Déterminants techniques et sociologiques du maintien des prairies dans les élevages bovins laitiers de plaine
Chapeau
Quels sont les leviers mobilisables pour favoriser le maintien des prairies dans les élevages et territoires laitiers de plaine ? Ce travail, en comparant plusieurs territoires, et en étudiant les dynamiques d’élevages laitiers, montre que le maintien des prairies est possible dans tous les systèmes d’élevage laitiers à partir du moment où ses multiples rôles sont reconnus, partagés et intégrés dans les pratiques par les éleveurs, conseillers et autres acteurs du territoire.
Introduction
En 2015, les surfaces totales de prairies avoisinaient les 12,5 millions ha (soit environ 43 % de la surface agricole totale française) répartis comme suit : 3,17 millions ha de Prairies Temporaires (PT), 6,90 millions ha de Prairies Permanentes (PP) et 2,42 millions ha de parcours et landes. En comparaison, les surfaces dédiées à la production de maïs fourrage ne représentaient la même année que 1,50 millions ha. Cette répartition soufre de disparités importantes selon qu’on se situe en élevage bovin de plaine (Bretagne – Normandie – Pays de Loire) ou de montagne (Auvergne-Rhône-Alpes) à savoir, respectivement : 2,57 vs 2,20 millions ha de prairie (pour 6,02 et 3,12 millions ha de surface agricole utile (SAU) totale dans les régions considérées), 1,09 vs 0,42 millions ha de PT, 1,32 vs 1,43 millions ha de PP, 0,16 vs 0,35 millions ha de parcours et landes et 0,84 vs 0,10 millions ha de maïs fourrage. Ces différences ont été particulièrement bien explicitées dans la littérature à l’échelle de l’exploitation comme des territoires (Peyraud et al., 2009).
Les prairies constituent un objet agricole complexe du fait de la large diversité de leurs types, de leurs usages et donc de leurs fonctions. En cela, dans les zones d’élevage de plaine, les surfaces qu’elles recouvrent ont été profondément transformées depuis les années 1950, en lien avec les orientations agricoles données à l’élevage. Entre les années 1950 et 1970, la prairie a été considérée comme un pilier des systèmes polycultures élevage. Elles étaient, au départ, essentiellement permanentes, dans un contexte bocager (surtout dans l’Ouest de la France) et associées à des légumineuses et à des betteraves fourragères (Houé, 1972). Elles avaient alors directement ou indirectement de nombreuses fonctions pour les Exploitations Agricoles (EA) (alimentation, limitation de l’érosion des sols, fourniture de bois de chauffe grâce aux haies…). Les PP ont été en grande partie remplacées au cours de la révolution fourragère des années 1960 (impulsée par la PAC et la politique de recherche et développement agricole française) par des PT, souvent graminées pures, intégrées aux rotations, dans une logique de production d’un aliment de qualité nutritionnelle élevée tant au pâturage que sous forme conservée (Béranger et Liénard, 2006). Durant ces décennies, les surfaces de PP et PT ont peu évolué malgré un recentrage des usages vers des fonctions essentiellement alimentaires et agronomiques dans les EA (Béranger et Lacombe, 2014). La seconde révolution fourragère des années 1970 et 1980, dans un contexte de spécialisation et d’intensification de la production agricole, a été marquée par l’apparition du maïs, considéré à l’époque comme plus adapté à l’alimentation d’animaux à productivité et besoins nutritionnels croissants (Caudéron, 1980). Les surfaces en prairie ont alors commencé à fortement régresser (Béraud et Bouhaddi, 1996). Néanmoins, à partir des années 1990, dans un contexte de recherche de durabilité et d’attentes citoyennes, les prairies ont retrouvé de l’intérêt du fait de la reconnaissance de leur multifonctionnalité pour les EA (fertilité des sols, lutte contre certaines adventices, production de fourrages équilibrés à faible coût, santé animale, autonomie protéique), les territoires (qualité de l’eau, consommation d’énergie, stockage de carbone, biodiversité), mais aussi les filières (qualité des produits) (Thiebaud et al., 2001 ; Gibon, 2005 ; Plantureux et al., 2005 ; Couvreur et al., 2006 ; Chabbi et Lemaire, 2007 ; Martin et al., 2009 ; Eriksen et al., 2010 ; Soussana et al., 2010 ; Garambois et Devienne, 2012 ; Gastal et al., 2012). Les orientations politiques de la politique agricole commune et leurs applications à l’échelle nationale et locale (politique trame verte et bleue ou certaines mesures agro-environnementales par exemple), tout comme les actions de recherche et développement (priorités de recherche à l’INRA, financement de projets par les fonds Casdar, mise en place de RMT ad hoc…) ont ainsi eu pour ambition de valoriser, maintenir, voire d’augmenter les surfaces implantées en prairie (Huyghe et al., 2014). Néanmoins, malgré cela, et à part quelques initiatives locales portées par des collectivités (par exemple : agglomération de Lannion, Levain et al., 2014) ou des filières territorialisées (par exemple : Vittel, Hellec et al., 2013), les surfaces ont continué de régresser. Ceci a été particulièrement marqué dans les zones de plaine où l’élevage laitier intensif s’est historiquement le plus développé (Delaby et Peyraud, 2009). Ainsi, entre 2000 et 2015 les surfaces de PT et PP ont baissé en Bretagne-Normandie-Pays de Loire de – 11,7 %, – 2,2 % et – 17,6 % respectivement (contre – 5,8 %, + 3,6 % et – 8,6 % en France), avec une nette dégradation entre 2010 et 2015 (Données Agreste). En comparaison, la SAU totale ne baissait que de 4,3 % sur la même période (contre 3,1 % à l’échelle française) (Agreste, 2016). Néanmoins, ces statistiques restent à des échelles très larges et gomment très certainement des dynamiques plus variées à une échelle locale. En effet, il existe au sein des trois régions citées (à l’échelle du canton) un gradient de contextes fourragers (basés sur les surfaces en maïs, PT et PP dans les cantons) très large, et laissant supposer des dynamiques d’évolution de surfaces fourragères différentes.
À la fin des années 2000, plusieurs projets de recherche appliquée ont ainsi été menés pour comprendre les raisons de cette diminution structurelle des surfaces de prairies dans ces régions. Ces travaux ont analysé les freins dans les EA aux systèmes fourragers souvent très contrastés (herbagers vs ensilage de maïs) ou en transition vers des systèmes herbagers. Ils s’intéressaient essentiellement aux pratiques, aux conceptions des éleveurs et parfois celles des conseillers (Frappat et al., 2014). Par contre, ces travaux, ne s’intéressaient pas aux leviers du maintien des surfaces en prairie aussi bien à l’échelle des élevages en termes de pratiques et de conception des éleveurs qu’à celle du territoire dans lequel ces élevages s’insèrent alors même que les prairies sont reconnues comme des objets agricoles débattus dans des sphères dépassant celle de l’agriculteur et du conseiller (filière qualité, schéma d’aménagement et de gestion de l’eau, schéma de cohérence territoriale…). De même, l’analyse des freins n’intégraient pas ou peu une dimension temporelle longue (au moins 10 ans) alors qu’augmenter les surfaces en prairie ne peut pas se jouer sur un temps court (modification des rotations, impact sur le revenu…).
Cet article propose ainsi la synthèse d’un projet de recherche mené entre 2012 et 2016 qui se fixait plusieurs hypothèses :
- des dynamiques de maintien/augmentation des surfaces de prairies entre 2000 et 2015 existent dans des territoires plus vastes où ces surfaces régressent ;
- des facteurs territoriaux (pédoclimatiques, politiques et socioéconomiques) ont pu favoriser ces dynamiques de maintien sur le temps long (50 dernières années)
- la façon dont les éleveurs intègrent dans leur logique de production ces facteurs se traduit par des trajectoires de pratiques ayant permis de maintenir ou d’augmenter les surfaces de prairies dans leur système d’élevage qu’il soit herbager ou non.
L’article se structure en deux parties distinctes : i) un repérage statistique de dynamiques locales de maintien des surfaces en prairies entre 2000 et 2010 associé à une analyse des facteurs locaux favorables au maintien dans trois zones repérées et ii) une analyse des trajectoires des pratiques et des conceptions d’éleveurs dans une des trois zones repérées.
1. Des dynamiques locales de maintien/augmentation des surfaces de prairie existent et résultent de contextes territoriaux contrastés
1.1. Repérage statistique de dynamiques locales de maintien/augmentation des surfaces en prairie
Les travaux de Couvreur et al. , en comparant l’évolution des surfaces en prairie entre cantons à orientation d’élevage bovin voisins entre 2000 et 2010 (encadré 1) a permis de mettre en évidence que, malgré la diminution globale des surfaces en prairies, il existe des dynamiques de maintien ou d’augmentation des surfaces en prairie à l’échelle de cantons ou groupes de cantons (figure 1, Couvreur et al., 2016). Ces dynamiques se situent dans les bassins dans lesquels la seconde révolution fourragère a eu les effets les plus marqués du fait d’un contexte favorable à l’intensification de l’élevage laitier et confirment que la seule analyse des statistiques régionales ne suffit pas pour étudier l’évolution des surfaces en prairie. En comparant l’évolution entre 2000 et 2010 de la SAU, des surfaces en prairie et de la part de prairies dans la SAU des zones identifiées par l’analyse statistique, Couvreur et al. (2016) ont défini trois types de dynamiques locales de maintien (tableau 1) :
Des situations de groupes de cantons se caractérisant tous par une évolution positive de la surface de prairies et de leur part dans la SAU (en rouge sur la figure 1, Arzano (29) et Bannalec (29)) ;
Des situations de cantons à dynamique positive et entourés de cantons à dynamique négative (rose sur la figure 1). Dans cette situation, plusieurs situations ressortent :
- Évolution positive ou maintien de la surface de prairies et de leur part dans la SAU du canton alors que ces deux variables évoluent négativement dans les cantons voisins (Langueux (22) et Dol de Bretagne (35)) ;
- Évolution négative de la surface de prairies mais une évolution positive de leur part dans la SAU du canton, alors que ces deux variables évoluent négativement dans les cantons voisins (Betton (35), Cesson-Sévigné (35), Chateauneuf d’Ille et Vilaine (35) et Marquise (59)).
Encadré 1. Un repérage original de dynamiques locales de maintien des surfaces de prairie dans les zones d’élevage bovin peu herbagères
Les données statistiques des recensements agricoles de 2000 et 2010 ont été mobilisées à l’échelle du canton. La prairie a été définie en cumulant les surfaces de PT et PP productives. Les prairies artificielles ont été exclues de l’analyse spatiale en raison des superficies faibles et du secret statistique au niveau du canton.
Dans un premier temps, les cantons d’élevage bovin peu herbagers ont été extraits en deux temps. Tout d’abord, les cantons d’élevage bovin ont été sélectionnés sur la base des critères suivants : i) la SAU dédiée à l’élevage bovin sur le canton est supérieure à la moyenne française soit 42 % de la SAU totale du canton ; ii) le nombre d’EA bovines sur le canton est supérieur à la moyenne française soit 34 % des EA du canton ; iii) le nombre total de bovins présents sur le canton est supérieur à la moyenne française soit 5231 bovins par canton. Cela a permis de retenir 1953 cantons sur 3 664 cantons français. Ensuite, les cantons peu herbagers au sein de ces 1953 cantons ont été retenus pour la suite de l’analyse si la part de prairie en 2010 dans la SAU du canton était inférieure à la moyenne de l’échantillon des 1 953 cantons retenus. Plusieurs zones continues d’élevage bovin peu herbagères ont ainsi été mises en évidence dont deux (Nord et Grand-Ouest) ont été retenues pour la suite du projet car essentiellement liées à une activité laitière.
Afin d’appréhender les dynamiques spatio-temporelles des surfaces en prairie, la méthode d’analyse exploratoire des données spatiales et spécifiquement l’indicateur local d’association spatiale ou LISA (« Local Indicator of Spatial Association ») développé par Anselin (1995) permettant de mesurer le degré de ressemblance d’une unité spatiale avec ses voisines ont été mobilisés. Le LISA a été calculé pour la période allant de 2000 à 2010 pour la part des prairies dans la SAU au niveau cantonal en définissant le voisin via une matrice de distance. Pour chaque unité spatiale i (le canton), un coefficient local d’autocorrélation a été estimé et a permis d’identifier quatre types d’associations spatiales (figure 1) :
« High-High » (H-H) : une unité spatiale à valeur élevée entourée de voisins ayant des valeurs élevées (Rouge) ;
« Low-Low » (L-L) : une unité spatiale à valeur faible entourée de voisins ayant des valeurs faibles (Bleu foncé) ;
« Low-High » (L-H) : une unité spatiale à valeur faible entourée de voisins ayant des valeurs élevées (Bleu clair) ;
iv) « High-Low » (H-L) : une unité spatiale à valeur élevée entourée de voisins ayant des valeurs faibles (Rose). Le seuil de significativité utilisé pour faire apparaître un canton dans une des quatre catégories est fixé à 5 %.
Ce repérage statistique constitue un outil intéressant car il dépasse l’analyse descriptive des statistiques en y intégrant une dimension spatiale et temporelle permettant l’identification de dynamiques liées à la proximité géographique. Il trouve néanmoins sa limite dans le sens où il n’intègre pas de facteurs difficilement quantifiables, qu’ils se situent dans l’environnement de l’EA (dispositifs de soutien, stratégie de filière, conseil, dynamique d’acteurs) ou à l’échelle de l’EA (structure de l’EA, leviers techniques, conceptions des éleveurs). Les parties 1.2 et 1.3, grâce à des travaux d’enquêtes et de diagnostics agraires explicitent sur trois des zones identifiées dans le tableau 1 (Marquise, Bannalec, Betton) les facteurs de l’environnement des EA qui ont pu être favorables au maintien des prairies sur le temps long ainsi que les types d’élevage et de systèmes fourragers existant en 2012 ayant pu contribuer à ces dynamiques de maintien des surfaces en prairie. La partie 2 présente sur la zone de Betton les trajectoires de maintien des prairies (sous quelles formes, pour quels usages, dans quelles EA…) et leurs déterminants (structuraux, techniques, sociologiques) tant à l’échelle de l’EA que de la dynamique territoriale.
Figure 1. Démarche d’identification de dynamiques spatio-temporelles d’évolution de la part de prairie dans des zones continues peu herbagères d’élevage bovin en mobilisation l’indicateur local d’association spatiale (adapté de Couvreur et al., 2016).
Tableau 1. Profils de cantons classés selon la dynamique spatio-temporelle de la prairie entre 2000 et 2010, dans le Nord et l’Ouest.
Augmentation |
Augmentation/ |
Diminution de la surface en prairie |
Diminution de la |
Augmentation |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Canton (figure 1) |
Arzano |
Bannalec |
Langueux |
Dol de |
Betton |
Cesson-Sévigné |
Châteauneuf d’Ille et Vilaine |
Marquise |
Caulnes |
Allonnes |
Type de dynamique issue du LISA (encadré 1) |
High-High |
High-High |
High-Low |
High-Low |
High-Low |
High-Low |
High-Low |
High-High |
High-Low |
High-High |
Voisins |
4 |
5 |
3 |
3 |
3 |
6 |
5 |
4 |
5 |
1 |
SAU 2010, ha |
5 943 |
9 691 |
2 990 |
10 578 |
5 927 |
3 280 |
3 242 |
11 935 |
9 763 |
6 389 |
Évolution SAU |
2,2 |
– 4,0 |
– 13,5 |
3,9 |
– 8,5 |
– 6,5 |
– 12,3 |
– 5,2 |
1,1 |
– 8,2 |
Prairies 2010, ha |
2 220 |
3111 |
944 |
3 578 |
2 221 |
1 122 |
1 221 |
3 935 |
2 635 |
1 315 |
Évolution Prairies |
19,0 |
31,8 |
2,7 |
4,7 |
– 5,3 |
– 4,8 |
– 8,5 |
– 2,1 |
– 1,1 |
5,4 |
Prairies/SAU 2010 |
37,4 |
32,1 |
31,6 |
33,8 |
37,5 |
34,2 |
37,7 |
33,0 |
27,0 |
20,6 |
Évolution Prairies/SAU |
16,4 |
37,3 |
18,7 |
0,8 |
3,5 |
1,8 |
4,3 |
3,2 |
– 2,2 |
14,8 |
Part de fermes bovines, % |
69 |
55 |
31 |
61 |
48 |
54 |
58 |
65 |
64 |
17 |
Part de surface dédiée aux fermes bovines, % |
75 |
55 |
48 |
75 |
72 |
66 |
77 |
70 |
57 |
49 |
Les chiffres entre parenthèses représentent la somme (SAU, Prairies) ou la moyenne (évolutions SAU, Prairies et Prairies/SAU, part de fermes bovines et de surface dédiée aux fermes bovines) dans les cantons voisins,
1.2. Des contextes territoriaux contrastés et multifactoriels
Cette partie propose une analyse transversale des trois zones étudiées dans les travaux de Martel et al. (2016), Sigwalt et al. (2016) et Petit et al. (2017) : i) Bannalec, ii) Marquise, iii) Betton. L’encadré 2 résume la stratégie méthodologique développée sur les trois zones d’enquête. Le tableau 2 résume les principaux facteurs structurels ou extérieurs aux élevages bovins laitiers identifiés dans ces différents travaux comme ayant pu contribuer au maintien ou à la diminution de la prairie sur les 60 dernières années.
Encadré 2. Stratégie d’enquête développée sur les territoires de Bannalec, Marquise et Betton pour étudier le contexte local et les exploitations de bovin laitier.
La méthode développée a visé à retracer l’évolution des pratiques agricoles des EA propres à un contexte de production donné. Elle s’appuie en partie sur le concept de système agraire qui étudie les modes de production agricole et de reproduction de ces systèmes dans un contexte situé (conditions bioclimatiques, rapports sociaux, techniques).
La méthode repose dans un premier temps sur une analyse paysagère et une reconstruction de l’histoire du système agraire. L’analyse paysagère vise à délimiter un territoire d’étude basé sur des éléments pédo-géologiques, hydrographiques et urbains et d’en comprendre les potentialités et contraintes liées à la production agricole. L’étude historique vise à reconstruire l’évolution des modes d’exploitations du territoire afin d’éclairer les processus de différenciation des systèmes de production. Elle s’appuie sur des enquêtes par entretiens auprès d’agriculteurs retraités (n = 12 à Betton, n = 21 à Bannalec) du territoire, d’experts agricoles (n = 17 à Marquise, n = 4 à Betton, n = 38 à Bannalec) et de ressources bibliographiques. Les résultats de cette première phase de travail fait l’objet de la partie 1.2 de l’article.
L’analyse des systèmes de production actuels est réalisée dans un second temps grâce à des entretiens auprès d’agriculteurs en activité (n = 31 pour Marquise, n = 26 pour Betton, n = 34 pour Bannalec,). L’objectif du projet étant d’éclairer les raisons du maintien des prairies, les enquêtes menées s’intéressaient plus précisément aux systèmes fourragers : i) indicateurs de la dimension des exploitations en termes de surfaces, de force de travail et d’ateliers animaux (SAU, Unité de Travail Annuel (UTA), ateliers de production, taille du cheptel) et ii) indicateurs relatifs au fonctionnement des systèmes de productions (part de la surface fourragère principale (SFP) dans la SAU, part de surfaces de prairie par rapport à la SFP, période sans maïs, durée de pâturage, production par Vache Laitière (VL), Unités Gros Bétail (UGB) par hectare de SFP, Lait produit par hectare de SAU, lait produit par hectare de SFP). Les résultats de cette seconde phase de travail fait l’objet de la partie 1.3 de l’article.
a. Le contexte pédoclimatique
Le climat, le type de sol, et la topographie sont des facteurs qui déterminent le potentiel agronomique et de valorisation des parcelles. Ainsi, l’existence de pentes (Marquise, Bannalec), de zones inondables (Betton), inaccessibles aux engins agricole (Marquise), à forte hygrométrie (Marquise), et de parcelles à faible potentiel agronomique (Bannalec) constitue des facteurs favorables à la présence de prairies . A l’opposé, lorsque le potentiel agronomique, les conditions climatiques et l’accessibilité des parcelles sont favorables (très présent sur Betton), ils peuvent faire pencher vers le développement de surfaces en céréales ou cultures fourragères annuelles (Pfimlin et al., 2009). Ainsi, le maintien des prairies sur ce type de terres s’expliquerait par des facteurs autres que pédoclimatiques.
b. Le contexte réglementaire
Le contexte réglementaire européen et la façon dont il a été décliné à l’échelle nationale, a pu avoir, au cours des 60 dernières années, des effets contrastés sur l’évolution des surfaces en prairie. En effet, la façon dont les agriculteurs les ont mobilisés ou s’y sont adaptés, en lien avec leurs choix d’orientation productive influencé par les dynamiques territoriales, a pu jouer sur le maintien de la prairie dans les EA (cf. partie 2). Ces facteurs, bien documentés dans la littérature, sont : i) le soutien à la modernisation agricole dans les années 1970 qui a pu favoriser l’intensification animale et le recours à des fourrages annuels comme le maïs (Betton ; Huyghe et al., 2014) ; ii) l’instauration de soutiens directs à la production de ruminants (vache allaitante ou jeune bovin ; Betton, Marquise ; Pfimlin et al., 2009) dans les années 90 qui a pu favoriser le maintien ou le développement de surfaces fourragères herbagères ou de maïs, iii) le verdissement de la PAC dans les années 2000 et 2010 (Marquise, Bannalec ; Huyghe et al., 2014) qui a contribué au maintien des PP plus ou moins sensibles et iv) l’instauration des quotas qui a pu permettre la diversification des activités agricoles et, selon les EA, de fortes modifications des surfaces fourragères (Betton ; Ricard, 2014).
Les politiques d’aménagement des territoires sont plus spécifiques et les orientations décidées à ce niveau permettent d’identifier des leviers potentiels du maintien des prairies. Les SCOT et PLU peuvent être mobilisés à cet effet. Bien que les trois terrains étudiés soient concernés par des SCOT et PLU en cours de révision ou validés en 2015, les ambitions en faveur des prairies se limitent à citer les enjeux de la politique de trame verte et bleue. Elles se distinguent tout de même par : i) une politique de bassin versant et de qualité de l’eau à Bannalec ; ii) une politique locale de maintien d’une agriculture péri-urbaine à Betton ; iii) une politique de maintien de biodiversité (prairies de marais) portée par un PNR et une aire de captage d’eau potable à Marquise. Ces leviers potentiels, tous très récents, ne semblent pas s’appuyer sur des démarches incitatives sous forme de primes (ex. mesure agro-environnementale) et sont portés par des acteurs, pour la plupart, hors du milieu agricole et agissant pour des enjeux ne se rapportant pas directement à la viabilité économique des EA (Nitsch et al., 2012). L’efficacité de ce type de facteurs sur le maintien des prairies peut donc être questionnée.
c. La recherche, le développement et le conseil
La prairie peut faire l’objet de formes d’accompagnement diverses qui se distinguent sur les objectifs formulés (autonomie globale de l’EA, nutrition animale, gestion agronomique…), les acteurs du développement concernés (contrôle de performances, chambre d’agriculture, conseillers agricoles de PNR, conseillers privés, chercheurs) et les modalités de conseil (individuel ou de groupe) (Compagnone et al., 2009a). À Betton, comme Bannalec, le conseil sur la prairie est ancré depuis de nombreuses années, mais les acteurs et les formes de conseil diffèrent. Betton est marqué par une diversité de groupes de progrès valorisant le partage d’expériences (RAD, CIVAM, groupes AB, CETA, GEDA) et un conseil individuel qui se privatise peu à peu. Bannalec se caractérise par un conseil individuel porté par le même contrôleur laitier depuis 25 ans. Marquise est concernée par une dynamique d’accompagnement sur la prairie essentiellement orientée sur la conciliation entre objectifs environnementaux et performances technico-économiques. Cette dynamique, récente, a été initiée par le PNR des Caps et Marais d’Opale, en association avec la Chambre d’Agriculture et cible des éleveurs possédant des prairies à forte hygrométrie/pente. Betton pourrait constituer un contexte plus favorable au maintien de la prairie dans les élevages du fait de l’orientation et de la multiplicité de formes et d’objets que prend le conseil technique sur ce territoire (Petit et al., 2017). À l’inverse, celui de Marquise semblerait être le plus fragile du fait d’une dynamique très récente de conseil, ciblant une population d’éleveurs resserrée et portant sur des sujets considérés comme secondaires par les éleveurs dans leur logique productive (Sigwalt et al., 2016).
d. La dynamique des filières agricoles
La dynamique des filières agricole constitue un facteur qui détermine en partie l’orientation productive des EA et joue ainsi sur les modes de production et les assolements à une échelle territoriale (Havet et al., 2015). Ainsi, les processus qui concourent à la spécialisation sur une zone donnée assurent une ambiance laitière pouvant être favorable à une diversité de modes de production et donc au maintien de la prairie. Bannalec a ainsi été marqué par une diminution progressive des productions légumières à partir des années 70, libérant des petites parcelles dans des EA au parcellaire regroupé se spécialisant dans le lait, et favorisant de facto des systèmes pâturants (Raffray, 2014). Néanmoins, la spécialisation laitière s’est accompagnée d’une concentration des débouchés auprès d’un acteur aval très majoritaire (coopérative) aujourd’hui dominant et qui, par ses orientations stratégiques de valorisation du lait (augmentation des volumes, produits à faible valeur ajoutée destinés au marché mondial, économies d’échelle), remet en question les stratégies fourragères basées sur l’herbe des éleveurs cherchant plus d’autonomie alimentaire et économique quitte à réduire les volumes de lait produit. Au contraire, Marquise se caractérise comme Bannalec par une ambiance laitière dominée par un acteur aval (coopérative) mais qui dans sa stratégie vise, avec le PNR, à valoriser économiquement le lait produit dans des élevages valorisant les prairies. Enfin, Betton appartient à un bassin qui s’est spécialisé dès les années 50 (arrachage des prés-vergers, maintenus en prairies). La dynamique laitière du département (premier producteur français) et la zone urbaine de Rennes ont fait émerger une diversité de circuits de valorisation du lait produit dans les EA laitières (3 coopératives et 3 privés dont 3 en agriculture biologique, circuits courts et locaux, transformation et vente à la ferme). Ceci a pu favoriser l’émergence de stratégies productives variées sur la zone dont certaines attribuant un rôle important aux prairies (Petit et al., 2017).
Tableau 2. Analyse transversale des facteurs de l’environnement de l’EA ayant pu jouer un rôle sur le maintien des prairies (adapté de Martel et al., 2016., ; Sigwalt et al., 2016 ; Petit et al., 2017).
Bannalec |
Betton |
Marquise |
|
---|---|---|---|
Caractéristiques |
- Bonne fertilité du sol mais - Pas de zones inondables |
- Très bonne fertilité - Très bonne accessibilité - Bonne portance |
- Bonne fertilité du sol |
- Climat favorable à la |
- Climat favorable à la - Risque de sécheresse |
- Climat favorable à la |
|
- Quelques zones pentues, |
- Quelques fonds de |
- Quelques zones pentues |
|
Contexte |
- Instauration des quotas laitiers en 1984 - Plan de maîtrise des pollutions agricoles et mises aux normes associées - Verdissement de la PAC en 2010 |
||
Soutiens |
- Soutien à la modernisation agricole dans les années 1970 - Droits à paiement unique dans les années 2000 - Droits à paiement de base et verdissement dans les années 2010 |
||
Contexte |
- Pas de remembrement - Parcellaires très regroupés, - Pas de PNR - Intégration dans la zone - Présence de zones vulnérables - SCOT (intégrant la politique - Plan Local d’Urbanisme de - Pas de MAEC |
- Remembrement dans les - Pas de PNR - Pas de SAGE - Très faible part de la zone - Pas de zones vulnérables - Plan Local d’Urbanisme - SCOT (intégrant la politique de trame verte et - Pas de MAEC |
- PNR des Caps et Marais - Aire de captage dans les - Présence de zones - Plan Local d’Urbanisme - SCOT de la Terre des 2 - Réflexion en cours sur la |
Recherche, développement, conseil |
- Ferme expérimentale bovin lait - Peu ou pas de présence - Forte présence d’un conseil - Existence d’un groupe |
- Présence à proximité - Groupes de dévelop- - Conseil fourrages et - Conseil privé en |
- Le PNR et la Chambre - Pas de groupes locaux |
Dynamiques des filières d’élevage |
- Crises économiques - Peu de valeur ajoutée créée - Dynamique de l’aval de la |
- Production cidricole - Crises économiques - Forte diversité de - Forte diversité d’acteurs - Forte valeur ajoutée créée - Développement de - Développement - Présence d’une |
- Faible diversité de - Depuis les années 1970, - Faible diversité - Peu de valeur ajoutée - Dynamique de l’aval |
Proximité urbaine |
- Proximité forte de la ville de Quimperlé (12000 habitants) |
- Proximité forte de la ville - Parcellaires morcelés et |
- Proximité forte de |
Les facteurs positifs sont écrits en caractères italiques et les facteurs négatifs en caractères gras, au sein des zones à dynamique de maintien des prairies des cantons de Bannalec (29), Betton (35) et Marquise (62) .
1.3. Des systèmes bovins variés valorisant différemment les prairies selon les régions
Ces évolutions du contexte de production dans les trois terrains ont permis à une diversité de systèmes de production d’émerger et de se maintenir au cours du temps. Au total, les auteurs mentionnés précédemment ont identifié 18 types de systèmes de production à partir de 91 enquêtes individuelles (n=34 pour Bannalec, n=31 pour Marquise, n=26 pour Betton). Sur la base des données descriptives communes à ces systèmes issus du travail d’enquête présenté dans l’encadré 2, un travail de classification (analyse en composantes principales suivie d’une classification ascendante hiérarchique) a été mené et a permis de les regrouper en 5 classes (tableau 3).
a. Un système laitier tout herbe
Présent uniquement sur la zone de Betton, ce groupe rassemble des EA en agriculture biologique qui ont acheté des terres lors de la conversion dans le but d’introduire des PT multispécifiques de longue durée destinées à l’alimentation du troupeau avec du fourrage de qualité, notamment via le pâturage.
b. Les systèmes laitiers basés sur de la prairie temporaire
Ce groupe rassemble l’ensemble des systèmes de production de la zone de Bannalec ainsi qu’un système herbager de la zone de Betton. Tous ces systèmes ont une forte part de la SAU dédiée aux PT, souvent d’association ray-grass & trèfle. Ils ont aussi des chargements par ha d’herbe moins élevés que les autres systèmes de production. Si ces systèmes ont souvent une partie de céréales de vente, celle-ci reste limitée à moins de 25 % de la SAU. Au sein de la zone Bannalec, les parcellaires groupés, un climat très favorable à la pousse de l’herbe, et un conseil agricole orienté sur la production à bas intrants ont favorisé l’utilisation des PT. Les systèmes se distinguent sur la façon dont ils ont évolué, les productions de l’EA et selon la place dévolue au maïs dans l’alimentation des vaches laitières. Dans la zone de Betton, un système de production possède des caractéristiques similaires, malgré un contexte local différent. Le maïs y est utilisé pour sécuriser les stocks fourragers difficiles à réaliser à cause d’un éclatement du parcellaire.
c. Les systèmes bovins basés sur les prairies permanentes
Ce groupe de systèmes de production est spécifique de la zone de Marquise. Il intègre peu de PT (moins de 13 % de la SAU) mais doit gérer des surfaces conséquentes en PP (de 23 à 48 % de la SAU). On distingue des EA de bovins allaitants, de bovins laits spécialisées ou diversifiées du point de vue animal (sans investissement foncier) ou cultures de ventes (grandes EA, située en bordure d’une zone céréalière et betteravière).
d. Les systèmes laitiers utilisant herbe et maïs
Ces systèmes, principalement dans la zone de Betton mais aussi Marquise, ont des parts de la SFP dédiée au maïs et aux prairies intermédiaires. Les systèmes se différencient sur la façon dont ces surfaces sont valorisées. Certains systèmes de Marquise et Betton (BeHM2) combinent une production laitière intensive basée sur le maïs avec une production bovin viande basée sur l’utilisation de prairies. Cette stratégie a consisté à profiter des primes à la vache allaitante pour se constituer un petit troupeau valorisant les PP de l’EA. D’autres systèmes de production (BeHM1) ont utilisé leurs marges de manœuvre en bâtiment pour augmenter la quantité de lait produite en augmentant le nombre d’animaux et en intensifiant la production par animal. Enfin, des grandes EA ont des surfaces éloignées du siège de l’EA limitant les surfaces accessibles aux vaches, mais en partie limité par le maintien de bâtiments d’élevage sur ces ilots.
e. Les systèmes laitiers intensifs par hectare de surface fourragère
Deux types sont retrouvés dans la zone de Betton et correspondent à deux voies d’intensification. La première correspond à des producteurs laitiers spécialisés n’ayant pas pu s’agrandir dans les années 80 qui ont choisi d’intensifier la production laitière par vache, grâce à l’utilisation du maïs. Le second a diversifié ses productions lors de la mise en place des quotas laitiers avec un atelier de taurillons, engraissés principalement avec du maïs. Ainsi, ces deux systèmes ont plus d’un tiers de leur SAU dédié au maïs et moins de 50 % de la SFP en prairie.
1.4. Conclusion
L’analyse des caractéristiques techniques et structurelles des EA distingue de façon assez marquée les 3 terrains d’étude. La diversité observée au sein des terrains s’efface devant la diversité entre les terrains, notamment pour Marquise et Bannalec. Le rôle du contexte de production sur le long terme semble donc primordial pour comprendre la diversité des systèmes d’élevage ayant pu contribuer au maintien des prairies.
À Bannalec, l’histoire de la zone avec des parcellaires groupés et une disparition progressive des cultures légumières, associée à un conseil valorisant l’herbe explique que « l’herbe ça se cultive » (Martel et al., 2016), peut expliquer en partie pourquoi tous les systèmes sont regroupés dans le même ensemble. Dans la zone de Marquise, les actions récentes sur la prairie sont portées par des acteurs en manque de légitimité dans la profession agricole car extérieurs à celle-ci et le maintien des prairies est associé au subir des prairies dans les assolements, en particulier sur les espaces difficiles d’accès (pentes et marais) (Sigwalt et al., 2016). Néanmoins, dans ces situations, un retour en friche aurait pu se produire comme cela a déjà pu être observé en zone de montagne (MacDonald et al., 2000 ; Gellrich et al., 2007). Le cadre réglementaire a permis à ces espaces difficiles de ne pas être abandonnés. La présence de terres fertiles autour de la zone d’étude a permis à certains éleveurs d’opter pour une stratégie mixant l’utilisation de l’herbe et du maïs. La zone de Betton se distingue des deux autres puisque les 7 types identifiés dans ce territoire se répartissent dans 4 des 5 classes de systèmes identifiées par l’analyse transversale. On peut y voir l’influence du contexte productif de la zone, où la diversité des acteurs, des débouchés (bio, vente directe, circuits longs…) et des points de vue sur l’herbe (cf. partie 1) est plus importante que dans les autres zones (Petit et al., 2017). Il y aurait donc une convergence des différents acteurs (amont, aval, société civile) autour des multiples intérêts des prairies aussi bien permanentes que temporaires, tout en proposant une diversité de modes de commercialisation laissant aussi la place aux systèmes intensifs dans le territoire.
En conclusion, les facteurs de l’environnement de l’EA favorables au maintien de la prairie semblent conjuguer i) une spécialisation laitière assurant une ambiance professionnelle et une diversité de débouchés dont certains valorisant une production basée sur l’herbe, ii) une offre riche de formes de conseil et d’accompagnement technique sur la prairie adapté à une diversité de profils d’éleveurs et iii) une situation locale favorable à l’agriculture et à la prairie tant en termes de politique publique que de relations sociales sur le territoire (consommateurs, voisinage…). La diversité des acteurs mais aussi des points de vue semblent constituer des facteurs favorables au maintien de la prairie. Toute situation évoluant vers un monopole, que ce soit en termes de conseil (ex. Bannalec, Marquise), de débouché aval (ex. Bannalec), ou de relations sociales (ex. Bannalec, Marquise), pourrait constituer un facteur de risque à venir.
Afin de comprendre la diversité des logiques et leurs déterminants, nous avons choisi d’explorer plus en profondeur la zone de Betton en nous intéressant à la dynamique herbagère dans les EA, tant d’un point de vue de la place de l’herbe dans le fonctionnement que dans la représentation que l’éleveur se fait de l’herbe. La dimension temporelle est d’autant plus importante à prendre en compte que tous les systèmes identifiés dans les trois zones possèdent des surfaces en herbe sans que l’on sache faire la part des EA qui ont diminué la part d’herbe de celles qui l’ont augmenté.
Tableau 3. Caractéristiques des types de systèmes de production bovine.
Zone |
Bannalec |
Betton |
Marquise |
|||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Groupe |
Basés sur la prairie temporaire |
Tout |
Intensif par |
Herbe et Maïs |
Basé sur les prairies permanentes |
|||||||||||||
Types |
BaPT1 |
BaPT2 |
BaPT3 |
BaPT4 |
BaPT5 |
BaPT6 |
BePT7 |
BeH |
BeIA1 |
BeIA2 |
BeHM1 |
BeHM2 |
BeHM3 |
MaHM4 |
MaPP1 |
MaPP2 |
MaPP3 |
MaPP4 |
SAU |
35 |
100 |
105 |
120 |
70 |
60 |
85 |
55 |
55 |
72 |
75 |
55 |
150 |
89 |
67 |
68 |
70 |
125 |
UTH |
1 |
1,5 |
2 |
2 |
1,5 |
2 |
2,5 |
2 |
1,5 |
2,25 |
2 |
1,25 |
3,5 |
1,8 |
1,6 |
1,3 |
2,2 |
2,9 |
UGB* |
49 |
99 |
78 |
108 |
96 |
56 |
100 |
75 |
88 |
122 |
75 |
87 |
200 |
109 |
66 |
63 |
77 |
89 |
UGB/ha* |
1,4 |
1 |
0,95 |
0,9 |
1,4 |
0,95 |
1,2 |
1,4 |
1,6 |
1,7 |
1 |
1,6 |
1,3 |
1,2 |
1 |
0,95 |
1,1 |
0,71 |
Lait par vache laitière (kg)* |
7 500 |
7 000 |
8 000 |
8 000 |
7 500 |
7 500 |
7 000 |
4 000 |
10 000 |
8 500 |
8 500 |
7 700 |
8 500 |
7 300 |
8 500 |
NC |
6 900 |
7 800 |
SCOP |
0 |
5 |
34 |
25 |
10 |
14 |
18 |
3 |
30 |
32 |
40 |
27 |
31 |
27 |
26 |
34 |
22 |
60 |
SFP (% SAU) |
100 |
95 |
66 |
75 |
90 |
86 |
82 |
97 |
70 |
68 |
60 |
73 |
69 |
73 |
74 |
66 |
78 |
40 |
EM (% SAU)* |
35 |
24 |
17 |
25 |
18 |
19 |
16 |
0 |
38 |
38 |
30 |
33 |
26 |
27 |
19 |
11 |
18 |
17 |
PT (% SAU)* |
58 |
52 |
40 |
42 |
56 |
51 |
62 |
90 |
26 |
28 |
23 |
24 |
34 |
5,5 |
3 |
12,5 |
11,5 |
6,5 |
PP (% SAU)* |
7 |
19 |
9 |
8 |
16 |
16 |
4 |
7 |
6 |
2 |
7 |
15 |
9 |
29 |
37 |
42,5 |
48,5 |
23 |
PT + PP |
65 |
75 |
74 |
66 |
80 |
78 |
81 |
100 |
45 |
44 |
49 |
53 |
63 |
56 |
68 |
83 |
76 |
58 |
UGB/ha herbe* |
2,1 |
1,4 |
1,9 |
1,8 |
1,9 |
1,4 |
1,7 |
1,4 |
5 |
5,6 |
3,3 |
4 |
3,1 |
3,5 |
2,4 |
1,7 |
1,8 |
3,1 |
Autres Prod1 |
NC |
NC |
C, L |
C |
BV |
G |
C |
NC |
C |
C, T |
C |
C, BV |
C, T, G |
C, BV |
C |
C |
C, G |
C, G, L |
Les variables suivies d’astérisques ont été utilisée pour construire la typologie des groupes. Les chiffres en italique sont spécifiques au groupe.
SAU = Surface Agricole Utile ; UTH = Unité de Travail Homme ; UGB = Unité Gros Bétail ; SCOP = Surfaces en Céréales et Oléo-Protéagineux ; EM = Ensilage de Maïs ; PT = Prairies Temporaires ; PP = Prairies Permanentes
1 : NC : Non Concerné, C : Céréales, L : Légumes, BV : Bovin Viande, T : Taurillons, G : atelier porcin ou avicole.
2. Identification des déterminants techniques et sociologiques du maintien des prairies à l’échelle des exploitations
2.1. Trajectoires de pratiques de maintien des prairies et logiques fourragères des éleveurs sont étroitement liées
En s’appuyant sur l’articulation de plusieurs cadres d’analyse techniques et sociologiques (encadré 3), des travaux de terrain sur la zone d’étude de Betton ont i) modélisé les trajectoires des pratiques prairiales dans des EA laitières sur le long terme et ii) caractérisé les logiques fourragères des agriculteurs (Petit et al., 2019). Les auteurs se sont attachés à analyser l’évolution des formes et usages des prairies dans les systèmes fourragers au cours du temps en lien avec les conceptions sociologiques autour des prairies (Petit et al., 2016, Petit, 2017, Petit et al., 2018).
Encadré 3. Articulation des cadres conceptuels et définitions des concepts mobilisés
L’analyse des transformations qui s’opèrent dans les EA au cours du temps s’appuie sur l’articulation de plusieurs cadres théoriques (cf. schéma) : i) le Système Famille-EA (Osty, 1978 ; Le Moigne, 1994) pour identifier les stratégies de production mobilisant les prairies, et ii) le système fourrager défini comme un système équilibré de flux entre production fourragère et couverture des besoins des animaux. L’analyse sociologique des pratiques est permise par l’étude des systèmes de pensée et l’analyse des logiques productives (Petit et al., . Ces derniers étant largement influencés par les réseaux professionnels et la carrière des agriculteurs.
Schéma d’articulation des cadres d’analyse techniques « Système Famille-Exploitation (orange) », « Système Fourrager (vert) » et des cadres d’analyse sociologique des systèmes de pensées et des logiques de production (bleu) pour l’analyse des pratiques dans le temps des EA d’élevage de ruminants.
Trajectoire : L’analyse du changement vu comme un processus considère la trajectoire comme le chemin pris par un système défini dans le temps décrit selon une succession de phases de cohérence ou de stabilité (Moulin et al., 2008 ; Wilson, 2008 ; Dedieu, 2009) séparées entre elles par des changements. Ces changements peuvent s’opérer à la marge du système (minor changes (Sutherland et al., 2012), ou alors provoquer des major changes (Sutherland et al., 2012), proches de la notion de transformation (Moulin et al., 2008).
Logique fourragère : logique de production (van der Ploeg, 1994 ; 2003 ; Commandeur et al., 2006 ; 2008) adaptée à la conduite du système fourrager traduisant le système de pensée (Darré et al., 1989) développé par les agriculteurs concernant la gestion et l’utilisation des fourrages ainsi que la place et l’utilisation des prairies dans celui-ci. Elle traduit un système de normes et des conceptions socialement construites et débattues par les agriculteurs dans et en dehors du groupe professionnel.
Dans le territoire de Betton, sept types de trajectoires de pratiques prairiales répartis dans les différents systèmes de production ont été caractérisés selon une approche processuelle du changement (Petit et al., 2019).
En étudiant les formes de connaissances des agriculteurs par la sociologie compréhensive, Petit et al. identifient cinq logiques fourragères. Ces idéaux-types traduisent des conceptions associées à la place et aux rôles des prairies qui se déclinent selon un continuum allant de prairies faiblement utilisées et considérées dans les systèmes fourragers (Gestionnaires productifs en recherche de sécurité, Conservateurs indécis) jusqu’à des prairies placées au cœur du système technique de production et considérée comme un pilier du fonctionnement de l’élevage (Herbagers épanouis). Entre ces extrêmes, des conceptions intermédiaires tendent à donner une place croissante aux prairies dans les logiques de production (Herbagers modérés, Optimisateurs flexibles). Alors que l’âge et la formation des agriculteurs expliquent peu l’élaboration des logiques fourragères, le réseau professionnel et le conseil influent fortement leur développement comme ont pu le montrer Darré (1994) et Compagnone et al. (2009b).
Figure 2. Trajectoires des pratiques prairiales, logiques fourragères et groupes types identifiés sur le terrain de Betton (d’après Petit, 2017).
Symbole ↓ : recul de la place et des usages des prairies dans le système fourrager ;
Symbole = : stabilité des trajectoires à différents niveaux d’utilisation des prairies ;
Symbole ↑ : progrès de l’usage des prairies ;
Symbole ⃝ : un recul consécutif à un progrès des prairies dans les systèmes fourragers.
Le croisement entre les types de trajectoire et les logiques fourragères fait émerger 4 groupes de couple EA/éleveur (figure 2). Les groupes I et III caractérisent des formes extrêmes d’évolution de l’utilisation des prairies.
D’un côté, le groupe I rassemble des EA qui se caractérisent par des ruptures majeures dans les trajectoires avec des transformations profondes qui se sont opérées aussi bien dans le système technique de l’EA que dans l’environnement professionnel et l’accompagnement agricole (encadré 4). Les éleveurs de ces EA ont déjà été étudiés afin de comprendre les changements qui s’opéraient dans la redéfinition de nouvelles normes professionnelles à l’échelle individuelle (Coquil et al., 2014).
Encadré 4. Monographie de trajectoire d’une exploitation du type I.
La trajectoire de l’EA s’articule en 3 périodes distinctes.
1990-1997 : l’EA compte 40 ha, 20 vaches et 10 génisses pour un quota de 140000 l. Les prairies, mono spécifiques (RGA pur), représentent 29 % de la SAU et 57 % de la SFP. L’herbe représente 30 % des stocks sous forme d’ensilage et de foin. Le maïs fourrager représente 8,5 ha tandis que la SCOP couvre 20 ha. Les céréales sont vendues. L’agriculteur maintient un système hérité de ses parents mais questionne ses pratiques en participant à des groupes de progrès locaux : un CETA rassemblant des agriculteurs en AB et conventionnels, ainsi que le groupe Agrobio35.
1998-2009 : L’EA perd 10 ha de SAU du fait de la construction de la Ligne Grande Vitesse Paris-Rennes. C’est le moment choisi par l’agriculteur pour passer en agriculture biologique. Il abandonne la culture de céréales pour la vente mais conserve 4 ha pour la fabrication d’un aliment fermier. Il supprime le maïs fourrager et base la production laitière sur 26 ha de PT de RGA-TB. Les prairies sont utilisées pour le pâturage et faire du foin.
Pour l’agriculteur, cette période traduit une transformation de son métier : « Un travail différent des autres agriculteurs […]. Moins de certitudes, plus de réflexion ».
2010-2015 : L’EA s’agrandit de 10 ha pour atteindre 40 ha de SAU. La logique de production à base de prairies RGA-TB est maintenue. Les 10ha supplémentaires sont implantés en luzerne, en rotation avec du blé, et vendue à une coopérative de déshydratation locale. Une attention particulière est apportée à la gestion du pâturage ; l’agriculteur met en place un pâturage tournant dynamique dans lequel le stade de la plante est particulièrement observé afin d’allier production fourragère, pérennité des prairies et valorisation par les animaux.
L’appui trouvé par l’agriculteur auprès des groupes de progrès locaux constitue une dimension importante dans les choix qu’il a opérés pour la stratégie de son EA : « ce qui est encourageant c’est quand on est plusieurs à le faire. […] initier un changement sans se référer à des pratiques existantes ce n’est pas évident ».
À l’opposé, le groupe III rassemble des éleveurs peu enclins à mobiliser les prairies dans leurs systèmes fourragers ce qui se traduit par une stabilité des trajectoires des pratiques prairiales à de faibles niveaux d’utilisation. Ce type de profil confirme l’existence de forme de résistance à l’utilisation des prairies de la part d’agriculteurs en lien avec des freins liés aux objectifs de production élevés (Le Rohellec et Mouchet, 2008 ; Frappat et al., 2012, 2014).
Le groupe IV présente quant à lui des agriculteurs en retrait (Dockès et al., 2010 ; Fourdin et Dockès, 2010) pour lesquels les prairies constituent un élément d’un système hérité qui ne nécessite pas de transformations profondes. Ces éleveurs se trouvent en marge des dynamiques professionnelles ainsi que globalement de la société.
Enfin, le groupe II rassemble les logiques fourragères et les trajectoires de pratiques prairiales originales au regard des travaux jusque-là réalisés sur l’utilisation des prairies (encadré 5). D’un côté, les trajectoires illustrent que le maintien des prairies peut se faire via l’évolution vers des formes de systèmes fourragers hybrides entre l’utilisation de l’herbe et du maïs. Les prairies y occupent une place quantitative mais également des rôles agronomiques et zootechniques plus prépondérants (Petit, 2017). Les trajectoires traduisent des transformations de fond et la diversification des espèces implantées en est un exemple marquant (graminées pures, puis RGA-TB et aujourd’hui associations plus adaptées aux besoins voire mélanges multi-espèces). Longtemps implantées pour des durées inférieures à 5 ans, les agriculteurs tendent aujourd’hui à rallonger la durée d’implantation des PT. La gestion des prairies tend ainsi à se transformer au cours du temps par des recompositions progressives et plus rarement des ruptures de pratiques.
Encadré 5. Monographie de trajectoire d’une exploitation du type II.
La trajectoire de l’EA s’articule en 3 périodes distinctes.
1990-1995 : l’EA compte 50 ha, 32 vaches et 20 génisses pour un quota de 206000 L. Les prairies, d’association RGA-TB, représentent 40 % de la SAU et 62 % de la SFP. L’herbe représente 26 % des stocks sous forme d’ensilage et de foin. Le maïs fourrager représente 12 ha tandis que la SCOP couvre 15 ha. Les céréales sont vendues. L’agriculteur s’est installé en association avec son père. Il souhaite faire évoluer le système en tentant des essais sur les prairies mais se heurte à l’immobilisme de son père qui n’y voit pas l’intérêt.
1996-1999 : l’EA s’agrandit de 6,5 ha pour atteindre 56,5 ha ; l’agriculteur la gère seul, ses parents étant partis en retraite. Les parts de prairie dans la SAU et la SFP changent peu (respectivement 40 et 61 %). Les prairies se diversifient avec d’une part des mélanges RGA-TB, des essais de prairies multi-espèces ainsi que des cultures de légumineuse pure (trèfle violet). Elles sont valorisées au travers d’ensilage, de foin ; le trèfle est déshydraté. Le maïs couvre 14 ha tandis que la SCOP représente 20 ha. Cette période est l’occasion de s’affirmer comme décideur sur l’EA. Il engage des transformations progressives de son système. Ainsi, il dit : « […] quand tu t’installes, tu continues comme ça et puis, petit à petit, tu te dis on va essayer autrement. C’est pas évident à faire passer mais au bout de quelques années quand même on a réussi à faire des essais et c’est quand il (le père) a vu que ça fonctionnait pareil…».
L’agriculteur remet partiellement en question le modèle descendant de l’accompagnement. Il revendique une reprise d’autonomie dans les décisions pour l’EA : « Le technicien te disait il faut mettre ci, mettre ça. Tu ne cherchais pas à savoir pourquoi. […] Ce n’est pas comme ça que je voyais. Je voulais reprendre le pouvoir de décision… […] Je ne voulais pas faire bêtement. ».
2000-2015 : l’EA s’est agrandie de 8 ha pour atteindre 64,5 ha et 259 000 L de quota. Les prairies couvrent 35 % de la SAU et 60 % de la SFP. En revanche leur part a augmenté dans la part des stocks fourragers totaux (34 %). Les prairies sont valorisées en ensilage et foin ainsi qu’en enrubannage pour gagner en qualité de fourrage et en flexibilité dans la récolte. Les surfaces de maïs sont restées stables (15 ha) malgré une augmentation des effectifs (40 vaches laitières et 27 génisses). C’est la SCOP qui a bénéficié de l’augmentation de surfaces (26 ha).
Pour l’agriculteur, la prise de distance avec le conseil traditionnel (CETA, GEDA, vendeur d’aliments) se fait de plus en plus importante ; il fait maintenant appel à des solutions d’approche globale du système de production. De même, les relations entretenues avec des agriculteurs aux pratiques alternatives ou innovantes au sein de CUMA ou dans le voisinage contribuent à ses réflexions pour l’évolution de l’utilisation qu’il fait des prairies.
À l’opposé des éleveurs exprimant des logiques fourragères presque exclusivement basées sur l’utilisation des prairies (groupe I) ou peu propices aux prairies (groupe III et IV), les éleveurs du groupe II conçoivent leurs systèmes fourragers dans la recherche d’une combinaison optimale prairie-maïs propre aux objectifs de production individuels. Ces évolutions dans la manière de concevoir les fourrages traduisent une transformation des normes professionnelles autour des fourrages ; l’approche antagoniste des fourrages laisse place à une approche pragmatique de la gestion du système fourrager favorisant leur complémentarité. Ces transformations sont favorisées par les échanges au sein des réseaux de pairs, qu’ils soient formels (groupes de progrès, CUMA) ou informels (voisinage, entraide). Ainsi les agriculteurs Optimisateurs flexibles (figure 2) illustrent une situation de multi-appartenance propice à la transformation des pratiques par un processus d’hybridation des pratiques. Ils sont engagés dans des réseaux professionnels prônant un modèle de production basé sur l’utilisation du maïs fourrage, mais entretiennent aussi des interactions avec des éleveurs aux logiques favorables aux prairies. Ils opèrent une appropriation et une adaptation dans leurs systèmes de nouvelles pratiques et contribuent à la mise en débat des normes autour de l’utilisation des prairies au-delà des réseaux professionnels structurés autour de l’utilisation de l’herbe. De même que les réseaux professionnels, les relations sociales avec des non-professionnels contribuent à la construction de logiques fourragères variées. Les interactions des agriculteurs réalisées dans des réseaux non professionnels tendent à : i) questionner les agriculteurs sur leurs pratiques et l’image du métier qu’ils renvoient (groupes III et IV) ou ii) conforter des choix de systèmes plus en adéquation avec des attentes sociétales vis-à-vis de l’élevage (groupes I et en partie II).
En conclusion, sur le territoire de Betton, les formes d’évolution des EA ainsi que les logiques fourragères développées par les agriculteurs font largement écho aux facteurs relevés à l’échelle des territoires agricoles étudiés (Partie 1.2) et des systèmes de production recensés (Partie 1.3). Ainsi, l’analyse des facteurs du maintien des prairies à travers différentes échelles, du territoire jusqu’aux éleveurs en passant par les systèmes de production, montre que les dynamiques à ces différents niveaux sont particulièrement imbriquées.
L’analyse des facteurs territoriaux (partie 1.2) tend à montrer que l’environnement de production des EA constituent un cadre d’opportunités-contraintes plus ou moins favorable à l’utilisation et au maintien des prairies dans les élevages. C’est particulièrement le cas lorsque plusieurs filières laitières coexistent au sein d’un même territoire, offrant ainsi aux EA des possibilités de mise en marché variées ; elles constituent pour cela des leviers de transformation des systèmes d’élevage. De même, les interactions avec le monde non agricole, particulièrement favorisées dans des territoires agricoles à proximité de zones urbaines, contribuent à questionner les agriculteurs dans leurs pratiques, les amenant ainsi à être plus sensibles aux attentes sociétales. Ainsi des territoires où coexistent une multitude d’activités économiques, agricoles ou non, et une diversité de filières de valorisation constituent des contextes favorables au développement de systèmes d’élevage différents. En ce sens, la complexité socio-économique du contexte de production des EA, définit par des dynamiques sectorielles et territoriales, semble définir un cadre plus ou moins restreint pour le développement de systèmes de production et de logiques productives variées (Vandenbroucke, 2013).
Néanmoins, ce cadre ne constitue pas le seul élément déterminant des systèmes de productions et des logiques productives des agriculteurs. En effet, l’analyse des types de systèmes d’élevage présents dans le territoire de Betton (partie 1.3) et des trajectoires ayant conduit à leur émergence et des logiques fourragères développées par les éleveurs (partie 2) montre que la question du maintien des prairies s’appuie sur une diversité de stratégies de production et de manières de penser l’acte de production au sein d’un même territoire. Ainsi, au-delà du simple rapport déterministe entre le contexte et les systèmes de production, nos travaux montrent que le maintien des prairies dans les EA repose aussi sur les logiques productives développées par les éleveurs, celles-ci étant construites à partir des perceptions qu’ils ont du contexte dans lequel ils évoluent.
Enfin, la dynamique professionnelle (les réseaux formels ou informels) et le rôle du conseil dans les territoires apparaissent comme un facteur central majeur dans l’évolution des pratiques dans les EA. Comme le montrent les caractéristiques des zones de maintien comme Betton (Partie 1.2), les transformations des systèmes de production semblent être favorisées par la coexistence, à l’échelle d’un même territoire, d’une diversité de systèmes de production et de logiques fourragères développées par les éleveurs. Les interactions entre agriculteurs engagés dans des réseaux de dialogue multiples (dispositifs d’accompagnement, filières, proximité urbaine) favorisent les confrontations de manières de faire et de penser l’agriculture. C’est dans ces moments de dialogue que se jouent la construction et la discussion des normes qui régissent les pratiques. Ces constats laissent penser qu’en parallèle des transformations qui s’opèrent dans les systèmes alternatifs (Deléage et Sabin, 2012), une recomposition plus lente s’opère dans des systèmes plus conventionnels. Ces mutations interrogent sur les processus potentiels d’hybridation des pratiques (Ansaloni et Fouilleux, 2006) entraînant des adaptations des pratiques d’utilisation des prairies dans des systèmes initialement peu propices à cela tout en mettant en débat les normes professionnelles de logiques dominantes peu favorables à leur utilisation.
Ainsi, comme pour l’analyse du maintien des prairies, l’analyse des dynamiques agricoles ne peut donc pas se baser uniquement sur la caractérisation économique, politique ou encore sociale d’un territoire pour éclairer des évolutions des activités agricoles. Une analyse sociologique des agriculteurs apparait comme indispensable pour éclairer des choix stratégiques opérés dans les EA.
Conclusion
Dans des territoires de plaine dans lesquels s’est développée une production laitière dite intensive (forts niveaux d’intrants, intensification des facteurs animaux, surface et travail), des dynamiques de maintien des prairies sous des formes et usages variés sont possibles. Ces dynamiques associent à la fois des facteurs physiques et, sur le temps long, des facteurs socio-économiques à l’échelle des EA, des territoires et des filières.
Les contextes pédoclimatiques locaux définissent à la fois les types de prairies, leurs usages possibles et donc leurs services rendus potentiels. À l’échelle d’un territoire donné, au sein de ce cadre de pratiques possibles, le choix des éleveurs de maintenir des prairies dans leur système fourrager est fortement associé à des combinaisons de facteurs socio-économiques à la fois dans le temps et dans l’espace. Il semble en effet que les clefs d’un maintien des prairies sur le long terme soient associées au fait qu’elles répondent aux attentes d’une diversité d’acteurs locaux. En cela, leur multifonctionnalité devient la clef de voûte d’un système socio-écologique (par ex. lorsque les enjeux environnementaux sont forts) et/ou socio-économique (par ex. lorsque les enjeux de filière sont forts). Ce préalable peut permettre l’émergence et la coexistence de modèles agricoles intégrant des prairies à des niveaux variés à la condition qu’il existe des réseaux de dialogue. Ces réseaux de dialogues, professionnels ou non, dans lesquels les éleveurs peuvent mettre en débat les modèles de production et les rôles que les prairies y jouent, remettre en question leurs pratiques et imaginer des formes d’hybridation, est essentielle au développement de voies multiples de maintien des prairies au sein des EA et donc d’un territoire.
Par conséquent, construire des voies de maintien des prairies demande une convergence des actions des acteurs territoriaux vers des formes concertées de stratégies de développement/accompagnement des éleveurs. Ces stratégies peuvent se positionner sur des formes et usages des prairies compatibles avec le contexte pédoclimatique, l’histoire des filières animales et les orientations de production et objectifs stratégiques des éleveurs, tout en n’excluant pas l’émergence de modèles en rupture. Du fait de leur caractère multifonctionnel, il n’y a pas qu’une façon de maintenir les prairies dans les EA. Le contexte local oriente les caractéristiques de cette multifonctionnalité qui seront prises en compte par les gestionnaires et donc les voies de maintien possibles des prairies dans les EA. En ce sens, les politiques de soutien et les stratégies de filières se doivent d’être en adéquation avec les spécificités territoriales des formes d’agriculture. L’accompagnement des éleveurs à des échelles locales doit aussi se réfléchir au travers de dispositifs collaboratifs permettant le développement de formes co-construites d’élevage. Ces dispositifs peuvent prendre des formes et objectifs variés selon les contextes : i) s’appuyer sur les nombreux réseaux de dialogue existants (entre pairs et/ou autres acteurs) pour favoriser l’hybridation des pratiques dans des territoires similaires à ceux de Betton et ii) mettre en place des dispositifs de partage d’enjeux territoriaux entre acteurs qui se parlent peu dans le but d’initier des dynamiques locales multi-acteurs dépassant les logiques de systèmes agraires peu diversifiés dans des territoires similaires à Marquise ou Bannalec.
Notes
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Résumé
Malgré de multiples services rendus aux territoires et aux élevages reconnus et soutenus, les surfaces en prairie s’érodent depuis plusieurs décennies, en particulier en zone d’élevage bovin laitier de plaine. Partant du constat qu’il existe localement des situations de maintien voire d’augmentation de ces surfaces durant les 15 dernières années, cet article fait la synthèse de travaux portant sur les déterminants de ces dynamiques de maintien. À l’échelle territoriale, les conditions favorables au maintien, pouvant dépasser l’échelle locale et agissant sur un temps long, conjuguent i) une spécialisation laitière assurant une diversité de débouchés dont certains valorisant la prairie, ii) une offre riche de conseil technique sur la prairie adapté à une diversité de profils d’éleveurs, iii) une situation locale favorable en termes de politique publique et de relations sociales. Lorsque cela est réuni, une diversité de systèmes où la place de la prairie est très variable émerge. À l’échelle de l’exploitation, le maintien des prairies peut s’opérer via des ruptures de pratiques permettant d’évoluer vers des systèmes alternatifs, mais aussi via des recompositions lentes dans des systèmes plus conventionnels. Celles-ci sont permises par des processus d’hybridation des pratiques favorisés par la coexistence de systèmes fourragers et l’interaction dans des réseaux de dialogue de façons de concevoir les prairies au service de la stratégie de production contrastées. Ainsi, plus la multifonctionnalité des prairies est partagée par des acteurs aux profils variés (éleveurs, conseillers…) au sein de plusieurs réseaux de dialogues, et plus la probabilité de voir les prairies se maintenir dans les élevages et les territoires est forte.
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