Qualités nutritionnelle, organoleptique et disposition à payer pour les alternatives à la viande : cas des analogues végétaux, de la « viande in vitro » et des insectes
Chapeau
Dans un contexte sociétal en pleine évolution au sujet de la viande, plusieurs alternatives s’offrent aux consommateurs. Les analogues végétaux, la « viande in vitro » et les insectes répondent-ils aux besoins nutritionnels et aux goûts des consommateurs ? Ces derniers seraient-ils prêts à payer davantage pour ces alternatives ? Et de quelle manière cette disposition à payer est-elle influencée par les différences socio-culturelles ?
Introduction
L’intérêt grandissant de nos concitoyens pour une alimentation plus saine et plus durable est -entre autres- à l’origine de l’émergence de différents régimes, parmi lesquels on retrouve le « végétarisme ». Excluant la consommation de chair animale, sauf le poisson, les végétariens représentent environ 4 % de la population française (Hébel, 2020). D’autres régimes excluent la viande, mais également tous les aliments d’origine animale (ex. poissons, œufs, lait, miel) comme le « végétalisme », ou même tout produit issu de l’exploitation animale (ex. le cuir, la laine, la soie) comme le « véganisme », qui représente 1,1 % des régimes au sein de la population française en 2018 (Hébel, 2020). Plus récemment, le « flexitarisme » est monté en puissance. Consistant à réduire la consommation de viande, pour des raisons autres que financières, sans pour autant la supprimer complètement de la diète quotidienne, il représente aujourd’hui environ 20 % des français (Hébel, 2020). Les chiffres annoncés par la dernière étude de l’IFOP sont sensiblement proches quoique inférieurs pour les végans et les végétariens qui représenteraient respectivement 0,3 et 0,8 % de la population française, tandis que les flexitariens seraient autour de 24 % (FranceAgriMer et IFOP, 2021). Ces mêmes tendances sont observées au niveau européen et mondial (Mathieu et Dorard, 2016), notamment à travers l’augmentation de la recherche des mots « végétarien » et « végan » (+ 47 % de recherches entre 2019 et 2020) sur les moteurs de recherche, selon Google Trends et Google AdWords.
Si ces régimes font l'objet de tendances croissantes ces dernières années, la baisse de consommation de viande quant à elle remonte au début des années 1980. De nombreuses raisons en sont à l'origine, notamment les aspects sanitaires. En effet, la consommation excessive, notamment des viandes transformées (Lescinsky et al., 2022), dans les pays industrialisés est associée à une augmentation des maladies cardio-vasculaires (ex. cardiopathies ischémiques), du diabète de type II ou des cancers colorectaux au sein de la population (Lecerf, 2020). Les recommandations du centre international de recherche sur le cancer (International Agency for research on Cancer) sont autour de 500 g de viande rouge cuite par semaine. Aussi, des crises sanitaires ont régulièrement secoué la filière viande en France depuis 1980, date à laquelle le scandale du « bœuf aux hormones » éclate, puis la « crise de la vache folle » en 1996 et 2000, « l'influenza aviaire H5N1 » en 2004 ou encore la « fraude à la viande de cheval » vendue en tant que viande de bœuf en 2013.
Outre les problèmes sanitaires, les prix, toutes viandes confondues, ont tendance à augmenter depuis 2009 (Agreste, 2020) et la dépense de consommation (globale) diminue progressivement (INSEE, 2021). Le prix est en effet un facteur déterminant du comportement des consommateurs, qui, dans un contexte récent d'inflation et de baisse de pouvoir d'achat, peuvent éliminer - ou du moins réduire - ces aliments jugés coûteux. Des arguments de l'ordre de l'éthique peuvent aussi expliquer cette baisse de consommation de la viande. En effet, l'élevage est régulièrement remis en cause au sujet du respect du bien-être animal ou encore concernant le droit moral de pouvoir ou non tuer des animaux pour les manger (Pulina et al., 2022). D'autres soulignent également l'accès limité à la viande dans certains pays défavorisés, et décident donc de réduire leur consommation de produits carnés par solidarité. Enfin, d'autres raisons sociales sont avancées : culte de la minceur, vieillissement de la société avec l'idée qu'à partir d'un certain âge il faut manger moins de viande, ou simplement une question de goût (Mathieu et Dorard, 2016).
Quelles qu’en soient la ou les raisons, ces changements dans les habitudes alimentaires entrainent l’émergence de nouveaux produits visant à mimer/remplacer la viande aussi bien sur le plan sensoriel que nutritionnel.
Les analogues végétaux se veulent depuis quelques années une alternative à la viande. Le marché mondial de ces produits est en plein essor, puisqu’il est passé de 6,9 milliards d’€ en 2013 à 10 milliards d’€ en 2019 (GEPV, 2019). Les analogues végétaux, pour atteindre des teneurs en protéines suffisantes et ainsi se revendiquer « sources de protéines », utilisent des ingrédients protéiques végétaux (isolats ou concentrats). Selon le Groupe d’Etude et de Promotion des Protéines Végétales (GEPV), « les matières protéiques végétales sont des ingrédients alimentaires intermédiaires issus d’espèces végétales riches en protéines » tels que les protéagineux (lupin, féverole, pois), les oléo-protéagineux (soja, colza) et les céréales (blé, orge) (GEPV, 2019).
Plus récemment, la « viande in vitro » a fait son apparition avec le premier « steak » obtenu en 2013 à partir de cellules souches. Le 2 décembre 2020, c'est Singapour qui autorise en première mondiale, la vente de nuggets de poulet produits in vitro par une start-up californienne (Eat Just). Également appelée « viande de culture » ou « viande de synthèse » ou encore « viande de laboratoire » (Chriki et al., 2020a), la « viande in vitro » désigne des cellules qui se multiplient un très grand nombre de fois en laboratoire (bioréacteurs
Enfin, une autre alternative qui émerge dans le monde occidental est la consommation d'insectes, appelée entomophagie. Cette habitude alimentaire est déjà ancrée dans les us et coutumes des territoires d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du sud, mais s'est perdue en Europe depuis la Renaissance (Caparros Megido et al., 2016). En 2013, la FAO reconnait les insectes comme une source additionnelle de protéines pour l'alimentation humaine, et le chiffre d'affaires européen du marché des insectes comestibles pourrait passer d'environ 77 millions d'€ en 2018 à 220 millions d'€ en 2023 (Gaudiaut, 2020), soit une croissance de 185 %.
À travers ces alternatives, une alimentation plus durable et plus saine est recherchée. La FAO définit les régimes alimentaires durables comme étant « sains et ayant de faibles impacts sur l’environnement, socio-culturellement acceptables et accessibles à tous sur le plan économique » (FAO et OMS, 2020). Dans cet article, seront développées les qualités sensorielles, nutritionnelles, économiques et culturelles de ces trois alternatives. Tour à tour, les protéines végétales, la « viande in vitro » et les insectes souvent présentés comme étant plus durables que la viande, seront étudiés et comparés, permettant l’ébauche de tableaux comparatifs synthétiques. Pour chacune des alternatives, l’intérêt se portera d’abord sur les qualités nutritionnelle et organoleptique pour permettre de répondre à l’enjeu suivant : remplacer la viande issue d’élevage tant dans les apports nutritionnels que dans l’expérience des sens.
La qualité nutritionnelle, notamment protéique, se définit selon Walrand et al. (2013), comme « la biodisponibilité
Ensuite, nous aborderons la disposition à payer (DAP) pour chacune des trois alternatives. L’acte d’achat et l’acte de consommation sont à dissocier puisqu’ils ne vont pas forcément de pair. En effet, on peut acheter un produit pour le foyer sans le consommer personnellement, ou au contraire le consommer sans l’avoir acheté. L’acte d’achat a été fondé autour de « sept motivations » (Van Laethem, 2017). Parmi elles, figurent le « prix » et le « renouveau », deux motivations qui permettront d’évaluer la DAP pour ces produits. L’acte ou « expérience » de consommation, s’il est positif (notamment grâce aux qualités nutritionnelles et organoleptiques), permettra de réitérer l’acte d’achat. Ces processus sont influencés notamment par les croyances, appelés « facteurs socio-culturels » (de Saint Pol, 2017). Ainsi, il sera intéressant d’observer à travers les travaux scientifiques jusqu’où va la DAP pour les alternatives présentées dans cet article, et comment les croyances socio-culturelles exercent une influence sur chacune d’entre elles ?
1. Les analogues végétaux
1.1. Analyse des qualités intrinsèques
Les analogues végétaux, ont pour but d'imiter le plus possible la viande, tant au niveau nutritionnel qu'au niveau des perceptions en bouche. Si bien que, ces analogues végétaux s'appellent à tort « viandes végétales » ou « steaks végétaux » dans la mesure où une viande provient par définition du muscle d'un animal (Boler et Woerner, 2017 ; Chriki et al., 2022). Cette idée étant bien ancrée dans les nouvelles mœurs et le langage courant, les marques s'en servent pour leurs noms de gamme : par exemple les steaks de soja (Le Gaulois), « le haché végétal » (SojaSun), ou encore « le steak végétal green cuisine » (Findus). Ces abus de langage sont interdits depuis la loi du 10 juin 2020 (Cayot, 2021). Par ailleurs, de nouvelles marques uniquement dédiées aux analogues végétaux apparaissent désormais sur le marché, telles que par exemple « HappyVore » anciennement « Les Nouveaux Fermiers ».
a. Qualités nutritionnelles
Les analogues végétaux sont intéressants pour plusieurs raisons, par exemple, dans le cadre d'un régime où le contenu en acides gras saturés (apportés par les produits d'origine animale) doit être contrôlé, ou encore pour apporter plus de micronutriments et de fibres (Walrand et al., 2013). Cependant, il a été mis en évidence que les protéines végétales sont souvent moins bien équilibrées en acides aminés essentiels, et parfois associées à des facteurs antinutritionnels
Les analogues de viande fournissent globalement moins de protéines que les viandes telles que la volaille, le porc ou le bœuf (Cayot, 2021). Les analogues végétaux comportent entre 5 et 23 g de protéines par 100 g de produit prêt-à-consommer, tandis que la volaille entre 21 et 32 g/100 g, le porc entre 21 et 37 g/100 g et le bœuf entre 18 et 39 g/100 g. Cette variabilité au sein des viandes provient des différences entre races, de la position anatomique du muscle (et donc la teneur en graisses) ou encore la méthode utilisée, notamment de parage (Bauchart et Gandemer, 2010), contrairement aux analogues végétaux dont la variabilité repose sur la formulation (Cayot, 2021).
La teneur en protéines n’est pas le seul indicateur de la valeur nutritionnelle, puisqu’il faut aussi s’intéresser à la composition en acides aminés indispensables ainsi qu’à la digestibilité réelle iléale (plus fiable que la digestibilité fécale), toutes deux qualifiées par l’indicateur DIAAS
Toutefois, les divergences ne résident pas uniquement sur les associations végétales optimales. Une étude récente (Sá et al., 2020) nuance la remise en cause des protéines végétales (et de leur faible DIAAS), en mettant en avant -au contraire- leur très haute qualité à travers leur large diversité. Cette diversité offrirait tous les acides aminés indispensables requis pour une bonne qualité protéique, sans produits animaux (Sá et al., 2020). Si cette étude met en avant la possibilité d'atteindre une qualité protéique suffisante, elle ne considère pas la possibilité d'atteindre une qualité nutritionnelle équivalente aux protéines animales, prenant en compte l'ensemble des macronutriments et des micronutriments.
Au niveau des micronutriments, et en particulier du fer, les apports nutritionnels conseillés sont de 16 mg/j pour les femmes en âge de procréer et de 8 mg/j pour un homme adulte. Les produits composant les analogues de viande apportent entre 1,3 et 7 mg/100 g de fer, soit en moyenne moins que les produits carnés qui apportent entre 0,9 et 23 mg/100 g (Cayot, 2020). De plus, les végétaux contiennent un fer dit « non-héminique »
Pour la vitamine B12, les besoins journaliers recommandés sont de 2,4 µg par adulte (moyenne ne prenant pas en compte les variations dues au statut physiologique). Étant uniquement synthétisée par des bactéries présentes dans les animaux (naturellement ou grâce aux compléments dans leur alimentation), la vitamine B12 est ensuite retrouvée naturellement dans les produits d'origine animale. Elle est donc totalement absente dans les analogues végétaux. Une diminution de la consommation de viande, voire une suppression totale, n'induirait pas forcément des carences en vitamine B12, puisqu'elle se trouve également dans le lait, les œufs et le fromage. Toutefois, une surveillance serait nécessaire car ces aliments ont une teneur bien plus faible que celle des viandes : 0,07 à 3,34 µg/100 g contre 0,2 à 5,2 µg/100 g pour les produits carnés (Gille et Schmid, 2015). Des prototypes d'analogues végétaux fermentés riches en vitamine B12 sont en cours d'élaboration, mais ces derniers ne sont pas encore disponibles sur le marché (Cayot, 2020). Pour rappel, une carence en vitamine B12 (comme dans le cas des régimes végétaliens ou végans excluant tout produit d'origine animale) entraine des pathologies telles que des troubles hématologiques, nerveux ou encore digestifs (Serraj et al., 2010).
À travers la communication marketing et les croyances, les produits d'origine végétale sont dits riches en vitamine C, en antioxydants (de type polyphénols), en fibres et en minéraux. Ils sont effectivement plus riches en fibres que les produits animaux (qui en sont dépourvus), mais les produits ultra-transformés, dont font partie certains analogues végétaux, font appel à des processus de fabrication qui altèrent les fibres contenues dans les ingrédients. Pour rappel, les fibres sont des glucides n'apportant pas d'énergie puisqu'ils sont non digestibles par l'Homme, mais avec un pouvoir satiétogène, favorisant ainsi la régularité de la fonction intestinale, la glycémie et le taux de cholestérol. Cette dégradation à la suite des divers process fait perdre une grande partie de leurs intérêts nutritionnels dans les analogues végétaux. Les produits à base de soja peuvent même contenir des phytoœstrogènes dont les effets sur la qualité du sperme humain font l'objet de débats scientifiques (Cederroth et al., 2012).
Tableau 1. Qualités nutritionnelles des analogues végétaux (AV) comparées à celles de la viande (V).
Indicateurs |
Viande (V) |
Analogues végétaux (AV) |
Sources |
---|---|---|---|
Quantité de protéines (g/100g) |
18 - 39 |
5 – 23 |
AV : (Cayot, 2020) |
Digestibilité des protéines (%) |
95 - 98 % |
b. Qualités organoleptiques
Auparavant, ce qui empêchait les alternatives végétales de percer sur le marché étaient leur manque de saveur et de qualités gustatives. L'ajout d'arômes, d'épices, de sel ou d'autres ingrédients, qui lors de la cuisson développent des saveurs (notamment par la réaction de Maillard), a permis d'améliorer le goût de ces produits. Il est aussi possible de faire une supplémentation en acides aminés et en sucres, mais de fortes contraintes sur les combinaisons et les quantités subsistent. C'est d'ailleurs tout l'enjeu du projet scientifique « LikeMeat Project ». Financé en majorité par l'Union Européenne, il vise à développer la texture, la jutosité, l'aspect, les arômes ainsi que l'acceptation des analogues végétaux par les consommateurs. Les qualités organoleptiques sont importantes que ce soit avant (couleur, apparence) ou pendant la consommation (saveur, odeur, texture), pour répondre aux besoins du consommateur (Wild et al., 2014). Pour les analogues végétaux, le consommateur attend du produit qu'il ressemble à la viande sans en contenir.
Au niveau de la couleur et de l'apparence globale, les principaux paramètres sont la légèreté et la rougeur du produit. La principale limite des analogues végétaux est l'estompement rapide de leur couleur en contact avec la lumière ou l'oxygène. Des résultats similaires à la viande ont été obtenus avec un analogue composé de soja, en utilisant la technique de « cuisson sous vide » : l'aliment est scellé dans un sac plastique privé d'air, puis immergé dans un bain d'eau à la température de cuisson optimale (Fiorentini et al., 2020). Certains ingrédients peuvent affecter positivement la couleur, comme c'est le cas pour la farine de pois chiche riche en protéines, qui contient des caroténoïdes donnant une couleur orangée au produit final. Si cette couleur attire davantage les consommateurs à mesure que les concentrations augmentent, le goût devient en revanche de plus en plus « désagréable » (Fiorentini et al., 2020). Ainsi, des solutions comme les marinades, le pourcentage d'incorporation par exemple de farine de pois chiche, et les paramètres de « cuisson sous vide » correctement dosés, peuvent permettre de se rapprocher visuellement de la couleur de la viande. Il est cependant important de rappeler que la viande rencontre habituellement le même problème avec l'oxydation de la myoglobine en métmyoglobine (myoglobine oxydée), qui lui donne un aspect plus brun (Lassarre et Vendeuvre, 2000), perçu par les consommateurs à tort ou à raison comme un indicateur de la détérioration éventuelle de la qualité du produit. Il serait donc intéressant de voir si le changement de couleur observé chez les protéines végétales est plus ou moins rapide que celui de la viande.
Pour la flaveur, les analogues végétaux cherchent à reproduire le goût fumé de la viande, à masquer les arômes herbeux et à éviter les saveurs désagréables générées par l'oxydation des acides gras insaturés ainsi qu'une sensation trop épicée (tableau 2). Des résultats ont montré que l'ajout de flocons de piment rouge permettait d'atteindre ce but de façon optimale (Fiorentini et al., 2020). Dans cette même étude, le sel en quantité élevée est également un bon moyen d'améliorer la flaveur, au détriment de la qualité nutritionnelle du produit. Cependant, ces résultats sont incomplets puisque des aliments supplémentaires (telles que des sauces) peuvent modifier la perception de ces produits. En effet, la matrice du repas est plus complexe, et les plats sont généralement agrémentés de diverses sauces, pouvant ainsi venir modifier la flaveur des ingrédients de base.
Enfin, du point de vue de la texture, l'enjeu est de reproduire la sensation en bouche de la viande. Grâce à une analyse de texture, cette sensation peut être reproduite par la sélection de la protéine végétale (isolat de protéine de soja, gluten), ou l'ajout d'additifs (hydrocolloïdes, gommes). Cependant, dans le cadre d'un repas complet, les sauces et les soupes peuvent avoir un effet négatif sur la texture fibreuse de l'analogue végétal (Fiorentini et al., 2020). D'autres techniques mécaniques sont développées pour reproduire la texture fibreuse de la viande. C'est le cas du processus d'extrusion de cuisson à haute humidité (jusque 70 %) utilisant une extrudeuse à double vis co-rotative avec un gradient de température. Si des recherches supplémentaires sont nécessaires pour des recettes complexes (incluant les amidons), il semblerait que l'ajout d'éléments n'altère pas la texture fibreuse (Wild et al., 2014).
Tableau 2. Qualités organoleptiques des analogues végétaux (AV) comparées à celles de la viande.
Indicateurs |
Viande |
Analogues végétaux (AV) |
Sources |
---|---|---|---|
Flaveur |
Avoir le côté fumé |
Le côté herbeux est masqué par les épices |
AV : (Wild et al., 2014) |
Texture |
Texture fibreuse et juteuse |
La texture est proche |
1.2. Disposition à payer et influences culturelles
Faisant partie des sources d'aliments les plus anciennes consommées par l'Homme, les protéines végétales ont été suggérées comme substitut de viande depuis 1888. Ayant des textures et flaveurs très différentes de la viande, le succès n'a pas été immédiat. Elles n'ont pris une place sur le marché qu'à partir du XXème siècle et particulièrement ces dernières décennies (Lee et al., 2020), en lien avec une préoccupation croissante pour la durabilité (notamment environnementale) de l'alimentation, ainsi qu'une avancée considérable dans les technologies de transformation agroalimentaire. Selon la revue économique Xerfi, le marché français des substituts végétaux suit la demande à la hausse et prévoit d'atteindre 460 millions d'€ (en GMS) d'ici 2023. Au niveau mondial, le chiffre d'affaires estimé de ces analogues végétaux devrait atteindre 10 % du marché total de la viande d'ici 10 ans (Cadoux, 2021).
Parmi tous les substituts à la viande, les analogues végétaux sont les plus choisis ou « acceptés », d'après les tendances du marché en termes de ventes (Onwezen et al., 2021). Cela est dû à différents facteurs qui influencent le choix du consommateur. Certains de ces facteurs sont liés au produit lui-même : ses qualités nutritionnelles, organoleptiques ainsi que le taux de familiarité (déjà entendu,vu, ou goûté). D'autres facteurs sont d'ordre psychologique : attitudes face au produit, néophobie alimentaire et/ou technologique. Enfin, des facteurs extrinsèques comme le prix, l'empreinte carbone, l'environnement social, le taux de confiance en la science, ou encore le taux d'appropriation culturelle, sont également importants (Onwezen et al., 2021).
Les pays en développement sont demandeurs en produits carnés, contrairement aux pays développés dont la consommation en viande tend à baisser. La disposition à payer (DAP) traduite de l'anglais « Willingness To Pay » (WTP) peut donc varier selon le pays où s'est déroulée l'étude. Une étude en Inde (Arora et al., 2020), pays en développement avec une forte proportion de végétariens, montre des résultats positifs pour les analogues végétaux. La DAP moyenne serait de 1,63 €/kg supplémentaires par rapport à la viande. Ce résultat est positif puisqu'une intégration des alternatives à la viande tôt dans les mentalités permettrait de répondre aux enjeux sanitaires et environnementaux mondiaux. Ce résultat est d'autant plus important avec l'émergence de certains pays (comme l'Inde) dans lesquels on observe une augmentation de consommation de viande. Toutefois, pour amplifier sa croissance, et doubler les parts de marché, les prix devraient évoluer de la façon suivante : + 63 % pour la viande et -65 % pour les analogues végétaux (Arora et al., 2020). Ces résultats sont à nuancer également par le fait qu'en Inde une grande partie de la population est végétarienne. Les résultats ne sont pas aussi positifs dans une étude menée dans un pays développé come la Suède où la DAP évaluée d'un « hamburger végétarien » est en moyenne de 2/3 le prix de celui à base de viande, faisant ainsi chuter le prix de 15 € à 9,4-9,7 €. En prenant en compte ceux qui ont refusé de l'acheter, quel que soit le prix, la DAP moyenne tombe à 6,5 € (Carlsson et al., 2021). Cependant, ces résultats sont à relativiser dans la mesure où l'étude ne s'est intéressée qu'aux individus mangeant de la viande, donc avec un taux d'attachement élevé pour celle-ci.
Les consommateurs des pays développés sont fortement influencés par le taux de familiarité et l'appropriation culturelle. Ayant longtemps consommé beaucoup de viande, leur attachement à cet aliment est encore fort, malgré une tendance globale à la baisse. Une étude menée au Portugal montre que la connexion affective à la viande affecte négativement la possibilité de consommer des analogues végétaux, et inversement (Graça et al., 2015). Par ailleurs, et pour différentes raisons, la viande pourrait être associée chez certains consommateurs à un sentiment de « dégoût ». Ce travail est confirmé dans d'autres études montrant une meilleure DAP si l'attachement à la viande est faible (Onwezen et al., 2021) et inversement, une moins bonne DAP quel que soit l'analogue lorsque l'attachement à la viande est plutôt fort (Sihyun et al., 2020).
De façon globale, l'intérêt pour les analogues végétaux augmente d'année en année (Sihyun et al., 2020). En revanche, plusieurs facteurs influencent l'acceptabilité des consommateurs à l'égard de ces produits. Par exemple, le genre des consommateurs influence la DAP puisque les femmes semblent plus enclines que les hommes à adopter les analogues végétaux à la place de la viande (Graça et al., 2015). En effet, dans une étude réalisée cette fois en Belgique sur deux années consécutives (2019 et 2020), les femmes présentent une DAP plus élevée que les hommes. D'autres facteurs entrent en jeu tels que le régime alimentaire (les végétariens ont une DAP plus élevée), ainsi que l'âge (DAP plus élevée chez les jeunes consommateurs).
Dans une étude menée en Corée du sud, les résultats de 115 individus face à un « steak haché », un « haché végétal local » et un « haché végétal importé » ont été comparés. Des informations préliminaires sur la santé et l'environnement augmentent la DAP des analogues végétaux, notamment quand il s'agit d'un produit local (Sihyun et al., 2020). Cette information est confirmée dans une autre étude montrant que l'explicitation des bénéfices associés aux analogues végétaux (santé, environnement, éthique) augmente la DAP des consommateurs (de Koning et al., 2020).
De plus, une meilleure qualité organoleptique et/ou nutritionnelle est positivement corrélée avec une DAP plus élevée (Sihyun et al., 2020), contrairement à la néophobie (alimentaire et/ou technologique) qui a tendance à inhiber la DAP (de Koning et al., 2020). L'étude de de Koning et al. (2020) basée sur un classement sur une échelle de 1 à 5 (5 étant le plus fort) du rapport des consommateurs aux analogues végétaux, a été menée sur 3091 individus. Les répondants se disent prêts à « essayer » à 2,63, « acheter » à 2,39 et « payer plus » (DAP) à 1,69 (de Koning et al., 2020). On observe peu d'écart entre l'intention d'essayer le produit et de l'acheter au même prix que la viande. L'écart se creuse lorsqu'il s'agit de payer davantage (tableau 3).
Tableau 3. Disposition à payer (DAP) pour les analogues végétaux.
Indicateurs |
Analogues végétaux |
Sources |
|
---|---|---|---|
Consentement |
Payer le même prix |
2,39 |
|
Payer plus (1 à 5) |
1,69 |
2. La « viande in vitro »
2.1. Analyse des qualités intrinsèques
L'intérêt pour la « viande in vitro » est récent puisque 90 % des recherches scientifiques à ce sujet ont été publiées après 2013, avec un engouement médiatique très important (327 articles scientifiques jusqu'à 2020, contre 13 000 articles de presse pour la même période) (Chriki et al., 2020a). Au-delà d'éventuelles qualités organoleptiques et nutritionnelles qui restent à étudier, la « viande in vitro » est présentée par différentes start-ups comme une alternative durable pour les consommateurs écoresponsables ne souhaitant plus consommer de viande issue d'animaux morts, tout en ne bannissant pas pour autant la viande de leur régime alimentaire (Chriki et Hocquette, 2020). En France, cela représenterait environ 30 % des personnes suivant un régime flexitarien
a. Qualités nutritionnelles
Pour être compétitive sur le marché, la « viande in vitro » se doit de fournir une haute teneur en protéines, avec des acides aminés essentiels, au moins à hauteur de la vraie viande. Une étude scientifique datant de 2010, montre que c’est une future source de protéines animales non négligeable, ces dernières étant encore très convoitées, en dépit de l’évolution des mentalités dans les pays développés (Datar et Betti, 2010). En revanche, les acides aminés non synthétisables par le muscle en culture devront être ajoutés, selon cette même étude (Datar et Betti, 2010).
Le contenu en graisses peut être également ajusté lors de la culture des cellules, tout comme le rapport entre acides gras saturés et polyinsaturés (Chriki et al., 2020a). De plus, les graisses saturées pourraient être remplacées par des oméga-3, meilleurs pour la santé humaine. Néanmoins, ce mécanisme existe déjà de façon indirecte pour la viande, via l'enrichissement de l'alimentation des animaux d'élevage en oméga-3, doublant ainsi la quantité des graisses insaturées dans la viande bovine (et jusqu'à 40 fois plus dans les œufs) (Bourre, 2005).
Pour la supplémentation de la « viande in vitro » en micronutriments comme la vitamine B12 et le fer héminique, exclusivement présents dans les produits animaux, aucune stratégie n’a encore été déclarée par les start-ups travaillant sur cette biotechnologie. En effet, le fer héminique (Fe(II)), par exemple, est ajouté sous forme (Fe(III)) dans le milieu de culture, où il est associé à une protéine : la transferrine (tableau 4). Si celle-ci est surdosée, elle peut endommager les espèces oxydatives (Datar et Betti, 2010).
De plus, l’ajout de ces éléments (protéines, lipides et fer) dans le milieu de culture, ne permettrait pas une future assimilation dans le corps humain (et ainsi tous leurs bénéfices associés) de façon certaine (Chriki et Hocquette, 2020). Autre constat, tout ingrédient ajouté à la « viande in vitro » est susceptible de perdre ses qualités nutritives s’il n’est pas dans sa matrice originelle. Pour cause, le milieu de culture ou les biomatériaux utilisés pourraient inhiber certains effets bénéfiques comme celui du fer (Turgeon et Rioux, 2011).
Des technologies sont encore à développer davantage, comme la co-culture de cellules, puisque les muscles ne sont pas formés uniquement par des myoblastes, la viande étant un muscle contenant aussi des nerfs, du sang et de la graisse. Cette co-culture cellulaire permettrait de produire une viande avec la complexité et le goût qu'on lui connait actuellement, en donnant la possibilité qui reste à vérifier d'une viande meilleure pour la santé humaine que celle provenant des animaux (Hocquette, 2016). Depuis son lancement en 2017, la start-up israélienne Aleph Farms produit justement de la viande grâce à la co-culture de fibres musculaires, vaisseaux sanguins, tissus adipeux et tissus conjonctifs (Vitard, 2020a). Idéalement, la culture doit en effet associer fibroblastes, myoblastes et adipocytes, avec des stimulations mécaniques ou électriques pour améliorer la structure et donc la qualité des tissus produits (Fraeye et al., 2020). D'un point de vue sanitaire, une vigilance doit être maintenue puisque l'ajout d'antibiotiques dans le milieu de culture pour éviter des contaminations, ou de fongicides pour éviter l'apparition de champignons est nécessaire. Enfin, lorsque les cellules se multiplient un très grand nombre de fois, une dérive génétique est envisageable, un matériel génétique n'étant jamais fiable à 100 % (Chriki et al., 2022 ; Ong et al., 2021).
C'est dans ce cadre qu'une récente expertise de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)[9] a, sur la base d'une revue de la littérature, conclu que « la plupart des dangers potentiels pour la sécurité sanitaire, tels que la contamination microbiologique et les problèmes de résidus et d'allergènes, ne sont pas nouveaux, de sorte que des outils d'atténuation des risques sont disponibles » (Hocquette et al., 2023).
Tableau 4. Qualités nutritionnelles de la « viande in vitro » (VIV) comparées à celles de la viande.
Indicateurs |
Viande |
« Viande in vitro » (VIV) |
Sources |
---|---|---|---|
Quantité de protéines |
18 - 75 |
(Contenu ajouté) |
VIV : Datar et Betti (2010) |
Digestibilité |
95 – 98 % |
|
VIV : Datar et Betti (2010) |
b. Qualités organoleptiques
À l'instar des qualités nutritionnelles, le succès de la « viande in vitro » repose sur sa capacité potentielle à mimer la viande en termes d'apparence, d'odeur, de texture et surtout de goût (Pandurangan et Kim, 2015 ; tableau 5). Logiquement, la « viande in vitro » aurait le même aspect et la fermeté que celle des animaux en suivant le processus biologique suivant : myoblastes, puis myotubes, puis fibres musculaires, muscle et enfin viande après la phase de maturation. Cependant, il n'y a pas consensus sur cette vision dans la mesure où l'étape « maturation » est souvent oubliée par les start-ups (Chriki et Hocquette, 2020). De plus, en l'absence d'un réseau fin de capillaires et avec une diffusion limitée de l'oxygène, le processus donne seulement la possibilité d'assembler des fibres de faible épaisseur, plus proches en terme visuel de la lamelle de carpaccio que de l'entrecôte (Chriki et al., 2020a ; Fraeye et al., 2020).
Pour ce qui est de l'apparence et la couleur, il serait possible d'obtenir le même visuel que la viande issue d'élevage, grâce à l'ajout de sel, d'assaisonnement, de chapelure, de poudre d'œuf blanc ou encore d'un liant (Hocquette, 2016). à nouveau, les avis divergent là-dessus puisque dans la pratique, un panel composé de consommateurs à Londres en 2013 avait attribué une couleur pâle à la « viande in vitro » (Bhat et al., 2015), en lien avec la faible quantité voire l'absence de myoglobine (pigment musculaire), qu'il faudrait ajouter de manière artificielle au milieu de culture (Fraeye et al., 2020).
Enfin, la saveur et le goût seraient les qualités organoleptiques les plus difficiles à reproduire in vitro (Pandurangan et Kim, 2015). Ces qualités sensorielles se développent lors de la maturation de la viande, grâce aux réactions de Maillard (principalement générées lors de la cuisson) entre les acides aminés et les sucres. Ce phénomène est ignoré par les start-ups qui souhaitent produire la « viande in vitro », d'où l'assaisonnement important du premier « burger artificiel » produit en 2013, avec de la chapelure, du jus de betterave, du safran ou encore de la poudre d'œuf (Ben-Arye et Levenberg, 2019 ; Chriki et al., 2020b). Par ailleurs, un changement des composantes lipidiques (telles qu'une augmentation dans la « viande in vitro » d'oméga-3 à la place des graisses saturées) augmenterait le phénomène de rancissement lui-même atténué dans la viande par la présence d'antioxydants naturels issus de l'alimentation des animaux notamment lorsqu'elle est à base d'herbe. Cette oxydation des graisses peut aboutir sur un goût âcre et désagréable pour le consommateur. Ainsi, il est difficile de créer in vitro un produit identique à celui in vivo (Chriki et Hocquette, 2020).
De plus, il est encore plus illusoire d'imaginer pouvoir reproduire la diversité des viandes, par exemple blanches ou rouges en fonction des espèces (volailles, porcs, ruminants) ou encore à griller, rôtir ou bouillir en fonction de la position anatomique des muscles chez l'animal vivant. Cette diversité naturelle des viandes s'explique par la variabilité de la teneur et des caractéristiques du collagène et des lipides intramusculaires, et aussi par la diversité des fibres musculaires (lentes oxydatives, oxydo-glycolytiques ou rapides glycolytiques) en fonction des races animales, des espèces et des muscles (Chriki et al., 2013). Cela suppose la capacité des start-ups à réaliser des co-cultures à large échelle et dans des conditions variées. Au-delà de reproduire la diversité des viandes, il est important de rappeler que plus de 50 % de la viande consommée l'est sous forme hachée et/ou dans les produits transformés, ce qui représente un marché important pour la future « viande in vitro » (Chriki et al., 2020c).
Tableau 5. Qualités organoleptiques de la « viande in vitro » (VIV) comparées à celles de la viande.
Indicateurs |
Viande |
« Viande in vitro » (VIV) |
Sources |
---|---|---|---|
Flaveur |
Côté fumé de la viande |
Les réactions de Maillard sont oubliées |
VIV : (Chriki et al., 2020a), |
Texture |
Texture fibreuse et juteuse |
Texture moins épaisse dû à l’assemblage |
VIV : (Chriki et al., 2020a), |
2.2. Disposition à payer et influences culturelles
À l'inverse des analogues végétaux, la « viande in vitro » est une solution récente pour répondre aux enjeux de sécurité alimentaire, tout en étant présentée en capacité de préserver l'environnement et le bien-être animal, points de débats dans le cadre de l'élevage moderne (Pulina et al., 2022). Si elle ne représente pas encore un marché mondial chiffrable actuellement, ses promoteurs lui prévoient 35 % des parts de marché de la viande d'ici 2030 à 2040 (Vitard, 2020b). Elle est entièrement le fait de secteurs privés (58 start-ups en 2020, mais peut-être autour de 90 aujourd'hui, principalement dans le secteur du poisson et du poulet) (Guan et al., 2021 ; Letti et al., 2021). Dans le règlement d'étiquetage européen INCO, la « viande in vitro » n'est pas reconnue comme de la viande. Aux USA, en novembre 2022, dans le cadre d'un « processus de consultation préalable à la commercialisation » pour la société Upside Foods (anciennement Memphis Meat), les experts de la FDA (« Food and Drug Administration », l'agence américaine chargée de la sécurité alimentaire) ont déclaré n'avoir « pas d'autres questions pour le moment sur les conclusions relatives à la sécurité sanitaire de la viande cultivée apportée par l'entreprise ». Toutefois, cette déclaration/approbation ne signifie pas pour autant que la « viande in vitro » en général soit absolument sans danger pour toujours (Hocquette et al., 2023). En Europe, la « viande in vitro » entre dans la catégorie des nouveaux aliments ou « Novel Food » selon la réglementation communautaire. Par ailleurs, la reconnaissance au niveau réglementaire n'est pas le seul frein à son évolution puisque malgré une baisse depuis 2013 (250 000 € les 142 g), le prix reste toujours très élevé : environ 46 € la lamelle de 5 mm d'épaisseur (Chriki et al., 2020b). La disposition du consommateur à acheter cette viande encore « non commercialisée » dépendra, tant de la réglementation que du prix ou de ses qualités potentielles.
En termes d'acceptation par les consommateurs, la « viande in vitro » se situe en deuxième position bien après les analogues végétaux et devant les insectes, selon plusieurs auteurs (Onwezen et al., 2021). L'acceptation de la « viande in vitro » diffère selon les traditions et modes de vie de chaque pays. Une étude montre que les intentions d'achat de « viande in vitro » sont plus marquées en Chine (59 %) et en Inde (56 %) qu'aux USA (30 %) (Bryant et al., 2019). Pour la « viande in vitro », des consommateurs indiens n'étaient prêts à ajouter que 0,67 €/kg supplémentaires par rapport à la viande (Arora et al., 2020). Ces résultats s'expliquent par le faible développement de cette alternative, mais restent encourageants puisque cette même étude montrait une DAP négative pour le chana (une sorte de pois chiche utilisé en Inde). Pour espérer doubler les parts de marché, il faudrait une baisse de de 95 % du prix de la « viande in vitro » alors que la baisse est estimée à seulement 65 % pour les analogues végétaux (Arora et al., 2020) (tableau 6). Dans une étude suédoise, la DAP d'un « hamburger de culture » est similaire à celle des substituts végétaux, c'est-à-dire de 2/3 le prix du burger à base de viande, faisant passer le prix de 15 à 9,4 €. Cependant, le taux de personnes ayant refusé d'acheter un burger contenant de la « viande in vitro », quel que soit son prix, est beaucoup plus élevé. Ainsi, la DAP moyenne tombe à seulement 4,8 € si on prend en compte ces personnes (Carlsson et al., 2021). Une étude menée en 2015 à une échelle mondiale révèle un fort scepticisme des consommateurs de différents pays, avec seulement 20 % qui se déclarent prêts à consommer régulièrement de la « viande in vitro », 50 % se déclarant contre (préférant réduire leur consommation de viande), et 30 % indécis (Hocquette et al., 2015). Une récente étude en France va dans ce sens, puisque la majorité (entre 65,4 et 70,2 % selon les groupes de consommateurs) préfère payer moins cher à beaucoup moins cher la « viande in vitro » par rapport à celle issue d'élevage (Hocquette et al., 2022). Une grande proportion d'indécis est présente dans ces études, et s'explique par le fait qu'une majorité de consommateurs serait prête à goûter le produit une fois, sans en consommer de façon régulière (Wilks et Phillips, 2017 ; Weinrich et al., 2020 ; Chriki et al., 2021).
De manière générale, la familiarité avec le produit (déjà entendu, vu, ou goûté), ainsi que l'expérience avec d'autres alternatives protéiques, affectent significativement la DAP. Un manque de familiarité entraine un rejet pour la « Novel Food » induisant ainsi une baisse de la DAP (Liu et al., 2021). C'est la « néophobie ». Il est observé, par ailleurs, que les consommateurs réguliers de viande, sont plus réceptifs à la « viande in vitro » (Gousset et al., 2022). Ainsi, la DAP est proportionnelle à l'attachement à la viande. De ce fait, la dénomination « viande » pourrait être un réel atout pour augmenter l'acceptabilité du produit (Chriki et al., 2022) bien que cette dénomination soit contestée (Hopkins, 2020), et contestable (Bidaud, 2021). D'ailleurs, lors de la récente consultation d'experts (susmentionnée) organisée par la FAO, les scientifiques ont également réfléchi à la terminologie à utiliser pour caractériser ces nouveaux produits. Le terme choisi par la FAO est « aliments cellulaires » (« cell-based food » en anglais).
Selon les études, le genre a une influence variable sur l'acceptabilité des consommateurs de la « viande in vitro ». En effet, une étude belge a conclu que les hommes présentent une DAP plus élevée que les femmes (Bryant et Sanctorum, 2021). À l'inverse, en France, les femmes semblent plus enclines à consommer de la « viande in vitro » que les hommes, car plus préoccupées par les enjeux environnementaux (Hocquette et al., 2022). Plusieurs études (Bryant et Sanctorum, 2021 ; Chriki et al., 2021) montrent une DAP plus élevée chez les jeunes consommateurs ce qui confirme la meilleure acceptation chez les jeunes consommateurs et les citadins (Hocquette et al., 2015). Cela s'explique par le fait que les ruraux sont davantage préoccupés par les effets négatifs que pourrait avoir l'augmentation de la consommation de « viande in vitro » sur l'agriculture traditionnelle (Shaw et Mac Con Iomaire, 2019). Si les motivations environnementales sont un des moteurs principaux avec le bien-être animal pour l'acceptation de cette alternative dans l'étude d'Onwezen et al. (2021), cela n'est le cas dans d'autres études où les critères liés à la santé et à la satisfaction des besoins nutritionnels semblent plus importants pour les consommateurs (Liu et al., 2021).
D'autres travaux mettent en avant l'influence positive d'une description préliminaire et positive de la « viande in vitro » sur la DAP (Rolland et al., 2020), pourvu qu'elle soit « non technique » et qu'elle se focalise sur le produit final. Moins le consommateur a confiance en la science et la biotechnologie, moins il sera enclin à acheter ou consommer de la « viande in vitro » (Onwezen et al., 2021). Par ailleurs, d'autres études mettent en avant l'effet positif des allégations évoquant les avantages sociétaux (sanitaires par exemple avec le mot « clean meat ») (Rolland et al., 2020) à l'inverse de l'aspect « high tech », ayant une connotation plus négative pour certains consommateurs. Cet aspect artificiel de la « viande in vitro » a été largement relayé par la presse et mis en évidence dans une étude bibliométrique (Chriki et al., 2020a). Tandis que les articles scientifiques parlent de viande « in vitro » ou « de culture », les articles de presse, beaucoup plus nombreux, parlent plutôt de « fake meat » ou de « lab meat » (Chriki et al., 2020a).
Tableau 6. Disposition à payer pour la « viande in vitro » (VIV).
Indicateurs |
« Viande in vitro » |
Sources |
|
---|---|---|---|
Consentement |
DAP négative |
– 10,2 € pour un hamburger de culture |
VIV : (Chriki et al., 2020a) |
DAP positive |
+ 0,67 €/kg (Inde) |
VIV : (Arora et al., 2020) |
3. Les insectes
3.1. Analyse des qualités intrinsèques
Utilisés depuis l'Antiquité dans l’alimentation humaine, les insectes sont aujourd’hui régulièrement consommés dans certaines régions du monde telles que l’Afrique, l’Asie, l’Amérique du sud et l’Australie. En revanche, l’émergence de l’entomophagie est beaucoup plus récente en Occident. En effet, l’idée même de manger des insectes ou des larves révulse les consommateurs occidentaux (Wang et Shelomi, 2017).
Des milliers d'espèces d'insectes sont consommables, mais les principales sont les criquets, les sauterelles, les termites, les fourmis, les coléoptères, les abeilles, les guêpes et les chenilles. Ces insectes se consomment soit en tant que partie intégrante de la ration, soit en tant qu'ingrédient de préparation (Bukkens, 1997). Aussi, leurs qualités, qu'elles soient nutritionnelles ou organoleptiques, dépendent de plusieurs facteurs comme l'espèce d'insecte, son genre, son stade de développement, le substrat organique sur lequel il est élevé et son environnement (lié en partie à la saison) (Bukkens, 1997 ; Abd El-Hack et al., 2020 ; Chriki et al., 2023).
a. Qualités nutritionnelles
Les insectes sont majoritairement composés de protéines et de graisses, mais aussi de fibres et de cendres (Rumpold et Schlüter, 2013). Leur teneur en protéines est comparable à celle de la viande (18-75 g/100 g de Matière Sèche (MS)) puisqu'elle varie de 20 à 72 g/100 g MS selon les espèces (Bukkens, 1997 ; Makkar et al., 2014 ; De Marco et al., 2015 ; Abd El-Hack et al., 2020) (tableau 7). Elle est même supérieure selon certains auteurs, avec 81 g/100 g MS (Kouřimská et Adámková, 2016), voire plus (91 g/100 g MS), selon d'autres (Huis, 2016).
La chitine réduit la digestibilité des protéines des insectes (Marono et al., 2015 ; Chriki et al., 2023), mais elle augmente le contenu en fibres et possède des propriétés antivirales et antibactériennes intéressantes (Dicke, 2018). Il y a peu de travaux sur la digestibilité des protéines provenant d'insectes, mais certains montrent de bons résultats. Par exemple, on observe 85,8 % de digestibilité protéique sur les chenilles Conimbrasia belina (Bukkens, 1997). Les travaux s'accordent en moyenne sur une digestibilité entre 76 et 96 %, légèrement plus faible que celle des œufs (95 %) et de la viande de bœuf (98 %) (Kouřimská et Adámková, 2016). La suppression de la chitine via un traitement alcalin est une solution efficace pour augmenter la digestibilité des protéines d'insectes jusqu'à atteindre plus de 98 % (Rumpold et Schlüter, 2013).
Tous les travaux ne s'accordent pas sur les teneurs en acides aminés indispensables (Chriki et al., 2023), puisqu'elles dépendent principalement de l'espèce considérée (Makkar et al., 2014 ; Lalander et al., 2019). Dans certaines espèces d'insectes les acides aminés limitants sont le tryptophane et la lysine (Bukkens, 1997), dans d'autres la méthionine et la cystéine (Rumpold et Schlüter, 2013) ou encore l'arginine (Gasco et al., 2018). De manière générale, les acides aminés indispensables représentent 46 à 96 % de la quantité totale d'acides aminés chez les insectes (Kouřimská et Adámková, 2016).
Par ailleurs, les insectes sont souvent riches en graisses, avec 50 g/100 g MS pour les chenilles, les coléoptères et les termites. La teneur en graisses est plus faible et davantage variable pour les fourmis, les sauterelles et les criquets (Kouřimská et Adámková, 2016). Quelle que soit l'espèce, le profil lipidique est influencé par la plante sur laquelle ont été collectés les insectes, et dépend de leur environnement et de leur alimentation (Bukkens, 1997 ; Chriki et al., 2023). Il en résulte plus de variabilité que pour le contenu protéique, puisqu'elle représente entre 2 et 50 % de la MS. En comparaison, selon le Centre d'Information des Viandes (CIV), la viande contient généralement entre 2 et 17 % de lipides. Au sein d'une même espèce d'insecte, une variabilité existe aussi en fonction du stade de développement puisque les larves, plus lourdes, contiennent plus de lipides (notamment saturés) que les adultes (Ewald et al., 2020 ; Chriki et al., 2023). De plus, le rapport entre acides gras insaturés et saturés est supérieur à celui de la viande issue d'élevage, ce qui est un avantage pour le consommateur sur le plan nutritionnel (Rumpold et Schlüter, 2013).
En ce qui concerne les micronutriments, les insectes sont une bonne source de fer et de vitamine B, mais leurs biodisponibilités respectives restent difficiles à déterminer. Ces recherches sont d'autant plus importantes que les déficits en fer, qui sont à l'origine de la moitié des cas d'anémie, constituent avec la malnutrition protéique l'un des troubles nutritionnels majeurs dans le monde. On estime à 2 milliards dans le monde les personnes concernées par un déficit en fer (Camaschella, 2015), que l'on essaye généralement de corriger en consommant de la viande rouge (Lecerf, 2020). Si des études montrent une teneur en calcium supérieure à celle la viande (Bukkens, 1997), d'autres en revanche réfutent ce fait puisque les insectes sont des invertébrés (Huis, 2016). Par ailleurs, le contenu en vitamines et minéraux varie selon l'espèce, la saison et l'alimentation des insectes (Abd El-Hack et al., 2020).
Enfin, d’un point de vue sanitaire, il convient d’être vigilant puisque certains insectes produisent ou contiennent des composants toxiques bioactifs, des résidus de pesticides ou des métaux lourds, sources de réactions allergiques dangereuses (Kouřimská et Adámková, 2016). Ainsi, à l’instar des plantes et des animaux, tous les insectes ne sont pas bons à manger. À faibles doses, certaines espèces d’insectes contiennent aussi des facteurs antinutritionnels (Rumpold et Schlüter, 2013).
Toutes ces notions prennent en compte l’insecte entier comestible, mais ce dernier peut également faire partie d’une recette en tant qu’ingrédient. Par exemple, des pâtes aux œufs turques ont été réalisées soit avec de la farine d’insectes (vers de farine, sauterelles) soit avec de la farine végétale (lentilles, haricots blancs). Les résultats montrent que les produits à base de farines d’insectes sont plus riches en protéines et en fibres brutes. Le seul frein était une augmentation du taux d’humidité des produits à base d’insectes, et par la même occasion une moins bonne conservation du produit fini (Çabuk et Yılmaz, 2020).
Tableau 7. Qualités nutritionnelles des insectes comestibles (IC) comparées à celles de la viande (V).
Indicateurs |
Viande (V) |
Insectes (IC) |
Sources |
---|---|---|---|
Quantité de protéines (g/100g) |
18 - 75 |
20 - 91 |
IC : (Bukkens,1997) |
Digestibilité des protéines (%) |
95 - 98 % |
76 - 96 % |
IC : Rumpold et Schlüter (2013) |
b. Qualités organoleptiques
Dans cet article, seules la flaveur et la texture sont passées en revue pour les insectes consommés en tant qu'aliment entier. La couleur n'est pas traitée ici, car l'insecte garde généralement son aspect d'origine, même si la cuisson est susceptible d'en modifier l'apparence. Chez les insectes, la saveur dépend de l'espèce, des phéromones produites, du stade de développement, de l'environnement, de l'alimentation ainsi que du mode de cuisson (Mishyna et al., 2020). En général, un goût « doux » et « de noisette » prédomine mais des arômes très variés de viande, de poisson, de pomme, de champignon ou encore de pomme de terre peuvent lui être associés (Kouřimská et Adámková, 2016) (tableau 8). Pour donner quelques exemples illustrant cette diversité, les abeilles ont un goût dont les notes sont proches de la noix et des herbes (Mishyna et al., 2020). La cuisson à la vapeur, le mijotage ou le pochage vient atténuer les saveurs de base tandis que la cuisson sèche fait apparaître de nouvelles saveurs « de viande » et « de champignon ». La saveur des fourmis diffère selon l'espèce : les fourmis des bois (Formica rufa) ont une saveur de citron carbonisé, tandis que les fourmis charpentières (Lasius fuliginosus) ont une saveur de citron vert (Mishyna et al., 2020). Dégustée frite ou rôtie, la termite procure au consommateur la saveur appréciée de « noisette » (Mishyna et al., 2020). La mouche soldat noire (Hermetia illucens), très étudiée dans le cadre de l'alimentation des poulets (Makkar et al., 2014 ; Abd El-Hack et al., 2020 ; Chriki et al., 2023), possède les mêmes arômes que la farine de poisson, mais son huile a un goût plus terreux (Mishyna et al., 2020). Enfin, la larve de vers de farine donne une saveur sucrée de noisette et une odeur de cacao, avec une alimentation basée sur les céréales, mais donne un arôme terreux quand elle est nourrie à l'herbe (Mishyna et al., 2020). La flaveur peut être positivement modifiée lors de la préparation par l'ajout de sel, de sucre ou de sauce soja. Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte les différences entre pays et entre les consommateurs en termes de préférences organoleptiques. Par exemple, la guêpe au stade adulte contient des apitoxines produisant une saveur désagréable, mais représente un excellent aliment de guérison. Quant aux fourmis, elles ont en général une forte acidité qui convient parfaitement en tant qu'épice ou assaisonnement (Mishyna et al., 2020).
Au niveau de la texture, l'insecte va du « croustillant » au « moelleux ». Cela dépend de l'exosquelette de l'espèce (et intrinsèquement son stade), des parties non consommables qui doivent être enlevées ainsi que du type de cuisson utilisé (Kouřimská et Adámková, 2016 ; Mishyna et al., 2020).
Si l'insecte est considéré en tant qu'ingrédient d'une préparation, il peut apporter des modifications à sa matrice, que ce soit au niveau de sa couleur, de sa flaveur ou bien de sa texture. Ainsi, l'utilisation de couvains d'abeilles en alternative à la sauce soja dans une formulation, donne une couleur dorée, claire transparente, un arôme « noisette », ainsi que des notes d'herbe et de viande. L'incorporation de farine de criquet change les propriétés du riz brun devenant ainsi plus foncé avec une texture plus adhésive et une flaveur de poisson. En comparant trois « burgers » avec des bases différentes (insectes, analogues végétaux, viande), celui à base d'insectes est désigné « plus sec » et « moins juteux » (Mishyna et al., 2020). Il est observé que plus les pâtes sont enrichies en poudre d'insectes (5 g/100 g, 10 g/100 g), plus elles sont appréciées par les consommateurs du panel, et ce même si elles sont plus sèches, dures et foncées. L'étude fait l'hypothèse que cela permet de cacher le goût du sarrasin peu apprécié (même s'il est bon pour la santé) et pourrait servir à rendre plus agréables d'autres aliments dont le goût déplait (Biró et al., 2019).
D'autres travaux montrent des résultats moins concluants, c'est le cas par exemple avec un yaourt hautement protéiné contenant de la poudre de sauterelle (0,5, 1 ou 2 %). Plus la quantité de poudre est augmentée, plus l'amertume, l'intensité de la couleur blanche et la consistance du yaourt sont élevées. À l'amertume désagréable s'ajoute une baisse d'intensité des saveurs, rendant le yaourt enrichi moins bon aux yeux des consommateurs (Kim et al., 2017). Enfin, une espèce d'insecte peut s'associer à une recette mieux qu'une autre. Dans le cas, par exemple, des pâtes aux œufs turques, les qualités organoleptiques sont meilleures lorsque le ver de farine (ou ténébrion meunier) est inclus dans la préparation sous forme de farine par rapport à la sauterelle (Çabuk et Yılmaz, 2020).
Par ailleurs, il faut souligner que la perception des qualités organoleptiques de ce genre d'aliments est influencée par plusieurs facteurs externes. La familiarité avec les insectes en tant que nourriture (expériences passées) entraîne un score d'évaluation plus élevé. Cependant, des informations préliminaires sur la dégustation d'insectes peut diminuer ce score (déception, dégout). Le genre du consommateur affecte aussi les résultats, avec de meilleurs scores chez les femmes que chez les hommes (Barsics et al., 2017).
Tableau 8. Qualités organoleptiques des insectes comestibles (IC) comparées à celles de la viande.
Indicateurs |
Viande |
Insectes (IC) |
Sources |
---|---|---|---|
Flaveur |
Avoir le côté fumé |
Des arômes « doux » et « de noisette » prédominent |
IC : (Kouřimská et Adámková, 2016) |
Texture |
Texture fibreuse et juteuse |
Textures allant du croustillant au moelleux. |
IC : (Mishyna et al., 2020) |
3.2. Disposition à payer et influences culturelles
Les insectes comestibles font face à deux principaux freins qui empêchent le développement de leur marché : i) leur non-acceptation sociale dans les pays peu habitués, et ii) les aspects règlementaires. Au niveau mondial, le marché des insectes était estimé en 2019 à environ 500 millions de dollars (soit un peu plus de 400 millions d’€) et devrait croître avec un taux annuel de 19,7 % jusqu’en 2025 (Businesscoot, 2020).
En occident, même si l'intérêt à consommer des insectes est grandissant, beaucoup de réactions sont animées par un sentiment de dégoût ou de rejet. Il a été mis en avant relativement tôt, dans la littérature scientifique, qu'une information préalable sur les effets positifs des insectes, leur utilisation dans des aliments familiers et l'assurance qu'ils ne soient pas visibles entiers augmentent la volonté de les consommer (Lombardi et al., 2019). Une étude réalisée en Italie sur 200 individus à qui on a proposé trois différents produits familiers à base d'insectes, a évalué la DAP par rapport aux produits conventionnels. Si la DAP augmente de 0,89 % pour les pâtes enrichies aux insectes, elle diminue de 9,4 % pour les cookies et jusqu'à 13 % pour la barre chocolatée (Lombardi et al., 2019). Toutefois, avec des informations à la fois sur les bénéfices pour la société et pour les individus, les cookies (paquet de 250 g) enrichis aux insectes gagnent jusqu'à 8 centimes, les pâtes (paquet de 500 g) jusqu'à 10 centimes, et la barre chocolatée (100 g) jusqu'à 15 centimes. Le genre des consommateurs n'affecte pas significativement la DAP, contrairement à l'âge. En effet, les jeunes ont davantage tendance à vouloir essayer les nouveaux produits (Bogueva et Marinova, 2020 ; Chriki et al., 2021). La DAP est négativement affectée par une aversion (phobie) envers les insectes (morts ou vivants) ainsi que plus globalement par la néophobie. La différence observée entre les pâtes et les sucreries s'explique par la dimension hédonique de ces dernières. Les sucreries ayant une valeur affective plus forte que les pâtes, cela entraine un rejet plus important des consommateurs à l'idée d'y ajouter des insectes (Lombardi et al., 2019).
Dans une étude menée sur 3 091 individus issus de différents pays (y compris la France), sur une échelle de 1 à 5 (1 = pas du tout d'accord ; 5 = tout à fait d'accord), les individus interrogés répondent positivement aux trois possibilités et se disent prêts à « essayer » à 1,92, « acheter » à 1,67 et « payer plus » (DAP) à 1,27 (de Koning et al., 2020) (tableau 9). Cependant, on observe que les consommateurs sont davantage prêts à essayer le produit, plutôt qu'à l'acheter au même prix qu'en conventionnel. Ils semblent encore moins disposés à le payer plus cher. Aussi, les insectes ont une moins bonne DAP que les analogues végétaux (située à 1,7) (de Koning et al., 2020).
Contrairement aux deux précédents substituts étudiés (analogues végétaux et « viande in vitro »), l'attachement à la viande n'affecte pas la DAP des aliments à base d'insectes. Cependant suivre un régime végétarien et un style de vie « sain » a un effet positif sur la DAP, notamment chez les hommes qui semblent plus enclins à accepter les insectes (Onwezen et al., 2021). La familiarité, quant à elle, apparait comme le meilleur moteur pour motiver le consommateur à consommer voire payer plus pour des insectes comestibles, ou bien des aliments enrichis en insectes. Enfin, dans certains cas, augmenter le prix du produit final semble être un gage de qualité qui rassure le consommateur (Onwezen et al., 2021).
L'intégration des insectes en tant qu'ingrédient et non en tant qu'aliment seul réduit les réactions phobiques. À titre d'illustration, l'inclusion d'ingrédients à base d'insectes dans un pain démontre l'importance de la dimension psychologique dans l'acceptation des consommateurs. En effet, lorsque le consommateur est au courant de la composition du pain (et donc de la présence des insectes), il donne de meilleurs scores au pain normal, alors qu'en ne sachant rien, il favorise le pain aux insectes (Barsics et al., 2017). Ce travail confirme également une meilleure acceptabilité s'il existe une expérience ponctuelle passée avec les insectes, d'autant plus pour les femmes. En revanche, cette étude se focalise surtout sur les effets à court terme, mais moins sur les effets à long terme tels que l'expérience et la familiarité qui ont cependant été déjà beaucoup étudiés (Barsics et al., 2017).
Les qualités nutritionnelles et organoleptiques, influencées par le mode de production de l'insecte, le type de process lors de la transformation et l'utilisation d'autres ingrédients, influencent fortement l'acceptabilité des consommateurs occidentaux. Ces derniers accordent une haute importance au contenu protéique, à la qualité et à la sécurité sanitaire ainsi qu'aux produits dits ou perçus comme « naturels » (Mishyna et al., 2020).
Tableau 9. Disposition à payer pour les insectes comestibles.
Indicateurs |
Insectes |
Sources |
|
---|---|---|---|
Consentement |
Payer le même prix |
1,67 |
|
Payer plus (1 à 5) |
1,27 |
Conclusion
Du point de vue des qualités nutritionnelles et organoleptiques, la « viande in vitro » et certaines espèces d’insectes peuvent prétendre atteindre, voire dépasser, les teneurs en protéines de la viande. Ces apports en protéines sont généralement plus faibles dans les analogues végétaux. Cependant, ces données sont à nuancer par la digestibilité protéique, encore peu connue et qui mériterait davantage de travaux.
Quelle que soit l’alternative étudiée, le contenu en graisses apparaitrait de meilleure qualité (en raison de teneurs plus élevées en acides gras insaturés qui sont soit ajoutés artificiellement pour la « viande in vitro » et les analogues végétaux, soit naturellement présents pour les insectes).
Pour les micronutriments, les données montrent en revanche de moins bons résultats. Si au niveau du fer les quantités sont satisfaisantes, la biodisponibilité de ce dernier reste un facteur limitant puisqu’il est moins digestible car non-héminique dans les végétaux. L’ajout de fer héminique (Fe(III)) et de transferrine dans la « viande in vitro » est nécessaire. En revanche, aucune donnée n’existe chez les insectes à ce jour. Enfin, la vitamine B12, essentielle dans l’alimentation humaine, est absente dans les produits végétaux, ainsi que -très probablement- dans la « viande in vitro », et sa biodisponibilité est à nouveau inconnue pour les insectes.
En ce qui concerne la qualité sensorielle, les analogues végétaux parviennent à imiter la viande, notamment grâce aux nouvelles technologies agroalimentaires. C’est également possible par l’ajout d’assaisonnements, d’épices, d’arômes et autres exhausteurs de goût. Les futurs enjeux seront de masquer davantage le goût herbeux, de reproduire encore plus fidèlement les fibres, de conserver le goût recherché dans un contexte complexe de repas (sauces, soupes) et d’avoir une couleur qui ne varie pas rapidement au contact de l’air et de la lumière quelle que soit la technique de cuisson utilisée. Pour la « viande in vitro », les contraintes sont plus fortes, puisque le consommateur s’attend à retrouver les mêmes sensations procurées par une viande issue d’élevage. L’enjeu futur sera de dépasser la limite technologique et réussir à généraliser la co-culture pour reproduire au mieux la diversité et la complexité des viandes. Enfin, pour les insectes, en tant qu’aliments sous forme entière, ils ne se rapprochent pas du tout de la viande. Cependant, utilisés en tant qu’ingrédients, leur diversité d’espèces offre une palette d’outils organoleptiques susceptibles d’améliorer des recettes déjà existantes.
Du point de vue sanitaire, il est important de souligner que les analogues végétaux et la « viande in vitro » sont issus de process industriels, avec divers ajouts de natures différentes. L’ajout de nombreux exhausteurs, additifs et liants dans les analogues végétaux en font des produits ultra-transformés, dont découle généralement une longue liste d’ingrédients. La « viande in vitro » quant à elle, peut faire l’objet de traitements antibiotiques, d’ajout d’hormones, de fongicides, ou encore d’une potentielle dérive génétique puisqu’elle implique l’utilisation de matériel vivant. Les insectes ne sont pas non plus sans dangers : composants toxiques bioactifs, résidus de pesticides ou de métaux lourds, ou encore facteurs antinutritionnels. Ils sont aussi potentiellement source de réactions allergiques dangereuses.
Par ailleurs, il n’est pas possible de traiter les substituts à la viande sans évoquer la question environnementale. A ce sujet les avis sont mitigés. L’élevage bien qu’il consomme une grande quantité d’eau douce et génère des gaz à effet de serre notamment du méthane (CH4), permet également de rendre de nombreux services environnementaux et de stocker le carbone. La « viande in vitro », souvent désignée comme écoresponsable (le terme « clean meat » pour « viande propre » étant utilisé dans ce sens), n’est pas dépourvue d’émissions, même si les quantités émises en équivalent CO2 semblent plus limitées (une absence de consensus sur ce point peut toutefois être notée). Ainsi, le recours aux énergies fossiles n’est pas négligeable pour la production de la « viande in vitro », ne serait-ce que pour porter à température physiologique les incubateurs dans lesquels se multiplient les cellules. Or, si l’impact environnemental du CH4 à court terme est largement négatif, il ne faut pas négliger que le CO2 émis par les bioréacteurs a une demi-vie significativement plus longue, et persistera donc plus longuement dans l’atmosphère, réduisant ainsi l’avantage de la « viande in vitro » sur le long terme. De plus, toutes les alternatives feront l’objet de transformations, d’emballages et de transports. À titre d’exemple, le transport est plus polluant à ce jour que l’élevage (en prenant en compte les émissions directes et indirectes).
Concernant la disposition à payer, elle est influencée par des facteurs directement liés au produit lui-même, mais aussi au consommateur (facteurs psychologiques, physiques) ainsi que son environnement (facteurs culturels). Pour les protéines végétales, l’enjeu futur sera de réussir à convaincre une partie de la population ayant un attachement fort à la viande, notamment les hommes, et ceux ayant une néophobie alimentaire ou technologique. Pour la « viande in vitro », le défi sera de baisser le prix encore inaccessible pour la majorité, à ce jour. Il faudra aussi convaincre la population détachée ou dégoutée de la viande, ainsi que tous les néophobes. Enfin, les produits à base d’insectes devront relever la barrière psychologique présente dans les pays occidentaux, peu habitués à l’entomophagie. Pour cela, l’utilisation en tant qu’ingrédient incorporé dans des plats familiers est une bonne stratégie, et le soutien des autorités publiques serait indispensable au développement de la consommation d’insectes. Certaines études projettent un marché mondial de la viande poursuivant sa décroissance au moins jusqu’en 2040, au profit des analogues végétaux et de la « viande in vitro ». Certains prévoient le développement des produits mixtes mélangeant diverses sources de protéines (par exemple végétales et de culture). D’autres prévisions, au contraire, sont pessimistes par rapport à la « viande de culture », au profit des insectes comestibles.
D’autres alternatives voient le jour et devront être étudiées. C’est le cas par exemple de la viande issue d’animaux génétiquement modifiés, ce qui permettrait de produire plus de viande avec moins d’animaux élevés. On parle également, depuis peu, de la viande imprimée en 3D dont la dénomination abusive de viande ne traite en fait que de produits végétaux dont l’assemblage se rapproche au mieux de la texture et l’apparence d’une viande. La « viande in vitro » figure parmi les matières premières sélectionnées pour produire une « viande in vitro 3D » ! Un prototype de ce produit a été proposé au Japon à la fin de l’année 2021. Enfin, tous ces produits devront se faire une place à côté des produits issus de nouvelles pistes en cours d’exploration : algues, mycoprotéines, protéines issues de la fermentation de précision, etc. Demain, en effet, les comparaisons se feront moins entre viande et ses substituts mais plutôt entre toutes ces alternatives aux protéines animales.
Notes
- 1. Bioréacteurs : appelés également fermenteurs, ce sont des appareils permettant de cultiver en masse des organismes d’intérêt (cellules, microorganismes), à des fins alimentaires ou pharmaceutiques.
- 2. Biodisponibilité : terme désignant la proportion d’un nutriment ingéré qui est absorbée par la muqueuse intestinale et qui est donc susceptible d’être disponible pour les besoins du corps. La biodisponibilité dépend des étapes physiologiques permettant aux molécules exogènes (les nutriments en particulier) de parvenir à leur cible.
- 3. Facteurs naturellement présents dans les aliments (surtout végétaux) et pouvant s’opposer à la digestion et à l’absorption de nutriments ou exercer des effets indésirables voire toxiques (ex. les facteurs antitrypsiques des légumes secs, la solanine de la pomme de terre,). Ils sont le plus souvent éliminés par des procédés simples (trempage, cuisson…).
- 4. Noté Fe(II) ou Fe(2).
- 5. Noté Fe(III) ou Fe(3), le fer héminique est présent dans la chair des animaux et a une meilleure biodisponibilité que le fer non héminique (d’origine végétale).
- 6. Le contenu est ajouté car il n’est pas présent naturellement. Cela permettrait de moduler les quantités et donc atteindre voire dépasser celles de la viande.
- 7. Le flexitarisme est un régime alimentaire qui limite la consommation de viande pour des raisons autres que financières. Un flexitarien n’est pas exclusivement végétarien.
- 8. Cette consultation d’experts, à laquelle a participé un des auteurs de cet article, s’est tenue à Singapour en novembre 2022.
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- 94. BOURDREZ V., CHRIKI S., 2022. Qualités nutritionnelle, organoleptique et disposition à payer pour les alternatives à la viande : cas des analogues végétaux, de la « viande in vitro » et des insectes. INRAE Prod.Anim., 35
Résumé
Développer les alternatives à la viande est présenté comme une solution pour renforcer la durabilité de l’alimentation tout en apportant des sources de nutriments indispensables (protéines, micronutriments…), notamment pour des régimes végétariens, végans voire flexitariens. Cela peut aussi permettre une diversification du marché de l’agroalimentaire par une plus grande offre de produits aux consommateurs. Mais d’un point de vue nutritionnel, la digestibilité de certains nutriments reste mal connue, et les process pour reproduire les mêmes qualités organoleptiques que la viande sont en cours de développement. Par ailleurs, d’un point de vue économique, le consentement à payer par le consommateur dépend de plusieurs facteurs. Cet article fait le point sur les travaux menés au niveau mondial, entre 1997 et 2021, portant sur trois alternatives, les analogues végétaux, la « viande in vitro » et les insectes. Les indicateurs suivants sont décrits : i) la qualité nutritionnelle (teneur en protéines et leur digestibilité, quantité de graisses et proportion d’acides insaturés, quantité et biodisponibilité du fer et de la vitamine B12), ii) les qualités organoleptiques, et iii) la disposition à payer. Pour les analogues végétaux, une amélioration de de la qualité nutritionnelle (notamment en fer héminique et vitamine B12) et sensorielle est nécessaire pour séduire une partie de la population fortement attachée à la viande, ainsi que les consommateurs atteints de néophobie alimentaire et/ou technologique. Pour la « viande in vitro », en plus de l’amélioration de sa qualité nutritionnelle, son prix est encore inaccessible au grand public. Enfin, l’incorporation des insectes en tant qu’ingrédients semble plus intéressante pour les consommateurs occidentaux, moins habitués à la consommation des insectes entiers.