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Fin de l’élimination des poussins mâles d’un jour : le choix du sexage in ovo

Chapeau

Depuis le décret du 5 février 2022 interdisant l’élimination des poussins mâles de la filière de production des poules pondeuses, des méthodes de sexage in ovo sans casser l’œuf, sont déployées dans les couvoirs pour éliminer les embryons mâles avant éclosion. Les efforts se poursuivent néanmoins pour optimiser les techniques, et pour anticiper une éventuelle évolution de la réglementation vers des méthodes plus précoces de sexage des embryons.

Introduction

En France, en 2021, la filière « œufs à couver » ou OAC représentait près de 1,5 milliards d'œufs (Claquin, 2023). Ces œufs fécondés sont incubés pour produire les futures poules pondeuses (filière « Ponte » / œufs de consommation) et futurs poulets de chair (filière « Chair » / viande), deux filières issues de décennies de sélection sur des performances spécifiques mais antagonistes. Les reproducteurs de poulets de chair ont été principalement sélectionnés sur leur vitesse de croissance pour répondre à la demande toujours grandissante en viande de volaille. Ces souches ont une grande capacité de transformation de l'aliment en muscle pour produire la viande. Les poussins mâles et femelles issus de cette sélection sont élevés au même titre pour la production de viande, même s'il existe des différences de qualité de produits entre les deux sexes (Cygan-Szczegielniak & Bogucka, 2021 ; Bordignon et al., 2022). Cependant, cette sélection sur la croissance a eu des effets adverses sur la reproduction, la production et la qualité des œufs qui ne sont pas commercialisables selon les critères définis pour les œufs de consommation.

En parallèle, des programmes de sélection ont donc été conduits pour proposer des reproductrices destinées à la production de poules pondeuses sélectionnées sur la production d'œufs (définie par le nombre d'œufs pondus sur une période donnée), le poids et la qualité de l'œuf (unités Haugh du blanc d'œuf, stabilité du poids de jaune et solidité de la coquille) et plus récemment sur la persistance de ponte (Beaumont et al., 2010 ; Bain et al., 2016 ; Bécot et al., 2021). Les adultes des lignées pondeuses sont des animaux de faible gabarit à la carcasse peu développée, qui sortent des standards pour une commercialisation de viande en Europe. Les poules reproductrices des souches « Ponte », une fois fécondées vont produire des œufs contenant un embryon mâle ou femelle mais, seules les femelles seront élevées en tant que futures poules pondeuses. Chez l'espèce Gallus gallus, le sexe-ratio est globalement considéré comme équilibré (50 % de mâles et 50 % de femelles). Cependant, dans certaines souches, et en particulier au cours des premières semaines de ponte, il a été montré, un déséquilibre du sexe-ratio en faveur des mâles (55-60 % de mâles) pendant le développement embryonnaire et l'éclosion (Hays, 1952; Klein & Grossmann, 2008; Li et al., 2008). Ce déséquilibre peut également s'accentuer en fonction de certaines conditions d'incubation (Elmehdawi et al., 2015). Les mâles ne pondant pas d'œufs, ne sont actuellement pas valorisés du fait d'une croissance moindre comparativement aux souches « Chair » et d'un rendement en viande réduit. Seul un nombre très limité d'entre eux est élevé comme reproducteurs pour assurer la production des futures poules pondeuses.

La question de l'élimination des poussins d'un sexe se pose également dans la filière de production du canard à foie gras. Dans cette filière de production, on distingue le canard de Barbarie et le canard mulard, ce dernier étant issu d'un croisement hydride stérile entre un canard de Barbarie mâle et une cane de type Pékin (90 % de la production française). Les foies des femelles sont peu valorisables (poids et qualité en dehors des standards, Marie-Etancelin et al., 2015), et même si une partie des femelles écloses peuvent être élevées et vendues en tant que « canettes à rôtir », environ 15 millions d'entre elles sont néanmoins éliminées à l'éclosion chaque année. Il est à noter que pour la filière de production de foie gras d'oie (espèce Anser anser) qui ne représente que 0,6 % de la production française de foie gras (Claquin, 2023), la question de l'élimination des poussins d'un sexe ne se pose pas puisque pour cette espèce, les deux sexes sont utilisés. Cependant, les coûts de production et la préparation des oies au gavage, qui reste une étape délicate (Arroyo et al., 2012), lui font préférer le canard par les producteurs de foie gras. Un sexe-ratio déséquilibré en faveur des mâles (60 mâles pour 40 femelles) est observé chez l'espèce « canard » (Batellier et al., 2004), ce qui est intéressant pour la production de foie gras puisque ce sont les mâles qui sont valorisés.

Pour résumer, la problématique associée à l’élimination d’un sexe dans les filières avicoles se pose quand les caractéristiques zootechniques de l’un des deux sexes ne remplissent pas les critères de productivité ou les standards de qualité (figure 1).

Figure 1. Contexte de la problématique liée à l’élimination des animaux éclos d’un sexe en filières de production de poules pondeuses et de canards à foie gras.

Cette problématique a conduit à la publication le 5 février 2022, du décret no 2022-137 interdisant l’élimination des poussins mâles de souche « Ponte » (espèce Gallus gallus). L’espèce Anas platyrhynchos est pour le moment hors du champ de l’application du décret (encadré 1).

Jusqu’au décret interdisant cette pratique (encadré 1), les poussins mâles issus de souches « Ponte » étaient donc éliminés après sexage et tri dans les couvoirs, ce qui représentait environ 7,5 milliards de poussins mâles (frères des poules pondeuses) chaque année dans le monde dont près de 50 millions en France (Claquin, 2023).

Encadré 1. Des premières annonces à la publication du décret français

Les premières déclarations par le ministre français de l'Agriculture et de l'Alimentation Didier Guillaume et la ministre allemande Julia Klöckner le 13 janvier 2020 ont abouti le 5 février 2022 au décret français no 2022-137 interdisant l'élimination des poussins mâles des souches de poules destinées à la production d'œufs. Dès le 20 janvier 2021, le Bundestag allemand avait de son côté adopté l'acte du ministère fédéral de l'alimentation et de l'agriculture allemand visant à interdire cette pratique au 1er janvier 2022, et avait affirmé son soutien pour le développement de techniques d'ovosexage efficaces dès le 6e jour d'incubation. Cette évolution annoncée dès 2020 avait fortement mobilisé les acteurs des filières avicoles pour accélérer la dynamique de développement et de déploiement d'alternatives à cette pratique d'élimination des poussins mâles, jusqu'alors autorisée. L'état français a engagé 10,5 millions d'euros d'aide aux professionnels de l'accouvage à travers le plan France Relance et FranceAgriMer pour assurer une mise en œuvre effective au 1er janvier 2023. Cet engagement a été réaffirmé le 19 juillet 2021 par M. Julien Denormandie alors devenu ministre français de l'Agriculture et de l'Alimentation. Un accord interprofessionnel a été présenté par le comité national de la promotion pour l'œuf (CNPO) le 9 novembre 2022 afin de mutualiser les coûts de cette transition et les répartir entre les couvoirs et la distribution. Cet accord a également permis de définir le cadre de l'application qui ne concerne que les œufs visés par le décret no 2022-137 et donc pas les œufs importés ou exportés. Une première évaluation du coût de l'ovosexage au couvoir a été réalisée par l'ITAVI sur la base des données du fournisseur de machines Agri Advanced Technologies (Förster et al., 2022). Au global, le coût de cette transition est estimé entre 45 et 50 millions d'euros. Il inclut les moindres performances (erreurs de sexage, élimination des œufs contenant un embryon mâle, notamment), le tri, la main d'œuvre, la maintenance, etc., coûts probablement sous-estimés au regard du peu de données disponibles en condition commerciale et de la crise énergétique actuelle. En pratique, le CNPO percevra une cotisation sur la vente par les distributeurs d'œufs de consommation pondus et vendus sur le territoire français à la suite d'un accord conclu le 14 octobre 2022 par les organisations interprofessionnelles constituant le CNPO. Un arrêté daté du 27 décembre 2022 a permis une extension de cet accord jusqu'au 30 novembre 2024. Cette cotisation, fixée à 0,59 euros pour 100 œufs, sera destinée à amortir auprès des accouveurs une partie du surcoût engendré par la mise en place du décret. Le coût réel de cette évolution sera évalué par FranceAgriMer en janvier 2024 pour permettre des réajustements si besoin.

Ces initiatives françaises et allemandes sont actuellement portées au niveau européen pour harmoniser les pratiques de production des œufs à couver afin que les États membres entrent dans une démarche similaire. Cette démarche d'incitation a pour objectif d'anticiper l'évolution de la réglementation européenne sur le bien-être animal, annoncée pour fin 2023 par la Commission européenne (European Commission, 2021).

Le décret français no 2022-137 du 5 février 2022 interdit la mise à mort des poussins de lignées de l'espèce Gallus gallus destinées à la production d'œufs issus de couvoir. Comme spécifié dans le titre, certains poussins ne sont pas concernés par cette règlementation. Ainsi, les poussins destinés à la reproduction, ceux utilisés par l'industrie pharmaceutique (les vaccins produits contre la grippe humaine nécessitent l'utilisation d'œufs fécondés) ou de diagnostic vétérinaire, les poussins destinés à l'alimentation animale (même si les méthodes de mise à mort doivent au préalable être approuvées par les comités d'éthique et s'appuyer sur la règlementation en cours) sont donc hors champ d'application. De même, ne sont pas concernés les poussins blessés ou atteints d'une maladie risquant d'entrainer souffrance et pour lesquels les alternatives à la mise à mort font défaut, ainsi que les mâles éclos issus d'erreurs de sexage. L'arrêté du 7 novembre 2022 stipule également que les poussins issus des souches qui ne possèdent pas le dimorphisme sexuel lié à la couleur des plumes (c'est-à-dire souches produisant des œufs blancs, souches rustiques ou traditionnelles qui représentent près de 15% des poussins éclos), ne rentrent pas dans le champ du décret et pourront être mis à mort selon les conditions prévues à l'annexe I du règlement CE n°1099/009, c'est-à-dire par gazage (voir §3.2). Ces souches produisant des œufs blancs sont utilisées pour la production des ovoproduits et représentent environ 10 % de la production d'œufs de consommation française. De même, la règlementation ne couvre pas les canards (espèce Anas platyrhynchos) utilisés par la filière de production de foie gras où seuls les mâles sont élevés pour ce produit. Cependant, plusieurs couvoirs d'œufs de canard ont annoncé des démarches similaires d'ici à fin 2024 afin de devancer un élargissement de l'application du décret à d'autres espèces avicoles.

En termes d’obligation règlementaire, les couvoirs devaient justifier la mise en application du décret au plus tard le 1er mars 2022, par des preuves d’achat et/ou de commande de matériel, et confirmer au 31 décembre 2022, « la mise en place des procédés permettant la mise en fonctionnement effective des matériels ou, à défaut, de la finalisation des démarches engagées ». Le choix de la technique avait été laissé libre, la seule obligation étant qu’elles permettent de sexer l’embryon au plus tard le 15e jour de l’incubation. Afin de protéger les couvoirs d’une évolution de la réglementation en faveur de techniques de sexage plus précoces, comme annoncé par l’Allemagne, le décret stipule également que les équipements mis en place ne pourront être remis en question pendant une période de 5 ans.

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045124750

Alors que dans l’industrie bovine, l’utilisation de l’insémination artificielle avec du sperme préalablement sexé (semence contenant uniquement des spermatozoïdes mâles, Y, ou femelles X après tri cellulaire) se développe, notamment en élevage laitier, afin de maitriser le sexe des descendants, cette approche ne peut être utilisée dans les espèces aviaires car c’est la femelle qui porte l’hétérogamétie (chez les oiseaux, la femelle porte les chromosomes sexuels Z et W et le mâle, deux Z). Cette contrainte ne permet donc pas l’insémination artificielle des poules pour produire uniquement des poussins d’un sexe.

La sélection des poules reproductrices sur des critères de productivité/qualité des œufs, s'est accompagnée de l'apparition de dérives phénotypiques où l'effort concentré sur les œufs s'est fait aux dépens de la croissance musculaire et donc de la qualité de la viande. Cette constatation questionne depuis plusieurs années déjà l'éthique de la production des poules pondeuses et plus largement la durabilité des systèmes d'élevages avicoles qui reposent essentiellement sur le rendement et le profit (Rutt & Jakobsen, 2022). Cependant, ce sont les associations de protection animale qui ont médiatisé la pratique par les couvoirs de l'élimination systématique de plusieurs millions de poussins mâles par an, permettant ainsi une réelle prise de conscience à la fois par les consommateurs et les pouvoirs publics. Ainsi, les premières annonces publiques de la fin de l'élimination des poussins mâles de souche « Ponte » ont été faites conjointement par les ministres de l'Agriculture français et allemand, le 13 janvier 2020 (encadré 1). La mise en place a cependant été retardée en raison d'un calendrier très serré et des difficultés liées à la crise sanitaire, mais a abouti à la publication du décret français le 5 février 2022. Malgré les retards accumulés, l'échéance annoncée initialement pour la fin 2021 avait accéléré la recherche d'alternatives en Europe. Trois d'entre elles avaient été mises à l'étude : 1) l'élevage des frères de pondeuses, 2) la production de souches mixtes où les femelles seraient destinées à la production d'œufs et les mâles à la production de viande et 3) le développement d'outils permettant une détermination du sexe dans l'œuf (sexage in ovo ou ovosexage – dans le texte les deux expressions seront employées indistinctement), avant l'éclosion des poussins (Gautron et al., 2021). C'est cette dernière stratégie qui a été choisie car la plus avancée en termes de développement pour une utilisation en conditions commerciales. Les couvoirs se sont donc équipés des outils d'ovosexage disponibles même si certaines de ces techniques présentent encore des limites (précision, rapidité, coût, spécificité…) (Bourin et al., 2020).

Cette revue fait le point sur les avancées des techniques de sexage in ovo choisies par les cinq couvoirs français de production de poules pondeuses et des deux couvoirs de production de foie gras (où ce sont les mâles qui sont principalement valorisés pour leur foie). Cet article passera en revue les outils commercialisés ou à l’échelle de prototypes, ainsi que les opportunités de développement futurs. Elle discute également des contraintes associées à ces nouveaux équipements où les efforts se concentrent chez les accouveurs. Malgré cette nouvelle organisation de la filière « Ponte » pour une production plus éthique, des questions demeurent. Ces questions concernent en particulier les techniques utilisées pour éliminer les embryons mâles, le devenir des poussins mâles issus d’erreurs de sexage, ainsi que les impacts économique et environnemental liés à la gestion des œufs mâles triés à l’issue du sexage (classiquement appelés sous-produits de couvoir). Cette revue abordera également la filière « palmipèdes à foie gras » où les femelles sont pour moitié éliminées à l’éclosion car elles produisent un foie de qualité médiocre. Bien que cette filière soit hors du champ d’application du décret du 5 février 2022, elle a d’ores et déjà amorcé la transition vers des outils d’ovosexage applicables sur le terrain.

1. Alternatives à l’élimination des animaux d’un sexe en filière avicole

Trois alternatives à l'élimination des poussins mâles de souche « Ponte » ont été proposées pour anticiper les décrets français et allemand : i) l'élevage des frères de pondeuses, ii) la production de souches mixtes (production de viande assurée par les mâles et production d'œufs par les femelles), et iii) l'ovosexage (figure 2).

Figure 2. Représentation schématique des alternatives à l’élimination des poussins mâles de souche « Ponte ».

Les alternatives 1 (élevage de frères de poules pondeuses) et 3 (ovosexage) sont adaptées aux souches commerciales sélectionnées sur les performances de ponte. Pour l’alternative 1 (élevage des frères de pondeuses), les marchés de commercialisation n’ont pas encore été identifiés mais des initiatives sont à l’étude (saucisses, viandes reconstituées ou marchés export). L’alternative 2 (souches mixtes, également appelées duales, hybrides, ou à double fin) implique le développement de nouveaux croisements génétiques et la caractérisation de leurs performances, de ponte (pour les femelles) et de rendement et qualité en viande (pour les mâles), ainsi que l’évaluation de leur coût de production, avant d’envisager leur déploiement dans les filières conventionnelles.

Même si actuellement, c'est l'option « ovosexage » qui est déployée dans les couvoirs français, en France et à l'étranger, plusieurs initiatives expérimentales (dont certaines sont toujours en cours) ont été menées pour explorer le potentiel des deux autres alternatives. Dans une enquête réalisée auprès d'un panel représentatif de la population allemande en 2021, plus de 50 % des participants (51 à 57 % selon le degré d'éducation des participants) étaient plutôt en faveur de l'ovosexage, devant les souches mixtes (20 à 23 %) et l'élevage des frères de pondeuses (6-10 %) (de Haas et al., 2021). Les résultats ont montré que cette préférence était guidée par différents facteurs tels que la sécurité alimentaire ou l'éthique de la production, le prix n'intervenant que modérément dans la hiérarchisation des préférences (de Haas et al., 2021). Les enquêtes de ce type sont peu nombreuses et ont été essentiellement à l'initiative des Allemands et des Suisses (Leenstra et al., 2011 ; Gangnat et al., 2018; Gremmen et al., 2018; Reithmayer & Mußhoff, 2019 ; de Haas et al., 2021). Toutefois, elles ont servi à définir les contours de l'application des décrets allemands et français, tout en prenant en compte les contraintes des professionnels en termes de faisabilité, de coût, et de la structuration actuelle de la filière de production des œufs à couver jusqu'à l'élevage des animaux.

1.1. Élevage des frères de pondeuses

La première alternative à l’élimination des poussins mâles de souches « Ponte » serait d’élever les mâles et de trouver des débouchés de vente pour ce type de produit, en s’appuyant sur l’exemple du canard où une partie des canettes est effectivement élevée pour être vendue essentiellement en tant que « canettes prêtes à cuire ». En effet, la vente d’œufs de cane pour la consommation humaine est autorisée mais reste anecdotique, et concerne essentiellement la vente directe au particulier. Elle est soumise à la règlementation et doit respecter les normes de commercialisation définies par le règlement (CE) no 853/2004 sur les conditions de stockage et de transport ainsi que sur le délai de remise au consommateur (21 jours suivant la ponte).

Plusieurs essais d'élevage des frères de pondeuses ont été publiés dans la littérature même s'il existe encore peu de recul lorsque l'on considère la qualité du produit, le rendement, l'impact environnemental et l'intérêt économique de cette stratégie. Certaines études se sont intéressées à l'élevage des poussins mâles jusqu'au stade « coquelet » (de 520 à 650 g de carcasse) en utilisant différents génotypes et en essayant d'adapter l'aliment pour augmenter les performances des animaux (Koenig et al., 2010 ; Koenig et al., 2012). Cependant, même avec le meilleur génotype « Ponte » et en optimisant la composition de l'aliment, la période d'engraissement reste plus de deux fois plus longue comparativement aux souches sélectionnées sur la croissance musculaire (Koenig et al., 2012) et le taux de conversion alimentaire est également moins bon (Damme & Ristic, 2003; Koenig et al., 2012; Tiemann et al., 2020). Des problèmes d'agressivité plus élevés ont également été mentionnés chez les frères de pondeuses comparativement aux mâles d'une souche « Chair » (Habig et al., 2016). Cependant, le lot d'animaux « frères de pondeuses » apparaît plus homogène en termes de poids corporel (Habig et al., 2016).

Des efforts se poursuivent pour essayer d'augmenter les performances des mâles de souches « Ponte », en jouant sur l'incorporation de probiotiques dans le régime au niveau de la phase de démarrage (Agustono et al., 2022), et il est probable que certains essais encore confidentiels aient été mis en place chez des sélectionneurs et/ou producteurs. Puisque des différences de composition des carcasses et de qualité de la viande ont été observées chez les frères de pondeuses par rapport aux standards (Lichovnikova et al., 2009 ; Koenig et al., 2012 ; De Silva et al., 2016), il s'agira d'inclure plus systématiquement des enquêtes auprès des consommateurs pour évaluer leur perception, l'acceptabilité du produit (Lichovnikova et al., 2009) et son coût qui reste jusqu'à 1,7 fois plus élevé qu'un mâle d'une souche « Chair » (Damme & Ristic, 2003). En termes de débouchés autres, certains se sont intéressés au potentiel de ces mâles pour la production de chapons (Murawska et al., 2019). Cependant, ces dernières années, la production de chapons qui nécessite la castration des mâles est également remise en cause d'un point de vue éthique.

Au regard de ces quelques éléments, le potentiel de cette première alternative reste incertain et de nombreuses études sont encore nécessaires pour bien évaluer les effets de ce type de production en considérant les trois piliers de la durabilité (social, économique et environnemental). En effet, une étude récente a révélé que comparativement à des poulets sélectionnés sur la chair, élever les frères de pondeuses avait des conséquences négatives sur les émissions de CO2, l’occupation des terres, la consommation d’eau, l’eutrophisation, et l’acidification des sols, ce qui va à l’encontre des efforts actuels visant à diminuer l’empreinte environnementale des systèmes d’élevage (Bessei, 2022).

1.2. Souches mixtes ou duales

Pour cette deuxième alternative, les références disponibles sont beaucoup plus nombreuses. En 2003, des premiers résultats obtenus sur une souche mixte ne se sont pas avérés très encourageants : poids corporels moins élevés et rendements en viande médiocres, en comparaison avec une souche « Chair » au même âge d'abattage (Damme & Ristic, 2003; Preisinger, 2003). Ces problèmes de rendement mais également d'homogénéité des lots (poids corporels) et d'agressivité (blessures au niveau de la crête) ont également été soulevés (Habig et al., 2016). Sans surprise et quels que soient les croisements testés, les rendements en viande des mâles demeurent moins importants pour les souches mixtes que pour une souche sélectionnée sur la chair (Lambertz et al., 2018 ; Ibrahim et al., 2019 ; Mueller et al., 2020). Comparativement à des femelles d'une souche sélectionnée sur la ponte, les femelles de souches mixtes produisent près de 20 % d'œufs en moins sur la période de production, mais également moins d'œufs au pic de ponte (Ibrahim et al., 2019; Malchow et al., 2022), voire des œufs de moins bonne qualité (Hammershøj et al., 2021).

Globalement, les performances des mâles de souches mixtes restent plus intéressantes que celles des frères de pondeuses (Habig et al., 2016; Kreuzer et al., 2020; Tiemann et al., 2020). Comme pour les frères de pondeuses, il s'agira également d'explorer si les qualités gustatives, texturales et structurales des produits dérivés des souches mixtes (œufs et viande) (Lambertz et al., 2018; Siekmann & Krischek, 2019; Torres et al., 2019 ; Hammershøj et al., 2021) et le coût du produit sont acceptables par le consommateur (Gangnat et al., 2018 ; Lambertz et al., 2018 ; Hammershøj et al., 2021).

La question des souches mixtes ne concerne pas l’espèce Anas platyrhynchos puisque la production d’œufs de cane pour la consommation humaine est relativement marginale en Europe (voir §1.1).

1.3. Ovosexage

Le développement d'outils d'ovosexage s'appuie sur l'identification préalable de marqueurs ou d'indicateurs qui permettent de différencier les œufs contenant un embryon mâle de ceux contenant un embryon femelle. Différentes techniques d'ovosexage ont été développées ces dernières années, et certains prototypes font l'objet d'une commercialisation tandis que de nombreuses initiatives ont été rapidement abandonnées (Gautron et al., 2021). On distingue plusieurs types d'approches qui sont décrites ci-après.

La première approche est basée sur la détection de marqueurs chromosomiques (gènes localisés sur les chromosomes sexuels) ou moléculaires (hormone, métabolite, notamment) du sexe de l’embryon. Ces approches nécessitent le prélèvement de quelques dizaines de microlitres de liquide allantoïque, un fluide extra-embryonnaire facilement accessible via la coquille, et dont le volume varie de 1 à 10 millilitres au cours du développement embryonnaire. Parmi les différents outils utilisant cette approche, on peut citer SELEGGT (Respeggt®, Allemagne), Embrex (Etats-Unis), In-Ovo (Ella®, Pays-Bas), et PlantEGG (Allemagne).

La deuxième approche consiste à détecter des différences phénotypiques (couleur du duvet ou des yeux, développement des organes reproducteurs) entre les embryons mâles et les embryons femelles. Ces techniques utilisent l’imagerie hyperspectrale (Matrixspec Solutions Inc, Hypereye®, Canada ; Agri Advanced Technology, Cheggy®, Allemagne ; Nectra, France ; Orvia, Soc®, France ; Grimaud Frères, Process Lunix®, France) ou l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (Orbem, Genus Focus®, Allemagne). Outre ces technologies déjà bien avancées, d’autres projets sont à l’étude comme celui développé dans le projet Européen « Poultry and Pig Low-input and Organic production systems' Welfare » (PPILOW, numéro d’agrément 816172) et dont la technologie utilise les ondes radiofréquences (Réhault-Godbert, 2022).

La question de l'acceptabilité sociétale de ces stratégies d'ovosexage est intimement liée à l'âge développemental auquel le tri par ovosexage sera effectué, et les performances des machines. En effet, des techniques applicables à des stades tardifs de développement alors que l'embryon présente l'essentiel des caractéristiques phénotypiques d'un poussin éclos auront plus de mal à être acceptées (Reithmayer et al., 2021), tandis que des erreurs de sexage obligeront les accouveurs à éliminer les poussins mâles éclos selon les procédures en vigueur.

Enfin, il existe d'autres approches qui reposent sur des stratégies d'inversion du sexe, où des conditions d'incubation spécifiques permettent aux mâles d'acquérir un phénotype femelle (Soos, Israël ; Once Inc., Etats-Unis). Des approches d'édition de génome où un marqueur fluorescent est introduit dans le chromosome Z des femelles reproductrices ont été développés, ce qui permet de repérer dès la ponte les œufs contenant un embryon mâle qui ont reçu le chromosome Z fluorescent, des œufs contenant un embryon femelle qui ont reçu le chromosome W non modifié (EggXYT, Israël) (Corion et al., 2023). Ces deux approches (inversion du sexe et édition du génome) ont encore du mal à trouver un écho favorable en Europe du fait d'une perception sociétale négative des biotechnologies en général, et du doute quant à la maitrise du risque de dissémination dans l'environnement.

2. Le choix de l’ovosexage : contraintes et mise en application dans les couvoirs

Parmi les différentes alternatives proposées, seul l’ovosexage apparaissait raisonnablement applicable sur le terrain, au regard de l’échéancier imposé par le décret. En effet, certaines approches d’ovosexage étaient d’ores et déjà en cours de déploiement en Europe, alors que les résultats sur les deux autres alternatives étaient encore préliminaires, voire trop peu concluants pour espérer une mise en application rapide et satisfaisante, à la fois pour les éleveurs et les consommateurs. En effet, ces deux autres alternatives impliquent la recherche et mise en œuvre de nouveaux marchés en filière volaille de chair pour la commercialisation des mâles et des femelles de souches mixtes aux moindres performances de rendement en viande et de ponte, respectivement, et des frères de pondeuses dont les rendements et qualité en viande demeurent bien en deçà des standards. Le choix de l’ovosexage pour répondre au décret permettait de concentrer l’effort chez les accouveurs sans avoir d’effet négatif sur la logistique et le volet économique de la filière de production des poulets de chair.

Cependant, les outils actuellement déployés sont loin d’être pleinement satisfaisants, notamment au regard du caractère tardif de leur utilisation. En effet, ces techniques ne sont efficaces qu’à partir du treizième jour d’incubation, alors que l’embryon est entré dans sa phase de croissance et qu’il présente l’essentiel des caractéristiques d’un poussin (plumes, bec, griffes…). Pour mieux appréhender les contraintes associées au développement des outils d’ovosexage précoces pour l’espèce Gallus gallus, il est nécessaire de comprendre les bases moléculaires et physiologiques de l’apparition du dimorphisme sexuel au cours du développement embryonnaire, qui sont les fondements sur lesquels reposent les stratégies de sexage in ovo.

2.1. Physiologie du développement et dimorphisme sexuel chez l’oiseau

Le dimorphisme sexuel correspond à l'ensemble des différences plus ou moins marquées entre les individus mâles et femelles d'une même espèce, et pas seulement sur des critères morphologiques. Chez l'oiseau, ce dimorphisme peut s'observer sur des caractères sexuels primaires (morphologie/fonction de l'appareil reproducteur, DeFalco & Capel, 2009), sur des caractères sexuels secondaires comme la taille (Burke & Sharp, 1989; Olson & Turvey, 2013 ; Lopes et al., 2016), la couleur du plumage (Gazda et al., 2020), des marqueurs physiologiques (métabolisme : Badyaev et al., 2001), comportementaux tels que le chant par exemple (Nottebohm & Arnold, 1976), ou génétiques (chromosome sexuels/gonosomes (Consortium, 2004; Cunningham et al., 2021)) voire moléculaires tels que les hormones (Lambeth et al., 2016; Wang et al., 2019), les substances odorantes (Hirao et al., 2009), les transcrits de gènes codants et non codants (Cutting et al., 2012 ; Roeszler et al., 2012 ; Warnefors et al., 2017 ; Hirst et al., 2018), ou les enzymes (Jin et al., 2020), etc.

Les caractères principaux (connus) qui permettent de différencier les œufs contenant un embryon mâle des œufs contenant un embryon femelle sont résumés dans la figure 3.

Figure 3. Représentation schématique des principaux évènements physiologiques d'intérêt, de la fécondation à l'éclosion chez Gallus gallus et Anas platyrhynchos, pour le développement des techniques d'ovosexage (Li et al., 2019).

Le développement des embryons, de la ponte à l’éclosion pour l’espèce Gallus gallus est de 21 jours. La frise de développement proposée pour l’espèce Anas platyrhynchos correspond à une race dont l’incubation dure 28 jours. Les jours d’apparition des différents phénotypes sont donc légèrement différents pour le canard mulard et le canard de Barbarie dont l’incubation est de 32 et 35 jours, respectivement.

Le phénotype sexuel des animaux résulte de l'expression dimorphique de gènes en fonction du sexe, dans différents tissus et à différents stades de développement. Ce dimorphisme sexuel expressionnel apparaît au hasard de l'évolution (mutation) et de la pression de sélection. Il commence par l'héritage des gonosomes, ZZ pour le mâle et ZW pour la femelle chez les espèces aviaires et chez certains reptiles. Ces chromosomes Z et W présentent des différences de taille et de composition en gènes. Ainsi, si l'on se réfère au génome de la poule originelle, la Red Jungle Fowl, le chromosome Z est 12 fois plus grand et contient sept fois plus de gènes (codants, non-codants, et pseudogènes) que le chromosome W (Cunningham et al., 2021). C'est ensuite l'activation du métabolisme embryonnaire qui conditionne le dimorphisme sexuel des embryons et des futurs poussins, sous couvert d'un environnement favorable d'incubation (qui peut être différent selon les espèces). Cette activation du métabolisme peut se traduire par des différences entre mâles et femelles quant à la sécrétion de molécules diverses (métabolites, lipides, hormones, substances volatiles, transcrits de gènes codants et non codants par exemple Long-non coding RNA, miRNA) qui se retrouvent dans différentes structures et fluides embryonnaires et extra-embryonnaires (fluides amniotique et allantoïque, sac vitellin, sac amniotique, membrane chorioallantoïque). C'est la combinaison de ces activités qui contrôle les phénotypes dimorphiques entre embryons mâles et femelles (appareil reproducteur, couleurs des yeux, couleur du duvet, métabolisme…) et plus tard, entre adultes.

La différenciation anatomique des gonades (appareil reproducteur) sous l'action des hormones stéroïdiennes, ne commence qu'à partir du sixième-septième jour d'incubation (HH30 selon la nomenclature de Hamburger et Hamilton (1992)) chez l'espèce Gallus gallus (Weniger, 1961 ; Guioli et al., 2014) au neuvième-dixième jour chez le canard de Barbarie (Wang et al., 2015), pour lequel la durée d'incubation est de 35 jours. Cette différenciation conduit à un phénotype gonadique asymétrique chez la femelle où seul l'ovaire gauche se développe, et symétrique chez le mâle, avec le développement de deux testicules embryonnaires.

Les mâles et les femelles présentent des dimorphismes liés au sexe pas seulement d’un point de vue anatomique. Certaines différences phénotypiques sont apparues au cours de l’évolution, fortuitement sous forme de mutation. Certaines de ces caractéristiques ont par la suite été introduites dans les schémas de sélection pour proposer des croisements autosexables (figure 4), c’est-à-dire dont le sexe est directement détectable grâce à un phénotype qui diffère selon le sexe (par exemple, couleur du plumage, des yeux, taille des plumes du duvet…). Cette stratégie a permis de faciliter le tri des poussins et canetons à l’éclosion, par les professionnels de l’accouvage.

Ainsi l'aspect du plumage (développement et couleur) est depuis de nombreuses années utilisé pour le sexage à l'éclosion. En effet, la vitesse de croissance des rémiges primaires est sous la dépendance du chromosome sexuel Z, au niveau d'un locus appelé le locus K pour l'allèle dominant associé à un retard de développement des rémiges, et k+ pour l'allèle récessif correspondant au phénotype d'apparition précoce des plumes (figure 4). Des études sur le développement tardif des rémiges ont permis la mise en évidence de deux gènes susceptibles d'être associés à ce phénotype, le récepteur de la prolactine (« prolactin receptor », PRLR) et le gène codant la « sperm flagellar protein 2 » (SPEF2), et qui seraient partiellement dupliqués à ce locus (Elferink et al., 2008). La duplication du gène PRLR s'accompagne d'une augmentation de son expression chez les animaux « développement tardif des rémiges » (Luo et al., 2012). Ces différentes découvertes ont permis aux sélectionneurs de générer des souches sexables à l'aile où les femelles se caractérisent par des rémiges primaires plus courtes que les plumes dites de couverture, alors que celles des mâles sont de même taille (van de Braak, 2020). Il est également possible de sexer certaines souches dites brunes (près de la moitié des souches brunes commercialisées) à la couleur du plumage puisque le phénotype « rouge/roux » du plumage est lui aussi porté par le chromosome Z au niveau d'un locus appelé « Silver » (Werret et al., 1959 ; Cole & Jeffers, 1963 ; figure 4). Il a été suggéré que des mutations du gène SLC45A2 (« Solute carrier family 45 member 2 ») pourraient être responsables de la variation de couleur du plumage chez l'espèce Gallus gallus et la caille japonaise (Coturnix japonica) (Gunnarsson et al., 2007). L'obtention de ce type de croisement autosexable est illustrée dans la figure 4.

Figure 4. Représentation schématique d’un croisement pour l’obtention d’animaux autosexables selon la couleur des plumes (locus Silver, S) et la croissance des grandes plumes rigides de l'aile des oiseaux appelées rémiges (locus K).

Dans cet exemple, le mâle est porteur homozygote de l’allèle récessif (s, doré ; k, croissance précoce des rémiges) tandis que la femelle est porteuse hémizygote de l’allèle dominant (S, femelle argentée ; K, croissance ralentie des rémiges). Les descendants mâles reçoivent un chromosome Z du mâle reproducteur, porteur de l’allèle récessif et le chromosome Z porteur de l’allèle dominant de la femelle reproductrice. Ils sont donc caractérisés par le phénotype dominant (S ou K dans cet exemple). Les descendantes femelles reçoivent le chromosome W de la mère reproductrice et le chromosome Z porteur de l’allèle récessif du reproducteur mâle. Elles sont donc porteuses du phénotype récessif (s ou k dans cet exemple).

Dans le cas des canards à gaver des lignées modernes, les canetons femelles ont les yeux rouges tandis que les mâles ont les yeux noirs. Ce dichromatisme des yeux, lié au sexe est un évènement rare et n'a été observé qu'une seule fois chez le canard en 1995 par le sélectionneur Orvia. Les généticiens ont pu alors démontrer que cette différence était portée par le gène SLC45A2 muté, récessif, localisé sur le chromosome Z (Gourmaud et al., 2013; Le Douarin, 2020). Une fois stabilisée, la fréquence de cet allèle muté, a alors été exploitée pour trier les canetons mâles et femelles à l'éclosion. Comme précisé précédemment, une mutation similaire existe également chez les espèces Gallus gallus et Coturnix japonica (caille japonaise) conférant aux animaux porteurs une pigmentation rouge imparfaite de l'œil (Gunnarsson et al., 2007). Toutefois, ces poules dites albinos ne sont actuellement pas utilisées comme poules pondeuses, probablement en raison notamment de leur plumage albinos qui reste moins apprécié d'un point de vue culturel en France comparativement aux poules rousses, et d'une maturité sexuelle retardée comparativement à des souches commerciales. Cependant, leur croissance et leurs performances de ponte restent bonnes malgré des œufs globalement plus petits par rapport aux souches conventionnelles (Mérat et al., 1986; Silversides & Crawford, 1991; Su et al., 1994).

L’utilisation des croisements autosexables pour trier les poussins/canetons éclos a peu à peu remplacé le tri des animaux à l’éclosion sur des différences liées à l’aspect du cloaque, pratique parfois un peu délicate d’un point de vue technicité et fiabilité, probablement stressante pour l’animal manipulé, et s’accompagnant possiblement d’un risque infectieux. Les caractéristiques phénotypiques des croisements autosexables, utilisées jusqu’ici pour le sexage à l’éclosion, sont également utilisées pour sexer les embryons in ovo (§2.2).

2.2. Spécificités des techniques d’ovosexage déployées dans les couvoirs français

Pour respecter la date du 1er janvier 2023 pour la mise en application du décret no2022-137, les couvoirs français ont dû se positionner sur la technique d’ovosexage qu’ils avaient sélectionnée. Ces choix ont été relayés par Yves-Marie Beaudet, président du CNPO (Comité national de la promotion sur l’œuf), fin novembre 2022 (Beaudet, 2022) et sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1. Spécification des techniques d’ovosexage adoptées par les couvoirs français. (NC : non communiqué)


Fournisseur/développeur
et constructeur
(Pays)

Agri Advanced
Technology
(Allemagne)

Orbem
(Allemagne)

Nectra
(France)

Orvia/Nectra
(France)

Grimaud
frères
(France)

Nom de la machine

Cheggy™

Genus Focus™

Ovosex 1™

Soc /Ovosex 2
canard™

Process
Lunix™

Espèce cible

Gallus gallus

Gallus gallus

Gallus gallus

Anas
platyrhynchos
& Cairina
moschata

Anas
platyrhynchos
& Cairina
moschata

Principe

Différence
phénotypique :
couleur du
duvet/plumes

Différence
anatomique :
développement
de l’appareil
reproducteur
(gonades)

Différence
phénotypique :
couleur du
duvet/plumes

Différence
phénotypique :
couleur
des yeux

Différence
phénotypique :
couleur
des yeux

Type de technique

Imagerie
hyperspectrale
(non invasif)

Imagerie
par résonance
magnétique
(non invasif)

Analyse
hyperspectrale
(non invasif)

Vision artificielle
et imagerie
hyperspectrale
(non invasif)

Imagerie
optique
(non invasif)

Précocité (jours)

13

12-13

13,5

8,5-9

9-10

Spécificités

Précision

96 %

> 95%

> 95 %

95 %

95 %

Souches

Tous les
croisements
en pondeuses
« œufs bruns »
sexables
à la couleur
de la plume

Toute souche

Tous les croisements
en pondeuses
« œufs bruns »
sexables
à la couleur
de la plume

Tous les
croisements
sexables
à la couleur
de l’œil

Mulard (2023)
et Barbarie
(2024)
sexables
à la couleur
de l’œil

Vitesse

18-20 000
œufs/h/machine

3 000
œufs/h/machine
mais possibilité
de mise en
parallèle de
plusieurs
machines

20 000
œufs/h/machine

20 000
œufs/h/machine

Confidentiel

Éclosabilité

92,5 %

NC

Pas d’impact

Pas d’impact

90-95 %
(à confirmer
en système
industriel)

Objectifs

Augmentation
de la précision,
accélération
de la vitesse,
précocité

Augmentation
de la précision
(99 % en 2024),
précocité
(11 jours),
vitesse (5 000
œufs/h/machine)

Augmentation
de la précision (97%), de la
vitesse (40 000
œufs/h/machine)

Augmentation
de la précision
(> 98 %),
stabilisation
de la cadence
industrielle

Industrialisation
en cours
(amélioration
de la vitesse
d’acquisition/
mise en route
1er trimestre 23

Couvoirs français
équipés

Lohman,
Hy-line

Lanckriet,
Hendrix
Genetics

Novoponte

Orvia

Grimaud frères
sélection

Les techniques sélectionnées par les couvoirs sont toutes des techniques non invasives, efficaces dès 12-13 jours pour l’espèce Gallus gallus et dès 8-10 jours pour l’espèce Anas platyrhynchos. Cinq d’entre elles sont basées sur des différences dimorphiques entre les sexes, détectables au niveau des plumes (Gallus gallus) ou de l’œil (Anas platyrhynchos), donc utilisables uniquement sur des croisements autosexables sur l’un de ces deux caractères. Seule une des techniques utilisées pour le sexage des œufs de poules repose sur la détection de différences anatomiques au niveau de l’organe reproducteur. Pour toutes ces techniques, la précision est estimée à plus de 95 % avec des vitesses d’analyse variables selon les méthodes (de 3 000 à 20 000 œufs/heure) (tableau 1).

3. La question de la précocité des techniques d’ovosexage et du devenir des œufs triés

Alors que la plupart des techniques s’attachent actuellement à augmenter la précision des mesures à des stades les plus précoces possibles, au regard des éléments présentés dans la figure 3, les techniques d’imagerie hyperspectrale basées sur la détection de différences liées à la couleur du duvet/plume vont difficilement pouvoir s’appliquer en deçà de 10 jours d’incubation. Cependant, l’identification d’autres caractères phénotypiques plus précoces, présents mais encore non identifiés ou apparaissant au hasard de l’évolution et des mutations (comme le croisement de canards autosexables à l’œil, §2.1) pourrait peut-être permettre de gagner en précocité et être applicables sur toutes les souches. Théoriquement, les techniques qui permettent de détecter le développement des gonades pourraient s’appliquer à partir de sept jours d’incubation (figure 3). La question de la précocité des techniques d’ovosexage est en effet cruciale car elle conditionne leur acceptabilité sociétale.

En effet, à la complexité des techniques mises en œuvre pour le développement de méthodes fiables et universelles d’ovosexage, s’ajoute la question de l’élimination des œufs contenant les embryons mâles. L’essentiel des techniques développées et sélectionnées par les couvoirs français sont applicables plutôt tardivement, dans la deuxième moitié du développement embryonnaire pour l’espèce Gallus gallus (tableau 1). À ce stade de développement, l’embryon est formé et entre progressivement dans une phase de maturation et de croissance rapide. Même si les techniques déployées en France s’appuient sur des approches non invasives, limitant le risque d’effets nocifs pour l’embryon et le poussin, la question est de savoir si l’embryon mâle à ce stade de développement est capable de ressentir et/ou d’éprouver de la douleur au moment où il sera éliminé, et si oui, quelles méthodes sont les plus aptes à diminuer ce risque.

3.1 Nociception et douleur au cours du développement embryonnaire du poulet

Pour aborder cette question, il est nécessaire de redéfinir les termes associés à la nociception et à la douleur. La nociception comprend l’ensemble des systèmes qui détectent et répondent à des stimuli entrainant des dommages ou pouvant en créer (stimuli nocifs). La notion de douleur intervient uniquement lorsque les signaux nociceptifs stimulent des régions spécifiques du cerveau, générant ainsi des émotions qui vont induire un changement de comportement chez l’animal. Cette expérience lui permettra ensuite de se protéger de ces stimuli nocifs s’ils se présentent dans le futur. Ainsi, la nociception est un préalable à la douleur mais ne s’accompagne pas systématiquement de douleur.

La nociception nécessite la présence de récepteurs dits nocicepteurs capables de détecter des stimuli susceptibles d'altérer l'intégrité, cellulaire, tissulaire, structurale de l'animal, pour les traduire en impulsions électriques du système périphérique jusqu'au système nerveux central. Ce dernier intègrera les signaux pour les traduire en réflexes de protection, réponses que l'on appelle nocifensives (Beausoleil et al., 2022). La sensation de douleur, elle, repose sur une intégration différente des stimuli nociceptifs par le cerveau où vont alors s'activer des régions spécifiques. Cette sensation de douleur repose sur la conscience d'une sensation nocive et d'une expérience inconfortable/désagréable (Beausoleil et al., 2022). Ainsi, un animal inconscient n'est donc pas en capacité de ressentir de la douleur, même si son système nerveux est mature et que son système nociceptif est fonctionnel. C'est pourquoi déterminer l'état de conscience d'un embryon de poulet reste un préalable essentiel pour savoir s'il est en mesure de ressentir la douleur.

Alors que de nombreuses études ont apporté l’évidence que les oiseaux étaient capables de ressentir de la douleur (approches moléculaires, neurologiques et comportementales), l’ontogenèse de la douleur de l’oiseau à l’échelle embryonnaire (in ovo) est encore mal connue car peu documentée. La figure 5 résume la cinétique de formation du système nerveux central et de l’activité sensorielle, l’activé électrique encéphalographique et neurosuppressive du système nerveux central.

Le développement du système nerveux central chez l'embryon de poussin commence au deuxième jour d'incubation et arrive à maturité avant l'éclosion. Les mouvements de l’embryon, observés dès trois jours d’incubation, représentent le développement et l'interaction des systèmes squelettique, musculaire et nerveux. Puis l'activité des structures neurologiques qui sous-tendent les mécanismes sensoriels et donc éventuellement la possibilité de ressentir de la douleur débute à partir de six jours d’incubation, avec l’activité tactile.

Cependant, de nombreux faisceaux de présomptions laissent supposer que les embryons de poulets ne sont pas conscients jusqu'au 14e jour d'incubation (électroencéphalogrammes plats) tandis qu'au 15e jour d'incubation, des épisodes courts et sporadiques d'activité sont détectés (Mellor & Diesch, 2007). Cependant, une étude récente qui a étudié la réponse à un stimulus nocif sur le bec, semble montrer que le 13e jour de développement est le stade embryonnaire le plus précoce capable de recevoir et de traiter des stimuli nociceptifs (Kollmansperger et al., 2023).

Figure 5. Mise en place du système nerveux central et cinétique d'apparition des différents systèmes sensoriels de l'embryon au cours du développement embryonnaire (adapté de Tong et al. (2013)).

D'autres articles mentionnent que les embryons sont capables d'intégrer l'information reçue par un stimulus nocif appliqué à la base du bec et de modifier soit leur comportement soit leur pression artérielle et ce, dès le quinzième jour de développement embryonnaire (Süß et al., 2023 ; Weiss et al., 2023). Enfin, certaines études suggèrent que l'embryon d'oiseau est dans un état de sommeil/inconscience jusqu'à l'éclosion (Cusick & Peters, 1974 ; Mellor & Diesch, 2007 ; Chan et al., 2016). Cet état pourrait être lié à la position contrainte du cou et de la tête dans l'œuf jusqu'à 2-3 jours avant éclosion, stade où le poussin se prépare à l'éclosion : son bec est alors placé sous son aile droite, il est tourné vers la chambre à air pour commencer la ventilation des poumons, une fois la membrane coquillère percée (Tullet, 2010).

Les positions des scientifiques sur le sujet restent très controversées et le consensus veut que l’on considère qu’il n'existe actuellement pas de résultats concluants sur la perception de la douleur par l’embryon de poulet pour la période comprise entre le huitième et le quinzième jour d'incubation. Les travaux de recherche disponibles sont peu nombreux et parfois anciens. La plupart des directives s’appuient sur des observations effectuées chez les mammifères, comme l’association des médecins vétérinaires américains qui suggère de tenir compte d’une éventuelle capacité de l’embryon de poulet à percevoir la douleur à partir du treizième jour d’incubation, et quoiqu’il en soit, en l’absence de données complémentaires sur le sujet, à partir de 17 jours d’incubation ( 80 % du développement) (AVMA, 2020). C’est au regard de la présence de cette zone grise que le décret no 2022-137 autorise jusqu’ici le développement de méthodes d’ovosexage jusqu’à 15 jours d’incubation et que l’Allemagne se positionne sur l’aide au développement d’approches précoces en deçà du seuil du sixième jour d’incubation. Il est tout à fait envisageable que la législation française évolue après le moratoire de cinq ans qui protège les accouveurs de toute évolution règlementaire, et que le développement de méthodes précoces, non invasives de préférence (si elles existent), puissent supplanter les méthodes actuellement déployées dans les couvoirs. En effet, la plupart de ces méthodes qui dépendent de la cinétique d’apparition du dimorphisme gonadique (sept jours) et du phénotype couleur du duvet (12-13 jours) (figure 3) vont difficilement pouvoir descendre leur seuil de détection en deçà de six jours d’incubation (§2.1).

3.2 Méthodes d’élimination des œufs contenant un embryon mâle et des poussins non concernés par le décret no 2022-137 du 5 février 2022

L’« American veterinary medical association » (AVMA) et l’« Animal care and use committee » (ACUC) ont proposé des procédures d’euthanasie pour les embryons de poulets en fonction de leur stade de développement (AVMA, 2020). Ce guide, daté de 2020, s’appuie en particulier sur l’activité encéphalographique de l’embryon.

Les embryons de poussins à un stade de développement embryonnaire de moins de 13 jours étant supposés ne pas pouvoir ressentir la douleur, peuvent être euthanasiés par hypothermie (généralement réalisée en plaçant les œufs dans un congélateur à –20°C ou < 4°C pendant quatre heures) ou par d'autres moyens. La mort doit être confirmée par décapitation, rupture des membranes ou broyage. Cette procédure d’euthanasie n’est en revanche pas autorisée pour les stades plus tardifs. Ainsi, les embryons de poussins entre 13 et 17 jours d’incubation pouvant ressentir de la douleur, doivent être euthanasiés par une méthode acceptable décrite dans les directives de l'AVMA sur l'euthanasie (dislocation cervicale, décapitation, injection de barbituriques, inhalation de dioxyde de carbone, inhalation de monoxyde de carbone, anesthésie par inhalation et broyage à l'aide d'un équipement spécialisé). Quant aux embryons de poussins au stade de 18 jours d’incubation ou plus âgés, les méthodes autorisées sont le dioxyde de carbone (CO2), l’injection létale d’agents anesthésiques ou la décapitation. Selon les « AVMA Guidelines for euthanasia », une concentration de CO2 de 60 à 70 % avec un temps d'exposition de cinq minutes est optimale, tandis que d'autres sources recommandent un pourcentage de CO2 de 90 % pendant au moins 20 minutes. La glace sèche ou carboglace n'est en revanche pas acceptable comme source de CO2 pour l'euthanasie. Il est à noter que ces recommandations basées sur quelques travaux parfois anciens pourraient évoluer pour intégrer les différentes dimensions de la conscience et douleur, au fil de l’eau, en fonction des informations nouvellement disponibles.

Comme indiqué précédemment (§2.2), les techniques d'ovosexage actuelles ne sont pas fiables à 100 % ou ne s’appliquent qu’à certains croisements autosexables à la couleur des plumes. Si l’on compte les erreurs de sexage, les souches non autosexables à la couleur des plumes (souches blanches, rustiques), plusieurs millions de poussins mâles sont amenés à éclore chaque année en France. En l’absence d’alternatives de valorisation, ces poussins devront être éliminés dans les conditions prévues à l’annexe I du règlement (CE) no 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort. Ainsi l’arrêté du 7 novembre 2022, prévoit une dérogation au décret no 2022-137 du 5 février 2022 pour les poussins destinés à l’alimentation animale dont le sexe de l'embryon ne peut être déterminé selon une méthode basée sur la différence de couleur des plumes. Les méthodes par gazage incluent l’utilisation de dioxyde de carbone, de gaz inertes, de monoxyde de carbone, associés ou non, comme préconisé par l’AVMA (AVMA, 2020).

3.3 Circuits de valorisation des sous-produits de couvoir

On entend par sous-produits de couvoir, les poussins morts-nés, les poussins nés et mis à mort, les coquilles des poussins éclos et les œufs incubés non éclos y compris les œufs éliminés par sexage in ovo, les œufs clairs (non fécondés) et les œufs stockés mais non incubés. Ils représentent plusieurs tonnes de déchets solides, dont la valorisation est soumise aux réglementations gouvernementales et sanitaires. La plupart de ces sous-produits de couvoir se composent de différentes matières (coquilles, duvet, embryons morts), ce qui complique leur gestion et les possibilités de valorisation.

On distingue les sous-produits animaux et dérivés de catégorie 1, qui présentent un risque important pour la santé publique, et qui de ce fait, sont éliminés ou qui peuvent être valorisés en biodiesel ou combustible. Les sous-produits de catégorie 2 présentent un risque moins élevé pour la santé publique et peuvent dans certains cas être utilisés en tant qu’engrais organiques, compostage, conversion en biogaz, etc., ou éliminés. Seuls les sous-produits de catégorie 3 qui présentent un faible risque pour la santé publique peuvent être valorisés en alimentation animale mais sous certaines conditions de traitement et de transformation par des installations agréées. Selon la réglementation (CE n° 1774/2002 du 3 octobre 2002), les œufs clairs, les œufs incubés, certains autres sous-produits (coquilles, cuticules, jus, méconium, duvets) sont classés dans la catégorie 2. Compte tenu du risque sanitaire que peuvent présenter ces matières (contamination des sols, des cultures destinées à l'alimentation animale voire des élevages proches des sites de traitement), l’utilisation des œufs de catégorie 2 en usage direct au sol et en production de compost ou biogaz, sans stérilisation sous pression préalable, est strictement interdite. Par défaut, les poussins euthanasiés appartiennent à la catégorie 2 (poussins morts après éclosion, poussins ayant reçu des traitements vétérinaires ou abattus dans le cadre de la lutte contre les zoonoses).

Cependant, certains poussins peuvent s’inscrire dans la catégorie 3 notamment s’ils ont été abattus parce qu’il n’y avait pas de valorisation possible par la chaine alimentaire humaine, ce qui est le cas des poussins mâles éclos de souche « Ponte ». Ces derniers peuvent être valorisés en alimentation animale, y compris à l'état cru sur autorisation, en vue du nourrissage d'espèces protégées, d'animaux de zoos, de parcs animaliers ou d’associations de sauvegarde de la faune sauvage, comme par exemple les reptiles et rapaces voire certains animaux détenus par des particuliers. Cette dérogation au décret n° 2022-137 du 5 février 2022 qui interdit l’élimination des poussins mâles des souches « Ponte », est inscrite dans l’arrêté du 4 novembre 2022 et concerne notamment tout poussin dont l’embryon ne peut pas être sexé par la couleur du duvet.

Jusqu’en 2021, environ 15 millions de poussins servaient d’aliment pour les parcs animaliers et assimilés après euthanasie, surgélation et congélation. Une partie de ces poussins étaient également envoyés à l’équarrissage, faute de débouchés suffisant en alimentation animale. Avec l’application du décret, on estime que cette valorisation en alimentation animale ou après traitement et transformation, concernera encore 8 millions de poussins.

Conclusion

En 2020, les premières annonces de la fin de l’élimination des poussins mâles de souches « Ponte » par les ministres allemands et français ont considérablement accéléré la recherche d’alternatives telles que le sexage in ovo. Le déploiement des techniques d’ovosexage dans les couvoirs français (espèce Gallus gallus et Anas platyrhynchos) pour une mise en pratique dès 2023 a été respecté pour les cinq couvoirs français dédiés à la production de poules pondeuses, et est en cours dans les couvoirs de production de canards à foie gras.

Tous les outils d’ovosexage déployés reposent sur des techniques qui permettent de détecter des spécificités phénotypiques/anatomiques liées au sexe de l’embryon. Pour l’espèce Gallus gallus, ces approches sont fiables dès 12-13 jours d’incubation, et dès 9-10 jours d’incubation pour l’espèce Anas platyrhynchos. Cependant, le stade auquel l’efficacité des techniques est prouvée peut également dépendre des différences de développement des embryons en fonction de la génétique (certaines lignées ayant un développement plus précoce que d’autres) et de la durée de stockage des œufs avant incubation (des œufs stockés plusieurs semaines se développant moins vite que des œufs stockés moins longtemps). Ainsi, la fiabilité des approches au stade critique sera d’autant plus importante que les lots d’œufs seront homogènes, ce qui est également un paramètre à prendre en compte pour limiter les erreurs de sexage. Par ailleurs, certaines approches dépendent strictement de croisements autosexables (plumes/œil), ce qui limite leur application à d’autres souches (souches blanches, rustiques, non sélectionnées).

Cette contrainte technique incontournable a abouti à la publication de dérogations qui sont applicables en l’absence de techniques disponibles permettant un sexage de l’œuf quelle que soit la génétique de la poule reproductrice. Ainsi, certains œufs mâles sont malgré tout voués à éclore pour être euthanasiés (par gazage), conservés par surgélation et congélation, et ainsi alimenter les rapaces et reptiles de parcs animaliers, de zoos ou hébergés par des associations de protection de la faune sauvage. En outre, même si les techniques actuellement utilisées en France sont non invasives (sans prélèvement), il y a encore peu de recul sur l’impact de la sortie des œufs de l’incubateur pour les sexer (mortalité embryonnaire, éclosabilité) et de leur exposition à une source de lumière (imagerie hyperspectrale) ou à un champ magnétique (IRM), sur la santé des futures poules pondeuses et canard à gaver obtenus après ovosexage. Il s’agira d’explorer les effets potentiels de ces approches, en particulier si elles doivent être développées à des stades précoces de développement, au moment de la mise en place du système nerveux central notamment.

La question de la précocité des techniques reste omniprésente et constituera le challenge des années à venir pour améliorer l’acceptabilité sociétale de ces nouvelles pratiques de couvoirs. Cette question est très sensible car elle est intimement liée aux données disponibles sur l’apparition de la douleur au cours du développement embryonnaire. Or, le niveau de connaissance sur ce sujet est relativement faible et même si pour l’espèce Gallus gallus, il existe un consensus sur les stades d’incubations inférieurs à six jours (pas de signe évocateur de la perception de la douleur par l’embryon) et supérieurs à 16 jours (embryon susceptible de ressentir la douleur), les stades 6-15 jours restent une zone grise. Malgré ce flou, il est fort probable que toute technique capable de sexer les œufs à des stades inférieurs à neuf jours d’incubation et ce, de manière non invasive, supplante les autres approches. Les couvoirs français ont donc cinq ans pour se préparer à l’éventualité d’une modification du décret no 2022-137 du 5 février 2022 vers des techniques d’ovosexage plus précoces.

En parallèle, les deux autres alternatives (souches mixtes et élevage des frères de pondeuses) font l’objet de nombreuses initiatives en Europe. Les résultats attendus sur les souches mixtes dans les prochaines années pourraient remettre en lice cette stratégie qui a été évincée au profit des outils d’ovosexage en raison d’un échéancier contraint, et du manque de recul et de résultats probants tant sur le plan de la qualité des produits que sur le plan économique. Quant à la valorisation des animaux du sexe non désiré (frère de poules pondeuses, canettes), l’épizootie de grippe aviaire qui a décimé des millions de canards en 2022, a démontré la capacité de la filière de production de foie gras à s’adapter. Ainsi, face à la pénurie de mâles, les industriels ont gavé les canes pour pallier le manque à gagner, misant sur la valorisation des foies des femelles. Malgré le déclassement de 30 % d’entre eux en raison de la présence de veines trop importantes, les foies de femelles peuvent néanmoins être valorisés sous forme de pâtés au foie gras notamment (Loiseau, 2022).

Enfin, même si l’acceptabilité de telles approches reste très faible en Europe, il existe également de nombreux challenges concernant le développement de souches transgéniques qui permettent le sexage de l’embryon dès la ponte (programme EggXYT, Israël), ou des techniques qui, en jouant sur la combinaison de différents paramètres d’incubation permettent d’inverser le sexe de l’embryon (Programme SOOS, Israël). Si ce type d’approche peut s’accompagner d’effets adverses, certains consommateurs pourraient préférer ces stratégies à l’idée d’éliminer des œufs contenant un embryon mâle déjà formé, des poussins mâles issus d’erreurs de sexage, ou issus de souches non sexables avec les outils actuels. Il s’agira dans les prochaines années de discuter plus largement de la balance avantages/inconvénients de ces méthodologies, qui risque de bousculer nos valeurs éthiques, à la fois individuelles et collectives.

Contribution des auteurs

SR-G a supervisé et écrit la première version de cette revue. MB a eu en charge la rédaction du chapitre dédié à la nociception et aux méthodes d’élimination des œufs et embryons. MQ a contribué à la rédaction de l’article en tant qu’expert des filières de production des œufs à couver (espèces Gallus gallus et Anas platyrhynchos) et de l’évolution de la législation. MB, JG, MQ et SR-G ont tous réalisé une révision critique de l’article.

Remerciements

Cette revue a été écrite dans le cadre du workpackage 5.3 du projet européen PPILOW « Poultry and pig low-input and organic production systems' welfare », financé par le programme européen Horizon 2020 sous le numéro d’agrément 816172 (2019-2024 ; SR-G, JG), le projet CASDAR Yoong (2020-2022 ; MB, MQ) et l’UMT BECOME « Bien-être, éleveurs, consommateurs et marches » (2023-2027 ; SR-G, MB, JG, MQ). MQ et SRG remercient chaleureusement les accouveurs pour leur accueil et leur réactivité de réponse à leurs questions, ainsi qu’Elisabeth Baéza-Campone (INRAE, Université de Tours, BOA, Nouzilly, 37380, France) qui a apporté son expertise sur les palmipèdes à foie gras. Les auteurs tiennent également à remercier les relecteurs pour la pertinence constructive de leurs remarques qui ont permis d’améliorer à la fois la structure et le contenu de cette revue.

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Résumé

Une problématique majeure de la filière avicole est l’absence de valorisation des frères des poules pondeuses, du fait de leur faible rendement en viande. Ce constat, qui questionne l’éthique de la production, concerne 50 millions de poussins mâles en France et 7,5 milliards dans le monde, ces animaux étant jusqu’à récemment, éliminés après sexage et tri à l’éclosion. Cette prise de conscience, largement médiatisée ces dernières années, a conduit à la publication d’un décret, le 5 février 2022, interdisant la mise à mort des mâles des lignées de l’espèce Gallus gallus destinées à la production des œufs de consommation. Trois alternatives ont été proposées depuis les premières réflexions sur le sujet : 1) élever les frères de pondeuses et identifier des marchés de valorisation, 2) créer de nouveaux croisements génétiques entre souches « Chair » et souches « Ponte » où les descendantes femelles seraient valorisées pour les œufs et les descendants mâles pour leur viande (souches « mixtes »), et 3) développer des outils de sexage in ovo (ou ovosexage) pour détecter puis éliminer les œufs contenant un embryon mâle avant éclosion. Cette dernière approche est la seule viable techniquement et économiquement parlant, et utilisable par la filière actuellement. Elle réunit de nombreux atouts, en termes de faisabilité pour la mise en œuvre dans les couvoirs, et d’acceptabilité à la fois par le consommateur, le citoyen et les professionnels. Cette revue fait le point sur le contexte socio-économique et les techniques d’ovosexage actuellement disponibles, tout en introduisant quelques repères physiologiques d’embryologie aviaire qui permettent de mieux comprendre les contraintes associées au développement de techniques à des stades précoces de développement.

Auteurs


Sophie REHAULT-GODBERT

sophie.rehault-godbert@inrae.fr

Affiliation : INRAE

Pays : France


Marie BOURIN

Affiliation : ITAVI, 37380, Nouzilly

Pays : France


Joël GAUTRON

Affiliation : INRAE, Université de Tours, BOA, 37380, Nouzilly

Pays : France


Maxime QUENTIN

quentin@itavi.asso.fr

Affiliation : ITAVI, 37380, Nouzilly

Pays : France

Pièces jointes

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