; Boichard et al., 2012 ; Boichard et al., 2014), mais également les organisations et les pratiques des acteurs des dispositifs d’amélioration génétique (Labatut et al., 2014). Cet article a pour objectif de présenter une synthèse de travaux comparatifs conduits entre 2015 et 2017 impliquant la France, l’Irlande et les Pays-Bas. Le cadre de l’étude et la méthodologie seront présentés dans la première partie. Les quatre parties suivantes présenteront les principaux résultats des synthèses comparatives avant de conclure sur des perspectives.

De précédents travaux en sciences de gestion et en sociologie mettent en évidence les prémices d’évolutions des organisations et des institutions associées à la sélection animale, dans le contexte français marqué par de récents changements institutionnels (Labatut et al., 2013a ; Labatut et al., 2013b, 2014 ; Selmi et Joly, 2014 ; Selmi et al., 2014 ; Labatut, 2015 ; Hannachi et Tichit, 2016 ; Labatut et Tesnière, 2017 ; Allaire et al., 2018). Ils soulignent notamment l’augmentation de la concurrence entre les acteurs qui coopéraient auparavant, la libéralisation des activités de sélection et, des changements dans la gouvernance des races animales. Une étude comparative récente à l’échelle internationale (Leroy et al., 2017) souligne la nécessité d’une coopération des acteurs publics et privés dans le management des ressources génétiques animales et met en avant l’importance de l’implication des éleveurs. Pourtant, ce sont ces mêmes dimensions qui se trouvent questionnées dans le contexte des changements technologique et règlementaire actuels. Le sont-ils de manière équivalente dans tous les pays ? Si l’innovation génomique a été diffusée largement dans de nombreux pays ayant leurs propres dispositifs nationaux d’amélioration génétique, elle s’est développée dans des environnements organisationnels et institutionnels différents. L’arrivée de cette technologie s’est-elle accompagnée de changements similaires dans les différents pays ? Quels arrangements institutionnels sont observables dans chacun d’entre eux ? Considérant les effets couplés des cadres politiques et règlementaires renouvelés ou en cours d’évolution (au niveau national ou européen) et de l’émergence de nouvelles technologies (génomique, sexage…), nous faisons l’hypothèse que la combinaison de ces changements communs (technologies, politiques libérales) a pu générer des arrangements institutionnels différents selon les contextes nationaux dans lesquels ils s’inscrivent. Les phénomènes globaux de libéralisation et de privatisation évoqués aux niveaux nationaux et internationaux ne masqueraient-ils pas en réalité une diversité d’arrangements institutionnels entre les pays et des pratiques différentes entres les acteurs tant au sein qu’entre les pays ?

Dans la première partie de cette analyse du secteur de la sélection génétique bovine dans trois pays européens (France, Irlande et Pays-Bas), nous mobilisons le cadre d’analyse des régimes institutionnels de sélection au prisme de plusieurs dimensions : production de connaissances, coopération, marché, propriété, gouvernementalité (Aggeri, 2005). Nous considérons un régime de sélection comme un régime institutionnel constitué des dispositifs politiques, scientifiques, techniques, informationnels et organisationnels qui conditionnent la dynamique d’une population animale et le progrès génétique (Labatut, 2009 ; Labatut et al., 2013a ; Labatut et Tesnière, 2017 ; Allaire et al., 2018). À partir de l’analyse d’entretiens et de sources documentaires, nous caractérisons le régime institutionnel de sélection de chaque pays en y incluant une perspective historique nationale.

La seconde partie a pour objectif d’étudier l’organisation du travail de sélection entre les entreprises et les éleveurs. L’étude de ce travail de sélection permet de comprendre le rôle joué par les entreprises et les éleveurs, en ce qui concerne la répartition des activités, des décisions mais aussi des règles de propriété établies sur les ressources génétiques. Pour cela, nous nous intéressons aux contrats de sélection proposés par les entreprises aux éleveurs. Nous les envisageons comme des instruments de gestion de la ressource génétique, traceurs des changements et révélateurs de nouveaux arrangements institutionnels en sélection animale (Labatut et al., 2015).

1. Une méthodologie qualitative et comparative

1.1. La sélection des terrains d’études

a. La race bovine Holstein, un commun au cœur du tournant de la génomique

La race bovine Holstein est un emblème mondial de la sélection génétique et l’évolution de la sélection de cette race a été analysée dans de précédents travaux comme traceur de différentes formes d’industrialisation de l’agriculture (Labatut et Tesnière, 2017). Dès 2008, elle est la première race à bénéficier des évaluations génomiques. Toutefois, si la Holstein peut être l’un des symboles de la marchandisation du vivant, elle n’en garde pas moins le statut de « ressource commune » (Ostrom, 1990 ; Orsi, 2013 ; Allaire et al, 2018), tant en ce qui concerne les éleveurs que les sélectionneurs, auxquels s’ajoutent désormais d’autres parties prenantes (Hoffmann, 2011). En effet, en tant que race animale, aucun droit privé (exclusif) de propriété intellectuelle ne peut restreindre l’accès aux animaux, ni (pour l’instant) aux produits génétiques qui en dérivent. Une race animale (Denis, 1981 ; Audiot, 1995 ; Pellegrini, 1999) reste, aujourd’hui encore, la propriété commune de l’ensemble des éleveurs qui l’utilisent. Ainsi, pour reprendre la distinction importante entre flux et ressources dans tout système de communs opérée par Hess et Ostrom (2003), si les unités de ressources produites par la ressource (race animale) sont des biens marchands (les animaux, les embryons, la semence), la ressource « race » est un commun (Allaire, 2013). Il peut être menacé en cas de surutilisation (consanguinité, diffusion d’anomalie génétique…) ou de sous-utilisation (non-utilisation, désengagement des éleveurs…).

La race Holstein est un cas d’étude particulièrement pertinent pour analyser le paradoxe de la gestion d’une ressource commune confrontée à une marchandisation croissante des produits de cette ressource. Cette question devient de plus en plus importante dans le contexte de l’évolution récente des marchés de la génétique animale : internationalisation, libéralisation (nouveau Règlement Zootechnique Européen), désengagement de l’État dans le financement des dispositifs génétiques (en particulier en France où l’engagement était important), apparition de nouvelles technologies accroissant radicalement l’évolution génétique (génomique, sexage de la semence…). À partir de l’exemple de la race Holstein, nous pouvons comparer les régimes de sélection dans différents pays.

b. Trois pays européens à l’étude : France, Irlande et Pays-Bas

Nous avons analysé l’organisation de la sélection dans trois pays : la France, l’Irlande et les Pays-Bas. Parmi les principaux axes qui ont guidé notre choix, nous retenons : le caractère distribué ou concentré de l’organisation des dispositifs d’amélioration génétique, le degré d’engagement de l’État, la participation ou non au consortium européen EuroGenomics, ainsi que certaines caractéristiques de l’élevage laitier et du marché de la génétique dans ces pays.

En ce qui concerne le caractère distribué ou concentré de l’organisation des dispositifs d’amélioration génétique, le cas néerlandais se distingue des autres par sa tradition économique libérale et son organisation centralisée autour d’un acteur privé. Si l’État néerlandais a fait le choix de laisser aux professionnels le soin de s’organiser, l’État irlandais a fait un choix inverse en accompagnant la réorganisation du dispositif d’amélioration génétique au début des années 2000 et en soutenant financièrement le développement de la sélection génomique au niveau national. Ces deux situations antagonistes s’avèrent intéressantes à comparer avec le cas français, dont le dispositif historique coopératif et public a été déstabilisé par la réforme politique à caractère plus libéral : la Loi d’Orientation Agricole de 2006. Par ailleurs, contrairement à l’Irlande, la France et les Pays-Bas se sont engagés dans le consortium européen EuroGenomics pour mettre en commun des données et accélérer le développement de l’évaluation génomique dans chacun des pays participants en la rendant plus précise. Cette démarche collective de développement technologique à l’échelle de l’Europe n’a pas concerné l’Irlande.

En marge de ces observations, nous avons également pris en compte des caractéristiques du marché de la sélection génétique dans les pays. Les Pays-Bas sont historiquement d’importants exportateurs de génétique vers l’Europe et le reste du monde, tandis que le marché irlandais a été très longtemps majoritairement importateur. Les professionnels de la génétique en Irlande accordent une grande importance à la fertilité des animaux dans leurs objectifs de sélection. Cette particularité est liée à la saisonnalité de la production de lait en Irlande qui nécessite une bonne maîtrise de la reproduction des vaches laitières pour une bonne performance en période de forte pousse d’herbe. Ce choix s’inscrit également dans une dynamique générale de revalorisation des critères de sélection dits « fonctionnels » et de santé dans de nombreux schémas de sélection en Europe, qui est particulièrement marquée en Irlande. À dire d’experts, les professionnels français et néerlandais de la génétique Holstein n’ont pas fait évoluer les pondérations des différents critères de sélection dans les mêmes proportions. En conséquence, les objectifs de sélection Holstein diffèrent selon les pays.

Par ailleurs, nous avons choisi trois pays dans lesquels l’industrie laitière est développée et la sélection génomique est utilisée pour accroître le niveau génétique de la race Holstein, principale race laitière dans ces pays.

Privilégier des pays de l’Union européenne permet de comparer des pays qui sont soumis aux mêmes règlementations communautaires. Toutefois, les différentes « directives et décisions par espèce adoptées depuis 1977 […] qui ont été transposées dans les réglementations nationales, [ont] donné lieu à des interprétations parfois divergentes entre États membres » (MAAF, 2016). Afin d’« harmoniser, actualiser et simplifier la réglementation à l’échelle européenne » (MAAF, 2016), un nouveau règlement zootechnique était en cours d’élaboration au niveau du Parlement européen en 2014, au début de notre étude. En choisissant de comparer des pays européens, nous avons fait de cette évolution règlementaire un élément commun à nos différents cas. Il nous paraissait important de veiller à ce que les éventuelles différences observées entre les pays ne soient pas liées à des cadres règlementaires extranationaux différents, mais plutôt à des spécificités nationales issues d’organisations et d’arrangements institutionnels propres à chacun des pays.

1.2. La collecte et l’analyse des données

Les données de cette étude ont été collectées lors d’entretiens exploratoires et semi-directifs complétés par des observations in situ et un corpus de documents (tableau 1). Pour caractériser les dispositifs nationaux d’amélioration génétique et les arrangements institutionnels, nous avons identifié les différents acteurs du champ de la sélection. Des entretiens ont été réalisés auprès de différents types d’organisation dans chacun des pays : encadrement législatif, réglementaire et/ou technique ; organismes de recherche ; entreprises de sélection, de commercialisation de génétique ; consortium européen ; organismes de gestion de la race Holstein.

Pour analyser la relation entre les deux acteurs clé de la production de progrès génétique, les entreprises de sélection et les éleveurs, nous nous sommes entretenus avec des responsables de schéma de sélection au sein des entreprises et avec des éleveurs, pour comprendre comment s’échangent les ressources génétiques entre ces acteurs, notamment en collectant des documents contractuels (Bellivier et Noiville, 2006) utilisés dans ce type d’activité.

Tableau 1. Nombre d’entretiens réalisés et de contrats recueillis par pays.


Pays

France

Irlande

Pays-Bas

Nombre total d’entretiens

34

24

30

Nombre de contrats de sélection recueillis
(nombre d’entreprises de sélection concernées)

11

(3)

3

(3)

3

(1)

Pour notre premier niveau d’analyse, nous caractérisons à partir de nos différentes données, le régime institutionnel de sélection de chaque pays à travers le prisme de cinq dimensions d’analyses : i) la gouvernementalité (Aggeri, 2005) et l’implication de l’État ; ii) la coopération et la confiance entre les acteurs de la sélection ; iii) les connaissances et mode de production de ces connaissances ; iv) la propriété des ressources génétiques ; v) les marchés des biens et des services liés aux activités de sélection.

À un second niveau, nous étudions les relations entre Entreprises de Sélection (ES) et les éleveurs dans le cadre de leurs activités de production de progrès génétique. Cette production de progrès génétique est matérialisée par la production de nouvelles ressources génétiques biologiques (semences, embryons, veaux mâles et femelles, vaches). Pour cela, les entreprises de sélection et les éleveurs échangent ces différentes ressources.

Pour comprendre cette relation, nous nous sommes intéressés aux différentes modalités : i) d’acquisition des ressources et ii) de production de nouvelles ressources génétiques.

À partir d’une analyse thématique des entretiens et des documents contractuels, notre objectif est double : i) caractériser différents modèles d’organisation de la production de ressources génétiques entre les entreprises et les éleveurs ; ii) analyser la répartition de ces modèles selon les pays étudiés.

Concernant les échanges et les contrats, nous distinguons d’abord les différentes ressources génétiques biologiques qui sont échangées entre entreprises et éleveurs. Dans un second temps nous caractérisons les modalités de ces échanges entre le marché, les formes de sous-traitance et les formes contractuelles. Nous procédons à une analyse des règles et des droits contenus dans les contrats pour comprendre la répartition des activités et des droits de propriété sur les ressources. À partir de cette analyse, nous identifions différents modèles d’organisation de la production et des échanges de ressources génétiques entre entreprises et éleveurs.

2. Trois régimes institutionnels de production du progrès génétique

2.1. La France

Au sein du dispositif génétique français, le développement de la sélection génomique a été assuré de manière collective entre les professionnels du secteur privés et la recherche publique (consortium), dans une volonté d’accessibilité de l’innovation par tous, de mutualisation des moyens et de partage du progrès génétique. Le long historique coopératif et public qui a porté le dispositif français parmi les plus performants en Europe (Vissac, 2002 ; Labatut, 2009 ; Labatut et Tesnière, 2017), a perduré dans la dynamique de développement de la sélection génomique. Depuis la Loi sur l’Élevage (1966) jusqu’en 2018, la production de connaissances génétiques (l’index « ISU » par exemple) sur les animaux était assurée par une évaluation génomique publique (INRA, Institut public). En parallèle de ces index officiels, des index privés (non officiels jusqu’alors) se sont développés à partir de 2010. Depuis novembre 2018, le calcul des évaluations génétiques des ruminants est réalisé par l’association GENEVAL. Ces changements témoignent d’une évolution du modèle coopératif et public qui caractérisait le dispositif d’amélioration génétique français, vers l’émergence d’un modèle contractuel et privé. Le marché de la génétique française de la race Holstein est à la fois national et international avec une segmentation diversifiée des doses de semences. La production de progrès génétique est caractérisée par des relations contractuelles entre éleveurs et entreprises de sélection (contrats, partenariats) qui assurent une protection des ressources génétiques (biologiques et informationnelles). Il existe une race « Prim’Holstein » mais la diversification des stratégies d’entreprises donne lieu à une segmentation de l’offre de semence et l’émergence d’une génétique de marque. Si l’État s’est progressivement retiré du pilotage et du financement du dispositif national au profit de l’interprofession (FGE, France Génétique Élevage), la visée du dispositif est de maintenir le progrès génétique accessible à tous. Malgré l’émergence d’initiatives individuelles venant notamment des entreprises de sélection, la volonté de l’interprofession était de maintenir au mieux un dispositif collectif mutualisé, ce qui nous a incité à qualifier, le régime institutionnel français comme celui du « progrès génétique partagé » entre les entreprises et les éleveurs pour le développement de la sélection génomique. Dans le cadre de la mise en place du règlement européen n° 2016/1012 (relatif aux conditions zootechniques et généalogiques applicables à l’élevage, aux échanges et à l’entrée dans l’Union de reproducteurs de race pure et de leurs produits germinaux), les acteurs de la sélection négocient pour la mise en place d’une nouvelle organisation nationale professionnelle de la génétique animale. Avec une nouvelle répartition des missions historiques entre ces acteurs, la coopération n’est plus acquise et le mode de relations contractuelles et privées questionne la dimension partagée du progrès génétique.

2.2. L’Irlande

Au début des années 2000, l’amélioration du niveau génétique du cheptel irlandais est une priorité pour augmenter la production laitière du pays. L’Irlande a saisi l’opportunité de rénover en profondeur son système de collecte et traitement de données liées à l’élevage et son dispositif d’amélioration génétique en amont du développement de la sélection génomique. Le progrès génétique étant un levier important pour améliorer la productivité laitière du pays, l’État irlandais et les professionnels se sont impliqués aussi bien dans l’encadrement que dans le financement de cette transformation jusqu’à la mise en place d’un dispositif collectif, coopératif et centralisé via l’organisation ICBF (« Irish Cattle Breeding Federation »). Les connaissances (index) sont produites grâce à une évaluation génétique et génomique publique. Le standard de référence (index « EBI ») est utilisé par tous et il n’existe pas, jusqu’à présent, d’index privés non officiels. Des relations contractuelles existent entre les éleveurs et les entreprises de sélection pour produire de nouvelles ressources génétiques. Le marché irlandais de la génétique de la race Holstein est insulaire et met en avant une génétique spécifique et adaptée au contexte d’élevages herbagés. Le dispositif national se caractérise également par un modèle moins restrictif concernant la propriété des données, des ressources génétiques et leurs échanges. Enfin, ce mode d’organisation et de développement nous conduit à qualifier le régime institutionnel irlandais de régime du « progrès génétique planifié » par l’État et les professionnels.

2.3. Les Pays-Bas

Considérant que le marché est le meilleur moyen de réguler le secteur, l’État néerlandais a choisi de confier le pilotage du dispositif d’amélioration génétique aux professionnels du secteur bien avant le développement de la sélection génomique. La production de connaissances génomiques sur les animaux était pilotée par un groupement professionnel (GES, « Genetic Évaluation Sires ») dont la légitimité était fortement contestée en 2015 par une partie des entreprises de sélection. Le calcul des index génomiques était assuré par un département interne de l’entreprise majoritaire sur le marché de la génétique (CRV), tandis que la publication est assurée par le GES. Cette situation controversée autour de l’accessibilité à l’évaluation génomique pour tous les acteurs, a conduit certains à utiliser un autre système d’évaluation (standard étranger ou ancien modèle d’évaluation : testage sur descendance). Depuis 2018, le groupe professionnel GES n’existe plus et l’évaluation génétique est réalisée directement par la CRV. Il existe un index global national (« NVI ») mais le cas néerlandais est aussi caractérisé par une diversification des standards et des index privés. La coopération est limitée à certains acteurs (avec des partenariats confidentiels) et le modèle quasi-intégré au sein d’une unique entreprise privée majoritaire reste contesté. La production de nouvelles ressources entre entreprises et éleveurs est basée sur des transactions directes sur le marché ou des relations contractuelles pouvant aller jusqu’à des formes d’intégration de ces activités au sein d’entreprises de sélection. Le marché néerlandais de la génétique Holstein est international. La production de ressources génétiques est caractérisée par une production importante d’embryons. Le modèle néerlandais est protecteur à la fois des données et des ressources génétiques biologiques. Dans ce contexte et depuis plusieurs années, la production de progrès génétique se développe à grande échelle, avec une entreprise leader qui s’est implantée dans de nombreux pays, produit une génétique de marque et qui échange des ressources (semences et embryons) sur les marchés internationaux. Cette forme d’industrialisation de la production et la mondialisation des échanges nous amène à qualifier ce régime institutionnel comme celui du « progrès génétique industrialisé » par le secteur privé.

3. Synthèse transversale des régimes institutionnels de sélection

3.1. Gouvernementalité des dispositifs d’amélioration génétique

L’amélioration génétique constitue un levier central d’augmentation de la production laitière, c’est pourquoi certains états ont soutenu la mise en place de dispositifs performants de sélection génétique. Nos cas d’études se distinguent à la fois par l’engagement de l’État dans le gouvernement de ces dispositifs mais aussi par le degré d’implication des professionnels du secteur.

De par son historique coopératif et public fortement soutenu par l’État à partir des années 1960, le régime institutionnel de sélection en France a évolué vers une forme plus libérale depuis 2006 dans laquelle les professionnels restent activement impliqués (interprofession FGE) mais dont l’État se désengage progressivement. En Irlande, le régime institutionnel de sélection est entré depuis les années 2000 dans une forme de développement fortement soutenu par l’État et centralisé autour d’une nouvelle organisation collective. La situation néerlandaise actuelle est l’héritage d’une tradition libérale où les questions d’amélioration génétique ont été confiées aux professionnels et à la loi du marché. Il en résulte aujourd’hui un régime institutionnel de sélection dans lequel les principales activités sont centralisées autour d’un acteur privé (l'entreprise de sélection CRV) et la légitimité du dispositif est contestée, par ses concurrents minoritaires (entreprises de sélection, coopératives d’insémination notamment).

3.2. Coopération entre acteurs

Le développement de la sélection génomique a réorganisé les relations de coopération entre les acteurs.

D’une part, de nouvelles collaborations ont été initiées entre différents pays européens. Ainsi, le consortium EuroGenomics dont font partie la France et les Pays-Bas s’est développé pour améliorer la fiabilité des évaluations grâce à un partage de données entre pays membres. Ce consortium qui a mobilisé à la fois des acteurs de la recherche et de la sélection, illustre que la coopération est un moyen efficace pour développer et entretenir des populations de référence, qui constitue l’élément central de la sélection génomique. Toutefois, certains pays comme l’Irlande ont réalisé leur propre population de référence en génotypant un grand nombre d’animaux au sein de leur pays. N’étant membre ni du consortium Nord-Américain, ni d’EuroGenomics, ils cherchent à collaborer avec des pays tiers ayant une philosophie similaire sur le partage des données, notamment de génotypage.

D’autre part, les relations historiques de coopération ont été bouleversées dans ce cadre d’innovation. En France, les relations entre recherche publique et entreprises de sélection ont évolué vers deux situations. Certaines entreprises ont continué de collaborer avec l’INRA, en tant qu’institut public de recherche et partenaire historique, tandis que d’autres se sont tournées vers des collaborations avec de nouveaux partenaires. Ainsi, l’entreprise de sélection Gènes Diffusion a choisi de travailler avec l’Institut Pasteur de Lille qui n’était pas impliqué dans le dispositif d’amélioration génétique français jusqu’à présent. Les collaborations historiques entre acteurs de la recherche et du développement laissent place à des partenariats public-privé regroupant plusieurs acteurs (consortium par exemple) ou seulement deux partenaires (développement d’un index privé sur un caractère innovant par exemple). Aux Pays-Bas, la centralisation des compétences de recherche et développement entre l’université publique de Wageningen et l’entreprise CRV, conduit cette dernière à devoir envisager des relations contractuelles avec ses concurrents directs qui souhaitent bénéficier de la sélection génomique. En Irlande, la refonte du dispositif de collecte, stockage et circulation des données liées à l’élevage a été l’occasion de mettre en place une coopération multi-acteurs pour favoriser le développement national de la sélection génomique.

La comparaison de nos trois cas d’étude nous montre que la coopération entre acteurs de la génétique animale est confrontée à un enjeu commun de maintien individuel d’une forte compétitivité face à cette innovation. Les voies qui ont été choisies pour y parvenir sont liées au contexte à la fois organisationnel et institutionnel dans lequel la sélection génomique a pu prendre place. Cette technologie a ouvert la voie à de nouvelles collaborations internationales mais a également fait naître des comportements individualistes autour desquels se cristallisent des tensions entre acteurs.

3.3. Production de connaissances

La recherche publique a joué un rôle dans le développement de la connaissance en génomique dans chacun des trois pays. Au niveau opérationnel, la production, les échanges, le stockage et l’utilisation des données nécessaires à la production des index génomiques mobilisent la sphère publique et la sphère privée à des degrés différents.

Dans le contexte compétitif lié au développement de la sélection génomique, les données de phénotypes et de génotypes sont devenues des sources d’avantages concurrentiels importants. Historiquement, les bases de données liées à l’élevage et les systèmes nationaux d’information génétiques associés étaient publics car nécessairement constitués de manière collective. Aujourd’hui, certaines données produites dans le cadre de partenariats circonscrits à un nombre restreint d’acteurs permettent de produire de nouvelles informations (index sur de nouveaux caractères par exemple) et de développer en interne des compétences en recherche et développement. Les systèmes d’évaluation nécessaires à la production des index génomiques se sont donc organisés différemment. En France, jusqu’en novembre 2018, les index génomiques officiels étaient calculés par un institut public de recherche (INRA) dont le monopole était confié par l’État. Le calcul des index et leur publication sont désormais sous la responsabilité des Organismes de Sélection (OS) qui ont choisi de mutualiser et déléguer ces deux activités. La fédération des Organismes de Sélection (Races de France) et l’union des Entreprises de Sélection (Allice) ont créé « GenEval », organisme associatif professionnel privé en charge du calcul des évaluations génétiques des ruminants. La diffusion des index est déléguée à l’Institut de l’Élevage (Idele), organisme privé à but non lucratif.

En Irlande, c’est une organisation semi-publique à but non lucratif (ICBF) qui est en charge de ces missions tandis qu’aux Pays-Bas, l’évaluation génétique et génomique est assurée par une unité de recherche d’une entreprise privée (CRV).

Les index génomiques sont utilisés par la grande majorité des entreprises de sélection et des éleveurs dans les trois pays étudiés. Néanmoins, une entreprise néerlandaise continue d’utiliser l’ancien système d’évaluation basé sur le testage sur descendance des taureaux et, entretient la controverse sur la fiabilité des évaluations génomiques. Les connaissances individuelles issues de l’évaluation génomique des animaux deviennent rapidement accessibles et cristallisent les enjeux de propriété autour des ressources génétiques animales (biologiques et informationnelles).

3.4. Propriété sur les ressources

Le fonctionnement des dispositifs d’amélioration génétique et les règles qui leur sont associées mettent en évidence des disparités importantes en termes de régime de propriété sur les races animales. En France et aux Pays-Bas, les ressources informationnelles liées au génotypage des veaux mâles, candidats pour être de futurs reproducteurs agréés, sont la propriété des entreprises de sélection. Ces informations ne deviennent publiques que si le jeune taureau est officiellement agréé pour commercialiser sa semence. Grâce à cette règle, ces informations ne sont pas transmises aux éleveurs français et néerlandais pour éviter la création de marchés parallèles. Pour empêcher la commercialisation de ces ressources au profit de concurrents, les entreprises françaises et néerlandaises ont établi des contrats de sélection basés sur des droits d’exclusivité qui leur assurent la propriété de l’animal ou stipule sa destination à des fins non génétiques (consommation par exemple). En Irlande, le dispositif génétique repose sur une règle opposée : les résultats de génotypage des veaux mâles sont rendus publics à l’entreprise et à l’éleveur. Le marché est donc moins protégé qu’en France et aux Pays-Bas. En effet, un éleveur irlandais peut vendre un veau mâle à un concurrent de la première entreprise qui l’aurait refusé.

À l’échelle de la population animale, la race Holstein n’est pas soumise à des droits de propriété intellectuelle dans les trois pays. Cependant, des évolutions récentes montrent que certaines entreprises choisissent de se détacher du concept de race Holstein pour se démarquer sur le marché grâce à un marketing basé sur des types de vaches ou des objectifs de production. C’est notamment le cas en France mais aussi aux Pays-Bas, où des entreprises déposent des marques pour affirmer de leurs stratégies de sélection de la race Holstein. À titre d’exemple, l’entreprise française Évolution se positionne sur le marché international via sa marque déposée « H2E : Holstein High Efficiency ». En Irlande, cette tendance n'est pas présente pour l’instant, probablement car la sélection de la Holstein est principalement tournée vers le mode spécifique d’élevage irlandais et très peu vers le commerce international.

3.5. Évolution du marché de la génétique

L’arrivée de la sélection génomique a modifié les échelles et les caractéristiques des marchés du progrès génétique, tant sur les biens qualifiés que les services mis en marché. Dans nos trois cas d’étude, les animaux peuvent bénéficier d’une évaluation génomique et être qualifiés puis mis en marché sur la base de ces index génomiques. Toutefois, toutes les entreprises de sélection ne l’utilisent pas et d’autres systèmes d’évaluation peuvent également être utilisés. Aux Pays-Bas, une entreprise se base encore sur l’ancien système d’évaluation (testage sur descendance) tandis que d’autres utilisent des systèmes d’évaluation étrangers (« TPI », index des États-Unis par exemple). Les biens (animaux, embryons, semence) et services (génotypage, production d’embryons) qualifiés et mis en marché sont désormais plus diversifiés. Si la technique de production d’embryons (prélèvement et transplantation) existait déjà avant la sélection génomique, ces embryons peuvent à présent être indexés grâce à celle-ci. Utilisée notamment en France et aux Pays-Bas, cette technique permet de démultiplier la descendance d’animaux indexés et d’identifier rapidement de nouveaux reproducteurs à haut potentiel génétique. En revanche, cette technologie de la reproduction reste très peu utilisée en Irlande et le marché des biens concerne principalement les animaux vivants et la semence.

Selon les pays, mais aussi selon les entreprises, les orientations de sélection de la race Holstein caractérisent différents types d’animaux correspondant à une segmentation de marchés. Chaque pays a mis en place un index « global » (ou « synthétique ») national pour évaluer les bovins de la race et la composition de cet index global révèle des orientations de sélection différentes selon les pays. L’Irlande a mis l’accent sur les caractères de reproduction et une sélection orientée vers une race adaptée aux systèmes pâturés. Les Pays-Bas ont misé sur un index équilibré entre fertilité, santé et morphologie de la mamelle et des membres. La France a alloué une part importante de son index global aux caractères de production laitière, de reproduction et de santé de la mamelle. L’Irlande cherche davantage à créer une génétique adaptée à son système de production tandis que la génétique néerlandaise cherche à s’exporter sur de nombreux marchés à l’international. Parallèlement, certaines entreprises ont développé des index privés basés sur de nouveaux critères de sélection, comme la santé du pied par exemple, qui participent à la segmentation et la diversification du marché de la génétique.

4. La relation éleveur – entreprise de sélection

Dans cette partie, il s’agit de comprendre quelles sont les modalités d’échange et de production des ressources génétiques et en quoi les pratiques et les instruments qui leurs sont associés témoignent de nouveaux arrangements institutionnels à l’ère de la sélection génomique.

4.1. Des ressources biologiques et informationnelles

a. Les ressources biologiques

La production de nouvelles ressources biologiques nécessite l’utilisation de la voie mâle et de la voie femelle (figure 1). En d’autres termes, pour produire un embryon, il est nécessaire d’avoir accès à une femelle ou un ovocyte et un taureau et/ou de la semence. Les femelles constituent historiquement les ressources productives des troupeaux des éleveurs laitiers, tandis que les taureaux sont achetés par les entreprises de sélection pour produire et commercialiser des doses de semences. Pour notre analyse, nous distinguons les pratiques d’accès et d’acquisition, des pratiques de production de ressources génétiques. Leur combinaison permet d’identifier des modèles généraux d’organisation et de répartition de ces activités entre les entreprises et les éleveurs.

Figure 1. Origine et devenir des différentes ressources biologiques.

TESNIÈRE G., DUCROCQ V., BOXENBAUM E., LABATUT J. 2019. Organisations nationales et instruments de gestion de l’amélioration génétique des bovins laitiers : une comparaison entre la France, l’Irlande et les Pays-Bas. INRA Prod. Anim., 32,

Les changements technologiques récents, aussi bien dans le domaine de la reproduction que de l’estimation des valeurs génomiques, ont contribué fortement à un accroissement des types de ressources biologiques mobilisables pour la sélection des animaux (gamètes, embryons). Ces ressources biologiques sont désormais associées à de nouvelles ressources informationnelles permises par le développement de la technologie génomique (index génomiques).

b. Les ressources informationnelles

Les ressources biologiques ne sont pas les seules sources d’avantages stratégiques à considérer dans le cadre des échanges de ressources génétiques. En effet, la sélection génomique permet d’évaluer le génome d’un jeune animal ou d’un embryon et d’obtenir sa valeur génomique individuelle (index génomiques). Ces index constituent des ressources informationnelles essentielles pour estimer le potentiel génétique des animaux ou embryons. Contrairement au système d’évaluation par testage sur descendance, les index génomiques peuvent être obtenus très tôt dans la vie de l’animal. L’accès à cette information est donc devenu un enjeu crucial pour les entreprises de sélection et les éleveurs. Par ailleurs, ces informations influent également sur les valeurs marchandes des animaux et des embryons.

Les index génomiques complètent un ensemble de données permettant de caractériser les animaux : informations sur l’ascendance et les pédigrées, les données de production laitière, de morphologie, etc.

La quantité et la variété de ces ressources informationnelles ont augmenté massivement et constituent un enjeu important pour les acteurs de la sélection. Ressources biologiques et informationnelles sont intimement liées, mais leurs droits d’accès ou de propriété peuvent varier.

Cette diversification des unités de ressources est couplée à de nouveaux flux de ressources qu’il est important de clarifier en analysant les contrats de sélection. Dans un secteur où la concurrence entre entreprises de sélection est élevée, le contrat de sélection est un moyen de fixer les règles accordées aux contractants pour l’accès et le prélèvement de ressources, biologiques comme informationnelles.

4.2. Les modalités d’accès et d’acquisition ou partage des ressources entre éleveur et entreprise

Dans un environnement devenu très concurrentiel, le marché des animaux reproducteurs mâles et femelles est au cœur d’enjeux importants pour les entreprises de sélection et les éleveurs. L’accès aux ressources génétiques biologiques (reproducteurs, embryons, semence) et informationnelles (index) est un enjeu incontournable pour envisager toute forme d’organisation du travail de sélection. Pour construire leur offre génétique (semences), les entreprises de sélection doivent identifier et acquérir de nouveaux taureaux. Pour cela, plusieurs solutions peuvent être envisagées, que l’on peut regrouper généralement en trois catégories : une logique de marché, une logique d’intégration et un ensemble de formes hybrides entre ces deux logiques. Dans ces trois cas, les modalités d’accès et d’acquisition des ressources diffèrent :

i) Le marché : une ressource biologique est achetée par l’entreprise lors d’une vente publique ou directement chez l’éleveur. Cette modalité n’inclut pas de contrat.

ii) Des formes contractuelles : une ressource biologique fait l’objet d’un contrat qui peut prévoir la répartition des activités liées à la connaissance du potentiel génomique de la ressource, l’éventuelle utilisation immédiate ou future de cette ressource pour en produire d’autres (à la génération n + 1), la définition des règles des échanges et des droits qui y sont associés, etc.

iii) Des formes d’intégration : une ressource est achetée par l’entreprise mais des activités, liées à son utilisation et son élevage par exemple, peuvent être sous-traitées notamment par des contrats.

Si habituellement les entreprises de sélection acquéraient les taureaux alors que les femelles restaient la propriété des éleveurs, les récents changements technologiques ont contribué à complexifier ce schéma. La multiplication des ressources génétiques et de leurs modalités d’accès s’accompagne notamment d’une diversité de règles et de droits, comme les droits de priorité, d’exclusivité ou de rachat dans les relations contractuelles.

Le droit de priorité est utilisé par des entreprises pour prioriser l’accès à l’index génomique avant une décision d’achat ou d’utilisation d’une femelle pour produire des ovocytes ou embryons. Le droit d’exclusivité est utilisé pour protéger toute la descendance produite (embryons, veaux) au-delà de la période d’utilisation de la ressource initiale. Ce droit s’applique très souvent à l’ensemble de la progéniture (embryons, veaux) sur une ou plusieurs générations. Enfin, le droit de rachat, également appelé vente à réméré, est utilisé par les entreprises qui possèdent une ressource et qui souhaitent réaliser une partie des opérations de procréation en dehors de leurs structures. Elles vendent une ressource génétique à un éleveur et exercent leur droit de rachat lorsqu’elles souhaitent récupérer cet animal. Les éleveurs peuvent aussi utiliser ce droit lorsqu’ils vendent des embryons à des tiers dans le cadre de contrats. Ils définissent les modalités de rachat des veaux nés à partir des embryons qu’ils ont vendus (niveau génétique, ordre de naissance par exemple).

4.3. Les modalités de production de la nouvelle génération de ressources

Lorsqu’un accès a été établi sur une femelle non gestante, la seconde phase du travail de sélection consiste à utiliser cette ressource initiale pour en produire de nouvelles (des embryons pour une nouvelle génération). Cette phase de production peut être réalisée dans l’exploitation de l’éleveur, dans l’entreprise de sélection ou être partagée entre les deux. Les contrats de sélection précisent à ce sujet les modalités d’organisation de la production de nouvelles ressources et répartissent les activités entre les contractants. Des enjeux apparaissent autour de la gestation des embryons qui nécessite le recours à des vaches dites « receveuses ». La production d’embryons peut donc entrainer une réorganisation des activités entre entreprise et éleveur. En effet, certaines entreprises ont créé de nouvelles infrastructures pour industrialiser la production d’embryons et la ponction d’ovocytes : les stations de donneuses. La « station de donneuses » est une structure appartenant à une entreprise de sélection, au sein de laquelle des ovocytes et des embryons sont prélevés sur des femelles pendant une durée déterminée. La femelle peut appartenir à l’entreprise ou être louée à un éleveur. Ainsi, à partir de notre corpus de contrats et d’entretiens, on distingue trois principaux modes de production :

i) La gestation à la ferme ;

ii) la production d’embryons à la ferme ou en station pour démultiplier la ressource in vivo ;

iii) la ponction d’ovocytes en « station de donneuse » pour démultiplier la ressource in vitro.

4.4. Six modèles d’organisation des activités de production du progrès génétique

L’activité de création génétique résulte historiquement d’un partenariat entre les éleveurs et les sélectionneurs. L’arrivée de nouvelles technologies (de la reproduction et de l’accès à la connaissance du potentiel génétique) bouleverse ce schéma et on observe aujourd’hui une diversité croissante dans les modalités d’accès et de création de ressources génétiques. Ces modalités embrassent une pluralité de formes allant de transactions non contractuelles (« achats spot ») sur le marché jusqu’à des formes contractuelles traduisant des répartitions différentes des activités entre les éleveurs et les entreprises de sélection.

Nous avons caractérisé six modèles d’organisation de la production de progrès génétique en fonction des modes d’acquisition et des droits de propriété associés aux ressources génétiques produites et échangées (Tesnière, 2017) :

i) et ii) deux modèles non contractuels basés sur des transactions directes et une intégration des activités de production génétique (au sein de l’élevage ou au contraire au sein de l’entreprise de sélection) ;

iii) un modèle contractuel prioritaire basé sur des droits de priorité d’accès et d’utilisation des ressources génétiques ;

iv) un modèle contractuel exclusif basé sur des droits exclusifs d’accès et d’utilisation des ressources génétiques ;

v) un modèle partenarial et exclusif sur un ensemble de ressources (famille, cheptel…) ;

vi) un modèle contractuel et exclusif de sous-traitance.

Les modèles non contractuels révèlent des stratégies individuelles d’éleveurs ou d’entreprises qui intègrent les activités de production de progrès génétiques, donc de ressources génétiques ou qui les acquièrent directement sur le marché. Les modèles partenariaux illustrent une volonté de maintien de formes coopératives de création et de diffusion du progrès génétique. Toutefois, certains contrats relèvent de la prestation de service où les éleveurs sont des partenaires sélectionnés pour leurs qualités d’éleveurs et de bons gestionnaires de la reproduction de leur troupeau.

Les contrats de sélection redessinent les rapports entre les acteurs de la sélection et en instaurent de nouveaux, notamment via la location « d’appareils reproducteurs » (utérus par exemple) ou d’animaux, ou encore l’intégration des activités de reproduction jusqu’à la sous-traitance, etc. Couplés au faisceau de technologies de la reproduction, ces rapports s’accompagnent également, comme vu précédemment, de nouvelles infrastructures pour la production massive d’embryons : les « stations de donneuses ». Comme il est désormais possible d’accéder rapidement à la connaissance de la valeur génétique des animaux et des embryons, la création du progrès génétique s’est fortement accélérée. Les ovocytes et les embryons sont des éléments stratégiques pour gérer et accroître rapidement ce progrès. Dès lors, les différentes ressources biologiques et les ressources informationnelles qui y sont associées font l’objet d’une protection sur le marché par des droits de priorité ou d’exclusivité parfois pluri-générationnels. Dans ces cas, il s’agit de s’approprier et protéger la ressource génétique produite mais aussi la ou les générations futures. Enfin, le modèle non contractuel met en évidence deux situations antagonistes du point de vue de la répartition des activités de sélection entre éleveur et entreprise : l’une ou l’ensemble de ces activités est réalisé par l’éleveur au sein de son exploitation, l’autre où l’entreprise réalise toutes les activités de production d’embryons et veaux, en ayant au préalable acheté des femelles.

5. Des modèles d’organisation différents selon les pays

5.1. L’Irlande : une volonté de libre circulation des ressources génétiques rendue possible par le modèle contractuel prioritaire

Les stratégies de sélection des trois plus grandes entreprises de sélection irlandaises sont basées sur le modèle contractuel prioritaire. Que l’objet du contrat soit un veau mâle, une femelle gestante ou une femelle non gestante, le droit de priorité permet de prioriser l’accès des ressources à travers les contrats tout en conservant une libre circulation des ressources en cas de refus d’achat. Une seule entreprise, de petite taille et non partenaire d’ICBF, se distingue de ce paysage, en ayant fait un choix totalement différent basé sur un petit réseau exclusif d’éleveurs.

En Irlande, la production à l’herbe et très saisonnée est peu compatible avec la transplantation embryonnaire et le recours à la super ovulation qui sont très peu utilisés. Ainsi, la démarche des techniciens de sélection est essentiellement basée sur le repérage de veaux nés, de gestations intéressantes ou d’animaux dont l’accouplement est à réaliser. Les clauses des contrats de sélection irlandais ne prévoient donc pas le recours aux technologies de reproduction comme la super ovulation ou la fécondation in vitro (OPU-FIV).

Toutefois, certaines entreprises envisageaient de recourir à ces technologies de la reproduction pour les meilleures femelles et de proposer aux éleveurs des contrats établis sur la durée de vie de l’animal.

5.2. La France : l’exclusivité acquise par le partenariat et la création de réseaux

Un point caractéristique du cas français est la prédominance du modèle partenarial exclusif. Ces stratégies partenariales semblent être une réponse à une concurrence accrue depuis la suppression des monopoles territoriaux des coopératives d’insémination en 2006. En effet, les coopératives historiques travaillaient sur des territoires définis et exclusifs. Elles étaient donc protégées de la concurrence au sein de zones géographiques où elles disposaient d’une exclusivité de la mise en place de l’insémination animale. Elles disposaient alors d’un réseau d’éleveurs pour approvisionner leur schéma en jeunes veaux mâles. La suppression du monopole territorial a fortement contribué à accroître d’une part, la concurrence entre les coopératives sur leurs zones d’activités commerciales et, d’autres part, la fusion de plusieurs d’entre elles. La priorité d’accès ou d’acquisition contenue dans les contrats de collecte et de transplantation embryonnaire dans les années 2000 a laissé place à des droits plus restrictifs aujourd’hui. En 2015, deux entreprises proposent ainsi des partenariats à l’échelle des élevages avec des règles d’exclusivité aussi bien sur l’accès que l’utilisation des ressources. En effet, les réseaux créés par ces entreprises apparaissent comme un moyen de réaffirmer une zone d’activité historique pour protéger le travail de sélection mais aussi pour l’étendre afin d’accéder et d’échanger de nouvelles ressources. La première a choisi de mettre en place un partenariat incluant des contrats de sélection et d’achat obligatoire d’embryons. Cette stratégie est basée sur la priorité d’accès et l’exclusivité d’achat des veaux et embryons. L’entreprise crée ainsi un réseau privé avec les éleveurs signataires. La seconde entreprise a décliné sa stratégie sous la forme d’une panoplie de contrats disponibles après signature de la charte de partenariat : contrat de collecte d’embryons et contrat d’achat d’embryons. Ces contrats sont les plus complexes du corpus étudié et établissent également un grand nombre de règles d’accès, de priorité, d’exclusivité aussi bien sur les animaux que sur les embryons.

Pour anticiper et démultiplier le progrès génétique, deux entreprises françaises se sont dotées de « stations de donneuses » afin de pouvoir délocaliser les activités de reproduction hors de l’élevage si l’éleveur le souhaite et de maîtriser en interne ces activités pour les optimiser. L’utilisation de ce type de structure de production diffère selon les stratégies des entreprises, et révèle en réalité deux dynamiques distinctes au sein du modèle partenarial d’exclusivité. Dans un premier cas, l’entreprise propose à l’éleveur de faire produire les embryons à la ferme ou de « louer » sa femelle à l’entreprise qui se charge de réaliser ces activités de production dans la station. La femelle et les embryons restent la propriété des éleveurs. L’utilisation de cette nouvelle structure est proposée comme un service pour l’éleveur. En externalisant la production d’embryons hors de la ferme, l’éleveur peut se décharger de cette activité qui représente un temps d’astreinte et une surveillance importants. Dans un second cas, l’entreprise a choisi dans un premier temps d’utiliser sa station pour produire des embryons à partir de femelles achetées à l’extérieur de son réseau d’élevages. L’entreprise a ainsi mis en place un modèle de sélection non contractuel et intégré. Cette entreprise couple ainsi deux modèles d’organisation du travail de sélection pour diversifier son approvisionnement et son offre.

La production importante d’embryons dans les stations de donneuses conduit les entreprises à proposer des modes de gestion spécifiques de cette future descendance. L’une impose une forme de sous-traitance dans son partenariat : l’achat obligatoire par l’éleveur d’un nombre minimum d’embryons, dont les futurs veaux seront protégés par des droits d’exclusivité, tout comme le reste des animaux de l’élevage. Ce couplage de modèles d’organisation fait entrer de nouvelles ressources génétiques d’intérêt au sein des élevages du réseau. L’autre a fait le choix de ne pas acheter des femelles pour son schéma de sélection mais achète des embryons à l’étranger, pour les proposer à l’achat aux éleveurs de son réseau.

5.3. Les Pays-Bas : de l’exclusivité à la sous-traitance, les prémices d’une sélection intégrée

L’entreprise leader du marché de la génétique aux Pays-Bas met en place différentes stratégies de sélection pour approvisionner son schéma. Ce fonctionnement la situe dans deux modèles d’organisation du travail de sélection. Le cœur de son travail est basé sur le modèle de sous-traitance par la vente d’embryons et de femelles avec exclusivité de rachat. Elle gère ainsi la production de sa propre génétique avec des éleveurs néerlandais prestataires sous contrats. Toutefois, pour diversifier et alimenter son schéma avec de nouvelles ressources, elle complète sa stratégie avec un modèle contractuel exclusif qu’elle peut appliquer sur son territoire mais également à l’étranger pour contractualiser individuellement des femelles et en obtenir des embryons. En achetant ces embryons, elle peut ensuite les faire naitre au sein de son réseau d’élevages sous-traitants. Ainsi, elle combine différents modèles pour accroître sa capacité à identifier et créer de nouveaux animaux et s’adapter à divers marchés.

Par ces modèles d’organisation contractuelle de sous-traitance, l’entreprise se détache de certaines stratégies individualistes d’éleveurs qui « ne souhaitaient pas revendre les veaux mâles produits » ou qui « tardaient à [collecter et] transplanter les femelles » (entretien avec un responsable de schéma de sélection, Pays-Bas, 2015). Développer des stratégies d’achat d’embryons et de femelles pour constituer sa base de sélection lui a permis de gagner en efficacité sur la conduite de son programme. L’entreprise dispose également d’une station de donneuses qui lui laisse une autonomie dans la production massive d’embryons pour son schéma de sélection. Elle a ensuite soigneusement sélectionné des élevages prestataires pour réaliser les activités d’élevage des femelles et de gestation des embryons. Ceci lui permet de ne pas avoir à gérer l’ensemble des veaux produits et de ne sélectionner que les meilleurs individus pour les réintégrer grâce à son droit de rachat exclusif.

Il n’est pas toujours possible de repérer de nouveaux animaux ou embryons intéressants sur tous les continents. Deux entreprises, l’une hollandaise, l’autre américano-hollandaise, ont alors établi un accord de partenariat pour développer un programme de sélection transatlantique commun. Cette stratégie basée sur un modèle intégré, leur permet de se répartir les embryons issus de ce partenariat et illustre une volonté d’intégrer la gestion de ces ressources et d’internationaliser ces activités.

L’entreprise néerlandaise leader du marché de la génétique détient le monopole de l’évaluation génomique aux Pays-Bas. Face à cette situation, la diversification des stratégies de sélection de cette entreprise apparaît comme un moyen de conserver des relations bilatérales avec des éleveurs et de gérer les différentes étapes du processus de sélection. Par ailleurs, les autres entreprises néerlandaises affirment mettre en œuvre des stratégies correspondant soit à un modèle non contractuel et externalisé, soit à un modèle contractuel dont les conditions sont restées confidentielles. Cette tendance s’accompagne d’un phénomène d’intégration des activités de sélection au sein de certaines entreprises.

Conclusion

Cette étude met tout d’abord en évidence différentes configurations organisationnelles et institutionnelles au sein des dispositifs d’amélioration génétique qui conduisent à caractériser trois régimes institutionnels de sélection. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur l’organisation des dispositifs nationaux sur la période 2015-2017 et certaines caractéristiques historiques. Au-delà des similitudes et des différences que nous avons identifiées dans chacun des axes, nous avons choisi de qualifier les régimes selon la dynamique contemporaine dans laquelle s’inscrit le progrès génétique dans le contexte de la sélection génomique :

i) un régime de « progrès génétique partagé » en France ; ii) un régime de « progrès génétique planifié » en Irlande ; iii) un régime de « progrès génétique industrialisé » aux Pays-Bas

Dans un deuxième temps, nous avons caractérisé six modèles d’organisation de la production de progrès génétique en fonction des modes d’acquisition et des droits de propriété associés aux ressources génétiques produites et échangées (cf. § 4.4).

Selon ces modèles d’organisation du travail de sélection, les ressources génétiques font l’objet de formes renouvelées de propriété entre éleveurs et entreprises. Le développement des contrats de sélection illustre une forte expansion des droits d’exclusivité sur ces ressources. Les stratégies d’accès et d’utilisation se concentrent autour des femelles pour lesquelles de nouvelles structures sont créées afin de gérer leur reproduction. Ces « stations de donneuses » réorganisent les activités entre éleveurs et entreprises. Ces structures et les technologies de la reproduction accompagnent un phénomène de diversification des ressources génétiques (ovocytes, embryons) sur le marché et de délocalisation progressive de leur production. En fonction du propriétaire de la femelle (éleveur ou entreprise), le rôle de l’éleveur diffère (Éleveur sélectionneur vs. Éleveur prestataire).

Certaines entreprises se saisissent de l’ensemble de ces opportunités pour proposer des services variés à leurs éleveurs adhérents. D’autres s’engagent dans une démarche d’intégration de l’ensemble des activités aussi bien sur la voie mâle que sur la voie femelle. Des comportements plus individualistes s’observent également chez des éleveurs qui souhaitent réaffirmer leur volonté de maîtriser la production de ressources mâles et femelles au sein de leurs troupeaux. À l’issue de notre étude, il apparaît que la production de progrès génétique entre entreprises et éleveurs ne se limite pas à un unique modèle d’organisation par pays. Enfin, cette analyse nous permet de mieux comprendre les fondements pratiques du développement d’une logique libérale (Pays-Bas) en dualité avec le renforcement (Irlande) ou la fragilisation (France) d’une logique coopérative de production du progrès génétique.

À notre connaissance, cette étude est la première comparaison de dispositifs d’amélioration génétique entre pays (Tesnière, 2017). Si la dimension comparative apparaît comme un atout (Hassenteufel, 2005 ; Gaudillière et Joly, 2006), elle reste malgré tout limitée à ces trois premiers cas et mériterait d’être complétée pour avoir une visibilité sur la représentativité des trois régimes identifiés. Sont-ils nationaux et spécifiques à nos cas d’étude ? Leurs caractéristiques sont-elles, au contraire, communes à d’autres dispositifs nationaux en Europe, et dans le monde ? À cette échelle, il nous paraît intéressant de parler de trois régimes institutionnels de sélection distincts, compte tenu des différences observées. L’étude de la nature des connaissances produites, des formes de relations entre les acteurs impliqués dans la production de progrès génétique, des marchés associés à ce progrès, des règles de propriété sur les ressources et la race, mais aussi du rôle de l’État, nous montre des combinaisons différentes des arrangements institutionnels pour la production de progrès génétique. Actuellement, ces dispositifs évoluent avec la mise en place du nouveau règlement zootechnique européen. Ce dernier confie plusieurs responsabilités aux organismes de sélection (détenteur des livres généalogiques des races) notamment, le contrôle de performance des animaux, l’évaluation génétique et la publication des index. Ces missions étaient auparavant confiées à des acteurs différents, selon les pays. Les négociations entre acteurs historiques (instituts de recherche, entreprises de sélection, organismes de sélection etc.) sont en cours et laisseront place à de nouvelles organisations au cours de l’année 2019. Qu’en sera-t-il des choix nationaux face à cette harmonisation européenne de la règlementation ?

Enfin, nous observons que la diffusion d’une même technologie peut conduire à la mise en place d’arrangements institutionnels différents selon l’environnement dans lequel elle se déploie. Toutefois, certaines similitudes observées entre pays montrent qu’il peut exister des processus transnationaux pouvant conduire à des phénomènes d’imitations ou à la création d’espaces internationaux de commensuration, tels que celui créé au sein de l’infrastructure technique d’Interbull pour fournir des évaluations génétiques comparables de taureaux évalués dans différents pays (Chavinskaia et al., 2017). Par ailleurs, les Pays-Bas et la France, membres du consortium coopératif EuroGenomics, partagent des des règles similaires sur la propriété des données sur les génotypages des taureaux. Dans un contexte de mondialisation des échanges de connaissances, de technologies mais aussi de ressources génétiques, cette étude comparative tend à montrer que le champ institutionnel de la sélection animale est à la croisée de deux tendances : un phénomène de différenciation et de segmentation versus un phénomène de globalisation et standardisation.

Remerciements

Les auteurs remercient les financeurs de la thèse de doctorat dont sont issus ces travaux (INRA : Métaprogramme SelGen, Départements SAD et GA ; Fondation Mines ParisTech), les partenaires (TEAGASC et WAGENINGEN University) ainsi que toutes les personnes qui ont accordé de leur temps pour un entretien ou une visite en France, en Irlande et aux Pays-Bas.

Notes

  • Cet article a fait l’objet d’une présentation aux 24èmes Journées Rencontres Recherches Ruminants (Tesnière, 2018).

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  • Vissac B., 2002. Les vaches de la République. Saisons et raisons d'un chercheur citoyen, Éditions Quae, Espaces ruraux, 505p.

Résumé

Depuis les années 2000, le développement de la génomique permet une connaissance étendue de l’ADN des plantes et animaux domestiques. Cette innovation transforme la façon dont ceux-ci sont évalués, sélectionnés et mis sur le marché. Couplée à des changements politiques et règlementaires, cette technologie contribue à faire évoluer les arrangements institutionnels dans le champ étudié - ici celui de l’amélioration génétique animale - aussi bien au niveau des dispositifs nationaux que des pratiques des acteurs. La libéralisation en cours questionne notamment la dimension collective de la production du progrès génétique et les droits de propriétés sur les ressources génétiques. Dans une perspective comparative impliquant la France, l’Irlande et les Pays-Bas, cette synthèse a pour objectif de présenter la pluralité des arrangements institutionnels établis dans le champ de la sélection génomique de la race bovine Holstein. Elle met d’abord en évidence trois régimes institutionnels qui présentent des arrangements différents notamment entre organisations publiques et privées. Ensuite, cette diversité d’arrangements est précisée par l’analyse des instruments contractuels entre entreprises de sélection et éleveurs via des modèles d’organisation de la production et des échanges de ressources génétiques (sous leurs formes biologiques et informationnelles). Ces modèles illustrent la diversité des formes de propriété dont ces ressources génétiques font l’objet entre éleveurs et entreprises et montrent que les rôles respectifs de ces acteurs sont redéfinis. Ces résultats permettent de mieux comprendre le développement d’une logique libérale (aux Pays-Bas) en dualité avec le renforcement (en Irlande) ou la fragilisation (en France) d’une logique coopérative de production du progrès génétique.

Auteurs


Germain TESNIÈRE

tesniere.coram@gmail.com

Affiliation : 1 CORAM, BP. 42118, 31321 Castanet-Tolosan, France

Pays : France


Vincent DUCROCQ

Affiliation : 4 GABI, AgroParisTech, INRA, Université Paris-Saclay, 78350, Jouy-en-Josas, France

Pays : France


Eva BOXENBAUM

Affiliation : 5 Copenhagen Business School, Department of Organization, Kilevej 14A, 2000 Frederiksberg C., Danemark

Pays : France


Julie LABATUT

Affiliation : 2 AGIR, INRA – INPT, Université de Toulouse, Chemin de Borde-Rouge, Auzeville, 31326, Castanet-Tolosan, France

Pays : France

Pièces jointes

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