Avant-propos
Résumé
La pisciculture est une des activités de production animale parmi les plus diversifiées pour ce qui est des écosystèmes concernés et des niveaux d’intensification, voire la plus diversifiée en terme de nombre d’espèces élevées. Cependant, quelques dizaines d’espèces seulement permettent des productions majeures (FAO 2002). La tendance à une diversification croissante peut s’expliquer par différentes raisons :
- multiplicité des écosystèmes colonisés et, en particulier, développement de la pisciculture marine ;
- réponse à la demande récente du marché pour une diversification des produits allant d’une offre pour marchés «niche» de connaisseurs jusqu’à la mise à disposition de matières premières destinées à la transformation sous toutes ses formes
- nécessité de disposer des espèces les mieux adaptées à la diversité des environnements aquatiques et aux nouvelles techniques d’élevage, mais aussi de répartir les risques pathologiques.
Toutes les analyses et prospectives identifient comme forte cette tendance à accroître le nombre d’espèces élevées, la traduisant parfois comme une demande prioritaire (Anonyme 2002).
Pour accompagner cette évolution, la communauté scientifique a généralement mis en œuvre des démarches de zootechnie expérimentale à partir de quelques espèces de poissons prises comme modèles biologiques. Cette démarche apparaît cependant vite répétitive et atteint d’autant plus ses limites que le nombre d’espèces concernées est important. Des méthodes ont été proposées afin de rendre plus rationnel, et donc plus fiable, le choix d’espèces pouvant faire l’objet de travaux scientifiques (Quéméner et al 2002). Cependant, lorsque la candidature à l’élevage d’une nouvelle espèce est retenue, que ce soit par des méthodes d’analyse rigoureuses ou de manière plus empirique, les démarches zootechniques et expérimentales classiques ne sont plus considérées comme originales et sont de plus en plus difficilement valorisables, d’un point de vue scientifique, jusqu’à ne plus être du ressort des institutions de recherche publiques, mais plutôt de celui de centres techniques (Itavi, Agences régionales de développement, certaines structures d’enseignement …).
Dans ce contexte, la manière dont doit être traitée la question de la diversification des espèces en pisciculture mérite d’être approfondie pour les raisons suivantes :
- dans le cas d’espèces « nouvelles » pour la pisciculture, aucune expérience zootechnique, par essence même, n’existe et généralement très peu de connaissances de nature biologique sont disponibles. Développer de manière systématique des approches classiques pour ces espèces peut nécessiter des moyens de recherche-développement assez considérables ;
- l’importance du champ d’investigation incite au choix d’espèces - modèles ou à la mise en œuvre d’approche générique permettant d’apporter des réponses avec une vision et des retombées les plus étendues possibles ;
- l’élaboration de méthodes rationnelles, optimisées et généralisables devrait permettre d’accélérer un processus de domestication contrôlé, alors qu’aujourd’hui ce processus est plutôt constaté a posteriori ;
- les travaux d’intérêt piscicole à mener présentent l’originalité de permettre une analyse comparée d’animaux en cours de domestication avec les souches sauvages fondatrices restant souvent disponibles.
Les articles de ce numéro spécial s’inscrivent dans cette réflexion. Ils font suite à des communications présentées lors d’un séminaire « Diversification - Domestication » organisé à Nantes les 24 et 25 juin 2003 par l’Inra en collaboration avec l’Ifremer. Reposant sur la confrontation des expériences, son objet était d’explorer l’intérêt et la faisabilité de recherches génériques sur la diversification des espèces de poissons, passant par l’identification d’espèces cibles et modèles, l’analyse des processus biologiques impliqués dans la domestication et l’élaboration de méthodes comparatives pertinentes. Une réflexion sur les systèmes de production - exploitation est menée en parallèle de manière complémentaire.
Une première session était consacrée à la notion de domestication (à quel moment peut-on considérer qu’une espèce est domestiquée ? Qu’est-ce que le processus de domestication ?) et aux critères qui caractérisent une espèce domestiquée par comparaison à la population sauvage d’origine.
Une autre manière d’aborder la domestication (session II) est d’identifier ce que certaines espèces animales ont vécu «entre les mains» de l’homme. Au-delà de l’aléatoire et de l’empirisme, existe-t-il des procédures ou des stratégies convergentes de domestication (capture, échantillonnage, mise en élevage, ajustements des facteurs zootechniques, maîtrise de telle ou telle fonction, sélection ...) ? L’examen de convergences dans les stratégies de domestication au travers d’exemples portant sur différentes filières de production peut nous permettre d’en faire l’analyse.
La mise en œuvre d’approches génériques nécessite de disposer d’espèces modèles pour aborder les possibilités et les contraintes de la domestication chez les poissons. Ceci passe par l’identification de groupes d’espèces ayant des caractéristiques communes et ce pour chacune des fonctions physiologiques susceptibles de répondre à un effort de domestication et/ou de conditionner sa réussite. Si des typologies académiques existent dans la littérature, la session III se voulait davantage une réflexion sur l’établissement de typologies «fonctionnelles» des espèces, fondées sur une démarche comparative et l’utilisation d’exemples concrets de domestications réussies, en cours ou envisageables.
Dans le cas des poissons, une domestication envisagée a priori passe, en particulier pour les espèces «nouvelles », par le prélèvement d’un échantillon du génotype sauvage et, dans la situation la plus contrôlée, par la reproduction et la multiplication du noyau fondateur, enrichi ou non par des apports complémentaires issus du milieu naturel. La session IV abordait la question du choix initial, puis de la gestion d’un génotype dans une démarche de domestication.
Pièces jointes
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