Souvent décriées, les productions animales doivent relever le défi de la réduction de leurs impacts environnementaux. De par sa contribution majeure aux impacts, l’alimentation des animaux apparaît comme un levier d’amélioration prometteur. Dans ce contexte, les impacts environnementaux des matières premières destinées à l’alimentation animale peuvent être utilisés comme critère de formulation des éco-aliments.
Après avoir quantifié les impacts des productions animales sur l’environnement (Steinfeld et al., 2006), les travaux de la FAO ont souligné la nécessité de réduire les émissions liées à l’élevage, et donc d’identifier des leviers d’atténuation (Gerber et al., 2013). Classiquement, les impacts environnementaux des productions agricoles sont évalués en sortie de ferme par Analyse de Cycle de Vie (ACV) (encadré 1). Les impacts des productions animales font l’objet de beaucoup de travaux récemment compilés dans l’expertise collective INRA « Rôle, Impacts et Services issus des Elevages en Europe » (Dumont et al., 2016).
Encadré 1. Qu’est-ce qu’un impact environnemental et comment l’évalue-t-on ?
L’Analyse de Cycle de Vie (ACV) est une méthode qui analyse les implications environnementales potentielles, en comptabilisant les consommations de ressources et les émissions polluantes associées à un produit ou à un service, tout au long de sa vie, depuis l’extraction des matières premières et sa fabrication jusqu’à sa mise en déchet ou son recyclage. (ISO, 2006) (figure A). L’ACV bénéficie d’un cadre normalisé (figure B).
Cette méthode est appliquée aux domaines de l’agriculture depuis la fin des années 1990 et est en constante évolution. Elle s’appuie sur le calcul d’un groupe d’indicateurs, appelés catégories d’impact, qui couvrent les principales questions environnementales et s’appliquent à différentes échelles d’espace locale, ou globale. Ces catégories d’impact sont calculées par agrégation des différents produits émis ou consommés, proportionnellement à leur activité polluante potentielle.
Les catégories d’impact utilisées fréquemment sont les suivantes :
Cette méthode est appliquée aux domaines de l’agriculture depuis la fin des années 1990 et est en constante évolution. Elle s’appuie sur le calcul d’un groupe d’indicateurs, appelés catégories d’impact, qui couvrent les principales questions environnementales et s’appliquent à différentes échelles d’espace locale, ou globale. Ces catégories d’impact sont calculées par agrégation des différents produits émis ou consommés, proportionnellement à leur activité polluante potentielle.
Le changement climatique, exprimé en kg de dioxyde de carbone (kg CO2-eq), qui repose sur la quantification des émissions de gaz à effet de serre du système ;
L’utilisation d’énergie, exprimée en Méga Joules (MJ), qui regroupe l’ensemble des ressources énergétiques utilisées ;
L’eutrophisation, exprimée en kg d’équivalent phosphates (kg PO4-eq), qui évalue une dégradation potentielle du milieu aquatique par le déversement de substances nutritives (azotées et phosphorées) induisant une prolifération d’algues qui consomment l’oxygène disponible ;
L’acidification, exprimée en kg d’équivalent dioxyde de soufre (kg SO2-eq), qui évalue l’acidification potentielle des sols et des eaux due à la production de molécules acidifiantes dans l’air, les sols ou les eaux ;
L’utilisation de production primaire nette, exprimée en kg de carbone (kg C), qui reflète la pression sur la chaîne trophique par l’évaluation de la quantité de carbone issue de la photosynthèse nécessaire à la production d’une unité de poids de l’animal considéré. C’est un indicateur utilisé en production aquacole uniquement;
L’occupation des terres, exprimée en m².an, qui définit la surface annuelle mobilisée par le système d’élevage.
Toutes ces catégories d’impact sont calculées relativement à une unité fonctionnelle qui est généralement la tonne de produit en sortie d’élevage.
L’utilisation de l’ACV dans l’analyse de la durabilité des systèmes d’élevage, revêt plusieurs intérêts. La méthode permet de définir et de formaliser le système de production, ses différentes parties, ses limites et les flux de matières dont il est dépendant ou producteur. L’ACV permet de s’affranchir d’une perception locale des questions environnementales. La pluralité des catégories d’impact permet d’approcher la globalité des interactions avec l’environnement et d’analyser les relations entre les impacts notamment en suivant les risques de transfert de pollution entre impacts.
En production de porcs et volailles, les matières premières incorporées dans les aliments distribués aux animaux en élevage contribuent à hauteur de 50-85 % à l’impact changement climatique, 70-96 % à la consommation d’énergie totale, 64-97 % à l’impact eutrophisation et à la quasi-intégralité de l’impact occupation des terres (Basset-Mens et van der Werf, 2005 ; Boggia et al., 2010 ; Leinonen et al., 2012 ; Dourmad et al., 2014 ; Prudêncio da Silva et al., 2014). Même si la contribution de l’aliment concentré est moindre en production de ruminants, l’alimentation animale apparaît comme un contributeur important aux impacts sur un territoire d’élevage au regard des tonnages utilisés. En production laitière, le méthane entérique est la principale source de Gaz à Effet de Serre (GES) mais 27 à 38 % des émissions de protoxydes d’azote sont associés à la production d’aliment (FAO, 2010). En production de viande bovine, l’aliment contribue jusqu’à 36 % des émissions de GES (Opio et al., 2013). Au regard de son importante contribution, l’alimentation apparaît comme un levier incontournable pour diminuer l’impact de l’élevage.
L’impact de l’alimentation résulte de façon directe des quantités consommées par les animaux et de la composition en Matières Premières (MP) des aliments distribués, mais également de façon indirecte de l‘efficacité digestive des animaux. Réduire l’impact de l’alimentation revient donc à réduire les impacts des MP (impacts liés à la phase de production), à modifier les taux d’incorporation des MP dans l’aliment et/ou à améliorer l’efficacité alimentaire des animaux. Étant donné la large contribution de la production de l’aliment à de nombreux impacts environnementaux, privilégier des MP à faible impact environnemental dans les formules alimentaires devrait permettre d’obtenir des réductions d’impacts significatives. Pour arriver à de tels résultats, il faut pouvoir disposer de valeurs d’impacts des MP qui soient fiables et méthodologiquement homogènes et les prendre en compte dans les outils de formulation.
Encadré 2. Le projet ECOALIM
Le projet ECOALIM (encadré 2) avait pour objectifs de développer i) une base de données d’impacts environnementaux des MP utilisées en France, ii) de développer un formulateur d’aliment qui prenne en compte les impacts environnementaux potentiels pour formuler ce que nous avons appelé des « éco-aliments » et iii) d’évaluer les réductions d’impacts potentiels en sortie d’élevage obtenues avec ces éco-aliments. L’objectif de cet article est de proposer un état des lieux des impacts environnementaux des aliments pour animaux issu de la bibliographie, de présenter la base de données ECOALIM, le principe de formulation alimentaire multicritère et les réductions d’impact obtenues dans les filières porc et poulet de chair avec l’utilisation d’éco-aliments.
Les productions animales sont responsables d’impacts environnementaux associés aux différentes étapes du cycle de vie du produit animal jusqu’en sortie de ferme (figure 1). Ainsi dans une démarche d’ACV, les ressources utilisées et les émissions de composés polluants sont comptabilisées, pour la production d’énergie, la production et le transport des intrants de la production de matières premières alimentaires, le transport de ces matières premières pour l’alimentation jusqu’à l’usine de fabrication, la fabrication d’aliments et leur transport sur l’exploitation, l’exploitation d’élevage (ressources utilisées et émissions produites par les animaux et pour la production de fourrages) et le stockage des effluents. La contribution de l’alimentation comprend la production d’énergie ainsi que la production et le transport des intrants nécessaires à la production des matières premières alimentaires, la production des matières premières des aliments (itinéraires culturaux, processus de transformation des matières premières…) et leur transport jusqu’au lieu de fabrication des aliments, la fabrication des aliments et leur transport éventuel jusqu’à l’exploitation d’élevage.
Figure 1. Étapes, ressources et émissions prises en compte lors de l’analyse par ACV à l’échelle d’une exploitation d’élevage. En bleu, les étapes concernant l’atelier animal, en rouge la partie qui correspond à la contribution de la production des aliments concentrés. Les flèches grises correspondent à l’utilisation de ressources et les flèches rouges aux émissions de polluants.
L’alimentation a le plus souvent une contribution majeure aux impacts des produits animaux en sortie d’élevage, mais cette contribution demeure variable selon la catégorie d’impact et la filière animale considérée.
Ainsi, pour les productions granivores conventionnelles (porc, poule pondeuse et poulet de chair en élevage hors-sol), l’alimentation contribue à près de 100 % à l’impact occupation des terres. En effet, quand les animaux sont uniquement élevés en bâtiment, les terres utilisées pour leur production concernent presque exclusivement les terres utilisées pour la production des cultures nécessaires à la fabrication des aliments. En production de viande bovine (systèmes d’élevage de bovins allaitants) et en production laitière, la contribution de l’alimentation à l’impact occupation des terres est supérieure à 75 % mais correspond dans la grande majorité à l’impact associé à la production d’herbe au pâturage (Nguyen et al., 2012b ; Nguyen et al., 2013). Toutes filières confondues, l’alimentation animale utilise 60 % des terres arables en Europe et en Amérique du Nord et en ajoutant les terres pâturées 75 % de l’ensemble des terres agricoles (Foley et al., 2011).
En productions porcine et de volailles, l’impact potentiel sur le changement climatique est très majoritairement associé à l’alimentation puisque la production de méthane entérique est très faible (voire négligeable chez les volailles) et que la proportion d’azote excrété perdue sous forme de protoxyde d’azote l’est également (0,2 % pour les lisiers de porc et 0,1 % pour les fumiers et fientes de volailles ; IPCC, 2006). En production bovine, l’alimentation (gestion des prairies pâturées inclue) contribue à l’impact changement climatique à hauteur de 36 % en moyenne (Gerber et al., 2013). En aquaculture, l’alimentation a une contribution majeure (proche de 100 %) à l’impact « Utilisation de Production Primaire Nette » (UPPN) qui recense la quantité de consommateurs primaires (organismes herbivores) nécessaire pour l’alimentation des poissons carnivores d’élevage (Papatryphon et al., 2004).
Les impacts environnementaux des aliments utilisés dans les différentes filières animales ne font pas l’objet de la même attention dans la bibliographie en fonction des filières. En effet, si la part de l’alimentation dans l’impact environnemental global des produits animaux est systématiquement indiquée dans la bibliographie, peu d’études se focalisent spécifiquement sur les impacts de l’alimentation des animaux. Ainsi, lorsqu’il s’agit de donner des pistes pour atténuer les impacts environnementaux d’une production, les leviers sont plus d’ordre zootechnique (améliorer l’indice de consommation, la digestibilité des nutriments…) que de réduire l’impact de l’aliment lui-même.
Les valeurs disponibles dans la bibliographie sont réunies dans le tableau 1. Les aliments destinés aux monogastriques présentent des impacts environnementaux plus élevés que ceux des vaches laitières (0,39 kg CO2-eq./kg aliment en vache laitière vs 0,54 et 0,76 kg CO2-eq./kg aliment en porc charcutier et poulet de chair, respectivement). Les aliments vaches laitières ont des teneurs en énergie plus faible que les aliments monogastriques, ce qui conduit à incorporer des coproduits qui ont de moindre impacts environnementaux. Les aliments poulets de chair ont des impacts plus élevés que les aliments porc charcutier. Ceci est dû à la teneur plus élevée en protéines (notamment du tourteau de soja) des aliments poulet Chez les poissons carnivores les niveaux d’impacts des aliments sont globalement plus élevés que pour les productions terrestres en raison de l’incorporation de farine et huile de poisson.
Tableau 1. Impacts moyens (± écart-type) pour 1 kg d’aliments composés utilisés dans différentes filières animales, calculés à partir d’une revue de bibliographie.
Impacts par kg d’aliment moyen |
||||||
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Changement climatique |
Acidification |
Eutrophisation |
Consommation |
Occupation |
Utilisation |
|
Porc engrais (1) |
0,54 ± 0,090 |
5,10 ± 1,073 |
4,45 ± 2,668 |
5,01 ± 0,619 |
1,57 ± 0,133 |
|
Poulet de chair (2) |
0,76 ± 0,227 |
7,11 ± 2,918 |
5,21 ± 0,824 |
7,04 ± 0,698 |
1,44 ± 0,283 |
|
Vache laitière (3) |
0,39 ± 0,120 |
3,74 ± 0,212 |
2,76 ± 0,891 |
0,87 ± 0,268 |
||
Taurillon (4) |
0,48 |
|||||
Poisson carnivore (5) |
1,57 ± 0,101 |
7,98 ± 1,067 |
4,97 ± 0,647 |
22,34 ± 2,445 |
1,22 ± 0,345 |
96,7 ± 34,62 |
(1) Kool et al. (2009) ; Mosnier et al. (2011) ; Dolman et al. (2012) ; Meul et al. (2012) ; Dourmad et al. (2014) ; van Zanten et al. (2015) ; MacKenzie et al. (2016). (2) Nguyen et al. (2012a) ; Leinonen et al. (2012) ; Prudencio da silva et al. (2014). (3) Lehuger et al. (2009) ; Henriksson et al. (2014) ; Mogensen et al. (2015). Les valeurs tirées de Mogensen et al. (2015) correspondent aux impacts de la ration complète concentrés plus fourrages. (4) Mogensen et al. (2015). (5) Adapté de Boissy et al. (2011) d’après les résultats du projet européen Aquamax (http://www.aquamaxip.eu).
Quelques études se sont spécifiquement intéressées aux impacts des aliments et à leur réduction chez les monogastriques (Mosnier et al., 2011 ; Nguyen et al., 2012a ; Garcia-Launay et al., 2014). Ces auteurs se sont intéressés à des modifications de la composition de l’aliment, notamment par ajout d’acides aminés de synthèse dans la formule alimentaire pour voir les conséquences sur les impacts environnementaux de l’aliment (Mosnier et al., 2011) jusqu’à l’évolution des impacts au niveau des produits animaux (Garcia-Launay et al., 2014). Ces études ont montré que l’incorporation d’acides aminés de synthèse en production porcine permet de réduire la teneur en protéine des aliments et donc l’incorporation de matières premières à forts impacts telles que le tourteau de soja ainsi que l’excrétion d’azote par les animaux.
Certains auteurs se concentrent plus sur la diminution d’un impact particulier en modifiant la formule alimentaire, comme par exemple l’impact UPPN pour les salmonidés (Boissy et al., 2011) afin de réduire la pression halieutique de l’aquaculture. Pour cela, l’huile et la farine de poisson ont été partiellement substituées par des matières premières végétales ce qui a permis de réduire UPPN de 67 % en moyenne. Néanmoins cette réduction s’est faite aux dépends des autres impacts en particulier de l’occupation de surface. Seuls Nguyen et al., (2012a) et Mackenzie et al., (2016) ont abordé la question de la formulation sous contraintes environnementales. Ces études ont montré qu’il était possible de réduire les impacts avec cette démarche mais qu’elle nécessite des développements méthodologiques pour maîtriser l’augmentation du prix et faciliter la mise en pratique. Bien que l’alimentation représente près de 50 % des émissions de gaz à effet de serre des systèmes laitiers (Flysjo et al., 2011 ; Henriksson et al., 2014), peu d’études portent sur la réduction de l’impact environnemental de l’alimentation notamment pour l’alimentation concentrée qui ne représente qu’une faible partie de la ration totale (20 %, Gac, communication personnelle).
La biodiversité spécifiquement liée à l’alimentation des animaux d’élevage est encore assez peu étudiée, notamment pour les monogastriques. Deux aspects peuvent être considérés, la gestion des prairies (et des parcours) et la production d’aliments concentrés. La production d’aliments pour le bétail peut avoir des conséquences négatives importantes sur la biodiversité agricole car les pratiques agricoles mises en œuvre dans les grandes cultures tendent à homogénéiser les milieux (Le Roux et al., 2008). La production d’aliment peut aussi affecter des écosystèmes extrêmement éloignés comme par exemple certains biomes brésiliens (forêt amazonienne et Cerrado) dans le cas de la production de soja ou forêts indonésiennes dans le cas de l’huile de palme destiné à l'alimentation animale (Fearnside, 2001). La production de fourrage et plus largement les prairies et parcours ont un effet plus positif sur la biodiversité que la production d’aliments concentrés. Cet aspect a largement été décrit par (Dumont et al., 2016).
L’évaluation de la biodiversité par ACV est récente et les méthodes développées à ce jour ne font pas consensus au sein de la communauté scientifique. Il s’agit en effet d’un sujet qui fait actuellement l’objet de nombreuses études pour mieux quantifier les lois gouvernant la dynamique des écosystèmes (Danic et al., 2014). La mise au point de données de référence est également fastidieuse puisqu’il faut répertorier les animaux, plantes et les microorganismes et compter les individus de chaque espèce, présents sur un site donné. Classiquement dans les méthodes actuelles, la biodiversité est associée à l’usage des terres (Koellner et Geyer, 2013) et est évaluée par des indicateurs indirects (appelés proxy) comme des métriques paysagères (prise en compte de l’hétérogénéité des paysages) ou du nombre de cultures dans un assolement (Fahrig et al., 2011). À notre connaissance, seules trois méthodes sont à ce jour disponibles pour l’ACV (de Baan et al., 2013, de Souza et al., 2013, MEDDE 2013) et ne couvrent que certains aspects de la biodiversité. Elles portent sur la nature des espèces présentes sur un territoire ou sur le temps de régénération des écosystèmes par exemple (de Baan et al., 2013), ainsi que sur les interactions entre les espèces dans un écosystème (de Souza et al., 2013) ou la métrique paysagère (MEDDE, 2013).
Pour constituer la base de données, plusieurs périmètres ont été retenus (figure 2) : sortie champ, sortie Organisme Stockeur (OS), rendu port français pour les matières premières étrangères et sortie usine de production pour les produits transformés (tourteaux par exemple) ou de synthèse (acides aminés par exemple). Le périmètre « sortie champ » est adapté aux cultures produites et utilisées pour la fabrication d’aliments à la ferme. La formulation d‘aliment par les fabricants d’aliment nécessite des périmètres supplémentaires : sortie usine de production pour les coproduits de céréales, les tourteaux d’oléo-protéagineux et les produits industriels produits en France ; sortie organisme stockeur pour les céréales et rendu port français pour les MP étrangères. L’unité fonctionnelle est le kilogramme de matière première. La période temporelle des données s’étend préférentiellement de 2008 à 2012 selon la disponibilité des données.
Figure 2. Périmètres des inventaires selon les différents types de matières premières.
Les impacts potentiels considérés (encadré 1) sont le Changement Climatique avec (CC LUC) ou sans (CC) changement d’utilisation des terres, l’eutrophisation (EU), l’acidification (AC), l’Occupation des Terres (OT), l’utilisation d’Énergie Non-Renouvelable (ENR) et l’utilisation d’Énergie Totale (ET) et la Consommation de Phosphore (CP). CP a été considéré pour tenir compte de l’utilisation de la ressource non renouvelable en phosphore incorporé dans les aliments et les fertilisants. Chaque impact est disponible avec deux méthodes de caractérisation : la méthode « International Reference Life Cycle Data System » (ILCD) qui est la méthode préconisée par le « Joint Research Center » de l’Union Européenne et la méthode CML qui est la méthode la plus fréquemment utilisée dans les études portant sur les ACV agricoles. Lorsqu’un processus de production génère plusieurs coproduits finaux, il est nécessaire d’allouer les impacts du processus de fabrication aux différents coproduits. Dans ECOALIM, l’allocation économique a été choisie. Elle a été calculée sur la base des prix et des quantités de chaque coproduit (moyenne olympique i.e. une moyenne sur plusieurs années sans les deux valeurs extrêmes, sur la période 2008-2012).
Les inventaires de cycle de vie ECOALIM constituent le volet nutrition animale de la base de données AGRIBALYSE®. ECOALIM est donc disponible dans AGRIBALYSE® v1.3 dans le logiciel ACV SimaPro ® mais également sous la forme d’une base de données d’impact dans Excel et téléchargeable sur le site du Réseau Mixte Technologique Élevage & Environnement (http://www.rmtelevagesenvironnement.org/bd_ecoalim.htm) ou sur Dryad (DOI: 10.5061/dryad.14km1).
Le jeu de données contient 154 MP dont 16 MP françaises issues de pratiques culturales spécifiques, et 51 MP étrangères réparties dans les catégories suivantes : céréales, coproduits du blé, coproduits du maïs, coproduits de l’industrie agroalimentaire, corps gras, graines oléo-protéagineuses, tourteaux d’oléagineux, ensilage, protéines animales transformées (PAT), autres coproduits d’origine végétale, minéraux, acides aminés industriels, vitamines (figure 3). Ces catégories sont celles utilisées dans les tables de composition et de valeur nutritive des matières premières destinées aux animaux d’élevage (Sauvant et al., 2004).
Figure 3. Gamme de variation des principaux impacts environnementaux des catégories de Matières Premières (MP) disponibles dans ECOALIM (hors périmètre sortie champs).
AA : Acides Aminés ; CER : CERéales ; CoVég : COproduit VÉGétal ; CoB : Coproduit du Blé ; CoIAA : Coproduits d’Industrie AgroAlimentaire ; CoM : Coproduit du Maïs ; CGras : Corps Gras ; HCon : Herbe Conservée ; HPât : Herbe Pâturée ; Mx : Minéraux ; GrOProt : Graines Oléo-Protéagineuses ; PAT : Produits Animaux Transformés ; Tx : Tourteaux ; Vit : Vitamines.
Les catégories de matières premières utilisées en nutrition animale ont des niveaux d’impacts environnementaux très variables :
i) certaines catégories ont des impacts élevés quel que soit l’impact considéré et sont essentielles à la formulation des aliments. C’est le cas par exemple des acides aminés de synthèse pour les productions monogastriques ou encore des corps gras et des vitamines. Leurs impacts sont associés à une forte utilisation d’énergie lors des processus industriels notamment pour la production des acides aminés, des vitamines et de l’huile de soja. Ils sont toujours incorporés en faibles quantités et leur incorporation ne permet jamais la réduction des impacts des aliments sauf dans le cas particulier des acides aminés quand ils sont associés à des céréales pour remplacer du tourteau de soja issu notamment de zones déforestées (Monteiro et al., 2016) ;
ii) d’autres catégories telles que les coproduits d’origine végétale et les coproduits de l’industrie meunière ont des impacts faibles en raison notamment du mode de répartition des impacts (allocation économique) entre les différents produits (par exemple farine, son, farine basse, remoulage…) et des processus industriels peu gourmands en intrants associés à leur production. Ils peuvent être incorporés avec des pourcentages plus élevés pour réduire les impacts des aliments. Des travaux récents ont évalué l’intérêt nutritionnel des coproduits en alimentation animale (Cozannet et al., 2010a, Cozannet et al., 2010b) et leur potentiel de réduction des impacts environnementaux (van Zanten et al., 2014) ;
iii) des catégories sont incorporées en grandes quantités dans les aliments comme les céréales, les tourteaux et présentent des niveaux d’impacts intermédiaires. Leurs impacts sont en grande partie associés à la phase de production agricole (fertilisation, utilisation de carburant). Des substitutions de matières premières intra-catégorie peuvent être réalisées pour réduire les impacts des aliments (Eriksson et al., 2005) ;
iv) l’herbe pâturée et l’herbe conservée sont associées à des impacts faibles et contribuent à limiter les impacts dus à l’alimentation en élevage de ruminants. Cette réduction pourrait être plus importante en ce qui concerne le changement climatique lorsque le stockage du carbone par les prairies sera pris en compte dans les inventaires de cycles de vie, ce qui est rarement le cas à ce jour.
ECOALIM peut être utilisé pour estimer les impacts environnementaux des aliments du bétail, les impacts des productions animales (i.e par tonne de produit final) et des options d’atténuation à ces deux échelles (encadré 3).
Encadré 3. Utilisation d’un jeu de données environnementales pour la formulation d’aliments du bétail à impacts environnementaux réduits (éco-aliments).
Les données ECOALIM, disponibles dans SimaPro® peuvent être incluses dans des inventaires de cycle de vie par les praticiens ACV pour évaluer les impacts environnementaux des produits animaux en sortie d’élevage. Pour ces applications, ECOALIM offre des données standardisées, mises à jour et vérifiées. ECOALIM couvre une gamme de matières premières qui n’étaient pas précédemment disponibles dans AGRIBALYSE®.
Les fabricants d’aliment et les praticiens ACV peuvent formuler des aliments avec la démarche classique à moindre coût et calculer les impacts environnementaux des aliments obtenus avec les données ECOALIM disponibles dans la base Excel. Pour étudier des options d’atténuation, ils peuvent aussi formuler des éco-aliments sur des critères de prix et d’impact environnementaux en incorporant les données ECOALIM dans un logiciel de formulation.
La méthode habituelle de formulation des aliments minimise le prix du mélange, sans considération de ses impacts environnementaux. La formulation à moindre coût incorpore les matières premières pour respecter des minimums/maximums d’apports nutritionnels en minimisant le prix à l’aide d’un modèle de programmation linéaire. Cependant, l’optimum économique ne correspond pas nécessairement à l’optimum environnemental (Pomar et al., 2007 ; Morel et al., 2012). Des travaux récents de formulation « environnementale » des aliments ont proposé de minimiser un ou plusieurs impacts environnementaux (sans minimiser le prix) ou encore de fixer des contraintes de réduction d’impacts (Nguyen et al., 2012a ; Mackenzie et al., 2016). Ces démarches présentent l’inconvénient de dégrader certains impacts au profit de ceux pris en compte (transfert de pollution) et/ou d’augmenter drastiquement le prix des aliments. Dans certains cas, en ajoutant des contraintes à la formulation, on peut même aboutir à un problème insoluble. La formulation d’aliments à moindres impacts ou éco-aliments nécessite donc une approche alternative à la formulation à moindre coût.
Cette partie a pour objet de présenter comment une formulation d’aliment multiobjectif, c’est-à-dire intégrant à la fois des objectifs économique et environnementaux, peut être réalisée et de l’illustrer par une application en productions monogastriques conventionnelles.
Un problème de formulation consiste à chercher les taux d’incorporation des matières premières à inclure dans un aliment donné sous contraintes nutritionnelles et de taux d’incorporation des matières premières en minimisant une fonction « objectif » qui traditionnellement correspond au coût de l’aliment. Cette dernière est calculée comme la somme des coûts de matières premières incorporées multipliés par leurs taux d’incorporation respectifs. L’algorithme d’optimisation cherche les taux d’incorporation qui minimisent la fonction-objectif (figure 4a). Pour la formulation d’aliment croissance et finition pour porcs, les contraintes minimales de teneurs en acides aminés digestibles sont calculées en accord avec les recommandations (CORPEN, 2003) et les profils en acides aminés issus de (van Milgen et al., 2008). Les taux d’incorporation minimum et maximum des matières premières sont établis pour tenir compte des contraintes de fabrication des aliments (techniques, nutritionnelles, sanitaires…) et de la disponibilité sur le marché de chaque matière première. Avec la formule de référence produite, les valeurs de référence de coût d’aliment, d’impacts environnementaux et de teneurs en nutriments sont calculées. En poulet de chair, les contraintes de formulation pour les aliments démarrage, croissance et finition, sont issues d’une consultation des professionnels (formulateurs des firmes services et fabricants d’aliments) de façon à s’approcher des résultats du terrain.
Un certain nombre d’études se sont intéressées à la prise en compte des impacts environnementaux dans la formulation d’aliment (Pomar et al., 2007 ; Nguyen et al., 2012a ; Mackenzie et al., 2016). Il en ressort que l’utilisation d’un seul objectif environnemental conduit à des transferts entre impacts, que l’utilisation de contraintes sur les impacts ou sur le prix de l’aliment peuvent conduire à des problèmes sans solution, et enfin que la formulation en utilisant seulement des objectifs environnementaux sans contrainte de prix conduit à des augmentations de prix non réalistes pour les filières. En conséquence, nous avons proposé dans le projet ECOALIM une méthodologie de formulation multiobjectif qui intègre plusieurs impacts et le prix de l’aliment dans la fonction « objectif ».
La formulation multiobjectif (MinMO, figure 4b) utilise les contraintes (sur les nutriments et les taux d’incorporation des MP) de la formulation à moindre coût (MinPrix) et calcule une fonction multiobjectif (MO) qui inclue le coût de l’aliment et des indicateurs d’impacts environnementaux. Tous les critères inclus dans la fonction MO sont divisés par leur valeur de référence calculée à partir de la formulation à moindre coût, pour annuler l’effet des ordres de grandeur différents des critères (normalisation). La fonction MO inclut un index de prix qui est le coût de l’aliment normalisé et un index environnemental qui comprend quatre impacts environnementaux normalisés. Ces quatre impacts ont été sélectionnés parmi les six impacts disponibles car ce sont des impacts globaux pour lesquels l’aliment a une contribution majoritaire (Basset-Mens et van der Werf, 2005 ; Dourmad et al., 2014) : CC LUC, CP, ENR et OT. Des contraintes supplémentaires ont été fixées pour les impacts CC LUC, CP, ENR, OT ainsi que EU et AC, leur valeur maximale étant limitée à 105 % de leur valeur de référence (issue de la formulation à moindre coût). La fonction MO inclut également deux facteurs de pondération, α et β. Le facteur α varie entre 0 et 1 et correspond au poids de l’index environnemental dans la fonction, 1-α correspondant au poids complémentaire de l’index de prix. Le facteur β, qui est égal à 0,2 dans la fonction « objectif » gère la pondération entre les 4 impacts environnementaux inclus. Une valeur 2β a été allouée à l’impact CC LUC pour prendre en compte les engagements importants de réduction pris pour cet impact (Gerber et al., 2013). La valeur de β est définie de telle sorte que la somme des facteurs β soit égale à 1. Ainsi la fonction MO en faisant varier α entre 0 et 1 permet d’explorer le compromis entre objectifs économiques et environnementaux. L’évaluation du gain environnemental, du surcoût économique et des formules associées à MinMO peut être faite pour une valeur seuil de α (αlim). Cette dernière est la valeur pour laquelle la diminution marginale de l’index environnemental quand on passe de αo à αo-0.01 devient supérieure ou égale à l’augmentation de l’index prix.
Figure 4. Présentation d’un problème de formulation. A) Formulation à moindre coût. B) Formulation multi-objectif.
1…p : nombre de nutriments ; 1…n : nombre de matières premières ; 1…q : nombre d’impacts environnementaux. ; Coût et ACout : prix des matières premières et de l’aliment ; ACV et AACV : impact environnemental des matières premières et de l’aliment ; Nut et ANut : teneur en nutriment des matières premières et de l’aliment ; Taux : taux d’incorporation d’une matière première. Ref renvoie à la formule obtenue lors d’une formulation à moindre coût.
Plusieurs contextes de formulation peuvent être considérés, à la fois pour la formulation à moindre coûts et pour la formulation multi-objectif. Ces contextes peuvent être définis par différents niveaux de disponibilité des MP, différents niveaux de prix et différents scénarios d’approvisionnement des MP (distances entre les sites de production et l’usine de fabrication d’aliments). Dans les scénarios étudiés ici, la disponibilité fait référence aux taux d’incorporation maximaux entrés comme contraintes du problème de formulation. En effet, sur un territoire donné la disponibilité d’une matière première peut contraindre son utilisation (cultures peu présentes dans les assolements comme le pois ou le sorgho ou des coproduits obtenus en faibles quantités). Les niveaux de prix peuvent être définis en tirant leurs valeurs au hasard dans une gamme réaliste en prenant en compte le lien entre les prix des différentes matières premières. Plus simplement, on peut définir des niveaux de prix qui correspondent à des situations passées ce qui permet de garder la cohérence entre les prix des différentes matières premières (par exemple, le ratio de prix entre céréales et tourteau de soja). Les scénarios d’approvisionnement correspondent à la localisation de l’usine d’aliment. Plus précisément, différentes hypothèses ont été faites sur les modes de transport utilisés (train, camion…) pour acheminer les MP à l’usine et les distances associées entre lieu de production (ou d’arrivée en France) et l’usine d’aliment. En effet, toutes ces variables modifient le prix et les impacts environnementaux des matières premières (Gaudré et al., 2015). Ils peuvent être définis pour différents bassins de production pour tenir compte de la proximité plus ou moins importante de matières premières spécifiques (proximité de la production de céréales dans les « Hauts de France » par exemple).
Dans l’illustration proposée ici en scénario de transport Grand-Ouest (distances moyennes entre les sites de production ou d’importation des matières premières et l’usine de fabrication pour calculer les prix et les impacts des matières premières rendues usine de fabrication d’aliments), deux scénarios de disponibilité des MP et 4 scénarios économiques sont considérés. Les scénarios de disponibilité limitée (LIM) et de disponibilité améliorée (NLIM) ont été développés à dire d’experts pour établir les contraintes d’incorporation maximales des MP et ils correspondent respectivement à la situation actuelle en France et à une disponibilité accrue et réaliste de certaines matières premières telles que le pois, la féverole ou encore des coproduits. Les quatre scénarios économiques ont été construits pour couvrir une gamme de situations contrastées et correspondent respectivement aux prix de marché des MP de Septembre 2011, Juin 2012, Août 2013 et Février 2014. Ces 4 périodes ont été choisies car elles sont caractérisées par des prix contrastés pour le blé tendre, le maïs grain et le tourteau de soja. Les prix des matières premières ont été obtenus dans La Dépêche – Le petit meunier (2011, 2012, 2013 et 2014) et auprès des instituts techniques agricoles (ITAVI, IFIP et Arvalis-Institut du végétal).
Les aliments des scénarios i) disponibilité limitée et formulation MinPrix (LIM-MinPrix), ii) disponibilité limitée et formulation MO (LIM-MinMO), iii) disponibilité accrue et formulation MinPrix (NLIM-MinPrix) et iv) disponibilité accrue et formulation MinMO (NLIM-MinMO) ont été évalués pour chacun des quatre scénarios économiques puis moyennés.
Pour mettre en œuvre la formulation multiobjectif, les variations conjointes de l’index de prix et de l’index environnemental quand α varie entre 0 et 1 renseignent sur le compromis qui peut être fait entre augmentation du prix et réduction des impacts (figure 5). Dans tous les cas, la réduction des impacts environnementaux s’accompagne d’un surcoût. Quand α = 0, l’index de prix et l’index environnemental sont égaux à 1 car ce cas correspond à la formulation à moindre coût (aucune réduction des impacts). Quand varie entre 0 et 0.5, l’index de prix des aliments en NLIM augmente en moyenne de 2 et 3 % chez le porc et le poulet respectivement tandis que l’index environnemental est réduit de 17 à 20 % chez le porc et seulement de 8 à 11 % chez le poulet. Quand la valeur de augmente encore jusqu’à 1, l’index de prix augmente encore de 5 à 6 % et 3 à 5 % chez le porc et le poulet respectivement alors que l’index d’impact environnemental reste à peu près stable chez les deux espèces. En scénario NLIM on observe également que le potentiel de réduction de l’index environnemental chez le porc est toujours plus élevé pour l’aliment croissance que pour l’aliment finition, alors que c’est l’inverse chez le poulet de chair. Les mêmes évolutions sont observables en contexte LIM, mais avec de moindres amplitudes chez le porc, tandis que chez le poulet de chair, l’ordre de grandeur de réduction des impacts est observable dans les deux scénarios de disponibilité LIM et NLIM.
Figure 5. Variations conjointes de l’index de prix et de l’index environnemental qui constituent la fonction multiobjectif (moyennes et écart-types) selon le facteur α dans les scénarios de disponibilité des matières premières limitée (LIM) et améliorée (NLIM) lors de la formulation des aliments porcs (A) croissance (rouge , trait plein) et finition (noir , trait pointillé) et des aliments croissance (rouge, trait plein) et finition (noir , trait pointillé) chez le poulet de chair (B) (l’aliment démarrage ne représentant que 6 % de la consommation totale n’est pas été représenté).
L’incorporation de deux index (index de prix et index environnemental) dans la fonction-objectif avec des facteurs de pondération permet d’explorer les relations entre prix de l’aliment et impacts environnementaux. Cette démarche donne à l’utilisateur final un aperçu du possible compromis qu’il peut faire entre prix de l’aliment et impacts. Dans nos scenarios, la réduction des impacts est intéressante pour α = αlim avec une augmentation du coût modérée et il est possible de visualiser qu’il n’y a pas de réduction supplémentaire substantielle possible au-delà de cette valeur limite de α, toujours proche de 0,5 (figure 5). Ainsi, l’utilisateur final peut choisir la pondération appropriée à son contexte entre l’index de prix et l’index environnemental, en fonction notamment de contraintes de cahier des charges ou de stratégies de filières. L’approche de formulation multiobjectif proposée repose sur la formulation à moindre coût classique pour sa première étape et reste donc proche des contraintes et des pratiques actuelles de formulation. La prise en compte du prix dans la formulation MinMO garantit aussi la production de formules en accord avec la préoccupation majeure des opérateurs des filières.
Le potentiel de réduction des impacts des produits des animaux en sortie de ferme grâce à la formulation d’éco-aliments a été évalué par Analyse du Cycle de Vie. Nous avons considéré la production de poulets de chair Ross PM3 abattus à 36 j pour un poids vif de 1,83 kg. Les principales hypothèses et données utilisées pour décrire la phase d’élevage sont issues du cas-type « poulet Standard Pays-de-la-Loire » décrit par Protino et al. (2015) et Dusart et al. (2015). En production porcine, nous avons considéré un système naisseur-engraisseur avec les modalités de gestion des effluents les plus fréquemment rencontrées dans le Grand Ouest (animaux sur caillebotis, stockage du lisier dans une fosse non couverte…) et des performances animales issues de la moyenne des élevages naisseurs-engraisseurs de la GTE 2014.
Les aliments porcs croissance et finition formulés à moindre coût sont caractérisés par une proportion importante de céréales (environ 70 %) et une présence de tourteaux à hauteur de 15 % (de 5 à 17 % selon le scénario) en croissance et de 10 % (de 0 à 17 % selon le scénario) finition (figure 6). Les catégories de matières premières minoritaire sont les coproduits du blé (remoulage, son et farine basse) et les protéagineux (pois et féverole). La proportion des coproduits de blé et des graines protéagineuses augmente avec MinMO car l’association de ces deux types de MP présente des impacts environnementaux inférieurs à ceux des céréales et des tourteaux. En effet, les coproduits sont caractérisés par des impacts relativement faibles associés à l’allocation économique des impacts adoptée dans ECOALIM et le pois a des impacts inférieurs à ceux des tourteaux de soja et de colza par kg de MP (Wilfart et al., 2016)
Leur proportion est également accrue entre LIM-MinMO et NLIM-MinMO en raison de la meilleure disponibilité en coproduits et légumineuses dans le scénario NLIM. Les mêmes points ont également été observés pour les aliments croissance.
Figure 6. Formules moyennes des aliments finition porcs des scénarios LIM-MinPrix (formulation moindre coût scénarios de disponibilité des matières premières limitée), NLIM-MinPrix (formulation moindre coût scénarios de disponibilité des matières premières améliorée), LIM-MinMO (formulation multiobjectif scénarios de disponibilité des matières premières limitée) et NLIM-MinMO (formulation multiobjectif scénarios de disponibilité des matières premières améliorée) (avec α=αlim), pour les 4 scénarios économiques.
En ce qui concerne les aliments pour poulet de chair, pour le scénario LIM, la formule de référence, obtenue par la formulation MinPrix, contient en moyenne environ 65 % de céréales (dont 7 % de coproduits) et 20 % de tourteaux (essentiellement tourteau de soja). De la même façon qu’en porc, la formulation MinMO conduit à l’incorporation de coproduits (de céréales et tourteaux de colza et tournesol). Au sein des familles, des substitutions entre espèces peuvent être observées : le blé tend à remplacer le maïs, les tourteaux de colza et de tournesol remplacent le tourteau de soja. En contexte NLIM, l’introduction de sorgho (environ 12 %) et de légumineuses (pois et/ou févérole jusqu’à près de 14 %), permet une réduction supplémentaire des impacts environnementaux. La figure 7 illustre ces évolutions spécifiquement pour l’aliment finition.
Figure 7. Formules moyennes des aliments finition poulets de chair des scénarios LIM-MinPrix (formulation moindre coût scénarios de disponibilité des matières premières limitée), NLIM-MinPrix (formulation moindre coût scénarios de disponibilité des matières premières améliorée), LIM-MinMO (formulation multiobjectif scénarios de disponibilité des matières premières limitée)et NLIM-MinMO (formulation multiobjectif scénarios de disponibilité des matières premières améliorée) (avec α=αlim), pour les quatre scénarios économiques.
Les valeurs d’impacts des éco-aliments ont été calculées pour des facteurs de pondération α = αlim. Les valeurs d’impacts obtenues à moindre coût sont dans la gamme des valeurs disponibles dans la littérature (cf. partie 1). En filière porcine, relativement à LIM-MinPrix, LIM-MinMO réduit tous les impacts environnementaux compris dans la fonction-objectif ainsi que l’eutrophisation et l’acidification, tout en augmentant légèrement le prix de l’aliment (+ 1 %, minimum + 0,7 % à maximum + 2,4 %) (tableau 2). Les réductions obtenues varient ainsi entre − 6 et − 14 % en contexte LIM La réduction des impacts est aussi améliorée par la disponibilité des MP. En effet en NLIM, les valeurs obtenues en MinMO oscillent entre − 12 et − 26 % avec un surcoût moyen de 4 % (minimum + 1,8 % à maximum + 7,2 %). Cette observation suggère qu’un meilleur équilibre entre les différentes productions végétales serait bénéfique à la réduction des impacts environnementaux des aliments pour porcs.
En filière poulet de chair, relativement à LIM-MinPrix, la formulation multiobjectif diminue tous les impacts environnementaux considérés avec un surcoût moyen de 3 %, à l’exception de l’occupation des terres (+ 4 %). Ainsi, dans ce cas, les variations d’impacts obtenues avec MinMO mettent en évidence un certain antagonisme entre l’impact occupation des terres et les autres impacts étudiés. Ce mécanisme est associé dans les formules à la substitution partielle du tourteau de soja à impacts élevés par des MP métropolitaines (tourteaux de colza…) qui sont caractérisées par des niveaux de rendement et un nombre de récoltes par an inférieurs à ceux du soja brésilien. Lorsque la formulation multi-objectif est appliquée dans un contexte de disponibilité améliorée des MP, la réduction des impacts obtenue est du même ordre de grandeur qu’en contexte LIM, bien qu’inférieure pour EN (− 18 % vs – 16 %) et AC (− 4 vs − 2 %), tandis que l’occupation des terres est peu affectée (+ 1 %, dû à la substitution partielle des céréales par des coproduits de blé). Enfin, en contexte de disponibilité élargie des matières premières, l’augmentation de prix obtenue avec MinMO reste limitée a + 4 % par rapport à MinPrix.
L’application d’une fonction « objectif » associant 4 impacts environnementaux et de contraintes d’augmentation des impacts par rapport à la formulation MinPrix permettent à la méthodologie développée de réduire l’ensemble des impacts considérés, à l’exception de l’occupation des terres en production de poulets de chair, dont l’augmentation reste limitée à + 4 % en contexte de disponibilité limitée.
Tableau 2. Prix et impacts environnementaux moyens (± écart-type) d’une tonne d’aliment moyen porc (40 % croissance et 60 % finition) et d’une tonne d’aliment poulet de chair moyen (6 % démarrage, 20 % croissance, 74 % finition) selon les quatre scénarios étudiés, avec les variations (Δ MinMO –formulation muliobjectif-vs MinPrix-formulation à moindre coût-) en MinMO (avec α = αlim) en pourcentage relativement à MinPrix.
Critères inclus dans la fonction MinMO |
Critères hors fonction MinMO |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Prix |
CP (A) |
ENR (B) |
CC (C) (kgCO2-e) |
OT (D) |
AC (E) |
EU (F) |
|
Aliments Porc |
|||||||
LIM-MinPrix (1) |
216 |
3,4 |
5150 |
499 |
1418 |
9,7 |
3,6 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 1 % |
− 6 % |
− 13 % |
− 14 % |
− 13 % |
− 7 % |
− 11 % |
LIM-MinMO (3) |
219 (± 12,5) |
3,2 |
4475 |
427 |
1235 |
9,0 |
3,2 |
NLIM-MinPrix (4) |
214 |
3,6 |
4750 |
456 |
1514 |
8,3 |
3,4 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 4 % |
− 25 % |
− 18 % |
− 26 % |
− 12 % |
− 20 % |
− 15 % |
NLIM-MinMO (5) |
222 |
2,7 |
3899 |
337 |
1325 |
6,6 |
2,9 |
Aliments Poulet de chair |
|||||||
LIM-MinPrix (1) |
294 |
7,1 (± 0,51) |
7575 (± 108,1) |
828 (± 26,6) |
1479 (± 112,7) |
11,9 |
4,4 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 3 % |
− 12 % |
− 18 % |
− 12 % |
+ 4 % |
− 4 % |
− 7 % |
LIM-MinMO (3) |
304 |
6,2 |
6186 |
727 (± 15,7) |
1538 |
11,5 |
4,1 |
NLIM-MinPrix (4) |
287 |
6,7 |
6555 |
717 |
1736 |
9,7 |
4,4 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 4 % |
− 12 % |
− 16 % |
− 12 % |
+ 1 % |
− 2 % |
− 7 % |
NLIM-MinMO (5) |
298 |
5,9 |
5534 |
630 |
1748 |
9,5 |
4,1 |
D’autres méthodes de formulation ont déjà été proposées au cours des dernières années pour prendre en compte les impacts environnementaux de la production porcine (Castrodeza et al., 2005 ; Pomar et al., 2007 ; Mackenzie et al., 2016) ou encore de la production avicole (Nguyen et al., 2012a). Castrodeza et al. (2005) ainsi que Pomar et al. (2007) ont focalisé leurs études sur la réduction de l’excrétion d’N et P qui sont associés aux émissions qui se produisent à la ferme. Nguyen et al. (2012a) ont incorporé des impacts environnementaux des MP calculés par ACV comme contraintes dans leur problème de formulation à moindre coût d’aliment. MacKenzie et al. (2016) ont réalisé une optimisation environnementale sur un score incluant 4 impacts environnementaux en sortie de ferme et ont optimisé à la fois la composition en MP et les niveaux des nutriments pour réduire l’excrétion par les animaux. La méthodologie présentée ici est complémentaire de ces études précédentes. Elle permet de prendre en compte à la fois l’objectif économique qui reste primordial pour les filières et les objectifs environnementaux et qui limite les transferts de pollutions.
Lorsque l’on applique ces scénarios de formulation des aliments à des systèmes de production porcins et volailles, on constate que les réductions d’impacts obtenues pour les aliments (tableau 2), sont également observées sur les produits animaux, avec une moindre amplitude (tableau 3) puisque d’autres impacts environnementaux hors alimentation (émissions en bâtiments, parcours, gestion des effluents…) sont comptabilisés dans les impacts du produit final. Les mêmes tendances sont aussi observées pour les augmentations de prix entre les scénarios MinPrix et MinMO. En production porcine, la formulation LIM-MinMO (vs LIM-MinPrix) augmente le prix de l’aliment et le coût alimentaire du kg de porc de 1 % en moyenne. Les réductions d’impacts observées en LIM-MinMO varient de − 6 à − 26 % pour l’aliment et de − 2 à − 16 % pour le kg de porc en sortie de ferme. En production de poulets de chair, les variations d’impacts observées en LIM-MinMO (vs LIM-MinPrix) couvrent une gamme allant de + 4 à − 18 % pour l’aliment et de + 3 à − 14 % pour le kg d’animal vif en sortie de ferme pour un surcoût d’environ 2 % (coût de production du vif).
En production de poulets de chair, le potentiel de réduction des impacts en sortie de ferme par la formulation multi-objectif est comparable en contexte LIM et NLIM (LIM-MinPrix vs LIM-MinMO, et NLIM-MinPrix vs NLIM-MinMO). En production porcine le potentiel de réduction d’impacts en MinMO (vs MinPrix) est plus important en contexte NLIM qu’en contexte LIM, en accord avec ce qui a été observé à l’échelle de l’aliment (figure 5 ; section 3.4). L’amélioration de la disponibilité en certaines matières premières telles que le pois ou encore les coproduits du blé est donc plus importante en production porcine qu’en production de poulets de chair pour réduire les impacts environnementaux des productions.
L’application de la formulation multiobjectif en production porcine permet donc des réductions intéressantes des impacts DP, EN, CC et OT en sortie de ferme, dans le contexte actuel de disponibilité des matières premières. En production de poulet de chair, les réductions les plus importantes sont obtenues pour DP, EN et CC. Ces résultats questionnent cependant l’affectation des matières premières à faibles impacts pour les différentes filières de production animale présentes sur un territoire donné. La dilution observée des réductions d’impacts entre l’aliment et le produit animal dépend de la contribution de l’alimentation aux impacts totaux en sortie de ferme, et donc de l’indice de consommation (Garcia-Launay et al., 2014). Ainsi, la dilution observée est par exemple plus importante pour l’impact acidification (contribution importante des émissions de NH3 des effluents) que pour l’impact consommation d’énergie non renouvelable. Enfin, lorsque les performances des animaux ne sont pas influencées par des modifications des caractéristiques nutritionnelles, il devient alors possible de connaître l’objectif de réduction nécessaire à l’échelle de l’aliment pour satisfaire un objectif fixé à l’échelle du produit (par ex. dans un cahier des charges de production). Ainsi, en poulet de chair, l’alimentation représente environ 80 % de l’impact CC. Aussi, pour obtenir à l’échelle du produit une réduction de 20 % de cet impact, il faudra formuler un éco-aliment avec un impact réduit de 25 % (i.e. 20 %/0,8).
Tableau 3. Coût alimentaire (porc), coût de production du vif (poulet) et impacts environnementaux moyens d’un kg de vif en sortie d’élevage selon les 4 scénarios étudiés, avec les variations (Δ MinMO–formulation muliobjectif- vs MinPrix-formulation à moindre coût-) en MinMO (avec α=αlim) en pourcentage relativement à MinPrix.
Critères inclus dans la fonction MinMO |
Critères hors fonction MinMO |
||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Prix (A) (€) |
CP (B) (kg P) |
ENR (C) (MJ) |
CC (d) (kgCO2-e) |
OT (E) (m².year) |
AC (F) (mol H+) |
EU (G) (kg PO43-) |
|
Porc |
|||||||
LIM-MinPrix (1) |
0,613 |
0,0099 |
22,8 |
2,47 |
4,06 |
0,063 |
0,016 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 1 % |
− 5 % |
− 8 % |
− 7 % |
− 10 % |
− 2 % |
− 7 % |
LIM-MinMO (3) |
0,618 |
0,0094 |
21,0 |
2,30 |
3,66 |
0,062 |
0,015 |
NLIM-MinPrix (4) |
0,606 |
0,0101 |
22,5 |
2,39 |
4,26 |
0,060 |
0,016 |
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 3 % |
− 16% |
− 14 % |
− 12 % |
− 13 % |
− 3 % |
− 7 % |
NLIM-MinMO (5) |
0,627 |
0,0085 |
19,5 |
2,10 |
3,69 |
0,058 |
0,015 |
Poulet de chair |
|||||||
LIM-MinPrix (1) |
0,0123 |
17 |
1,72 |
2,854 |
0,0505 |
0,012 |
|
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 2 % |
− 12 % |
− 14 % |
− 10 % |
3 % |
− 2 % |
− 5 % |
LIM-MinMO (3) |
0,0108 |
14,6 |
1,56 |
2,953 |
0,0497 |
0,0114 |
|
NLIM-MinPrix (4) |
0,0124 |
16 |
1,62 |
2,979 |
0,0476 |
0,0116 |
|
Δ MinMO vs MinPrix (2) |
+ 2 % |
− 10 % |
− 12 % |
− 10 % |
0 % |
− 1 % |
− 5 % |
NLIM-MinMO (5) |
0,0112 |
14 |
1,46 |
2,978 |
0,0473 |
0,0111 |
(A) Les valeurs absolues de coût de production du kilo de vif sont confidentielles pour le poulet de chair ; (B) Consommation de phosphore ; (C) Consommation d’énergie non renouvelable ;(D) Changement climatique, (E) Occupation des terres ; (F) Acidification ; (G) Eutrophisation (1) Formulation à moindre coût en contexte de disponibilité limitée des matières premières ;(2) Différence entre la formulation multiobjectif et la formulation à moindre coût ;(3) Formulation multiobjectif en contexte de disponibilité limitée des matières premières ; (4) Formulation à moindre coût en contexte de disponibilité des améliorée matières premières ;(5) Formulation multiobjectif en contexte de disponibilité des améliorée matières premières.
Les incorporations élevées de coproduits et de pois notamment dans les formules optimisées avec NLIM-MinMO posent la question de la disponibilité des MP sur le territoire français. À l’échelle du Grand Ouest, les productions porcine, laitière, ovine et avicole sont juxtaposées et utilisent des volumes de MP importants. En moyenne, 12 Mt d’aliments sont produits chaque année dans le Grand Ouest dont 35 % pour les porcins, 42 % toutes volailles confondues (volailles de chair et de ponte) et 20 % pour les bovins (Feedsim Avenir, communication personnelle). Un modèle d’optimisation territorial incluant la fonction multiobjectif (coût total des matières premières utilisées sur le territoire et impacts environnementaux totaux des aliments à l’échelle du territoire) a permis de formuler conjointement les formules des éco-aliments pour toutes les espèces animales élevées dans le Grand Ouest (GO), pour le scénario économique de juin 2012 uniquement. Les réductions d’impact au niveau territorial obtenues avec ce modèle sont plus faibles que celles obtenues en formulant indépendamment les éco-aliments pour chaque espèce, mais compte tenu des tonnages concernés ces réductions sont très importantes en quantité. En formulation multi-objectif, il semble possible de réduire raisonnablement les principaux impacts environnementaux (− 5 à − 10 %) à l’exception notable de l’indicateur d’occupation des sols dont la valeur progresse de + 1 à + 2 %. Cette réduction des impacts environnementaux implique un renchérissement du coût des aliments de + 2 % environ. Ce potentiel plus faible de réduction à l’échelle du GO est cohérent avec les formulations multiobjectifs d’aliments réalisées indépendamment pour les porcs et les volailles, mais se trouve plus rapidement limité par les disponibilités globales réelles en certaines MP. En effet, dans les calculs par espèce le potentiel de réduction est calculé en introduisant indépendamment dans chaque type de formule des pourcentages maximum d’incorporation de diverses MP, plus ou moins grands pour les situations LIM ou NLIM.
Ces résultats posent donc la question de la disponibilité des MP, en particulier des volumes produits (assolements en France) qui détermine les disponibilités par lieu de production et de la concurrence possible entre les différentes usines et filières animales pour utiliser les MP à moindres impacts (voire avec l’alimentation humaine pour les protéagineux). Cela pose aussi la question de la valorisation du surcoût induit dans le coût de l’alimentation induit par cette réduction des impacts environnementaux. Il est bien sûr entendu qu’une augmentation de la demande pour ces MP pourrait entraîner également une augmentation de leur prix, et pour les coproduits une augmentation de leurs impacts calculés par allocation économique. Les niveaux de réduction d’impacts possibles obtenus dans une filière animale doivent donc être modulés par une étude à l’échelle territoriale.
Le choix de matières premières à faibles impacts environnementaux pour l’alimentation animale représente un levier important de réduction des impacts des productions animales, en particulier en les filières monogastriques pour lesquelles l’aliment contribue majoritairement aux impacts. Combinée à des stratégies d’alimentation capables de réduire l’excrétion de nutriments par les animaux d’élevage et à des pratiques de stockage et d’épandage des effluents favorables, la formulation d’éco-aliments mérite d’être mise en œuvre pour atteindre les objectifs de réduction des impacts environnementaux des productions animales. Le surcoût observé des aliments, quoique relativement modéré et partiellement dilué à l’échelle de l’exploitation d’élevage, peut s’avérer délicat à absorber par des élevages dont la compétitivité est mise en difficulté et dont les résultats économiques sont particulièrement faibles voire négatifs. Il serait intéressant d’évaluer les potentiels de réduction obtenus avec des éco-aliments formulés pour des élevages non conventionnels (label, biologique…) dont les impacts environnementaux par kg de poids vif sont connus pour être plus élevés. La réussite d’une stratégie de réduction des impacts environnementaux passe par une valorisation du surcoût induit auprès des consommateurs et des autres maillons de la filière. Le projet ECOALIM fournit les données et méthodes nécessaires à sa mise en œuvre pour les différentes filières animales. Les ultimes résultats du projet éclairent aussi la nécessaire prise en compte des interactions entre filières pour appliquer la formulation d’éco-aliments sur un territoire donné.
Les auteurs remercient Aurélie Tailleur (Arvalis) et Sylvie Dauguet (Terres Inovia) ainsi que Sarah Willmann (Arvalis), Morgane Magnin (INRA), et Marie Laustriat (Terres Inovia) pour leur aide à la conception et la mise au point des inventaires, Paul Ponchant (ITAVI) pour son aide dans la validation des données, Sarah Laisse-Redoux (Institut de l’élevage) et Cyrille Nzally (INRA) pour leur aide dans la mise au point de la formulation multi-objectif, et les firmes de nutrition animale qui ont partagé leurs données. Les auteurs remercient également le Casdar (CASDAR partenariat et innovation-2012) et l’ADEME (ADEME REACCTIF-2012, 1260C0061) pour le financement du projet ECOALIM.