Passer du conseil à l’accompagnement de la transition : état des lieux et perspectives dans l’élevage français
Le conseil en élevage se transforme pour faire face aux transitions agricoles dans un monde complexe et incertain. Les auteurs dressent ici un état des lieux des organismes intervenant en élevage, de leurs contraintes et modalités d’intervention, et décrivent les conditions d’émergence d’un conseil basé sur l’intégration de la multiperformance et la coconstruction de solutions innovantes avec les éleveurs
Introduction : quel conseil pour un élevage en mutation ?
Les productions d’élevage représentent une part importante de l’économie agricole et contribuent à la vitalité de nombreuses régions, notamment dans les zones rurales marginales. En 2020, selon Agreste, 187 000 exploitations, soit 49 % de l’ensemble des exploitations, possèdent une activité d’élevage significative (ruminants et granivores). Elles contribuent à 31 milliards d’euros de PIB, soit 40 % de l’activité agricole totale, et assurent de 58 à 102 % de la souveraineté alimentaire selon les productions et les produits. Leur impact sur les paysages est également marquant et leur complémentarité avec les cultures est reconnue.
Mais, confronté à de nombreux défis, l’élevage français se transforme significativement pour maintenir sa durabilité. Les enjeux sont multiples : i) le changement climatique et l’impératif de limiter la mobilisation des ressources ; ii) la compétitivité et la volatilité des prix des produits et des intrants agricoles sur le marché international ; iii) le changement structurel des exploitations (agrandissement et aspects sociétaires) et le renouvellement des générations ; et iv) les enjeux de santé et de bien-être, dont la gestion des risques sanitaires pour les animaux et les humains. Ces enjeux se situent à des échelles très différentes : de l’exploitation au territoire, du sol à l’animal, ce qui nécessite un renouvellement des compétences et l’engagement vers des changements de pratiques et une transition vers des conduites plus économes et plus résilientes.
Plus globalement, l’élevage est au cœur de nombreux débats environnementaux, économiques et sociétaux (Peyraud & MacLeod, 2020). Les études ont mis en évidence les impacts de l’élevage sur les écosystèmes : émissions de gaz à effet de serre, qualité de l’eau, qualité de l’air, perte de biodiversité, risque sanitaire, utilisation des ressources naturelles (eau, terre, énergie). Des controverses plus récentes, notamment dans les pays du Nord de l’Europe, portent sur le bien-être des animaux d’élevage. L’utilisation des terres est aussi l’objet de compétition entre l’alimentation humaine, l’alimentation des troupeaux, ou la production d’énergie (Delanoue & Roguet, 2015). Toutefois, face au futur, « l’élevage n’est pas seulement un problème, il fait partie de la solution » (Peyraud & MacLeod, 2020). En effet, il a également des effets positifs sur les territoires : stockage du carbone, maintien de la biodiversité via les prairies, qualité des paysages, production alimentaire, vitalité des territoires, patrimoine gastronomique, etc. (Dumont et al., 2019).
Pour les années à venir, les scénarios d’évolution diffèrent sur l’évolution de la productivité, sur le niveau de consommation des produits animaux au niveau national et international, sur l’implication des consommateurs, sur la prise en compte politique des questions environnementales, sanitaires et du bien-être animal (Avelin, 2018). Face à cette nécessité d’adaptation, le système d’innovation et de connaissances environnant l’élevage (AKIS- Agriculture Knowledge and Innovation System) doit jouer un rôle majeur en fournissant aux agriculteurs les connaissances et le soutien nécessaires pour adopter l’innovation et engager les changements. Mais cela nécessite une évolution avec davantage de compétences systémiques, mais aussi plus d’adaptation aux attentes des producteurs. L’objet de cette communication est de présenter un état de lieux du conseil en élevage (partie 1), de mettre en exergue les enjeux spécifiques qui le traversent actuellement (partie 2), et de tracer des pistes de réflexion prospective assises sur des expérimentations existantes (partie 3).
1. Un état des lieux du conseil en élevage
1.1. Les facteurs du changement
Les modèles de conseil en agriculture ont reposé pendant longtemps sur un paradigme de transfert de connaissances linéaire (approche dite diffusionniste), adapté à une décision de changement de pratiques (par exemple une décision d’investissement ou de traitement sélectif au tarissement). « Le conseil concerne l’orientation d’une action future de celui qui est conseillé dans l’intérêt de celui-ci » (Mayen, communication personnelle cité par Cerf & Maxime, 2006). Il se base sur le « vrai » (les connaissances), le « bon » (ce qui est souhaitable) et le « juste » (ce qui est équitable et adéquat à la situation) (Gagneur, 2012). La relation entre le conseiller et l’éleveur était très majoritairement vue comme asymétrique : les connaissances (le vrai) et les solutions possibles (le bon et le juste) étaient vues comme construites en amont et apportées par le conseiller dans le cadre d’une approche standardisée du type « un problème – une solution », et ce parfois au sein de paquets techniques intégrant des itinéraires types complets, culturaux (intrants, semences, produits phytosanitaires) ou zootechniques (génétique, alimentation).
Cependant, le comportement des agriculteurs, au-delà de l’apport de connaissances, dépend de leur volonté, de leur capacité et de leur niveau d’engagement à adopter un changement de pratiques. Tous ces éléments sont déterminés par une multitude de facteurs tels que l'engagement avec les conseillers, les attitudes, le contrôle comportemental perçu, le capital social, les ressources financières, etc. Dockes et al. (2010) ont ainsi conceptualisé la prise de décision en élevage autour de quatre familles de facteurs (figure 1).
Les connaissances et informations constituent la base d’une sensibilisation et d’une compréhension des phénomènes en cours et permettent à chacun d’envisager sa situation et éventuellement d’en changer. Dans le conseil, les connaissances peuvent être contextualisées, rapportées à la situation spécifique de l’élevage, ce qui facilite leur appropriation. Le conseiller peut aussi aider les éleveurs à sélectionner l’information adaptée. Néanmoins, les changements proposés doivent pouvoir s’intégrer dans le système conceptuel, les représentations techniques ou sociales, les perceptions que les éleveurs ont du phénomène en cause.
Les représentations sociales (attitudes et façons de penser) jouent un rôle central dans la mise en œuvre d'une technique. Elles sont un moyen pour chacun d'organiser ses connaissances selon une cohérence qui lui est propre. Elles font référence à des objets précis (le métier, les pratiques de travail, le statut de l'animal, la relation homme-animal, la situation des éleveurs dans la société) et s'expriment en termes de jugements, d'opinions et de mentalités.

Les représentations se façonnent au sein de groupes sociaux, par échanges entre pairs et échanges agriculteurs/conseillers. Elles constituent peu à peu un corpus de normes professionnelles (Compagnone, 2019). Les agriculteurs mobilisent dans leur recherche d’informations un ensemble de contacts et de réseaux basés sur des relations de proximité, des relations commerciales, des relations institutionnelles (Cardona & Lamine, 2014 ; Ramat et al., 2023), ou des réseaux sociaux numériques (Gross et al., 2024), qui leur permettent d’éprouver par l’exemple les solutions qu’ils transposent ensuite dans leur propre situation. Les connaissances y sont confrontées à la matérialité des pratiques, à leur pertinence économique et organisationnelle, qui valident ou non un changement. Ces jugements s’inscrivent en effet dans un modèle d’agriculture porté par ces réseaux, par exemple, un mode de production alternatif avec vente directe, ou au contraire des filières de production longues (Ruault & Hostiou, 2023).
Selon leurs références, les représentations des éleveurs et conseillers peuvent donc différer – Duval et al. (2017) documentent ainsi les écarts dans les représentations des éleveurs en agriculture biologique et de leurs vétérinaires. Ces différences ont pu amener à des impasses, par exemple par la conception d’outils d’aide à la décision basés sur des critères correspondant à ceux des conseillers plutôt qu’à ceux des éleveurs.
1.2. Diversité des configurations de conseil
Un bon conseil est basé sur la coconstruction conseiller-éleveur (le vrai - le bon) pour élaborer une ou des solutions sur mesure répondant au projet et aux attentes de l’éleveur (le juste). Les pratiques évoluent avec le temps, grâce à la mise en œuvre et à l'expérimentation sur le terrain ainsi qu’à la réévaluation des coûts et des bénéfices (Sutherland et al., 2012), dans une boucle d’innovation continue (Ramette et al., 2021). Concernant la posture du conseiller : d’apporteur de solutions il devient accompagnateur de l’éleveur pour l’aider dans son choix et sa prise de décision (figure 2).

Le conseil agricole se définit alors comme une activité de services qui vise à trouver des solutions à travers des relations entre conseillers et agriculteurs, qui permettent de produire des connaissances pour eux et avec eux (Labarthe & Laurent, 2012). L’accompagnement suppose un relationnel étroit d’échange d’informations et de connaissances. Il mobilise des compétences de communication en face-à-face pour créer le partenariat ou identifier finement les leviers de changement (Bard et al., 2022).
Cela se traduit par une diversité de méthodes de conseil et terminologies : conseil, vulgarisation, développement, facilitation, accompagnement, services de soutien à l’innovation, coaching, etc., liées aux diverses conceptions et approches du conseil agricole (top-down face à bottom-up, individuel versus collectif…). Dans environ 15 % des cas au niveau européen, il intègre des modalités d’animation collective (Sutherland & Labarthe, 2022). L’animation collective et le conseil individuel sont parfois alternés (Couix et al., 2022).
De nombreux auteurs ont également montré le besoin de la circulation des connaissances et de leur construction dans l’action elle-même. Cette circulation se fait au travers des interactions entre agriculteurs, ou à partir d’approches participatives entre agriculteurs, conseillers et chercheurs. Ces démarches sont par exemple pratiquées par les CIVAM ou les CETA (Cerf & Maxime, 2006). L’expérimentation par soi-même, l’apprentissage entre pairs et les échanges ouverts sont à la base de confrontations d’expériences, plus ou moins orientées sur des domaines spécifiques (Couzy et al., 2022).
Mais les débats demeurent entre une logique diffusionniste visant à propager des pratiques articulées autour d’une offre spécialisée et une logique de coconstruction collaborative (Gagneur & Thiery, 2020 ; Ruault & Hostiou, 2023), qui va jusqu’à la co-innovation (Faure et al., 2017).
Avec la multiplicité des sources d’informations, les agriculteurs croisent souvent plusieurs expertises avant de prendre des décisions. Dans un travail sur le conseil sanitaire, Di Bianco et al. (2024) observent ainsi 8 intervenants en moyenne dans les élevages bovins, 6,4 chez les éleveurs de petits ruminants, 5,6 en porc et 6,2 en volailles pour ce qui concerne les accompagnements du suivi sanitaire. L’appartenance des agriculteurs à différents réseaux agricoles constitués permet la circulation et l’appropriation des connaissances d’un réseau à l’autre (Cofré-Bravo et al., 2019 ; Compagnone, 2019), ce qui contribue à l’implémentation des nouvelles pratiques. Ramat et al. (2023) montrent par exemple que l’ampleur des changements induits dépend de la configuration des systèmes de conseil en santé animale sur chaque exploitation.
Enfin, une partie des exploitants (dits difficiles à atteindre) demeure en marge du conseil. Il s’agit en particulier des femmes, des travailleurs agricoles à temps partiels, des plus jeunes éleveurs ou des éleveurs les plus âgés, des nouveaux entrants en agriculture, des personnes en reconversion professionnelle (Labarthe et al., 2022) ou des exploitants lents à adopter des innovations (Labarthe & Beck, 2022). On observe ainsi des clivages individuels et territoriaux selon l’accès à la ressource de conseil, l’appartenance sociale, ou le lien aux filières.
1.3. Cartographie du conseil public et privé en Europe et en France
Sur le terrain, les acteurs du conseil en élevage sont très divers. Selon les pays, les pouvoirs publics et les acteurs publics de la recherche et de l’éducation ainsi que les organisations paysannes sont présents, mais c’est moins le cas dans certains pays où les entreprises privées sont davantage à la manœuvre (Grèce, Pays-Bas, République tchèque...) (figure 3).

Cela s’explique par les histoires agricoles des différents pays et les orientations nationales concernant les usages des programmes de développement rural (PDR) de l’UE et plus particulièrement des financements du FEADER.
Dans presque tous les pays européens, les gouvernements ont considéré que le marché de la prestation de service était le plus à même de produire un conseil agricole flexible et adaptatif (Sutherland & Labarthe, 2022). La politique agricole commune a progressivement défini des normes d’accréditation pour le conseil agricole (PAC 2007-2013), puis soutenu la montée en compétences des conseillers (2014-2022). Elle encourage désormais le partage d’informations et d’innovations dans une logique d’accélération de la transition (PAC 2023-2027) (Labarthe & Beck, 2022). Aujourd’hui, l’Europe lutte contre les conflits d’intérêts entre agribusiness et conseil, mais les systèmes de connaissances des organisations privées et du conseil restent entremêlés.
Sur les dernières décennies, le secteur du conseil français a traversé ces mêmes mutations qui impactent la relation de confiance entre conseillers et agriculteurs : privatisation partielle du conseil et développement d’une certaine marchandisation conduisant à des paysages de conseil très divers, forte évolution des profils et des compétences des agriculteurs engagés dans des systèmes de plus en plus diversifiés, encadrement des productions dans des politiques publiques nécessitant le respect de normes édictées par la société (Petit et al., 2013). Ces injonctions représentent autant de paradoxes à résoudre pour les conseillers (Ruault & Hostiou, 2023).
Aujourd’hui, près de 50 000 personnes sont considérées comme impliquées dans l’accompagnement aux éleveurs français (figures 4 et 5) Le système AKIS français est historiquement caractérisé par le rôle central d’organisations collectives d’agriculteurs (chambres d’agriculture, coopératives, instituts techniques, associations) dans l’offre de conseil agricole et de la recherche appliquée. Ces organisations représentent plus des deux tiers des intervenants en exploitation d’élevage. Elles sont soutenues par des fonds publics français (Casdar, taxe impôt foncier non bâti…) et européens (Plan de développement rural) ou par les filières (CNE, interprofessions…), et jouent un rôle clé dans la mise au point, la validation et la diffusion des innovations et des références. (Labarthe, 2014). La coexistence entre ces différents acteurs articule coordination et concurrence ; ils adoptent des stratégies basées sur des visions divergentes du futur agricole (Ruault & Hostiou, 2023).
Figure 4. Services et activités de conseil auprès des éleveurs en France, d’après Sturel & Naïtlho (2024), Labarthe (2014) et Chambre d’Agriculture de France.


Les chambres d’agriculture sont présentes sur l’ensemble du territoire. Pendant longtemps elles ont participé activement aux missions régaliennes d’animation du dispositif génétique et d’identification, bénéficiant alors d’un contact étroit auprès des détenteurs d’animaux. Dans les années 1990-2000, une partie des agents a été orientée vers l’accompagnement des transitions agroécologiques, la mise en place de la réglementation environnementale, et l’appui aux installations ou orientations des exploitations. Les chambres d’agriculture ont ainsi investi une démarche d’approche stratégique. Les ONVAR (Organismes nationaux à vocation agricole et rurale) sont engagés dans la transformation des pratiques agricoles vers l’agroécologie, et la redynamisation des liens entre agriculteurs, et avec les territoires. Ils mobilisent une approche systémique de la complexité dans leur conseil stratégique.
Les coopératives et fournisseurs d’approvisionnement sont le deuxième grand groupe d’acteurs de caractère coopératif ou privé qui fournit du conseil auprès des éleveurs. Souvent impliqués dans la commercialisation des produits (lait, viande…), ils sont le premier accès des agriculteurs aux informations techniques. Leur rôle de conseil est parfois ambigu, entre la vente, l'information sur les intrants agricoles et les marchés et le conseil technique proprement dit. Depuis 2021, la réglementation clarifie cette équivoque et sépare les agréments, les capitaux et les instances de gouvernance pour le conseil et la vente de produits phytopharmaceutiques. Mais les coopératives conservent une mission de contrôle des cahiers des charges de production. Par ailleurs, en 2023, Eliance, la fédération des organismes de conseil en élevage et d’insémination revendiquait le suivi de la moitié des éleveurs de ruminants. Leur appui reste associé à l’amélioration génétique des troupeaux et au pilotage technico-économique des ateliers, mais ils interviennent plus largement sur le fonctionnement l’exploitation.
Enfin, certaines sources de conseil ont un rôle croissant : c’est le cas du conseil prodigué par les industries d’aval. Leur accompagnement des transitions peut être controversé, car les enjeux de marché l’emportent sur l’ancrage rural ou les complémentarités entre cultures et élevages (Laurent et al., 2021). Les techniciens de filière jouent pourtant un rôle significatif dans certains secteurs comme celui des pratiques sanitaires (Adam et al., 2017 ; Poizat et al., 2017), même si l’appartenance à une filière intégrée peut apparaître comme un frein à la liberté d’initiative des éleveurs (Di Bianco et al., 2024).
2. Les nouveaux enjeux du conseil en élevage
Au-delà des débats concernant les approches de conseil, de nouveaux enjeux percutent l’expression des besoins des éleveurs et le transfert des connaissances.
2.1. Adaptabilité et innovation dans un contexte incertain et complexe
Le conseil doit accompagner des actes de production associant vivants (animal et sol) et contraintes (climat, conjoncture) compte tenu d’une certaine inertie dans la réponse aux actions mises en place. Les éleveurs doivent se déplacer dans un champ de contraintes toujours plus incertain, soumis aux injonctions politiques, économiques et sociétales peu articulées entre elles, ce que le GERDAL qualifie « d’agriculteurs dans la tempête » (Ruault & Hostiou, 2023).
De plus, l’incertitude et la prise de risque se sont immiscées fortement dans les composantes du pilotage des élevages. Les fluctuations des marchés rendent plus difficiles les orientations et l’adaptation stratégique et technique. Les adaptations nécessaires face aux aléas requièrent de la réactivité permanente et des reconfigurations profondes, mais cela nécessite que les éleveurs s’émancipent des contraintes qui pèsent sur eux du fait de leurs engagements préalables envers leurs partenaires habituels. Cela entraîne parfois de véritables recompositions professionnelles et identitaires (Coquil et al., 2017), dont les conseillers doivent tenir compte dans une trajectoire d’accompagnement suivie.
Enfin, l’éleveur d’aujourd’hui est plus sensible au caractère durable de son activité dans ses composantes sociales, économiques et environnementales liées à la durabilité de l’activité et aux controverses scientifiques et sociétales dans un contexte de transformations majeures du monde de l’élevage (Fuselier & Delanoue, 2024). Les éleveurs, toutes filières confondues, sont conscients des enjeux sociétaux, notamment pour l'environnement et le bien-être animal, mais ils ont des réactions nuancées suite à l’évocation de ces enjeux : allant d'un agacement plus ou moins marqué et sclérosant, à une volonté de se transformer pour répondre à ces opportunités.
Fuselier et Delanoue (2024) illustrent ainsi quatre grands positionnements face au changement. Leur typologie croise représentation du métier et attitude par rapport aux attentes sociétales (figure 6). Les profils identifiés distinguent le rapport homme-animal (étroit/distant) et leur perception du changement (réfractaires/proactifs). Les enjeux sociétaux ne sont pas partagés par certains éleveurs, ou à l’inverse sont largement intégrés et pris en compte par d’autres. Le rapport étroit homme-animal est au cœur du métier des éleveurs et contribue à leur satisfaction. L’intérêt technique et le sens de produire pour son voisin sont aussi des motivations essentielles. Les éleveurs souhaitent également s’assurer un revenu moins faible et fluctuant, un vrai temps libre en dehors de l’astreinte de l’élevage, et attendent davantage de reconnaissance par la société.

2.2. Des éleveurs plus divers, moins nombreux et en quête de sens
Les exploitations françaises ont considérablement évolué sur les cinq dernières décennies. Le nombre d’exploitations a été divisé par quatre en 50 ans, avec une multiplication par six de leur surface dans le même temps (69 hectares en moyenne en 2020), et une multiplication moyenne de leur productivité par cinq (par 3,5 pour l’élevage laitier). On observe au niveau français une segmentation entre de très grandes exploitations (20 % des exploitations, 40 % de la SAU, 45 % des actifs) et de petites exploitations (trois exploitations sur dix de très petite taille), avec des écarts de revenus moyens importants entre exploitants.
Les exploitations d’élevage de ruminants se démarquent avec des niveaux de revenu nettement inférieurs aux détenteurs d’exploitations de grandes cultures (Chatellier et al., 2021). La valorisation des exploitations, qui repose encore majoritairement sur le capital foncier et technique (Enjolras et al., 2023) atteint aujourd’hui plus d’un million d’euros par exploitant. C’est un des facteurs qui explique les difficultés de renouvellement des générations, qui ne compense plus les départs en retraite (Perrot, 2020). Le ratio de reprise est actuellement de deux installations pour trois départs (et de moins d’une installation pour deux départs dans le secteur bovin), avec une partie de reprise par des personnes non issues du milieu agricole. L’attractivité des métiers est donc un enjeu majeur pour le secteur agricole, d’autant que les attentes en matière d’équilibre vie personnelle/vie professionnelle et de prévention de la pénibilité (Hautefort, 2021) sont désormais alignées sur celles de la société (Baysse-Lainé, 2022).
D’une façon générale, le nombre d’actifs agricoles diminue et la main-d’œuvre se diversifie. Le modèle traditionnel de l’exploitation familiale à deux UTA régresse au profit du salariat (731 000 actifs salariés en France, deux fois plus qu’il y a 20 ans pour l’élevage bovin et ovin) ou de la sous-traitance à des entreprises de travaux agricoles, groupements agricoles, CUMA ou prestataires étrangers détachés (185 000 actifs) (Forget et al., 2019 ; Hervieu & Purseigle, 2022). Les qualifications des actifs agricoles ne cessent de progresser, les trois quarts des actifs agricoles ont aujourd’hui un bagage scolaire dans le secondaire (78 %). Dans les élevages laitiers et de porcins-volailles, la proportion d’exploitants avec une formation agricole de niveau bac ou plus est plus élevée que dans les autres filières agricoles : 54 % contre 39 % en moyenne. Mais ce taux reste inférieur à celui de leurs homologues dans d’autres secteurs économiques (87 %), et en décalage avec les enjeux de transition du secteur. Les femmes, dont le travail a pendant des décennies été invisibilisé, sont moins nombreuses qu’auparavant en agriculture (130 000). Si elles sont aujourd’hui mieux identifiées, leur travail et leurs compétences restent mal reconnus, notamment quand elles sont cheffes d’exploitation (Chaillard et al., 2023). Leur statut symbolique reste souvent inféodé au couple en agriculture (Lemarchant & Seiller, 2021) avec quelquefois encore un statut de conjoint collaborateur (Girard & Morrier, 2023).
Dans le secteur de l’élevage laitier, toutes ces évolutions sont particulièrement marquantes, avec une concentration géographique de la production, un accroissement de la taille des exploitations, une productivité du travail qui a doublé en lien avec une capitalisation croissante, un manque de main-d’œuvre et un recours au salariat qui atteint désormais le tiers des effectifs. Cependant, la transmission familiale y demeure majoritaire, et les apprentis et salariés y reprennent aussi davantage d’exploitations que dans les autres filières (Depeyrot et al., 2023).
2.3. Les enjeux de la transition numérique
Un nouveau défi pour les AKIS réside aujourd’hui dans la digitalisation du conseil, avec une numérisation rapide des systèmes d’information qui concernent les données animales, agronomiques ou climatiques et ouvrent sur de nouvelles pratiques dans l’aide à la décision. Cela questionne sur la gouvernance et l’orientation de ces innovations, et plus particulièrement des services de conseil. (Sturel & Naïtlho, 2024).
Depuis le milieu des années 2010, l’agriculture numérique assiste les agriculteurs. La masse croissante des données agricoles répond aux 3V du big data : i) un Volume de données important, ii) une grande Variété d’information et iii) de la Vélocité dans la création, la collecte et le partage des données (Lerbourg, 2021). Le développement du big data mondial est exponentiel (passage de deux milliards de téraoctets de données numériques créées en 2010 à une projection de 2 142 milliards de téraoctets en 2035 – selon Buss et al. (2019). Sur le plan physique, les éleveurs peuvent mobiliser des machines ou automates (robots de traite, d’alimentation, de nettoyage des bâtiments). Sur le plan sensoriel, ils peuvent s’appuyer sur des technologies d’acquisition pléthoriques (capteurs, objets connectés, smartphones…). La multiplication des capteurs fixes dans les bâtiments (température, humidité, caméras…), sur les animaux (capteurs d’activité, podomètres, capteurs de rumination, de chaleurs, de vêlages…) contribue à la richesse et à l’augmentation des informations mobilisables.

Les analyses de données font appel aux technologies de traitement embarquées ou déportées (supercalculateurs, intelligence artificielle), sous réserve de réseaux de transfert et de stockage adéquats (très haut débit, couverture 3G/4G/5G, réseaux bas débits terrestres ou satellitaires, clouds). Les informations issues de ces analyses sont valorisées auprès de l’éleveur sous forme d’alerte (vache à surveiller, vache à inséminer) et/ou au travers d’outils d’aide à la décision (OAD). L’expertise et le conseil sont ainsi partiellement encapsulés dans les outils (figure 7 et encadré 1). Ces outils permettent la fusion de donnés multisources, hétérogènes, avec des niveaux de granularité variables, et facilitent des décisions multi-objectifs (figure 7). Enfin, des plateformes partagées permettent d’optimiser la logistique amont et la commercialisation (Bellon Maurel et al., 2022).
Le taux d’adoption de ces nouvelles technologies progresse rapidement et atteint plus de 65 % en production laitière, 30 % en production viande (Nicolas & Allain, 2023). Les freins portent encore sur le retour sur investissement et le temps d’appropriation, tandis que les principales motivations portent sur les économies espérées par rapport à une prestation de conseil, le gain de temps ou la possibilité de surveiller les animaux en continu. Dans les faits, il s’agit de reconfigurer complètement l’organisation du travail et la relation homme-animal, et la charge mentale ne diminue pas (Hostiou et al., 2017). Les utilisateurs se révèlent souvent déçus et plébiscitent un conseil impartial associé aux nouvelles technologies (Kernecker et al., 2019).
Les éleveurs équipés d’un robot de traite disposent d’un logiciel fourni par le constructeur qui leur permet de disposer en temps réel et en continu d’informations sur chaque vache (production), d’alerte sur les animaux à suivre (mise à la reproduction, chute anormale de production) et de gérer le pilotage de leur troupeau. Une partie du travail que le conseiller faisait à chacun de ses passages dans l’élevage est réalisée à chaque traite par l’outil mis à disposition de l’éleveur. L’éleveur n’attend plus le point avec son conseiller pour suivre la production de ses animaux et disposer d’une partie des alertes sur ses vaches.
Les ECEL ont adapté leur service et fait évoluer les compétences de certains de leurs conseillers pour répondre aux nouveaux besoins des éleveurs équipés d’un robot. Ils ont formé des experts spécialisés sur les robots pour accompagner les éleveurs en réflexion sur l’acquisition de ce type de matériel et pour suivre les éleveurs équipés. Les conseillers sont formés à l’utilisation du logiciel mis à disposition de l’éleveur par le constructeur pour aider l’éleveur sur l’utilisation de cet outil (paramétrage, optimisation…). Ils complètent les indicateurs produits par ce logiciel avec des indicateurs pertinents que ne fournit pas cet outil et produisent pour l’éleveur (service web) des tableaux de bord synthétiques facilitant l’analyse et le repérage des animaux à problème.
Pour répondre à la demande des éleveurs, certains ECEL ont aussi mis en place des groupes d’échange entre éleveurs équipés d’une même marque de robot : partage d’expérience…
Par ailleurs, selon l’étude Agrinautes de 2022 menée par Datagri pour le journal Terre-net, 68 % des agriculteurs se déclarent connectés sur des réseaux sociaux comme YouTube, Facebook ou WhatsApp pour obtenir des informations nécessaires au pilotage de leur ferme. Les éleveurs apparaissent moins bien dotés (53 % seulement pour les éleveurs allaitants par exemple). Soit ils se situent dans des zones moins couvertes (10 % en zone blanche), soit l’offre ne correspond pas encore assez à leurs besoins, centrés sur les prévisions météorologiques, essentielles à la production fourragère, la maîtrise de l’alimentation ou la gestion sanitaire du troupeau.
Les réseaux sociaux numériques permettent d’avancer techniquement et collectivement (découverte de nouvelles pratiques, partage de retours d’expériences…). L’appropriation des connaissances par les éleveurs dépend de la confiance qu’ils accordent aux sources. Les réseaux sociaux numériques permettent également, sur un plan plus émotionnel, de se (ré)assurer, de (re)trouver de la motivation, de se sentir moins seul(e) face aux difficultés. (Gross et al., 2024). Ils trouvent leur intérêt lorsqu’ils sont associés à des vécus de groupes plus classiques (réunion, échanges en ferme…). Les conseillers animateurs sont alors renforcés dans leur mission de modération des échanges.
D’une manière générale, la disponibilité plus grande des connaissances sur le web modifie les besoins des éleveurs. Ils attendent plus facilement un appui de type « hotline » pour confirmer une action corrective à apporter, ou encore une expertise pointue ponctuelle sur un domaine spécifique (encadré 2). Les acteurs du conseil reconfigurent donc les interfaces avec leurs clients, les services proposés, voire les organisations elles-mêmes (Fielke et al., 2020) (encadrés 1 et 2).
La digitalisation en cours du secteur de l’élevage soulève des problématiques complexes. Celles-ci concernent notamment l’éthique animale, car l’instrumentation renforce le fait de considérer l’animal comme outil de production (Harfeld et al., 2016), tout en contribuant à un meilleur suivi sanitaire. La numérisation de l’information sur les pratiques agricoles tend aussi à uniformiser leur analyse et leurs échanges. Dans le même temps, les nouveaux outils de conseil permettent une adaptation très fine aux caractéristiques de l’exploitation et aux préférences de l’éleveur, y compris dans le positionnement vis-à-vis de l’outil ; mais il y a un risque pour l’éleveur de perdre de l’autonomie de décision et pour le conseil d’exclure certains publics. Enfin, la propriété et la sécurisation des données deviennent un enjeu majeur. Une gestion collective, par exemple par le biais de blockchains sécurisant les échanges entre acteurs interdépendants, est nécessaire, sous peine de voir certains acteurs confisquer l’accès aux données au détriment d’autres (notamment la recherche). (Bellon Maurel et al., 2022).
Le projet Agor@gri a exploré l’interaction entre agroécologie et médias sociaux numériques afin de mieux comprendre leurs usages dans le cadre de l’accompagnement des transitions, leurs principaux atouts et limites, les besoins satisfaits. Il s’agissait de proposer des cadres de travail et des outils pour favoriser leur usage et renforcer les compétences des animateurs. Les médias sociaux numériques ne sont pas que des interfaces web mais un système global d’activité comprenant différentes dimensions en interaction, liées aux individus et communautés, aux contenus échangés et aux règles qui régissent leurs interactions pour répondre à un objectif. Les animateurs doivent se placer dans la posture de coconstruction avec les individus et membres des communautés. Les limites de ces médias résident dans le rapport des utilisateurs au numérique, leur confiance dans les émetteurs de connaissances et leur degré d'intégration dans une communauté d'échange. Certains préfèrent rejoindre une communauté en adoptant une posture passive avant de prendre progressivement une part plus active dans les échanges une fois la confiance instaurée et selon les sujets. À propos du rôle du conseiller, Agor@gri a montré le besoin de nouvelles missions : « courtiers en connaissances », « traducteurs », « animateurs de communautés » qui reposent actuellement souvent sur les conseillers agricoles sans qu’ils n’y soient formés et que celles-ci ne soient reconnues et valorisées dans leur périmètre de poste.
3. De nouvelles modalités d’accompagnement
3.1. Adopter une approche plus adaptée aux situations particulières et plus globale
Les conseillers en élevage sont donc confrontés à une très grande hétérogénéité de situations du fait de la diversification des modèles agricoles, de la diversité des interlocuteurs, de la complexité des thématiques à aborder, de la diversité des solutions innovantes localement, et de la diversité des aléas rencontrés. La standardisation n’est donc adaptée que sur des questions ciblées. Il faut situer le conseil par rapport au contexte de l’exploitation. De plus, pour repenser les voies de progrès dans les systèmes d’élevage, il est nécessaire de développer une approche intégrée pour concevoir des systèmes intelligents face au climat, qui préservent le bien-être des animaux et des humains, et réduisent le risque de développement de la résistance aux antibiotiques. Le conseil aux éleveurs doit intégrer la recherche de durabilité des systèmes d’élevage et démontrer que l’élevage participe activement aux quatre axes : économie, environnement, social et sociétal.
Ces enjeux concernent directement les acteurs du développement agricole et impactent le binôme éleveur-conseiller. Ceux-ci doivent trouver de nouvelles façons d’avancer ensemble, avec moins de recettes toutes faites et plus de réflexion commune. Au-delà du diagnostic global, étape toujours essentielle au processus d’aide à la décision, le conseiller doit intégrer une posture d’accompagnement proche du coaching, connaître les contextes sociétaux comme les marchés et réglementations pour appuyer au mieux les éleveurs dans le pilotage de leur exploitation et la prise en compte des ressources humaines. On passe d’un régime de prescription de la part du conseiller à un régime d’apprentissage conjoint. Le conseiller porte donc une responsabilité plus grande dans les changements en agriculture et a besoin d’une plus grande expertise pour s’adapter finement aux différentes demandes (SCAR AKIS).
En cohérence avec les orientations des pouvoirs publics, les approches globales (conseil stratégique, appui à la transition agroécologique, conseil 360°, cohérence logique filière – logique territoriale – préoccupations citoyennes ou environnementales…) sont amenées à se développer dans un cadre pluridisciplinaire, alors qu’aujourd’hui, les questions sont segmentées et traitées de façon cloisonnée et par discipline : agronomie, élevage, économie, juridique et fiscal, réponse à la demande de la filière, organisation du travail… Il faut combiner plusieurs domaines et prendre en compte leurs interactions, dans une approche systémique de la complexité : « changer d’échelle en passant de la parcelle au système d’exploitation, saisir la réalité agroécologique locale dans la perspective d’une activité entrepreneuriale, réintroduire une observation des propriétés du vivant parfois contre-intuitives et inaccessibles à l’expérience directe ». Tout cela peut constituer un défi pour les conseillers (Gagneur & Thiery, 2020). Cette difficulté est encore plus grande en polyculture-élevage que pour le seul domaine de l’élevage. Il est difficile de disposer ou de former des conseillers compétents sur l’ensemble du champ couvert, alors que la déspécialisation est un enjeu actuel majeur (Gross, 2019). Malgré le volume de données disponibles, le conseiller risque de ne pas disposer d’une information suffisamment structurée et des références adéquates pour rester pertinent dans son approche. Les recherches produisant des solutions universelles, diffusées sur le terrain par les conseillers, ne suffisent plus pour relever les nouveaux défis.
3.2. Expérimenter le travail en réseau
Ces éléments entraînent des conséquences sur les compétences des conseillers, les modalités et l’organisation du conseil. Les solutions doivent se développer désormais grâce à des processus plus décentralisés et participatifs et favoriser la coconception (Sturel & Naïtlho, 2024). Ces démarches regroupent un grand nombre d’outils et quelques principes que l’on pourrait qualifier d’horizontaux. Il s’agit de considérer que l’avis de chacun est important, que l’apprentissage mutuel et l’ouverture d’esprit sont au cœur du processus humain recherché. (Couzy et al., 2022). Cela crée un espace de travail permettant à chaque membre d’un groupe multi-acteurs de s’exprimer, de participer, de s’impliquer pleinement, dans la bienveillance et la confiance en se sentant écouté. Cela requiert des compétences d’animation spécifiques qui sont encore peu formalisées et reconnues (Ruault & Hostiou, 2023).
Le Centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (Gagneur & Thiery, 2020) souligne que « ce passage à une organisation nouvelle suscite un véritable changement de monde professionnel ». Dans le domaine de l’élevage, les structures de conseil s’organisent ainsi pour accompagner l’éleveur avec la mise en place de services d’expertise dédiés (machinisme, alimentation, reproduction) ou par la mise en place d’équipes de conseillers avec un conseiller généraliste interlocuteur de l’éleveur et des spécialistes qui viennent en appui du généraliste en fonction des besoins.
Mais la multiplicité des domaines concernés et la nécessité d’avoir une approche spécifique à chaque situation conduisent les structures de conseil à travailler en réseau, avec d’autres structures intervenant sur le territoire (réseau CUMA, chambres, réseaux bio, CIVAM…), et avec les collectivités territoriales. Le partenariat est moins fréquent avec les acteurs des filières (Ruault & Hostiou, 2023). Les Groupes opérationnels (GO) du Partenariat européen pour l’innovation (PEI) et les projets européens ont ainsi formalisé le développement, depuis les années 1990, de la notion de système d’innovation agricole comprenant les acteurs de la recherche et du conseil dans une vision intégrée – Agricultural knowledge and innovation system (AKIS) (Triomphe & Rajalahti, 2012).
Les financements européens ou nationaux, via les appels à projets, permettent des accompagnements et du réseautage de moyen terme. Le soutien par les politiques européennes a notamment favorisé des partenariats public-privé (Triomphe & Rajalahti, 2012). Cependant, ce mode de financement soulève des questions institutionnelles de collaboration et de propriété intellectuelle. Par ailleurs, les financeurs externes peuvent avoir des objectifs différents de ceux du groupe ; la logique gestionnaire de compte rendu se révèle contraire aux besoins d’expérimentation ; le recrutement de courte durée des conseillers va à l’encontre d’une bonne capitalisation des connaissances et des relations. Enfin, cela met les territoires en concurrence pour l’accès aux guichets (Ruault & Hostiou, 2023).
Certains acteurs mettent également en place des collaborations institutionnelles de long terme ; c’est par exemple le cas du réseau RARES, qui articule 33 structures dans un guichet d’accompagnement des agri-ruraux, un profil particulier d’agriculteurs multi-actifs (Rod, 2024). Certains pays favorisent l’intégration au sein d’un même organisme des acteurs d’accompagnement de l’élevage (recherche et conseil de terrain) ; c’est le cas du TEAGASC en Irlande.
Toutefois, les solutions organisationnelles permettant les échanges de connaissances et l’innovation collective restent en grande partie à inventer (figure 8). Notons que le rôle des pairs est souvent sous-estimé dans les configurations institutionnalisées.
Figure 8. Nomenclature de configurations de conseil collaboratives.

3.3. Des outils plus intégratifs
Les acteurs de la recherche et du conseil se dotent donc d’outils pour i) partager les connaissances théoriques et pratiques, ii) appréhender et réduire la complexité issue du nombre de facteurs à prendre en compte, de leurs interactions et de l’articulation de formes de connaissances diverses et hétérogènes, et iii) contribuer à la mise en action.
Les outils d’analyse en ferme deviennent pour leur part plus intégratifs. Dans certains cas, ils finissent par constituer une norme synthétisant un compromis collectif. Il peut s’agir d’une réduction monocritère de la complexité, par exemple sur la dimension comptable (encadré 3).
Née dans les années 1990, la démarche de calcul des coûts de production en exploitation d’élevage herbivore était initialement pratiquée dans les dispositifs de production de références INOSYS Réseaux d’élevage de l’Institut de l’Élevage et des chambres d’agriculture. En 2007, l’Institut de l'Élevage catalyse les réflexions dans une méthode harmonisée interfilières Cela correspond à la flambée du prix des matières premières au cours de l’année 2008 et à la crise laitière majeure intervenue en 2009, premiers chocs marquant l’avènement de conjonctures volatiles et fluctuantes. Dès lors, les éleveurs vont rechercher des repères pour le pilotage économique et utiliser les coûts de production. Le logiciel COUPROD lancé en 2015 vulgarise l’approche sur le terrain. Les chambres d’agriculture et ECEL animent des groupes d’éleveurs qui analysent ensemble leurs résultats et leurs performances. Ces groupes vont faciliter la prise en main des concepts et des marges de progrès. Sur 10 ans, 25 000 diagnostics sont réalisés et permettent à chacun de connaître son prix de revient du litre de lait ou du kilo de viande. Plus de 750 conseillers ont été formés à la démarche et depuis cinq ans, la méthode fait référence pour les calculs des termes de la loi Egalim.
Il peut également s’agir de rendre possible une analyse multicritère. Un des modèles les plus aboutis à ce propos est le modèle IDEA. Cet outil d’évaluation de la durabilité en exploitation incorpore 53 indicateurs transdisciplinaires et permet une analyse selon deux approches complémentaires : l’évaluation des propriétés des systèmes agricoles d’une part, et les dimensions normatives du développement durable d’autre part. Sur la propriété « autonomie de l’exploitation », on trouve par exemple des indicateurs aussi divers que les réseaux de connaissances, la structure de la dette de l’exploitation ou l’autosuffisance en alimentation du bétail. La méthode d’agrégation transdisciplinaire est conçue pour des usages multiples qui vont de la recherche à l’action publique en passant par l’enseignement et le conseil. (Zahm et al., 2024) D’autres méthodologies d’analyse, comme CAP’2ER, se focalisent davantage sur les performances environnementales des exploitations.
Ces différents outils, tout autant que les démarches systémiques de stratégie et de conseil dans les exploitations, posent des questions d’agrégation et de compromis entre des dimensions différentes. Le projet Revalac explore par exemple les concurrences entre le stockage de carbone et l’autosuffisance alimentaire (Graux, 2024). Mais ces applications souffrent pour l’instant de gros manques d’interopérabilité rendant difficile l’ajustement des approches.
3.4. Renforcer l’interactivité
De nombreuses initiatives tentent de mettre à disposition directe les connaissances nécessaires à l’éclosion de l’innovation. C’est le cas du projet EU-Farmbook, plateforme de connaissances poussée à l’échelle européenne ou du site web OK Éleveur, principalement dédié aux questions d’éleveurs. Si ces plateformes répondent bien aux enjeux FAIR (Favoriser la découverte, l’Accès, l’Interopérabilité et la Réutilisation des données partagées) elles peinent à s’adapter aux différences de langages et de représentations. Elles trouvent leur meilleur usage dans un portage de conseiller auprès des éleveurs. Par ailleurs, des retours d’expérience collectifs se structurent en matière d’innovation ou en matière d’adaptation aux aléas ; citons ici les démarches de traque aux innovations, qui permettent de rendre visibles les innovations adaptées aux situations locales pour les évaluer et les capitaliser (Lamé et al., 2015).
Un autre enjeu consiste à rendre les connaissances actionnables. Là aussi, l’innovation méthodologique foisonne ; elle est centrée sur la mise en situation pour accélérer le processus de prise de connaissance, d’évaluation et de prise de décision par l’approche expérientielle – par exemple par des visites d’exploitations (Ingram et al., 2018). Ce sont les combinaisons des méthodes qui sont les plus efficaces en termes de changement : travail réflexif, groupes de pairs, développement technologique, transfert de connaissances, conseil bilatéral, coaching, conseil en ligne, co-innovation, guides de bonnes pratiques, marketing social… La recherche y a pleinement sa place (Nettle et al., 2022). Ces méthodes intègrent également des dispositifs de jeux sérieux, dont l’intérêt pour l’apprentissage est démontré. Les changements de pratiques induits portent sur des innovations techniques et organisationnelles (Etienne, 2023). Certaines méthodes, pour leur part, s’orientent résolument vers la prospective et la recherche d’impact, souvent dans le cadre de démarches collectives. Les chambres d’agriculture mobilisent par exemple la méthode AVEC. Le dispositif le plus abouti, enfin, est la constitution d’agri- living-labs, une démarche d’innovation collective centrée sur l’utilisateur dans laquelle le diagnostic, le partage de connaissances, la conception, l’expérimentation et la diffusion se font de façon itérative (McPhee et al., 2021).
Ainsi, les interactions dans les configurations de conseil évoluent pour permettre la fiabilisation, la capitalisation et l’adaptation des innovations aux situations particulières.
Synthèse et perspectives
Le conseil en élevage, comme l’élevage, doit répondre à des enjeux de multiperformance dans des systèmes complexes et dans un contexte d’incertitude croissant. Il s’agit de conjuguer des dimensions techniques, environnementales, sociales et économiques contradictoires, avec une prise en compte fine de situations particulières dans les exploitations et les différents types d’agriculture, mais également de réarticuler l’élevage et la société, en imaginant de nouvelles façons de valoriser et de rémunérer l’élevage, en particulier via les signes de qualité ou le paiement pour services, dans lequel le conseil pourrait jouer un rôle de garant.
Pour cela, l’adaptabilité, la co-innovation, la création et le partage des connaissances sont les impondérables. Les acteurs du conseil peuvent s’appuyer sur des nouveaux outils, notamment numériques, et doivent inventer de nouvelles formes de collaborations. Des enjeux considérables sont à surmonter autour de la fiabilisation, de l’accès et de la sécurité des données, d’une part, et des modèles économiques du conseil pour permettre des complémentarités pérennes. En particulier, la concurrence des modèles de conseil public, parapublic et privé recouvre des questions de dépendance au sentier dans les filières.
La gestion des compétences de conseil, au niveau individuel et collectif, sera un des enjeux de la décennie. Le contenu du travail comprend désormais des dimensions cognitives liées à l’approche systémique et des dimensions relationnelles d’animation de réseau qu’il convient d’intégrer dans les formations. En termes de répartition des compétences, il s’agira également de contrer les déséquilibres entre les zones dotées, avec des effets d’agglomération permettant la complémentarité des compétences, et les zones de déprise en élevage. Enfin, l’accès des différents publics d’éleveurs au conseil, notamment les éleveurs difficiles à atteindre, reste une gageure.
Pour toutes ces raisons, le conseil agricole doit rester au cœur des politiques de soutien à l’élevage nationales et européennes, par le biais des grands plans d’orientation (type plan Ecoantibio, plan autonomie alimentaire et protéique…), les projets et réseaux d’appui ou les orientations de la politique agricole commune.
Contribution des auteurs
Les trois auteurs ont élaboré la problématique et la méthodologie. Florence Bonnet-Beaugrand et Patrick Sarzeaud ont réalisé la revue bibliographique et la rédaction de l’article et ont tous deux le statut de premier auteur. Tous les auteurs ont relu et validé l’article.
Remerciements
Les auteurs remercient les Rencontres autour des Recherches sur les Ruminants 2024 qui les ont invités à rédiger cette synthèse sous la forme d’une conférence invitée (Sarzeaud et al., 2024).
Ce travail a reçu le soutien du projet PRESENCE, financé par INRAE et la Région Pays de la Loire dans le cadre du programme de recherche INRAE TETRAE.
Notes
- 1. Cette revue bibliographique a été présentée en tant que synthèse invitée aux 27e journées Rencontres autour des Recherches sur les Ruminants, les 4-5 décembre 2024 à Paris (Sarzeaud et al., 2024).
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Résumé
Avec 187 000 exploitations d'élevage représentant 40 % de l'activité agricole totale, l'élevage contribue à l’économie agricole, à la souveraineté alimentaire du pays, à la vitalité des régions rurales et au maintien des paysages. Il fait face à des défis majeurs tels que le changement climatique, la volatilité des prix des produits, la santé animale, et le bien-être des éleveurs. Ces enjeux nécessitent un renouvellement des compétences de la part des éleveurs mais aussi de tout l’accompagnement technique entourant l’élevage afin d’engager une transition vers des pratiques plus durables et résilientes. Dans cette revue bibliographique, les auteurs dressent un état des lieux du conseil en élevage appelé à adopter une approche plus globale, à travailler en réseau, et à se doter de méthodes intégratives pour favoriser la multiperformance de l’élevage. Cinquante mille personnes, exerçant dans des structures publiques et privées, apportent aux éleveurs français un conseil polyvalent sur les phases de vie des exploitations ou un appui technico-économique spécialisé. Les politiques publiques, après avoir favorisé la privatisation, encadrent les conflits d’intérêts et incitent au partage de connaissances. Dans un contexte incertain et complexe, les éleveurs et les conseillers, appuyés des outils numériques, doivent prendre en compte les attentes sociales des éleveurs, les spécificités de l’exploitation, des systèmes de production plus complexes pour adapter des solutions innovantes à chaque situation. Le conseil en élevage est donc passé d’une approche de prescription descendante à des démarches d’accompagnement et de transfert de connaissances plus interactives et plus participatives.
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