Chapeau

Après une quinzaine d’années de réduction d’usage des antibiotiques en filières porc et volaille en France, une réflexion participative a identifié un ensemble de questions à résoudre pour poursuivre les efforts d’amélioration de l’usage des antibiotiques, avec un focus sur le besoin d’indicateurs de suivi à l’échelle de la ferme.

Introduction

Au cours des décennies passées, le développement de l’élevage de monogastriques s’est accompagné d’une rationalisation et standardisation des pratiques d’élevage, de la réduction des coûts et d’une augmentation de la productivité des animaux. Cela s’est traduit par un équilibre de santé des animaux délicat à maintenir, notamment pour certaines catégories d’animaux ou certaines étapes de production à risque, comme par exemple la phase de sevrage des porcelets ou le démarrage d’un lot de poussins. Pendant cette période, l’administration d’antibiotiques pour réguler ces phases critiques est devenue de plus en plus fréquente, car elle permettait de passer le cap de ces problèmes de santé à moindre coût. C’est ainsi que la quantité d’antibiotiques utilisée en élevage de monogastriques, rapportée à la population exposée, a augmenté régulièrement au fil des ans, et a atteint un maximum dans les années 2000. Or, à cette période, la prise de conscience des risques liés à l’antibiorésistance a amené les acteurs de l’élevage à reconsidérer les pratiques.

Depuis, des actions majeures ont été entreprises pour réduire l'usage des antibiotiques. L'article de Paul et al. (2022), ce numéro décrit la réduction importante d'usage des antibiotiques opérée au cours des quinze dernières années dans les élevages de porcs et volailles. Au cours de la période 2011-2020, l'exposition des porcs et des volailles aux antibiotiques a diminué de respectivement 55,5 et 64,4 % selon les rapports de l'ANSES (Anses, 2021). L'auteur note également les dispositifs de suivi des usages mis en place en France tel que REFAVI en volailles de chair et les leviers d'action qui ont permis cette réduction, notamment dans le cadre des différents plans Ecoantibio dès 2011. Néanmoins, la mobilisation des filières porcine et avicoles sur l'antibiorésistance est plus ancienne et leur a permis de prendre de l'avance sur les différentes politiques mises en place dans ce cadre. Cette évolution favorable résulte notamment de démarches professionnelles collectives et individuelles où la gestion de la santé repose sur un diagnostic précis des troubles sanitaires de l'élevage et une prévention adaptée dans le cadre d'une approche multifactorielle.

Plus récemment, certaines organisations de production et des représentants de la Grande Distribution ont mis en place des labels et chartes « sans antibiotique » s'inscrivant dans des démarches plus globales de responsabilité sociétale des entreprises et incluant donc des progrès sur d'autres enjeux tels que le bien-être animal, l'environnement, l'alimentation sans OGM (Paul et al., 2022, ce numéro, encadré 2). Bien que bénéfiques sur certains aspects (renforcement de l'accompagnement des éleveurs, formation, aide à l'investissement, optimisation de la nutrition, génétique…), l'impact de ces chartes demande à être étudié en détail. Certains acteurs ont en effet noté des effets insidieux pour des élevages engagés, dans le sens où les éleveurs peuvent refuser l'usage d'antibiotiques sur leurs animaux pour ne pas perdre l'avantage financier associé à la charte. En effet, si le traitement des animaux permet de restaurer leur santé et assurer leur bien-être, il entraîne un déclassement des produits de la gamme « sans antibiotique » vers la gamme « standard ».

Par ailleurs, plusieurs outils règlementaires ont été mobilisés pour optimiser l'usage des antibiotiques : le décret n°2016-317 du 16 mars 2016 et l'arrêté du 18 mars 2016 sur les antibiotiques d'importance critique, puis les règlements européens (2019/6) relatifs aux médicaments vétérinaires et (2019/4) concernant la fabrication, la mise sur le marché et l'utilisation d'aliments médicamenteux pour animaux. Ces deux règlements sont applicables depuis le 28 janvier 2022 sans transposition en droit national (Rostang et al., 2022, ce numéro). Parmi eux, le règlement 2019/6 précise les définitions pour les utilisations de médicaments en prophylaxie1 et métaphylaxie2. L'article 107.3 de ce règlement stipule que les traitements avec des médicaments antimicrobiens doivent être « exceptionnels », « lorsque le risque d'infection ou de maladie infectieuse est très élevé et que les conséquences ont toutes les chances d'être graves ». Les antibiotiques doivent être administrés aux animaux de façon individuelle et non sous forme de traitements collectifs (ex : au cours d'une chirurgie ou pour une vache à risque élevé de mammite clinique). La métaphylaxie fait également l'objet de restrictions (article 107.4) : elle ne peut être mise en œuvre que si « le risque de propagation d'une infection ou d'une maladie infectieuse dans le groupe d'animaux est élevé et lorsque aucune solution appropriée n'est disponible ». Les états membres doivent élaborer des lignes directrices pour favoriser « la compréhension des facteurs associés à la métaphylaxie » et donner des critères pour sa mise en place. Ces critères doivent permettre d'éviter que la métaphylaxie ne soit sytématique, ce qui reviendrait à de l'antibioprévention. Cette situation va conduire nécessairement à mieux cibler et encadrer l'usage collectif des antibiotiques. Il existe déjà des initiatives, notamment celle des associations de vétérinaires porcins pour un consensus sur les modalités de mise en œuvre de traitements collectifs pour certaines maladies et une discussion avec l'Administration (DGAl et Anses).

Après une quinzaine d’années de réduction des usages d’antibiotiques dans les filières porcine et avicoles, se posent les questions suivantes : Peut-on aller plus loin ? Comment faire progresser les éleveurs qui ont moins avancé que d’autres dans cette voie ? Comment limiter les impacts négatifs de restrictions trop sévères de l’usage des antibiotiques, particulièrement dans le cadre des chartes « sans antibiotique » ? L’objectif de cet article est de présenter le résultat d’une réflexion participative entreprise dans le cadre d’un projet de recherche financé par l’Union européenne.

1. Mise en place de l’approche participative

Le projet de recherche ROADMAP (« Rethinking Of Antimicrobial Decision-systems in the Management of Animal Production ») financé par l'Union européenne dans le cadre du programme H2020-Sustainable Food Security, vise à encourager les changements de pratiques et à favoriser les transitions vers une utilisation prudente des antibiotiques en santé animale en mobilisant des approches participatives et en adoptant une perspective interdisciplinaire. Les stratégies de changement de pratiques sont co-construites et testées au sein de Living Labs (démarche d'innovation participative incluant les différents protagonistes d'une problématique complexe et multidisciplinaire à l'échelle d'un territoire (Hossain et al., 2019). En France, un Living Lab impliquant des acteurs des filières avicoles et porcine et de la santé animale a été constitué en 2021 pour travailler à la réduction d'usage des antibiotiques en élevage porcin et avicole. L'approche participative ImpresS ex ante (Blundo Canto et al., 2020), développée par le CIRAD, a été utilisée pour co-construire des stratégies plausibles permettant de générer les changements nécessaires et les impacts souhaités à long terme. Cette méthode permet l'explicitation de la logique d'une intervention (liens de causalité entre les ressources mobilisées, les produits de l'intervention, les changements générés par l'appropriation de ces produits et les impacts associés) modélisée sous forme de chemin d'impact traductible en plan d'action. La première phase de la démarche ImpresS ex ante (encadré 1), dont les résultats font l'objet de cet article, permet au préalable de faire un diagnostic initial de la situation concernant l'usage des antibiotiques dans ces filières en France. Cette première analyse sert de base à la formulation d'une vision du futur à dix ans à laquelle le collectif souhaite contribuer via l'intervention et à l'identification des problèmes actuels empêchant la réalisation de cette vision du futur.

La démarche ImpresS ex ante vise à intégrer et croiser différents points de vue. Neuf participants représentant les parties prenantes concernées par l’usage des antibiotiques en élevage ont été mobilisées tout au long du processus qui s’est déroulé de mai 2021 à février 2022 (tableau 1). Des entretiens individuels ont préalablement été réalisés avec chacun de ces acteurs afin de les engager dans le Living Lab. Puis, au cours de quatre ateliers, les participants ont collectivement fait le même constat sur la situation initiale au regard de l’usage des antibiotiques, formulé et partagé une vision du futur souhaitable à 10 ans sur la base de ce diagnostic et dressé un inventaire des problèmes à résoudre pour contribuer à cette vision. La facilitation et l’observation du processus participatif ont été effectuées par des chercheurs impliqués dans le projet ROADMAP. La facilitation des ateliers participatifs a été conduite par une experte sur les questions d’usage des antibiotiques en élevage et une personne formée aux approches participatives et à la démarche ImpresS ex ante ; qui a également mené les entretiens individuels.

Encadré 1. Les quatre phases de la démarche ImpresS ex ante (Blundo Canto et al., 2020).

1. Construire un récit de l’intervention partagé
a. Diagnostic initial de la situation
b. Vision du futur
c. Problématique centrale et problèmes sous-jacents
d. Ecosystème et périmètre de l’intervention
e. Acteurs majeurs, influents, impactés

2. Cartographier les changements souhaitables et construire la stratégie de l’intervention

a. Changements souhaitables en termes de pratiques, comportements, interactions
b. Changements intermédiaires en termes de connaissances, compétences, motivation
c. Obstacles et leviers aux changements
d. Stratégies
e. Produits
f. Ressources
g. Impacts

3. Consolider le chemin d’impact ou logique de l’intervention

4. Décliner le chemin d’impact en différents produits (plan d’action, sytème de suivi-évaluation...)

Tableau 1. Types de personnes impliquées dans le Living Lab sur l’usage des antibiotiques en filières porc et volailles.


Catégorie d’acteurs

Organisation

Rôle
dans le LL

Nombre de personnes

Parties prenantes

Instituts techniques

Institut Technique du Porc (IFIP)

Participant

1

Institut Technique des filières avicole,
cunicole et piscicole (ITAVI)

Participant

1

Interfrofessions des filières

Interprofession Nationale Porcine
(INAPORC)*

Participant

1*

Interprofession Volaille de chair
(ANVOL)

Participant

1

Associations
professionnelles
veterinaires

Syndicat National des Vétérinaires
Conseils (SNVECO)

Participant

1

Commission Technique Porcine
de la Société Nationale des
Groupements Techniques Vétérinaires

Participant

1

Commission Technique Avicole de la
Société Nationale des Groupements
Techniques Vétérinaires

Participant

1

Institution de la
profession veterinaire

Conseil National de l’Ordre
des Vétérinaires

Participant

1

Ministère
de l’Agriculture et de
l’Alimentation

Direction Générale de l’Alimentation
Bureau de la Transition pour une
Production Agricole Durable

Participant

1

Équipe d’animation et équipe d’animation et de rechercheHE

Instituts de Recherche
Français

INRAE, CIRAD

Facilitateurs

2

Analyste
du processus
participatif
et soutien
logistique

1

Observateurs
du processus
participatif

3-4

*Ce participant, en raison d’une assiduité moindre aux réunions du Living Lab, n’est pas listé dans les auteurs de cet article.

2. Bilan de la situation actuelle et vision du futur

2.1. Diagnostic initial

Dans une première étape, un diagnostic initial de la situation actuelle au regard de l’usage des antibiotiques a été établi. Il a été élaboré par les chercheurs du projet sur la base de la bibliographie et des entretiens individuels, puis a été enrichi et validé par le collectif. Ce diagnostic initial est le suivant, énoncé dans les termes acceptés consensuellement par les participants au Living Lab :

L’état des lieux des efforts déjà accomplis montre que les différentes initiatives mises en place, telles que les plans EcoAntibio 1 et 2, le décret sur les antibiotiques critiques et le moratoire sur les céphalosporines, ont nettement contribué à une réduction importante de l’usage des antibiotiques dans les filières porcine et avicole en France. Aujourd’hui, il semble que l’on ait atteint un plateau en dessous duquel il est difficile de réduire quantitativement l’usage des antibiotiques. Cela questionne la possibilité d’une évolution des usages toujours axée sur la réduction des volumes utilisés.

Pour estimer l'évolution de ces usages, des indicateurs sont nécessaires. Différentes initiatives ont encouragé l'identification d'une multitude d'indicateurs parfois mobilisés de manière inappropriée ou non optimale en l'absence de consensus sur leur utilisation (Collineau et al., 2017). Dans les filières porcine et avicole, l'indicateur ALEA, défini par l'ANSES, est couramment employé ; mais il existe également d'autres dispositifs descriptifs de l'usage et d'autres systèmes privés avec leurs indicateurs et leurs modalités de calcul et d'interprétation propres répondant à des objectifs et questions spécifiques.

Les différentes initiatives ont également influencé l’émergence de différents labels et chartes « sans antibiotique » (encadré 2) qui incluent des critères variables, notamment sur les aspects de bien-être animal, et avec des dispositifs de monitoring de l’usage qui leur sont propres. Ces chartes présentent l’avantage de réduire quantitativement l’usage des antibiotiques mais peuvent parfois constituer une contrainte pour l’éleveur lorsqu’un traitement curatif est nécessaire afin de garantir la santé et le bien-être des animaux.

à la lumière de ces différents facteurs contextuels, l’enjeu auquel il va falloir répondre est d’encourager un bon usage des antibiotiques tout en garantissant, d’une part, la santé et le bien-être des animaux, et d’autre part, la viabilité économique des parties prenantes (vétérinaires, éleveurs, organisations de production), ainsi que la viabilité des actions pour y parvenir. Une des solutions avancées pour parvenir à ce bon usage des antibiotiques serait d’affiner le pilotage des usages des antibiotiques en prenant en considération la diversité des élevages et de leurs situations sanitaires. L’intervention qui sera co-construite s’inscrit également dans un environnement incluant différentes initiatives sur lesquelles des synergies d’action pourraient être identifiées.

Un enjeu supplémentaire a été mentionné sur la nécessité d’avoir des preuves incitatrices de l’impact positif d’un bon ou moindre usage des antibiotiques sur l’antibiorésistance. En effet peu d’études intègrent la dimension One Health. Le rapport JIACRA (Joint Inter-Agency Antimicrobial Consumption and Resistance Analysis) présente les résultats d’analyses approfondies des données d’utilisation des antibiotiques et d’antibiorésistance de bactéries chez l’homme et l’animal dans l’Union européenne (encadré 3).

Encadré 2. Labels et chartes sans antibiotiques et leurs conséquences.

Les chartes « sans antibiotique » décrites dans la littérature sont diverses. En Amérique du Nord, cette allégation peut concerner les antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance (interdits en Europe dans l’alimentation des animaux d’élevage depuis 2006), les coccidiostatiques ionophores chez les volailles et dans certains cas toute administration d’antibiotique. En Europe, l’allégation peut concerner l’administration individuelle ou collective d’antibiotiques à visée thérapeutique, sur une partie de la vie de l’animal (exemple chez le porc « à partir de 42 jours d’âge ») ou pendant toute la vie de l’animal (sans antibiotique « depuis la naissance »). Il est fréquent que le critère «sans antibiotique» soit associé à des modalités d’élevage différenciées du mode conventionnel par d’autres critères (moindre densité d’animaux, arrêt de pratiques douloureuses comme la castration des porcelets mâles ou l’alimentation des animaux…). En France, en 2020, 15 % des porcs étaient produits en respectant l’une de ces chartes (Roguet et Hémonic, 2022).

Plusieurs publications ont étudié les conséquences de ces chartes sur la santé et le bien-être des animaux. Des études portant sur des poulets de chair en Amérique du Nord ont mis en évidence une fréquence plus élevée des troubles digestifs et une diminution des performances zootechniques des lots (Smith, 2011 ; Gaucher et al., 2015) ou sur les lésions oculaires d'irritation, les pododermatites et les aérosacculites (Karavolias et al., 2018). En étudiant le microbiote des porcelets en post-sevrage et celui du lisier des élevages sous charte « sans antibiotique », Chekabab et al. (2021) ont observé au sein de ce microbiote une plus grande abondance de certains agents pathogènes et une moindre présence de gènes de résistance aux antibiotiques pour les animaux élevés sans antibiotique. En raison de l'hétérogénéité des chartes mais également des caractéristiques (notamment sanitaires) des élevages inclus dans ces études, il est parfois difficile de conclure à un effet. Ainsi une évaluation du bien-être de 40 lots de poulets de chair n'a pas permis de mettre en évidence de différence entre animaux élevés avec ou sans usage d'antibiotiques (Iannetti et al., 2021). Une étude en élevage porcin a également conclu à l'absence de différence significative (Lynegaard et al., 2021).

Selon une enquête réalisée auprès de 442 vétérinaires et éleveurs aux états-Unis, plus de 60 % des enquêtés pensent que ces chartes impactent négativement la santé et le bien-être et plus de 80 % pensent qu'elles pénalisent les résultats économiques des exploitations (Singer et al., 2019). Tout comme dans l'enquête réalisée en France auprès de 18 éleveurs de porc et 20 vétérinaires ou responsables qualité de groupements, certains enquêtés rapportent avoir eu à arbitrer entre respect de la charte et traitement d'une affection nécessitant l'administration d'antibiotiques (Singer et al., 2019 ; Roguet et Hémonic, 2022). Or, l'éleveur a une obligation de soin de ses animaux. De même, dans le code de déontologie vétérinaire définissant les devoirs fondamentaux du vétérinaire (article 242-48 du Code rural et de la pêche maritime), il est notamment mentionné que le vétérinaire, « lorsqu'il se trouve en présence ou est informé d'un animal malade ou blessé (…) s'efforce, dans les limites de ses possibilités, d'atténuer la souffrance de l'animal et de recueillir l'accord du demandeur sur des soins appropriés ».

Néanmoins, les chartes « sans antibiotique » permettent de valoriser les bonnes pratiques existantes de faible utilisation d’antibiotiques, même si elles ne sont pas forcément le moteur du changement car un ensemble d’éleveurs sont déjà de faibles utilisateurs d’antibiotiques, avec ou sans label. En entrant dans ces filières, les éleveurs disent apprécier la meilleure valorisation de leurs porcs par la plus-value économique, la sécurisation des prix et des débouchés. Ils se disent aussi motivés par la volonté de « promouvoir les bonnes pratiques », « d'avancer, d'être précurseurs », de redorer « l'image de l'élevage et du métier » et de « produire un produit de meilleure qualité, plus valorisant » (Roguet et Hémonic, 2022).

Toutefois, ces initiatives pourraient donner l’impression que l’élevage « sans antibiotique » est la seule option, ne laissant pas la place à un usage « raisonné »/« vertueux » qui serait pourtant bénéfique pour tous.

2.2. Vision du futur

Une deuxième étape a permis aux participants d’identifier les impacts positifs qu’ils souhaiteraient collectivement atteindre afin d’expliciter une vision du futur souhaitable à dix ans. C’est à cette vision que l’intervention3 formulée par le collectif répond. La vision du futur est la formulation d’une situation à la fois idéale et plausible qu’on souhaiterait atteindre à moyen terme, et qui sert de boussole dans la co-construction de l’intervention. Elle a été formulée ainsi par le collectif :

« En 2031, en France, le bon usage des antibiotiques dans les filières avicoles et porcine est une pratique axée vers le « mieux » et pas seulement vers le « moindre », appliquée dans tous les élevages et acceptée par les acteurs de l’utilisation des antibiotiques (vétérinaires, éleveurs, organisations de production, industries pharmaceutiques, centrales d’achat…) et par les acteurs de l’utilisation des produits d’origine animale (abattoirs, distribution, restauration, consommateurs…). Cette pratique, suivie par des indicateurs adaptés, permet de préserver l’arsenal thérapeutique tout en garantissant, d’une part la santé et le bien-être des animaux, et d’autre part la pérennisation de ces filières et du maillage vétérinaire sur le territoire ».

Encadré 3. Usage d’antibiotiques et risque de résistance en médecines humaine et vétérinaire à l’échelle européenne.

Le rapport européen JIACRA (Joint Inter-Agency antimicrobial Consumption and Resistance Analysis) co-publié par l’EMA, l’EFSA et l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control) compare l’usage des antibiotiques et l’antibiorésistance en médecines humaine et vétérinaire et recherche un lien statistique entre usage d’antibiotiques et antibiorésistance. La version la plus récente (JIACRA III), publiée en 2021, couvre les périodes 2016 à 2018. L’analyse de la résistance aux antibiotiques autorisés en médecine vétérinaire est décrite pour Escherichia coli, les salmonelles et les campylobacters. Par défaut de données ou données de résistance incohérentes entre pays européens, l’analyse ne peut pas être réalisée dans tous les cas. Les résultats montrent des associations variables en fonction des espèces animales, des bactéries et des familles d’antibiotiques considérées dans les analyses. Ainsi, c’est pour les campylobacters que le lien entre présence de bactéries résistantes chez l’homme et les animaux d’élevage (celle-ci étant liée à l’usage d’antibiotiques chez ces animaux) est le plus nettement mis en évidence, en particulier pour la famille des quinolones.

3. Problèmes à résoudre pour progresser dans l’usage des antibiotiques

3.1. Problématique centrale

La troisième étape de la démarche a permis au collectif d’identifier la problématique centrale qui est la cause majeure pour laquelle la vision du futur souhaitable n’est pas encore atteinte. Elle a ainsi été formulée par le groupe de participants :

« Les choix de consommation de porc et de volaille ne prennent pas systématiquement en compte l’usage des antibiotiques par les acteurs (vétérinaires, éleveurs, organisations de production…) à qui il manque, ou qui utilisent de façon hétérogène, les moyens et indicateurs (niveaux d’usage, santé, bien-être, antibiorésistance…) leur permettant d’adapter leurs pratiques en termes de choix de traitement et de conduite d’élevage ».

Un travail d'élicitation des causes sous-jacentes à cette problématique centrale a permis à chaque participant de partager ses connaissances et ses expériences concernant les freins actuels au changement et ainsi d'élaborer collectivement un « arbre à problèmes ». Sur les 48 problèmes initialement identifiés, le collectif en a sélectionné 24 délimitant ainsi le champ d'action de l'intervention, c'est à dire l'ensemble des problèmes actuels empêchant la réalisation de la vision du futur sur lesquels le collectif se sent légitime et en capacité de travailler, et qu'il souhaite traiter par l'intervention. En revanche, le groupe a exclu, entre autres, les problèmes liés au budget des consommateurs et au développement et à la réglementation des produits alternatifs aux antibiotiques. Certains problèmes étant fortement liés et/ou similaires, ils ont été regroupés et reformulés afin de les traiter ensemble et d'éviter d'éventuelles redondances en terme de stratégies identifiées pour les résoudre. Le collectif a ensuite priorisé ces 15 reformulations finales. Les problèmes que le collectif pense indispensables de traiter dans les prochaines années se répartissent en trois thématiques (figure 1) qui sont détaillées dans les paragraphes suivants. Les autres problèmes sélectionnés par le collectif dans l'arbre à problèmes mais moins prioritaires sont présentés dans Guenin et al. (2022).

Figure 1. Branches principales de l’« arbre à problèmes » : causes sous-jacentes à la problématique centrale d’usage non optimal des antibiotiques en filières porc et volailles.

3.2. Problèmes liés aux indicateurs et au suivi des animaux

Le collectif a identifié un ensemble de questions à traiter relevant d’indicateurs pour le suivi des animaux. Lors des différents ateliers, les participants du living-lab ont en effet fait le constat qu’actuellement, « on ne dispose pas (ou dans certains cas on en dispose mais on ne les utilise pas) d’indicateurs de moyens et de résultats standardisés qui, correctement combinés, permettent d’analyser et d’adapter l’usage des antibiotiques à l’échelle de l’élevage au regard des objectifs visés en termes de bien-être et santé des animaux, d’antibiorésistance en élevage, de compétitivité, d’impact sur la santé publique et l’environnement. Ces objectifs doivent être définis de façon consensuelle entre éleveurs, vétérinaires et autres acteurs de la filière, tout comme doivent l’être les indicateurs ad hoc, les valeurs souhaitables de ces derniers ainsi que les modalités de leur combinaison. Des indicateurs de suivi de l’antibiorésistance à l’échelle de l’élevage seraient aussi extrêmement utiles. »

« Les données pour calculer ces indicateurs, les moyens de collecte de ces données et les flux d’échange de ces données sont parfois inexistants et parfois sous- ou mal utilisés par les éleveurs, vétérinaires et autres acteurs de la filière ».

3.3. Problèmes liés à des aspects économiques

D’autres problèmes relevés par les participants sont de nature économique. Ainsi, ils soulignent que « les éleveurs privilégient la charge variable en traitant avec des antibiotiques plutôt que de prendre des risques sur la charge fixe en favorisant des alternatives préventives car ils pensent que le préventif incluant les alternatives aux antibiotiques (vaccins, biosécurité, hygiène…) coûte plus cher que le curatif avec antibiotiques malgré les études économiques qui prouvent le contraire sur certaines espèces. Des frais relativement élevés peuvent être nécessaires pour améliorer les structures d'élevage et donc permettre une réduction de l'usage des antibiotiques or les éleveurs n'ont pas toujours la capacité d'investir dans leurs outils de production ».

« Moins et mieux d'antibiotiques implique plus de conseil et de suivi technique et vétérinaire, donc une présence plus importante or la notion de suivi d'élevage par le vétérinaire, et en particulier le modèle économique du conseil, n'est actuellement pas adapté et il y a une dégradation du financement du maillage et du service vétérinaire rendu aux filières, en partie par bascule du soin sur prescription vers des produits libres non encadrés » (qui ne contribuent pas de ce fait au revenu des vétérinaires).

3.4. Problèmes liés à la communication sur les antibiotiques

Enfin, un ensemble de problèmes relevés par les participants porte sur la relation aux citoyens et consommateurs. « La multiplicité des allégations (ex: allégation et cahier des charges « sans antibiotique »), entretenue par les acteurs des filières, génère de la confusion chez les consommateurs sur les pratiques d'usage d'antibiotiques, la sécurité sanitaire des aliments et la présence éventuelle de résidus dans la viande. Ceci est en partie lié à un manque de pédagogie sur les antibiotiques, qui seraient opposés aux « produits naturels », et sur les risques de résidus dans la viande ».

La problématique des chartes « sans antibiotique », déjà mentionnée, relève également de la thématique communication. En effet, l'analyse de la littérature montre que si la perception des vétérinaires et des éleveurs est assez réservée sur une réduction trop importante de l'usage des antibiotiques (voir encadré 2), les consommateurs considèrent qu'élever des animaux sans antibiotique est un gage de meilleure santé et de respect du bien-être, plébiscitant le « no » (i.e. sans usage d'antibiotiques), sans avoir conscience de l'intérêt des antibiotiques pour le soin aux animaux, et ce alors qu'ils affirment que le bien-être des animaux est une de leurs préoccupations (Bradford et al., 2022).

4. Indicateurs nécessaires pour piloter une dynamique vertueuse de l’usage des antibiotiques

Parmi tous les facteurs identifiés par le collectif pour faire progresser la façon de prescrire les antibiotiques, le besoin d’indicateurs à l’échelle de l’élevage pour piloter la situation est apparu crucial et à traiter en priorité. Afin d’évoluer du « moins » d’antibiotiques vers le « mieux », ce dernier doit être objectivé à l’aide d’indicateurs qui démontrent qu’un usage minimal d’antibiotiques est assuré. Cet usage « optimal » permettrait de limiter le risque d’apparition et de diffusion de résistances bactériennes aux antibiotiques, tout en préservant la santé et le bien-être des animaux. Cette évolution s’appuie donc sur des indicateurs de résultats combinés, incluant des paramètres sur la santé, le bien-être des animaux, l’usage d’antibiotiques et la résistance aux antibiotiques. Il convient en effet de lier « usage » et « résistance », afin de définir les objectifs non plus en terme de réduction d’usage, mais en terme de réduction de la résistance, cette dernière n’étant pas systématiquement liée au niveau d’usage des antibiotiques. Les nouvelles pratiques de prescription et d’usage des antibiotiques doivent aussi s’inscrire dans le contexte de la viabilité économique des différents acteurs des filières (exploitations agricoles, organisations de production…) et de celle des acteurs de la santé animale, notamment le maillage vétérinaire rural.

4.1. Choix des indicateurs pertinents en élevage

Répondre à ce défi soulève un ensemble de questions. Il est nécessaire en premier lieu de déterminer les indicateurs pouvant permettre de rendre compte de manière simple, combinée et optimale de la santé des animaux, de leur bien-être, de l'usage d'antibiotiques et de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Pour cela, les besoins des acteurs de terrain doivent être précisément identifiés, et la littérature scientifique est nécessaire pour en assurer le fondement scientifique. Différents indicateurs standardisés d'usage d'antibiotiques sont déjà disponibles (Collineau et al., 2017, AACTING4…). L'optimisation des usages d'antibiotiques demande encore à affiner ces indicateurs, en les déclinant par exemple par molécule ou famille d'antibiotiques, modalités de traitement (âge ou poids au traitement). Plusieurs initiatives visant à fournir des outils d'évaluation du bien-être émergent également aujourd'hui dans les filières (Welfare Quality, BEEP en élevage de porcs, EBENE en élevages de volailles…). Les indicateurs de santé sont, quant à eux, de nature très complexe et ne sont pas recueillis de manière systématique et homogène dans les élevages. Si les données liées à la productivité des animaux (taux de mortalité et performances de croissance en élevage porcin, taux de mortalité en élevage avicole) ou aux intrants médicamenteux sont collectées de manière systématique, les troubles sanitaires sont compliqués à documenter en routine car ils sont de natures diverses (cliniques, biomarqueurs) et leur pertinence dépend des situations sanitaires rencontrées. Ainsi le choix des différents indicateurs à monitorer constitue encore un défi, qui ne pourra être relevé que par une approche concertée permettant l'établissement d'un consensus entre scientifiques et professionnels de l'élevage (vétérinaires, éleveurs, conseillers techniques).

Des développements seront également nécessaires afin de fournir des indicateurs adaptés à la variabilité liée aux différents stades physiologiques (l’indicateur d’exposition aux usages d’antibiotiques devant tenir compte, par exemple, du poids des animaux au traitement) et aux modes d’élevage (élevage en bâtiment versus en plein-air par exemple, pour les indicateurs de bien-être). Enfin, étant donné le grand nombre possible de combinaisons de bactéries/antibiotiques/élevages, le suivi de la résistance aux antibiotiques en élevage nécessite d’établir des choix qui, pour être pertinents, ne peuvent être conduits que sur la base d’un consensus entre les acteurs des filières et le monde académique. Tandis que le suivi de la résistance d’un certain nombre de bactéries commensales est conduit en routine en France (exemple réseau Salmonella), le suivi des bactéries pathogènes repose sur un dispositif de surveillance évènementielle basé sur des laboratoires volontaires (RESAPATH). De manière simultanée aux réflexions concernant le choix des indicateurs, un consensus devra être établi quant à l’échelle (l’animal, le lot, la bande, l’élevage ?) et le pas de temps (en continu/temps réel ? à la fin du cycle de production ? Sur une période donnée, par exemple un trimestre ou une année ?) pertinents pour les mesurer.

4.2. Mise au point des valeurs de référence

La question des valeurs de référence, ou encore de seuils ou objectifs à atteindre, devra également être abordée pour ces différents indicateurs, ces valeurs devant tenir compte de la diversité des situations rencontrées qui conduisent à la prescription d'antibiotiques en élevages porcins et avicoles ainsi que des variations de ces valeurs au cours du temps (cinétique en fonction de la croissance des animaux, et de l'évolution de la santé des animaux dans les élevages). La manière de combiner ces indicateurs devra également être abordée, de même que celle des synergies ou antagonismes (par exemple entre non-recours aux antibiotiques et bien-être) entre indicateurs qui viendront complexifier la définition du « meilleur usage » et compliquer la prise de décision en élevage. La pondération entre indicateurs devra éventuellement être envisagée. Il pourra être pris exemple sur ce qui se pratique en médecine humaine et notamment en oncologie avec l'utilisation combinée de biomarqueurs de nature hétérogène (biologiques, cliniques, d'imagerie, histologiques…), via une approche composite mobilisant plusieurs disciplines (cliniciens, data scientists) dans le cadre de conférences de consensus (Perrier et al., 2022).

4.3. Utilisation à d’autres échelles que celle de l’élevage

Une autre question est de définir quel usage peut être fait de ces indicateurs à d’autres échelles, et leur pertinence à ces échelles. Construits à des fins de « pilotage » et de prise de décision à l’échelle de l’élevage, se pose la question de leur usage à l’échelle de communautés d’élevages : organisations de production, segmentation ou régions. Une filière de production dans son ensemble peut également faire l’objet d’un suivi sur la base d’indicateurs et d’objectifs. Cependant, l’aggrégation d’indicateurs à des échelles supérieures ne coule pas de source. En fonction des objectifs (obtenir des estimations robustes à l’échelle de la population d’élevage ? visualiser les élevages les plus extrêmes ?), différents choix peuvent être opérés pour aggréger les indicateurs. Là encore, un travail d’élicitation des besoins devra être conduit en concertation entre acteurs des filières et scientifiques.

La question de l’usage des indicateurs se pose aussi à l’échelle globale nationale, notamment dans le cadre du plan Ecoantibio3, en phase de construction, qui sera lancé en 2023 en même temps que la nouvelle feuille de route interministérielle « Une Seule Santé » (« One health ») sur l’antibiorésistance. Au niveau européen, le suivi des usages et l’évolution de la réglementation européenne imposent la remontée des données de vente et des données d’usage. En France, le projet Calypso, porté par le Conseil national de l’Ordre des Vétérinaires, doit permettre de répondre à cet objectif. L’élaboration des indicateurs doit donc se faire en concertation avec ces initiatives nationales et les nourrir : l’imbrication de ces différentes échelles est nécessaire pour une cohérence du dispositif et une plus grande efficacité. Leur conception et les modalités de leur usage en fonction des échelles devront faire consensus entre partenaires concernés. Une question délicate sera celle du contexte de compétitivité entre groupes et sociétés qui les amène à garder confidentielles leurs données. Cette question devra être envisagée dès le démarrage du processus de concertation par i) l’adhésion de toutes les parties prenantes et ii) le pilotage du processus par une entité légitime et indépendante.

4.4. Mutualisation des données et organisation du dispositif

Ensuite se pose la question des outils et des moyens nécessaires pour produire les données et les indicateurs, ceci en temps réel pour adapter la prescription d’antibiotiques, mais aussi de manière différée pour des synthèses et le suivi de la situation aux différentes échelles. Les questions posées à ce sujet concernent la collecte et la mise en commun des données, la mutualisation des outils et dispositifs permettant de calculer les indicateurs, et la mise à disposition des données et des résultats (quelles modalités d’accès, à quel type d’information – brute, aggrégée, synthèse – pour quel type d’acteur ?), le tout dans le respect du Règlement Général sur la Protection des Données. Il sera déterminant de fluidifier le transfert de ces données, ce qui posera des questions d’organisation et de moyens techniques et informatiques. Un des défis sera de standardiser et rendre interopérables les données générées par les différentes technologies (automates, capteurs) ou saisies par un opérateur. à défaut, le risque sera de disposer de données en nombre mais non exploitables car non communicantes et non comparables. Il sera aussi nécessaire de travailler en parallèle sur la question de la propriété et du partage des données dans un objectif commun de santé publique et de santé et bien-être des animaux.

Conclusion

Ce processus participatif impliquant les acteurs des filières porcine et avicole et de la santé animale a permis de définir des axes de travail pour l’identification de stratégies pertinentes et adaptées au contexte pour mieux utiliser les antibiotiques en élevage, et qui contribueront à la réalisation d’une vision future souhaitable et partagée par ces acteurs au regard de l’usage des antibiotiques dans ces filières. La démarche ImpresS ex ante a permis le partage de connaissances et de points de vue divers entre participants. Les ateliers ont créé un espace de discussion et d’explicitation qui ont permis d’identifier les impacts auxquels les participants souhaitent collectivement contribuer sur le long terme au travers de l’intervention qu’ils vont co-construire. Cela a permis de poser les bases solides d’un travail collectif sur l’identification de stratégies et donc d’augmenter la plausibilité du futur plan d’action de l’intervention. Le choix des participants a volontairement été restreint à neuf acteurs institutionnels afin de garantir la qualité de la facilitation et du processus participatif. L’expertise diversifiée et complémentaire de ces acteurs a permis d’initier un travail important tout en tenant compte de différents facteurs contextuels des filières porcine et avicole en France. à ce stade du processus participatif, il sera intéressant d’identifier les acteurs concernés par les problèmes sélectionnés et au besoin de les inclure dans le Living Lab au moment de la conception des stratégies ou dans la phase de test. Les ateliers ont montré qu’il existait de nombreux points de convergence en termes d’objectifs et de problèmes entre les deux filières que l’ensemble du collectif souhaite continuer à traiter ensemble.

Après une période de forte diminution des usages d’antibiotiques, acquise sans trop d’impact sur la productivité des exploitations car une partie de leur usage relevait de la précaution, poursuivre l’amélioration de l’usage des antibiotiques en filières porcine et avicole sera beaucoup plus difficile. Cette évolution sera basée sur du surmesure, avec le besoin d’outils de pilotage précis et en temps réel à l’échelle de la ferme, pour aider vétérinaires, éleveurs et techniciens à piloter la santé et le bien-être des animaux de manière plus efficace.

Le travail participatif présenté dans cet article a permis d'établir un diagnostic de la situation et de définir des axes de travail. Se pose aujourd'hui la question de la mise en place de solutions pour répondre aux questions soulevées. Même si une partie des outils nécessaires est potentiellement disponible, un gros effort de recherche de consensus, d'harmonisation des indicateurs, de combinaison de ces paramètres, de partage de données et de mise à disposition des outils sont nécessaires, de même que des développements en recherche. Ils reposeront nécessairement sur la recherche de consensus entre partenaires des filières de production et une impulsion forte des pouvoirs publics. De ce point de vue, comme l'ont montré les résultats des plans Ecoantibio 1 et 2 (Ducrot et al., 2019 ), la dynamique collective proposée par le cadre du plan Ecoantibio est indispensable pour réussir cette entreprise. Aussi, il apparaît pertinent et important que les questions posées par le collectif puissent être traitées dans le cadre du prochain plan EcoAntibio qui démarrera en 2023.

Ces développements seuls ne suffiront pas ; il sera utile d’agir aussi sur les autres freins identifiés dans ce travail participatif, relatifs à la clarté des messages adressés au grand public et aux consommateurs, au financement de la mise à niveau des bâtiments et installations d’élevage, et aux modalités de rétribution du conseil vétérinaire en élevage.

Remerciements

Les auteurs remercient Florence Beaugrand (UMR BIOEPAR), Nikky Millar (Université de Montréal et UMR BIOEPAR) et Marie-Hélène Pinard-van der Laan (UMR GABI) pour leur rôle d’observatrices lors des réunions du Living Lab.

Ce travail a été financé par le programme recherche et innovation Horizon 2020 de l’Union européenne sous le numéro d’agrément No 817626. Il a été conduit au sein du projet ROADMAP.

Notes