Le numérique en élevage bovin : vers une prise de décision éclairée en santé animale
Les objets connectés génèrent des données, utilisées en première intention pour le pilotage zootechnique et économique des élevages bovins. Ces données peuvent également, par leur intégration dans des outils d’aide à la décision, se révéler précieuses pour la gestion globale de la santé animale pour mieux raisonner les différentes stratégies de traitement médicamenteuses. Les auteurs présentent ici différents travaux de recherche menés portant sur des applications du numérique en élevage, notamment la télémédecine et le « télémentorat ».
Introduction
L'élevage bovin, représentant le premier cheptel européen avec 16,8 millions de têtes en 2023, est un secteur clé de l’agriculture française (Agreste, 2024). La gestion de la santé des bovins constitue un défi majeur afin de maintenir la productivité et la rentabilité des exploitations ainsi que le bien-être des animaux et des éleveurs (Barnouin & Vourc’h, 2004). Les élevages bovins sont de plus en plus connectés (Di Bella, 2024). En 2023, une étude de l’Idele (Institut de l’Élevage) indique qu’en moyenne, un élevage bovin viande possède 2,3 objets connectés et 84 % des éleveurs allaitants disposent d’au moins un objet connecté sur leur exploitation (Allain & Nicolas, 2024 ; Peucelle, 2024). Initialement, les objets connectés ont été développés pour accroître la précision de l’élevage du point de vue zootechnique, en optimisant des aspects tels que l’alimentation ou la reproduction. Ces objets connectés permettent d’optimiser la gestion des troupeaux et de leurs performances, et d’améliorer le bien-être des animaux tout en réduisant l’impact environnemental. Ces technologies de pointe collectent, analysent, et interprètent des données concernant les animaux, en temps réel, permettant aux éleveurs de prendre des décisions plus éclairées et de réagir rapidement aux changements (Veissier et al., 2019 ; Faverdin et al., 2020).
Le numérique englobe à la fois les objets connectés mais également tous les processus qui permettent de mettre en forme, d’exploiter et de valoriser ces données, notamment via des modèles mathématiques élaborés à cet effet, intégrant certains pans de l’intelligence artificielle. Dans ce contexte, le numérique au sens large vient s’imposer comme une solution innovante, en offrant aux éleveurs des outils technologiques avancés de création et gestion des données.
La multitude de données de différentes natures que les objets connectés collectent peut également être valorisée pour une meilleure santé animale (Gotti, 2023). Cependant, les données récoltées sont en général peu spécifiques et les objets connectés génèrent, le plus souvent, des alertes qu’il est nécessaire de confirmer, soit par l’éleveur, soit par le vétérinaire (Conté, 2014). Ces objets, nombreux, seront inventoriés dans une première partie. Leurs limites en termes d’utilisation à visée médicale seront aussi présentées.
Si ces données générées se révèlent précieuses pour le pilotage zootechnique, sanitaire et stratégique, en matière de santé et de bien-être animal, leur valorisation nécessite, pour conduire à une prise de décision éclairée, une étape supplémentaire qui est l’intégration de ces données dans des outils d’aide à la décision (OAD). La conception, le principe, les avantages et les limites de ces OAD seront développés en deuxième partie.
Dans une troisième partie, nous nous proposons d’illustrer plus largement, à l’aide de la description de projets menés au sein de notre unité de recherche, comment le numérique au sens large peut répondre à des attentes de terrain, de la part des éleveurs, comme des vétérinaires, en termes notamment d’usage raisonné des antibiotiques et de renforcement du maillage sanitaire vétérinaire territorial. D’une part, nous développerons les différentes applications dans lesquelles ces données peuvent être valorisées en élevage bovin, notamment au travers de l’apport de ces objets connectés dans la gestion des maladies respiratoires bovines. D’autre part, nous mettrons en lumière, au travers d’un projet de formation des étudiants vétérinaires, l’importance du numérique et plus précisément de ces nouvelles données accessibles, dans la formation des étudiants vétérinaires à une pratique « 2.0 », intégrant ces outils connectés.
L’utilisation des outils numériques par les éleveurs bovins connaît un intérêt croissant, bien que leur adoption soit encore limitée. Les principaux outils utilisés sont le téléphone et l’ordinateur, tandis que les capteurs et robots restent minoritaires. Ces technologies apportent des gains de temps, un meilleur confort de travail et rendent le métier plus attractif. Néanmoins, plusieurs défis freinent leur adoption : des coûts qui restent élevés, une charge de travail supplémentaire, parfois une complexité des outils, un manque de langage commun entre développeurs et utilisateurs, et une diversité des pratiques d’élevage qui empêche une uniformisation des plateformes (Lachia, 2017). Les raisons évoquées par les éleveurs pour l’adoption de ces technologies sont une meilleure connaissance de leurs animaux, une amélioration de leur confort de travail et par goût pour l’innovation dans 47 % des cas selon Lachia (2017). De plus, 42 % des participants à l’étude ont mentionné les aspects réglementaires et sanitaires, dans le choix de s’équiper d’outils numériques.
Les principaux freins à l’adoption de ces technologies, selon les éleveurs, incluent les coûts, les risques d’erreur liés aux doubles saisies, l’inadaptation des logiciels aux smartphones, la perte de lien avec les animaux, le manque de confiance dans le fonctionnement des outils, la complexité des technologies et les préoccupations concernant la sécurité et la confidentialité des données (Lachia, 2017). Bien que les éleveurs soient souvent accompagnés par des conseillers, internet et les forums restent leur principale source de formation. Les discussions sur les forums se concentrent principalement sur les contraintes matérielles et l’adaptation des animaux aux différents capteurs. En élevage bovin, les outils numériques sont principalement utilisés pour la reproduction et la production, la santé animale étant un usage secondaire. Moins d’un tiers des éleveurs utilisent ces technologies pour détecter des problèmes tels que la rumination et la boiterie, ou pour des mesures préventives comme le nettoyage automatique des bâtiments. Cependant, ces capteurs, avec toutes les données collectées pourraient permettre une meilleure surveillance des paramètres de santé aidant à une détection précoce des maladies et à des interventions rapides.
1. De nouvelles données récoltables grâce aux objets connectés en élevage bovin
1.1. Les objets connectés en élevage et les données qu’ils permettent d’obtenir
Les objets connectés enregistrent en continu des grandeurs physiques (accélérations, sons, température, conductivité électrique) ou chimiques (pH). Cela permet d’obtenir, après traitement des données, des indicateurs ou des « alertes » liées, par exemple, au comportement alimentaire (durée d’ingestion), à la reproduction (alerte de chaleurs, imminence du vêlage) ou à la santé (alerte « mammite » par exemple) (Rutten et al., 2013).
Les objets connectés sont soit :
i) fixés au bâtiment d’élevage, tels que des caméras (2D, 3D), des microphones ou des capteurs (appareils de mesure d’humidité, de température, de taux d’ammoniac ou de CO2 entre autres) ;
ii) fixés sur l’animal, tels que des accéléromètres (sous forme de colliers, bagues, plaquettes auriculaires, capteurs caudaux ou encore podomètres) ou tels que des éléments mesurant la température de l’animal (sous forme de boucles auriculaires voire de dispositifs insérés dans l’animal tels que des bolus réticulaires) ;
iii) des robots (robot de traite notamment).
Tenir à jour une liste exhaustive des outils connectés disponibles en élevage est devenu éminemment complexe. De très nombreux outils apparaissent très régulièrement, d’autres obsolètes ou n’ayant pas trouvé leur marché disparaissent. Des catalogues d’outils disponibles en élevage de précision sont disponibles sur des plateformes. Pour les bovins, Data Driven Dairy Decisions for Farmers (4D4F) ou l’International Committee for Animal Recording (ICAR) proposent un panorama des outils disponibles. Pour les bovins en France, un catalogue d’outils connectés en élevage de précision est tenu à jour par Aspexit sur la plateforme WAT (Wiki Agri Tech) (https://www.wiki-agri-tech.com).
1.2. Les limites à l’utilisation médicale des données issues des objets connectés
Bien que les objets connectés puissent fournir des données utiles et faciliter la gestion des troupeaux, l’observation directe reste irremplaçable pour évaluer la santé et le bien-être des animaux, grâce à la capacité humaine unique de percevoir des nuances subtiles et de prendre des décisions contextuelles basées sur l’expérience.
De plus, l’abondance de données générées par les objets connectés peut présenter des difficultés d’interprétation pour les éleveurs. Ce phénomène est qualifié de « paralysie par l’analyse » ou « noyade de données » (« data drowning ») (Islam & Scott, 2022). Trop de données peuvent submerger l’éleveur, rendant difficile la séparation des informations importantes des détails moins pertinents. Lorsque les éleveurs sont confrontés à une multitude d'informations, la prise de décision peut devenir complexe. Il peut être difficile de distinguer les signaux importants des bruits de fond, ce qui peut entraîner des décisions moins adaptées. De plus, la collecte, le stockage et l’analyse de grandes quantités de données nécessitent des ressources importantes, tant en termes de coûts financiers que de temps. Les éleveurs doivent investir dans des infrastructures et des compétences pour gérer efficacement ces données. Enfin, l’utilisation de technologies avancées nécessite souvent une compréhension approfondie de l’informatique et de l’analyse de données. Les éleveurs peuvent être confrontés à des défis pour acquérir ces compétences, ce qui peut créer une disparité dans l’adoption de la technologie. Pour éviter la noyade de données, il est crucial de mettre en place des systèmes de gestion de l’information efficaces, de se concentrer sur les données essentielles et de fournir des outils d’analyse de ces données qui soient conviviaux.
Enfin, une difficulté à utiliser les données issues des objets connectés pour définir un état de santé réside dans le fait que si certaines données telles que celle de la conductivité du lait sont dédiées spécifiquement à la détection d’une seule maladie (mammite en l’occurrence), de nombreux autres signaux (rumination, température, fréquentation du robot) sont non spécifiques d’un trouble de santé particulier. La relation qui peut alors être faite entre donnée collectée et état de santé est complexe et dépend du contexte d’élevage, notamment de la prévalence de la maladie recherchée. À titre d’exemple, tout animal ayant une infection peut avoir une hyperthermie. Si on utilise un capteur de température pour détecter une maladie particulière, il ne faut pas perdre de vue que lorsqu’une alerte est émise pour un animal équipé, rien ne prouve qu’il ait effectivement cette maladie et pas une autre maladie infectieuse. Lors du premier mois d’engraissement des jeunes bovins, où les maladies hyperthermisantes sont les bronchopneumonies infectieuses (BPI), la valeur prédictive positive (VPP)
En résumé, les objets connectés créent des alertes mais ne permettent pas de faire un diagnostic médical précis, ni d’identifier une réponse zootechnique, prophylactique ou thérapeutique pleinement pertinente. Les données générées par ces outils connectés doivent être intégrées dans des outils d’aide à la décision (OAD). Nous allons par la suite décrire les étapes à franchir pour passer des données brutes à de véritables OAD, plus adaptés aux problématiques propres à chaque élevage.
2. Développement d’outils d’aide à la décision : pour aller plus loin dans la valorisation des données
Les objets connectés, s’ils sont difficilement utilisables seuls à des fins diagnostiques, peuvent en revanche constituer une entrée particulièrement informative pour l’élaboration d’OAD pour la gestion de troubles de santé. Pour cela, les données générées par ces objets connectés doivent servir de base à différents modèles, statistiques ou mécanistes, conçus pour prédire la survenue d’un événement et/ou orienter les décisions (traitement ou non des animaux par exemple), en fonction du contexte d’élevage et de l’avancée des connaissances (Ezanno et al., 2021).
Ces OAD, à destination notamment des éleveurs et des vétérinaires, mais également de toute personne en situation de conseil en élevage, peuvent permettre de participer activement à la gestion des situations à court, moyen et long terme et par exemple, de proposer un usage raisonné des antibiotiques par une détection précoce et une analyse des animaux à traiter ou non. L’enjeu économique et sociétal est donc de taille. Néanmoins, ces outils n’ont pas vocation à remplacer les compétences d’observation et de gestion zootechnique des éleveurs, ni les compétences médicales des vétérinaires. Il est également essentiel de préciser que ces OAD présentent un impact financier et environnemental non négligeable.
2.1. Traitement statistique des données et modélisation mécaniste
Au-delà de l’utilisation de données d’élevage à des fins de suivi, de surveillance ou de téléconsultation, les capteurs peuvent constituer la première brique de systèmes plus complexes d’aide à la décision. En effet, s’il est possible d’identifier sur une courte échelle de temps (quelques heures) des phénomènes physiologiques très spécifiques comme une mise bas imminente ou les chaleurs, le déclenchement d’alertes peut trouver sa limite lorsqu’on cherche à détecter des troubles de santé. Leur moindre spécificité expose en effet à un dilemme : soit déclencher des alertes précoces trop fréquentes en raison de faux positifs, et ainsi s’exposer à un abandon du dispositif par l’éleveur ou à une surconsommation de traitements (Picault et al., 2019a), soit réduire la sensibilité pour n’informer qu’à coup sûr, et conduire à un retard de traitement.
Pour contrebalancer ces effets, on voit se développer des méthodes destinées à intégrer les données à des modèles, afin de tirer parti du contenu informationnel qu’elles recèlent sans pour autant s’assujettir à leurs limitations intrinsèques. Il est nécessaire pour cela de s’appuyer sur des connaissances expertes qui permettent de donner un sens aux données. Deux approches principales sont ainsi mobilisées (tableau 1) : d’une part, des modèles dits « phénoménologiques » parce qu’ils visent à décrire, résumer, caractériser un phénomène donné, typiquement l’évolution d’un système biologique ; d’autre part, des modèles dits « mécanistes » parce qu’ils visent à représenter explicitement les mécanismes avérés ou hypothétiques à l’œuvre dans ce même phénomène, pour en comprendre les déterminants, prédire son évolution et identifier des leviers de contrôle (Ezanno et al., 2021).
Famille de modèles | Approche | Principes | Avantages | Inconvénients |
Modèles phénoménologiques | Modèles statistiques | Utilisent des relations entre les données issues des capteurs pour prédire des événements de santé (par ex. détection d’un trouble à partir d’une variation de température). | – Rapides et faciles à mettre en œuvre ; – Analyses « en temps réel » pour des décisions rapides ; – Utiles pour une première interprétation des données brutes. | – Prédictions limitées aux conditions observées ; – Ne permettent pas de modéliser les mécanismes biologiques sous–jacents ; – Sensibles aux biais présents dans les données. |
Apprentissage automatique | Analyse de grands volumes de données issues de capteurs pour identifier des schémas ou anomalies (par ex. prédiction de comportement anormal lié à un trouble de santé). | – Capacité à traiter des données massives et complexes ; – Détection précoce de signaux faibles non apparents ; – Peut s’ajuster en continu aux nouvelles données. | – Nécessite de grandes quantités de données annotées ; – Risque de surapprentissage (généralisation limitée) ; – Les décisions peuvent devenir difficiles à interpréter (boîte noire). | |
Modèles mécanistes | Équations mathématiques ou règles reflétant les processus biologiques (ex. propagation des maladies respiratoires), permettant de simuler des scénarios à long terme pour optimiser les stratégies d’intervention. | – Permettent de modéliser des scénarios non observés (donc robustes vis–à–vis de l’évolution des conditions d’utilisation) ; – Captent la complexité des processus biologiques et épidémiologiques ; – Fournissent des outils pour des décisions à long terme. | – Complexes à développer ; – Nécessitent une calibration minutieuse avec des paramètres parfois difficiles à obtenir ; – Coûts élevés de mise en œuvre et de révision. |
Les modèles phénoménologiques comptent deux familles principales : les modèles statistiques et les modèles d’apprentissage automatique (« machine learning »), qui se distinguent principalement par le volume et la nature des données qu’ils servent à traiter et par l’utilisation soit de règles et de calculs explicites, soit de mécanismes d’ajustement globaux (« apprentissage ») qui ne permettent pas de donner un sens précis aux calculs. Les modèles phénoménologiques constituent une première approche des systèmes observés et permettent un recoupement rapide des données et une analyse « à chaud » de la situation, mais ils ne font que refléter ce qui a été observé, ce qui limite le domaine de leurs prédictions (extrapolation risquée). Pour résumer, un modèle phénoménologique ne vise pas à comprendre ce qui se passe mais seulement à décrire, classifier, prédire ce qui a lieu.
En particulier, les techniques d’apprentissage automatique, de plus en plus fréquemment employées pour le bien-être et la santé des animaux, mobilisent des méthodes mathématiques et statistiques pour identifier dans les données des structures, des régularités, ou des tendances (Hastie et al., 2009). On procède pour cela en deux étapes. La première (« l’entraînement ») consiste à construire un modèle à partir d’un premier jeu de données. Ces données d’entraînement doivent la plupart du temps faire l’objet d’une annotation par un expert, autrement dit des connaissances sont mobilisées pour identifier les situations observées ; cette étape conditionne fortement la qualité de l’apprentissage. Dans un second temps, le modèle entraîné peut être exploité à des fins de prédiction ou de classification. Il est ainsi possible d’anticiper un comportement nominal, tel que les besoins nutritionnels de truies en gestation (Durand et al., 2023), de détecter un comportement anormal susceptible d’indiquer l’occurrence d’un trouble de santé (Díaz-Cao et al., 2023) ou encore de caractériser des états de santé (sain/malade) (Eyango Tabi et al., 2024). Ces approches ont l’avantage de faire ressortir d’un jeu de données complexe des informations qui n’y étaient pas visibles de prime abord, en particulier en couplant des données issues de sources différentes, susceptibles d’apporter un éclairage complémentaire sur le système observé. Dans le meilleur des cas, l’apprentissage automatique permet de relier directement des données à l’intervention la plus pertinente.
En revanche, ces méthodes ne font, par construction, que refléter des situations observées. Elles entraînent donc tout d’abord un risque élevé de biais lié à des spécificités de l’élevage ou des circonstances du recueil des données (races animales, conditions d’élevage, conditions environnementales…). Elles peuvent également conduire à un surapprentissage, c’est-à-dire à un modèle capable de produire des réponses parfaitement adaptées aux données utilisées pour l’entraînement, mais incapables de généraliser à des situations pourtant similaires. Enfin, il est hasardeux d’extrapoler les résultats de ces modèles pour se projeter dans des situations non observées, par exemple en révisant les pratiques d’élevage ou en cherchant des protocoles de traitement alternatifs : pour cela il est nécessaire d’entraîner à nouveau les modèles (Russell & Norvig, 2010).
A contrario, les modèles dits « mécanistes » sont construits d’emblée au moyen de connaissances expertes, issues de spécialistes de divers domaines (vétérinaires, épidémiologistes, biologistes, zootechniciens…) de façon à représenter explicitement ce qu’on sait de l’ensemble des processus en interaction dans le système étudié, ou à défaut à formuler des hypothèses explicites, paramétrables et révisables. Ils s’appuient pour cela sur des équations mathématiques ou sur des systèmes de règles, dont les paramètres reflètent les connaissances et les hypothèses sur le système modélisé, mais aussi des conditions particulières ou des interventions. Les modèles mécanistes sont donc intrinsèquement conçus pour comparer des scénarii contrastés, qu’il s’agisse de représenter une diversité de situations épidémiologiques, de voies de transmission d’un agent pathogène, ou de mesures de maîtrise et surtout, ces scénarii peuvent aussi bien refléter des situations réelles (pratiques d’élevage observées par exemple) que des situations contrefactuelles (nouvelles pratiques non encore testées, changements climatiques…) parce qu’ils incorporent des connaissances et des hypothèses. Par ailleurs, ces méthodes permettent facilement de prendre en compte la variabilité des processus biologiques, le caractère aléatoire de certains événements (notamment la transmission d’un agent pathogène) et l’incertitude dans les valeurs de paramètres. Les modèles mécanistes s’appuient cependant sur un assez grand nombre de paramètres qu’il est parfois difficile d’acquérir. L’utilisation de jeux de données permet de calibrer les modèles, voire d’estimer des valeurs de paramètres qui ne sont pas directement observables (Beaunée et al., 2023).
Les modèles mécanistes permettent donc de simuler nombre de situations, y compris non observées, car ils s’appuient sur des connaissances existantes, et de prioriser les stratégies de lutte contre les maladies selon leur efficacité (Ezanno et al., 2020a). De plus, le risque que le modèle devienne une « boîte noire » dont on ne peut plus comprendre précisément le fonctionnement, et par la suite dont on aurait du mal à justifier les recommandations, est réduit puisque les hypothèses et les connaissances mobilisées peuvent être formulées explicitement et révisées. Pour renforcer cette transparence, des méthodes permettant de formuler les composants d’un modèle sous la forme d’un texte structuré plutôt que de code informatique ont été développées ces dernières années, par exemple la plateforme EMULSION (Picault et al., 2019b), de façon à permettre la coconstruction des modèles avec les diverses parties prenantes (scientifiques non modélisateurs, vétérinaires, zootechniciens…).
2.2. Vers des outils d’aide à la décision couplant données et modèles pour la gestion des maladies respiratoires bovines
Plus récemment, la combinaison de méthodes d’intelligence artificielle et de génie logiciel a permis d’aller un peu plus loin en automatisant la production d’outils web pour l’aide à la décision, basés sur des modèles mécanistes (Picault et al., 2024). Il devient dès lors possible de mettre à jour les OAD en fonction de l’évolution des connaissances biologiques sans surcoût en termes de développement logiciel.
Dès lors, on peut imaginer une chaîne de traitement visant à alimenter les modèles mécanistes « en continu » à partir de données de capteurs, de façon à construire des OAD qui s’appuient sur le meilleur de chaque méthode. D’un côté, les données de capteurs permettent d’identifier de façon précoce l’occurrence de troubles de santé, mais sont peu spécifiques et n’ont de sens qu’à court terme (quelques heures) ; de l’autre, les modèles mécanistes peuvent aider à prioriser des mesures de maîtrise dans une perspective temporelle plus large (plusieurs jours ou semaines) et de façon robuste par rapport au manque de spécificité d’une simple alerte (figure 1).
Figure 1. Connecter données et modèles dans un outil d’aide à la décision (OAD).
Le projet SEPTIME vise à explorer la faisabilité d’une telle chaîne de traitement dans le cadre de la maîtrise des BPI des jeunes bovins. Les BPI sont en effet un trouble de santé majeur dans la filière des jeunes bovins, qui dégrade le bien-être des animaux, réduit la prise de poids, occasionne des pertes économiques importantes et conduit à une utilisation importante d’antibiotiques. L’enjeu de cette approche est donc de détecter de façon précoce l’occurrence des BPI et de les traiter de la façon la plus pertinente possible (suffisamment tôt pour enrayer leur propagation en ciblant si possible uniquement les animaux malades, mais au besoin en traitant l’ensemble du lot si une propagation rapide est à craindre).
Pour ce faire, l’idée est de s’appuyer sur des capteurs peu intrusifs et utilisés commercialement, en l’occurrence des colliers accéléromètres qui permettent de catégoriser l’activité des jeunes bovins. Des anomalies détectées dans les séries temporelles de ces activités peuvent survenir, sans qu’il soit pour autant possible de savoir si elles résultent de problèmes de bien-être, de stress subi par les animaux ou de troubles de santé naissants. En revanche, nous avons également développé plusieurs modèles mécanistes de déclenchement et de propagation de BPI, qui intègrent également l’apparition de signes cliniques plus ou moins sévères, leur détection par diverses méthodes et des protocoles d’intervention (traitement antibiotique individuel ou collectif à l’échelle du lot) (Picault et al., 2022 ; Sorin-Dupont et al., 2023). L’objectif de SEPTIME est donc de combiner des méthodes permettant de passer des données de capteurs « brutes », peu informatives, à une représentation même incertaine de l’état de santé des lots de jeunes bovins, afin de recommander une stratégie (par exemple simple maintien en observation, traitement individuel de quelques animaux, traitement de l’ensemble du lot) à l’échelle de plusieurs jours.
Une première phase de terrain s’est déroulée en 2023, de janvier à juin et d’octobre à décembre (périodes à risque pour le développement de BPI). Pendant cette étape, neuf élevages (membres des coopératives Terrena et Bovineo) ont été recrutés. Les jeunes bovins mis en lot ont fait l’objet d’un suivi clinique vétérinaire régulier, de prélèvements sanguins, d’écouvillons nasaux et d’échographies pulmonaires. Outre les données individuelles des colliers, ont été recueillies également des données d’ambiance (température, hygrométrie, concentration en dioxyde de carbone et ammoniac) ainsi qu’une captation périodique vidéo et son. Dans le cadre de SEPTIME, ces données vont alimenter la phase d’entraînement qui permettra de transformer les données de colliers en informations utilisables en entrée du modèle mécaniste. Dans un second temps (2024), la chaîne de traitement permettant, à partir des données de colliers, d’aller jusqu’à la recommandation, a été expérimentée sur le terrain, en parallèle d’enquêtes qualitatives menées par l’Idele pour évaluer l’acceptabilité de ces approches par les éleveurs et les vétérinaires.
3. Limites et perspectives de l’utilisation des données générées par les outils connectés pour les éleveurs et les vétérinaires
Ces méthodes innovantes offrent des perspectives intéressantes pour, non seulement alerter, mais aussi conseiller les éleveurs et les vétérinaires, en contribuant à alléger la charge cognitive qui pèse sur eux. Ces outils n’ont pas vocation à se substituer à l’humain en ce qui concerne l’appréciation effective de l’état de santé des animaux ou la décision d’administrer tel ou tel traitement. Néanmoins, ils permettent d’envisager une valorisation de données en élevage sous forme de conseil, et surtout sont susceptibles de s’ajuster au cours du temps aussi bien aux spécificités d’un élevage donné (en apprenant ses caractéristiques) qu’à l’évolution des connaissances biologiques, vétérinaires et réglementaires.
Il n’en reste pas moins que l’acquisition des données s’accompagne d’un coût élevé, que ce soit en termes d’équipement initial ou d’empreinte environnementale, via par exemple les besoins de stockage des données, de bande passante pour leur transmission et de calcul pour leur traitement. Par ailleurs, les méthodes d’apprentissage automatique requièrent en général un travail d’annotation qui est extrêmement chronophage et peut faire appel à un niveau d’expertise élevé (par exemple pour identifier des lésions pulmonaires sur une échographie). Les experts vétérinaires constituent alors une ressource critique, à la fois rare et indispensable pour garantir la qualité des résultats. Quant au coût de calcul lié à l’entraînement des modèles d’apprentissage automatique, il peut croître très rapidement avec la complexité des données à traiter, tout particulièrement pour de la reconnaissance de comportements. Enfin, l’utilisation d’outils logiciels « intelligents » suppose aussi un effort d’adaptation à ces technologies de la part des utilisateurs (éleveurs et vétérinaires) afin d’apprécier à sa juste mesure ce que peut apporter l’outil, avec quelle marge d’incertitude, et ce qu’il ne sait pas faire. Le risque de se retrouver face à des boîtes noires dont on ne comprend pas les critères de décision peut constituer un motif compréhensible de défiance ou de sous-utilisation de ces outils, qui doit être combattu par une transparence tout au long de leur conception par des méthodes logicielles appropriées.
Plus largement, le développement croissant du recueil et de l’exploitation de données en élevage s’accompagne d’un risque de développement d’une dichotomie entre des élevages « high-tech » et des élevages « traditionnels », ou d’une appropriation de la valeur ajoutée des données par des acteurs économiques en position dominante. Il importe donc de placer ces travaux dans une démarche de recherche et d’innovation responsable (Bellon-Maurel et al., 2022), qui doit viser à produire, autant que possible, des solutions coconstruites avec l’ensemble des parties prenantes, dans un souci de frugalité et d’intelligibilité.
Les outils connectés, par les données qu’ils génèrent, sont donc en mesure d’alimenter des OAD, permettant, entre autres, la détection et le traitement précoces de certaines affections, notamment les BPI chez les jeunes bovins, comme nous allons l’illustrer ci-après.
3.1 L’utilisation des outils d’aide à la décision pour une détection et un traitement précoce des bronchopneumonies infectieuses
Nous avons, dans un premier travail de recherche, voulu quantifier la sous-détection (absence de détection et retard à la détection), des cas de BPI par l’éleveur et l’impact de cette sous-détection sur la croissance. Des thermobolus intraréticulaires, détectant des augmentations de température corporelle, ont été évalués pour leur capacité à détecter précocement les BPI. Deux études observationnelles ont été menées en conditions d’élevage courantes.
Dans la première étude (Timsit et al., 2011a), 25 jeunes bovins équipés de thermobolus ont été suivis cliniquement, confirmant que l’hyperthermie corporelle détectée était prédictive des BPI. L’hyperthermie précédait les signes cliniques de BPI de 12 à 136 heures, permettant une détection précoce. La deuxième étude (Timsit et al., 2011b) avec 112 jeunes bovins a révélé que l’inspection visuelle par l’éleveur avait un délai de détection moyen de 50 heures après l’hyperthermie détectée par le bolus. Ce retard était associé à un gain moyen quotidien réduit de –61 g. Des épisodes d’hyperthermie non détectés visuellement étaient fréquents, liés à un gain quotidien moyen réduit de –33 g. Le traitement des épisodes de longue durée a montré un potentiel bénéfice, mais des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer sa pertinence médicale et économique.
L’utilisation d’antibiotiques en médecine vétérinaire peut favoriser la résistance bactérienne. Trois leviers sont identifiés pour réduire ce risque : réduire l’impact sur les flores commensales, diminuer le nombre d’animaux traités inutilement, et réduire les doses administrées. Nous nous sommes ensuite concentrés, dans un travail de recherche utilisant des objets connectés, sur ce dernier levier. Nous avons exploré la possibilité de réduire l’usage des antibiotiques lorsque les jeunes bovins sont atteints de BPI en nous focalisant sur la détection précoce des cas et l’administration d’une dose réduite d’antibiotique (pour l’expérience un antibiotique critique : la marbofloxacine).
Nos premières études, en laboratoire, confirment que la dose efficace de marbofloxacine peut être réduite en présence d’inocula bactériens de petite taille (Lhermie et al., 2017a). Ensuite, les essais en conditions de terrain confirment l’efficacité d’une dose réduite de marbofloxacine administrée précocement pour traiter les BPI chez les jeunes bovins (Lhermie et al., 2017b). Cependant, le monitoring continu de la température seule pour la détection précoce ne suffit pas à recommander une dose adaptée d’antibiotiques, soulignant le besoin de diagnostics précis et de biomarqueurs spécifiques pour développer une thérapeutique vétérinaire de précision avec des doses optimisées d’antibiotiques.
Cet exemple illustre parfaitement la nécessité d’intégrer les données générées par des objets connectés dans la pratique des vétérinaires, et par conséquent, l’importance de former les futurs vétérinaires à l’utilisation de ces données dans leur démarche diagnostique.
3.2. L’intégration des données issues des outils connectés pour le développement de la télémédecine et de la démarche diagnostique
Les outils connectés constituent une source de données importante pour le pilotage des élevages mais également un prérequis essentiel pour l’implémentation de la télémédecine, forme de pratique médicale vétérinaire à distance, utilisant les technologies de l’information et de la communication.
La télémédecine vétérinaire permet de mettre en rapport, entre eux ou avec l’animal ou le troupeau, un ou plusieurs acteurs, parmi lesquels figure nécessairement un vétérinaire. Par analogie avec la télémédecine humaine, la télémédecine vétérinaire comprend cinq champs d’application médicale (figure 2) : la téléconsultation vétérinaire, la télé-expertise vétérinaire, la télésurveillance médicale vétérinaire, la téléassistance médicale vétérinaire et la régulation médicale vétérinaire (Académie Vétérinaire de France, 2017).
La télémédecine vétérinaire offre aux éleveurs en général et aux éleveurs de bovins en particulier, une série d’opportunités prometteuses. En tout premier lieu, celle de partager et de mutualiser l’expertise vétérinaire, réduisant ainsi les contraintes géographiques et temporelles. En effet, la télémédecine permet à différents experts de se mettre en relation et d’échanger sur les pratiques d’un élevage, en abolissant notamment les contraintes spatiales de déplacement. Le maillage vétérinaire rural s’en verrait ainsi renforcé, en permettant l’accès aux données de la santé numérique, favorisant la collaboration entre les professionnels de la santé animale, renforçant le lien entre l’éleveur et son vétérinaire et assurant une meilleure coordination des efforts pour lutter contre les maladies et améliorer la gestion sanitaire des troupeaux. Ensuite, celle d’assurer un meilleur suivi des animaux, notamment via les objets connectés. La surveillance à distance pourrait contribuer à la prévention des maladies, améliorant ainsi la gestion globale de la santé du troupeau. Enfin, la télémédecine offre la possibilité d’une traçabilité précise des données de santé des animaux, assurant ainsi une gestion transparente et efficace. Les informations médicales sont enregistrées de manière électronique, garantissant une gestion rigoureuse des actes vétérinaires, des traitements administrés et des résultats obtenus. Cela contribue à une meilleure gestion administrative et à la conformité aux normes sanitaires. En combinant ces aspects, la télémédecine vétérinaire présente un potentiel significatif pour améliorer la santé des animaux, renforcer la collaboration entre les acteurs de la santé animale et surmonter les défis liés à la distance géographique et à l’existence de « déserts médicaux » vétérinaires.
Cependant, des défis subsistent. La télémédecine vétérinaire soulève des questions liées à la confidentialité des données et à la sécurité des informations médicales des animaux. De plus, la technologie peut être coûteuse à mettre en œuvre, tant économiquement qu’en termes de maîtrise de l’outil, et nécessite une infrastructure numérique fiable, ce qui peut représenter un obstacle pour certains éleveurs. L’obstacle législatif reste également à lever car, à ce jour, aucun texte de loi ne régit la télémédecine vétérinaire et n’encadre sa pratique. Néanmoins, si ces défis sont surmontés, la télémédecine vétérinaire pourrait jouer un rôle crucial dans l’amélioration de la santé des bovins et dans l’efficacité globale de la gestion des troupeaux. Le développement de la télémédecine vétérinaire nécessite d’accompagner les éleveurs, les vétérinaires et les futurs vétérinaires dans ces changements.
La disponibilité des données récoltées par les outils connectés induit donc le besoin de sensibiliser et de former les professionnels du secteur à leur utilisation, notamment les vétérinaires. Ces outils doivent être conçus et utilisés pour répondre à des problématiques métiers précises (éleveurs/vétérinaires) qui nécessitent que les utilisateurs finaux soient en mesure d’appréhender ces outils et formés à leur utilisation.
C’est l’objet du projet SmartVetOniris, qui cible la formation des étudiants vétérinaires en formation initiale et celle des vétérinaires en formation continue à l’intégration des données issues d’objets connectés en élevage bovin dans leur démarche clinique. Pour cela, un module d’enseignement optionnel pour les étudiants de 5e année de formation vétérinaire à Oniris VetAgroBio Nantes a été mis en place afin de leur donner l’opportunité de se familiariser avec les objets utilisés au quotidien par les éleveurs. Ce module intitulé « suivi de troupeau » est réalisé en partenariat avec deux éleveurs laitiers de la région. Ces deux éleveurs reçoivent sur leur exploitation les étudiants pendant deux journées au cours desquelles ils vont échanger sur leurs pratiques et partager leurs données d’élevage, entre autres celles issues de capteurs tels que les colliers de détection de chaleurs ou les détecteurs de vêlage, mais également les données numériques de leurs logiciels de pilotage d’exploitation.
À terme, l’objectif de ce projet est de mettre en place un module d’enseignement spécifiquement dédié aux objets connectés en élevage bovin afin de sensibiliser les vétérinaires et futurs vétérinaires à la diversité d’objets connectés et de capteurs à leur disposition en élevage et de les former à intégrer ces nouvelles données dans leur démarche clinique.
Ces différentes applications des données générées par des objets connectés dans la pratique 2.0 des vétérinaires, notamment au travers de l’exemple des BPI chez les jeunes bovins, sont un premier pas vers le développement de la télémédecine vétérinaire.
3.3. Illustration de l’utilisation des outils connectés pour la formation vétérinaire
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication facilitent l’accès à une formation pratique de qualité pour les jeunes vétérinaires en milieu rural et ouvrent la voie au télémentorat qui contribue à la motivation et à l’épanouissement des étudiants. Le télémentorat est une forme de mentorat à distance qui utilise des technologies de communication pour permettre l’échange de connaissances et d’expertise entre un mentor et un mentoré, généralement séparés géographiquement (https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8365949/mentorat-en-ligne). Cet enjeu est crucial dans le contexte actuel, où le maintien du maillage sanitaire est primordial, malgré le manque de ressources vétérinaire en milieu rural (Phylum, 2023).
Le projet EyeVet est une des initiatives de la chaire de télémédecine vétérinaire d’Oniris VetAgroBio pour développer le télémentorat. Le premier volet de ce projet a pour but de tester l’intérêt d’outils connectés, principalement de lunettes connectées, pour aider les étudiants de dernière année de formation vétérinaire à gagner en confiance en eux et en autonomie lors de la réalisation d’actes médicaux sur des bovins. En effet, ces nouveaux outils peuvent venir en appui aux jeunes vétérinaires, dans un contexte où les jeunes générations ont une confiance en elles plus faible que les générations précédentes. Cette nouvelle problématique prend son origine dans les évolutions sociétales des dernières décennies, où les personnes nées après les années 1985 constituent la première génération où leurs parents ont choisi d’avoir des enfants et ont pu en choisir le nombre grâce à la contraception. De plus, c’est aussi la première génération où les deux parents travaillaient. De ces deux facteurs est née une culpabilité des parents de ne pas pouvoir faire plus pour leurs enfants, et de vouloir compenser en faisant à leur place un certain nombre de choses, ne laissant pas à l’enfant l’opportunité d’apprendre par lui-même et donc de construire sa confiance en lui. Le climat anxiogène actuel relayé par les médias, où nous vivons dans un monde de peurs, et les réseaux sociaux qui viennent accentuer la comparaison entre individus, sont autant de facteurs venant encore amoindrir la confiance en elles des jeunes générations (Mathevet, 2022). Or, comme l’explique Patrick Lencioni dans son ouvrage (Lencioni, 2005), le manque de confiance en soi est la première cause de dysfonctionnement d’une entreprise. Il est donc primordial de travailler sur la confiance en soi de chacun des collaborateurs.
C’est dans ce contexte qu’est né le projet EyeVet, avec la vocation d’apprécier le gain de confiance en soi des étudiants en les accompagnant par une transition plus douce à la sortie de l’école. En effet, pour certains, la marche peut être importante, au moment où, jeunes diplômés, ils vont se retrouver à réaliser leur première consultation, seuls en élevage, alors qu’au cours de leurs études, ils ont toujours été accompagnés par un vétérinaire expérimenté (maître de stage ou enseignant). L’idée du projet EyeVet est d’ajouter une étape intermédiaire, où les étudiants se rendent seuls en élevage mais équipés de lunettes connectées et d’une caméra PTZ (Pan Tilt-Zoom) afin qu’un vétérinaire expérimenté à distance puisse suivre en temps réel la consultation, et guider l’étudiant s’il en ressent le besoin (figure 3).
Dans sa thèse vétérinaire, Claire Le Donge (Le Donge, 2023), a fait expérimenter ce système à plusieurs étudiants. En pratique, lorsque la connexion au réseau était bonne et que l’étudiant pouvait interagir facilement avec son tuteur, un gain de confiance en soi a pu être mis en évidence. Cependant, dans plusieurs cas, le réseau était insuffisant pour avoir une connexion stable, et dans ce cas de figure, les lunettes connectées ont plutôt desservi les étudiants, qui se sont finalement retrouvés seuls, encombrés des lunettes sans parvenir à rétablir la connexion, ce qui a eu pour effet de ralentir la consultation, voire de faire perdre en confiance en eux les étudiants, déstabilisés par les soucis techniques. De plus, il a parfois manqué au vétérinaire à distance le son du stéthoscope et l’image de l’échographe. L’inconvénient principal étant un souci de connectivité au réseau, ce problème pourrait être levé en conseillant l’utilisation des lunettes pour des consultations menées à la clinique. Ainsi, la stabilité du wifi permettrait à l’étudiant de réaliser la consultation seul, équipé des lunettes, avec le maître de stage dans un autre site à distance.
Concernant l’ajout du son du stéthoscope et de l’image de l’échographe, de nouveaux projets sont donc en cours, notamment pour expérimenter l’échographie à distance. L’objectif est de voir s’il est possible, pour un vétérinaire, de guider un opérateur naïf à distance pour obtenir un diagnostic d’échographie, savoir quelles sont les limites et quelles en seraient les applications. Le but est qu’un vétérinaire guide un opérateur non expérimenté pour réaliser une échographie à distance. En partageant l’écran d’un échographe connecté et la position de l’opérateur par rapport à l’animal grâce aux lunettes connectées, l’objectif est de mesurer s’il est possible de poser un diagnostic, et de décrire les lésions et leur localisation, à distance.
Ainsi, le projet EyeVet explore les intérêts et limites de l’utilisation d’outils tels que des lunettes connectées, des caméras PTZ, des échographes et des stéthoscopes connectés à des fins de télémentorat mais également dans l’optique de futures téléconsultations vétérinaires.
Conclusion
La notion large de « numérique » en élevage inclut à la fois les objets utilisés (collecte des données), les moyens de valoriser les données collectées (outils d’aide à la décision) et les nouvelles pratiques de formation utilisant les technologies de communication (télémédecine, télémentorat).
De nombreux objets connectés réalisent actuellement, en élevage bovin, une collecte systématique des données de diverses natures [données physiologiques, comportementales, données physiques (température, hygrométrie…)] présentant un fort potentiel d’exploitation, bien au-delà du pilotage quotidien de l’élevage.
Au-delà de l’exploitation ponctuelle de ces données peu spécifiques à court terme (alerte de santé, imminence d’un vêlage…), l’intégration de ces données dans différents types de modèles mathématiques, en vue de construire des OAD pertinents et adaptés à l’élevage, est en mesure d’appuyer de véritables stratégies de traitement :
i) à court ou moyen terme grâce aux modèles prédictifs permettant d’améliorer la précocité de la détection de maladies et ainsi, de cibler les animaux à traiter ;
ii) à plus long terme, grâce aux modèles mécanistes.
Le numérique en élevage bovin offre également des perspectives nouvelles pour participer à la résolution de problématiques de terrain, par exemple, l’utilisation raisonnée des antibiotiques via l’utilisation d’OAD, l’accès égal aux compétences vétérinaires via la télémédecine ou le maintien du maillage sanitaire vétérinaire territorial via la formation vétérinaire.
Parce qu’il n’y a pas de progrès technologique sans investissement humain, c’est dans le but de relever ces défis que des équipes d’Oniris VetAgroBio Nantes travaillent actuellement sur ces sujets, notamment la Chaire de Télémédecine et l’équipe de modélisation Dynamo, affiliée à l’UMR BIOEPAR INRAE/Oniris VetAgroBio Nantes.
Contribution des auteurs
Contribution équivalente des auteurs.
Remerciements
Ce projet a été soutenu financièrement par Adventiel et l'ANRT à travers la CIFRE no 2021/1805 et par une subvention de l'institut Carnot France Futur Élevage (projet SEPTIME). Ces travaux ont également reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne (subvention No. 101000494 – DECIDE). Cette publication ne reflète que les opinions des auteurs et l'Agence exécutive pour la recherche n'est pas responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations qu'elle contient. Ce travail a également été soutenu par la région Pays de la Loire (subvention PULSAR). Aucun financeur n'est intervenu dans les choix scientifiques ou éditoriaux de cette étude.
Cette publication s’appuie également sur les travaux de la Chaire de Télémédecine d’Oniris VetAgroBio Nantes, financée par le mécénat de MSD Santé animale et Allflex Livestock Intelligence.
Notes
- 1. VPP = proportion de résultats positifs qui sont réellement positifs parmi tous les résultats positifs obtenus par un test. En d'autres termes, une VPP élevée indique que le test a une bonne capacité à identifier correctement les vrais cas positifs parmi ceux qui sont testés positifs.
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Résumé
Les objets connectés sont largement utilisés pour collecter des données cruciales sur la santé animale. Les auteurs présentent brièvement le panorama des objets connectés en élevage bovin, avant d’illustrer l'utilité de ces données ainsi que leurs limites en termes de diagnostic dans le cadre de la gestion de la santé animale. Ces notions sont illustrées en présentant des projets de recherche axés sur l'utilisation d’objets connectés pour gérer les maladies respiratoires bovines. Le développement d’outils d’aide à la décision (OAD), s’appuyant sur les données collectées par des objets connectés, aide à optimiser la conduite d’élevage en matière de santé animale. Ces OAD peuvent prédire des évènements de santé en couplant la détection d’évènements par des objets connectés et la prédiction de futurs événements par des modèles statistiques et mécanistes. Les modèles mécanistes, plus avancés, simulent divers scénarii pour concevoir des stratégies d'intervention. Ainsi, ces OAD contribuent activement à la gestion à court, moyen et long terme de la santé des élevages, favorisant, par exemple, un usage raisonné des antibiotiques par la détection précoce et le choix raisonné des animaux à traiter. Néanmoins, ces outils ne visent pas à remplacer les compétences des éleveurs et des vétérinaires. De plus, leur utilisation représente des impacts financiers et environnementaux certains. Le numérique, au travers des objets connectés, des OAD mais aussi au travers de la télémédecine vétérinaire et du « télémentorat » des jeunes vétérinaires ruraux, apparaît comme l’une des réponses possibles au manque de disponibilités des compétences vétérinaires.
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